lundi 26 septembre 2011

Fédérales 2011: l'UDC exige un tour de vis sur l'asile

A deux jours de la session extraordinaire du National sur l'asile, l'UDC a répété lundi son credo et exigé un tour de vis. Le parti accuse Eveline Widmer-Schlumpf et Simonetta Sommaruga de n'avoir rien fait contre le "chaos qui s'est installé".

Les mesures annoncées par la ministre de justice et police vendredi sont qualifiées d'invitation aux migrants à utiliser l'asile pour s'installer en Suisse. La seule mesure concrète prise par Mme Sommaruga fut le départ du directeur de l'Office fédéral des migrations, a déclaré le conseiller national Yvan Perrin (NE). Mme Widmer-Schlumpf en prend aussi pour son grade: "les seules expulsions prononcées l'ont été au détriment de ses propres collaborateurs". Et le parti de vanter le travail accompli par Christoph Blocher, sous l'ère duquel les demandes d'asile ont reculé.

Exigences

L'UDC veut résilier les accords de Schengen et Dublin. En attendant, elle demande au Conseil fédéral de faire pression pour que l'agence européenne Frontex surveille la côte nord-africaine et ramène les bateaux de migrants à leur port de départ. A défaut, la Suisse devra renforcer ses contrôles à la frontière, voire y engager l'armée. Le parti réclame aussi la suppression du droit au regroupement familial pour les personnes admises provisoirement et les réfugiés qui pourraient s'enfuir. Les demandes d'asile des plus de 8000 objecteurs de conscience érythréens devraient être traitées en urgence. Le cas des personnes admises provisoirement doit être revu et des renvois ordonnés.

L'UDC exige une application stricte de la loi. La révision actuelle doit serrer la vis notamment en empêchant les demandes multiples et les demandes de reconsidération. Le Conseil fédéral est en outre appelé à conclure des accords de réadmission avec toute une série de pays africains et asiatiques. Outre une accélération des procédures et une limitation des recours, l'UDC propose de ne plus entrer en matière sur les requêtes des personnes ayant bénéficié d'une aide au retour.

ATS

Une loi chère, inutile, inique

Jeudi dernier à Strasbourg, des représentants d’une soixantaine de municipalités ont partagé réflexions et expériences sur des solutions d’intégration des Roms, à l’initiative du Conseil de l’Europe. Genève n’y était pas représenté et c’est fort regrettable.

Confronté depuis des années à la mendicité de cette population nomade, miséreuse et discriminée, le canton a répondu à cette pauvreté importée par sa criminalisation. Brandir le bâton a certes fonctionné électoralement pour certains élus et partis. Mais l’interdiction de la mendicité et les milliers d’amendes envoyées en recommandé en Roumanie n’y ont rien fait. Pas plus que les inlassables destructions de campements sauvages estivaux, aussitôt éliminés, aussitôt réinvestis. Les mendiants continuent de mendier.
On a à présent une idée du coût exorbitant de cette répression: plus de 3 millions de francs sur la période examinée de dix-huit mois, selon le gouvernement, qui ne compte pas le travail de la police municipale et réduit l’ampleur des frais de justice. Mesemrom parle plutôt de 20 millions!
Enfermé dans la logique de criminalisation, le porte-parole d’Isabel Rochat, conseillère d’Etat chargée de la police, n’y voit aucun problème, puisque, par analogie, arrêter un assassin n’est pas censé remplir les caisses de l’Etat.
Comparer un mendiant à un tueur est pour le moins malvenu. Surtout de la part du porte-voix d’une magistrate qui veut voir en Genève un coupe-gorge. Dans cette perspective, on comprend encore moins pourquoi la police perd son temps et l’argent du contribuable à harceler des mendiants inoffensifs. Il serait temps de fixer des priorités intelligentes en matière de sécurité. Cela éviterait peut-être de devoir promettre – en l’air – l’engagement immédiat de trois cents policiers...
La loi contre la mendicité est vieille de plus de trois ans et demi. Elle a prouvé durant tout ce temps son inutilité, mais surtout le cynisme des élus et des autorités, plus prompts à satisfaire les réflexes de rejet qu’à répondre au dénuement d’une population ostracisée chez elle. En Europe, les Roms sont 10 à 12 millions à vivre dans des conditions dignes du tiers-monde.
A Genève, ils dorment à deux pas de chez vous, sous un pont ou derrière une balustrade. Plutôt que d’ouvrir un abri, la police et la voirie les chassent régulièrement, le temps d’une nuit sans couvertures. Ça ne résout rien, mais cela donne l’impression qu’on agit.
L’aurait-elle voulu, Isabel Rochat ne pouvait se rendre à Strasbourg jeudi. Ce jour-là, elle parlait tolérance zéro avec son nouvel ami Rudy Giuliani.

