Le collectif Droit de rester dénonce l’arbitraire dans le traitement cantonal des dossiers des requérants. Et craint un effet Vol spécial , qui pousserait les autorités à multiplier les expulsions.
Fatmir K. (42 ans) figure sur une liste de 37 personnes qui répondent aux critères de l’article 14 de la loi sur l’asile (LAsi), permettant normalement la régularisation de leur situation. Soit une présence en Suisse depuis au moins cinq ans, un lieu de séjour toujours connu des autorités et une intégration «poussée». Pourtant, un seul de ces requérants signalés en juin 2011 par le collectif Droit de rester au conseiller d’Etat en charge de l’asile, Philippe Leuba, a obtenu un permis de séjour depuis.
Ce cas avait-il un meilleur dossier que les autres? «Non, répond Sabine Masson, membre du collectif. Cette décision est complètement arbitraire, comme souvent.» Le collectif accuse le Service de la population (SPOP) de mettre tout le monde dans le même panier. «Certains requérants déboutés ont reçu des courriers types où même le nom n’avait pas été modifié», s’indigne Graziella de Coulon, autre membre du collectif.
Fatmir K. veut encore croire qu’il ne retournera pas en Albanie, qu’il a fuie il y a quinze ans. Il y était agent de police. «Nous étions utilisés comme de la chair à canon, se souvient-il. La Suisse reconnaissait l’urgence d’accueillir les Albanais en 1996.» Depuis 2008, il a pour seul papier d’identité la «feuille blanche» qui indique qu’il touche l’aide d’urgence. Il est l’un des quatorze requérants vaudois que Droit de rester a réussi à faire libérer de Frambois à la suite de la mort d’un Nigérian lors de son renvoi et de la suspension des vols spéciaux. Preuve que l’action civile peut faire bouger les choses, insiste Graziella de Coulon. Aujourd’hui, il est à nouveau menacé d’expulsion par le SPOP.
Y aurait-il un «effet Vol spécial » qui inciterait les autorités à resserrer la vis, s’interroge le collectif? «Le film de Fernand Melgar n’a eu aucun effet sur la pratique du canton, insiste Philippe Leuba. Priorité est toujours donnée au renvoi de requérants possédant un casier judiciaire.» Or Fatmir K. en a bien un. En 2003, il était contrôlé en possession d’un faux billet de 200 francs que lui avait remis une connaissance. Pour ce délit, il avait écopé de 10 jours avec sursis et de 1500 francs d’amende. Assez pour être indésirable? «L’infraction est mise en rapport avec les efforts d’intégration, qui l’emporteront toujours en cas de délit mineur», pondère Philippe Leuba.
«Fatmir K. a toujours travaillé, notamment comme traducteur pour l’EVAM, jouant lui-même un rôle intégratif. Tous ses liens sociaux sont aujourd’hui en Suisse. Je crois que l’on peut parler d’intégration poussée», conclut Sabine Masson.
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