Edito de Rachad Armanios dans le Courrier

La loi anti-mendicité tient de l’usine à gaz inefficace

Le Conseil d’Etat a calculé que l’interdiction de la mendicité a coûté trois millions de francs sur dix-huit mois. Des chiffres qui interpellent les opposants à cette loi.

Amender les mendiants! En janvier 2008, le Grand Conseil avait modifié la loi pénale genevoise et permis à la police de poursuivre et, le cas échéant, d’amender les mendiants. Une loi s’adressant dans les faits aux Roms, à la suite d’un prétendu afflux de ressortissants roumains appartenant à cette ethnie. En réalité, un problème causé par une communauté nomade dont le chiffre oscille entre cinquante et deux cents personnes.
Plus de trois ans et demi après, l’échec annoncé par les détracteurs de cette législation semble bien se confirmer puisque, malgré un coût pour l’Etat très élevé, les amendes semblent peu dissuasives. En juin, la députée verte Anne Mahrer avait déposé une interpellation urgente écrite pour s’enquérir des coûts engendrés par la répression de la mendicité ainsi que de son efficience.
La réponse du Conseil d’Etat, datée du 31 août et révélée par Léman Bleu, donne des éléments intéressants sur ce dernier élément. A savoir que cette loi a généré des coûts considérables, évalués à plus de 3 millions de francs entre décembre 2009 et juin 2011, alors que les amendes n’ont rapporté que 35 000 francs aux caisses de l’Etat. Ces dépenses se ventilent entre le coût des recommandés, celui des arrestations ou encore les frais engendrés par les procédures judiciaires en cas d’opposition. Pour ces dernières, ce sont ainsi 1,8 million de francs qui ont été dépensés, selon les évaluations du Conseil d’Etat.

Chiffres sous-évalués
Ce chiffre est sous-évalué, rétorque Dina Bazarbachi, présidente de Mesemrom, association de défense de la communauté Rom. Et de relever que cette évaluation ne porte que sur quelque mille amendes contestées. «Or, sur les treize mille contraventions délivrées à des mendiants, j’en ai contesté dix mille», relève-t-elle, «on est donc plus proche des 20 millions si on veut suivre la règle de trois utilisée par le Conseil d’Etat.»
En l’occurrence, relève-t-elle, seuls six cas ont effectivement été traités par la justice. Dans trois cas, les juges ont acquitté les amendés, «tant les libellés de ces amendes étaient fantaisistes», et dans trois autres cas, l’amende a été substantiellement réduite car il convient de tenir compte de la situation de la personne amendée. «Et j’ai bien entendu fait recours dans ces trois dernières affaires.»

«Inutile, inefficace, inique»
Lors du vote du projet de loi, Mathilde Captyn, députée verte, s’était fendue d’un rapport de minorité en pointant l’inutilité de cette législation. Elle estime qu’aujourd’hui, la preuve par l’acte est faite. «On ne règle pas un problème – l’extrême dénuement d’une communauté ostracisée depuis des siècles – par une loi liberticide et électoraliste.»
Du côté du canton, pas question de changer son fusil d’épaule. Laurent Paoliello, porte-parole d’Isabel Rochat, conseillère d’Etat en charge de la police, estime que le rapport qualité-coût est un faux problème. «C’est comme si on disait qu’attraper un assassin coûte cher et ne rapporte rien.» Et d’annoncer qu’en l’état il n’y aura pas de changement de politique en la matière. «Cette loi a été voulue par le législateur, nous nous devons de l’appliquer.» Il invite les députés critiques à proposer un changement de la loi. Ce qui, au vu du rapport de force actuel au Grand Conseil, n’a évidemment aucune chance d’aboutir.

Changement de cap
Du côté des détracteurs de la loi, on estime au contraire qu’un changement de cap s’impose. Dina Bazarbachi juge plus urgent de financer des programmes d’intégration en Roumanie et de garantir un accueil digne de ce nom en Suisse. Par exemple en ouvrant un abri de la protection civile durant toute l’année. Mathilde Captyn prônerait même la mise à disposition d’infrastructures pour les populations nomades.
Mme Bazarbachi espère aussi un progrès pour les Roms une fois que les travailleurs roumains ne seront plus soumis à des quotas à partir de 2013, date d’entrée en vigueur de l’extension des bilatérales. Ainsi, ces dernières années, les vendanges avaient offert du travail temporaire aux Roms. «Maintenant, la police amende les viticulteurs qui emploieraient ces gens car c’est forcément du travail au noir, résultat, on les renvoie sur le trottoir en les obligeant à mendier.» Le même problème se rencontre dans l’économie domestique où la possibilité de faire des ménages est restreinte.

Philippe Bach dans le Courrier

samedi 24 septembre 2011

Simonetta Sommaruga, l’icône des procédures d’asile accélérées

La ministre veut un système d’asile crédible, avec un traitement plus rapide des demandes. Avant un projet de refonte totale du système, elle présente au parlement quatre premières mesures, applicables rapidement. Dont l’introduction de contrôles médicaux dans les centres d’enregistrement.

Simonetta Sommaruga est en passe de devenir la ministre socialiste qui aura rendu les procédures d’asile plus expéditives. Et elle l’assume. Elle l’a répété vendredi: pour avoir un système d’asile «crédible», la durée moyenne du traitement d’une demande devrait passer des 1400 jours à 120. C’est aussi au nom de la crédibilité qu’elle ne pense pas supprimer les vols spéciaux controversés, ultime moyen pour expulser de force des requérants déboutés récalcitrants. Mais la conseillère fédérale agit aussi sous la contrainte. Et c’est sous la pression d’une commission des Etats qu’elle s’attelle à une réforme complète du système. La ministre a présenté vendredi quatre premières mesures réalisables à court terme «pour renforcer l’efficacité des procédures d’asile et les accélérer». Mais l’ensemble de la réforme, ambitieuse, sera présenté d’ici à fin 2012 et prendra cinq à six ans pour être mis en œuvre. Car il s’agit d’une refonte totale du système. Au moins 80% des demandes d’asile devraient à l’avenir être prises en charge par la Confédération, dans des centres d’enregistrement fédéraux dont les capacités passeront de 1200 à 3000 places.

Les quatre mesures soumises au parlement sont les suivantes: l’instauration d’une «phase préparatoire» précédant la procédure d’asile, des «investigations d’ordre médical» dans les centres d’enregistrement, un renforcement ponctuel de la protection juridique et, enfin, la promesse d’un échange d’informations régulier entre le Département de justice et police et le Tribunal administratif fédéral. Tout cela a un coût. Ils sont évalués à 67 millions de francs les premières années, chiffre qui devrait se résorber au bout de 7 ans grâce aux économies engendrées.

Simonetta Sommaruga a rappelé que la phase préparatoire, qui n’excédera pas trois semaines, doit permettre de réunir les documents et de procéder aux clarifications nécessaires avant la première audition. Les «cas Dublin» (requérants qui ont déjà déposé une demande dans un pays européen, ndlr) sont surtout visés. Cette phase permettra d’adresser rapidement les demandes de prise en charge au pays concerné. La ministre a précisé que le traitement des «cas Dublin» est déjà passé de 120 à 80 jours et que le but est de ne plus les attribuer aux cantons, comme revendiqué par ces derniers. De son côté, la réintroduction des contrôles médicaux à l’arrivée – Christoph Blocher les avait supprimés – vise à éviter que des problèmes de santé ne soient déclarés plus tard, par exemple lors de recours. Mais la ministre a été claire: si de vrais problèmes surviennent après, ils pourront quand même être pris en compte. «Nous ne renverrons jamais une personne avec une maladie grave dans un pays où elle ne pourra pas être traitée correctement», a-t-elle ajouté.

Les critiques n’ont pas tardé à fuser; la ministre s’y attendait. Le PLR a ouvert le feu, l’accusant, dans un communiqué, de compliquer les procédures au lieu de les accélérer. Et juge qu’il faudrait appliquer les lois existantes plutôt que de proposer de nouvelles modifications. Même ton du côté de l’UDC, qui ne croit pas à l’efficacité des mesures et présentera ses propres thèses sur le sujet lundi. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés se dit aussi «très déçue», alors que des défenseurs du droit d’asile réclament la tête de son secrétaire général, Beat Meiner, jugé trop favorable aux réformes de Simonetta Sommaruga.

Valérie de Graffenried dans le Temps

Simonetta Sommaruga veut accélérer les procédures d'asile

TSRinfo

Simonetta Sommaruga subit les foudres de la droite

Les mesures à court terme destinées à accélérer la procédure contestées. Il ne suffit pas de s'entendre sur le constat. Tout le monde admet que la durée moyenne de la procédure d'asile est trop longue, mais il n'y a pas de consensus sur les mesures permettant d'accélérer le tempo.

A peine la cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP), Simonetta Sommaruga, a-t-elle présenté hier les mesures à court terme censées constituer un premier pas que le projet vacille déjà sur ses bases. Bien que les oeuvres d'entraide émettent des réserves, l'opposition la plus virulente émane de la droite. Tant le parti libéral radical (PLR) que l'UDC estiment que l'accélération souhaitée peut être réalisée sans modification législative.

Actuellement, les procédures d'asile durent 413 jours en moyenne, voire 756 jours en cas de recours et 1400 jours jusqu'à l'exécution du renvoi. Une révision de la loi sur l'asile présentée l'an dernier devrait permettre de boucler la procédure en 120 jours. La commission préparatoire du Conseil des Etats a cependant décidé de scinder le projet en deux pour créer les bases légales permettant de traiter le plus grand nombre de cas possibles dans les centres fédéraux. Cela correspond à une demande des cantons qui veulent être déchargés de l'accueil des requérants.

Les mesures à long terme seront soumises à consultation fin 2012 et leur mise en oeuvre prendra cinq ou six ans. Simonetta Sommaruga imagine la création de dix à douze centres fédéraux d'environ 500 places chacun. Elle s'inspire de l'exemple de la Norvège, de la Hollande et de la Grande-Bretagne.

Les mesures à court terme adoptées hier par le Conseil fédéral seront examinées par le Parlement dès la session d'hiver. Il s'agit notamment d'introduire une phase préparatoire d'au maximum trois semaines permettant de distinguer les "cas Dublin" qui peuvent être renvoyés dans le pays de premier asile. C'est souvent l'Italie. Simonetta Sommuraga a rencontré la semaine passée son homologue transalpin pour tenter de renforcer la collaboration entre les deux pays.

Les requérants disposeront d'une meilleure assistance juridique dans la procédure de recours. Selon le DFJP, cela entraînera une amélioration de la qualité des documents et, partant, une accélération de la procédure. Par ailleurs, les demandeurs d'asile seront tenus de faire valoir immédiatement toute atteinte à leur santé en lien avec la procédure. Des examens médicaux seront menés dans les centres d'enregistrement. En dépit des garanties données par Simonetta Sommaruga, l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (Osar) craint déjà que les vrais réfugiés ne pâtissent de cette nouvelle règle. Selon elle, les personnes traumatisées ne sont pas toujours en état d'exposer immédiatement leurs problèmes de santé.

La socialiste bernoise voit dans ces différentes mesures un premier pas dont il ne faut pas attendre de miracle, mais l'UDC affirme déjà qu'elles ne permettront pas d'accélérer la procédure. "Elles auront pour seul effet de faire enfler davantage l'industrie de l'asile", écrit le parti dans un communiqué. Le PLR est tout aussi critique. Il estime qu'il suffirait d'appliquer le droit existant pour obtenir des résultats. L'opposition conjointe des deux partis est de nature à faire capoter le projet, mais on ne peut pas tirer de conclusions trop hâtives sachant qu'il sera traité par le Parlement après les élections.

Christiane Imsand dans le Nouvelliste

vendredi 23 septembre 2011

Le Conseil fédéral adopte le message complémentaire à la révision en cours de la loi sur l’asile

Aujourd’hui, le Conseil fédéral a adopté le message complémentaire à la révision en cours de la loi sur l’asile. Les mesures qu’il contient, réalisables à court terme, doivent permettre de renforcer l’efficacité des procédures et, ponctuellement, de les accélérer.

En adoptant le message complémentaire à la révision en cours de la loi sur l’asile (LAsi), le Conseil fédéral ajoute de nouveaux éléments au message sur la modification de la LAsi, qu’il a transmis au Parlement au mois de mai 2010.
Ce message complémentaire comprend quatre nouvelles modifications :

  • l’instauration d’une phase préparatoire précédant la procédure d’asile proprement dite ;
  • des investigations d’ordre médical dans les centres d’enregistrement et de procédure (CEP) actuels en cas d’atteintes à la santé déterminantes pour la procédure ;
  • un renforcement ponctuel de la protection juridique destiné à améliorer la qualité des mémoires de recours présentés par les requérants d’asile ;
  • un échange d’informations régulier entre le Département fédéral de justice et police (DFJP) et le Tribunal administratif fédéral (TAF) dans le but de simplifier et d’harmoniser les processus administratifs.

Les mesures en détail

A l’avenir, une phase préparatoire devra permettre de procéder à toutes les clarifications préliminaires requises pour pouvoir traiter une demande d’asile et de réunir tous les documents nécessaires à la procédure. Elle favorisera ainsi une exécution plus rapide des procédures. Par exemple, les demandes de prise en charge d’un requérant devront être adressées dès cette phase préparatoire à l’Etat Dublin responsable. Ce procédé vise à ce que les décisions Dublin puissent, en général, être rendues et exécutées dans les CEP, évitant ainsi, dans la mesure du possible, une attribution aux cantons. Il répond à un souhait formulé de longue date par les cantons.

Les requérants souffrant de problèmes de santé déterminants pour la procédure doivent pouvoir se faire examiner gratuitement dans les CEP par des professionnels de la santé mandatés par la Confédération. Si les atteintes à la santé déterminantes pour la procédure qui sont invoquées ultérieurement continueront d’être prises en compte, le requérant doit pouvoir apporter la preuve de leur existence.

Par ailleurs, le Conseil fédéral propose de renforcer ponctuellement la protection juridique dans la procédure de recours. Ainsi, lorsque le requérant est indigent et que son recours ne semble pas d’emblée voué à l’échec, il devra pouvoir bénéficier d’une représentation juridique gratuite. Il y a donc lieu de renoncer à la condition supplémentaire de la nécessité d’une représentation juridique requise à l’heure actuelle. De plus, outre les avocats, les personnes qui disposent d’un diplôme universitaire en droit pourront également assurer l’assistance judiciaire d’office dans toutes les procédures de recours. Ces mesures entraîneront une amélioration de la qualité des mémoires de recours et, partant, une accélération des procédures.

L’échange d’informations prévu entre l’Office fédéral des migrations et le TAF doit leur permettre de chercher ensemble des moyens d’accélérer les procédures de recours sans nuire à l’indépendance des juges.

Restructuration globale du domaine de l’asile : des propositions d’ici à fin 2012

Les mesures adoptées par le biais du message complémentaire vont apporter des améliorations ponctuelles et permettre d’accélérer les procédures d’asile. Cependant, si l’on veut obtenir une réduction radicale de la durée des procédures, une restructuration globale du domaine de l’asile s’impose. Le DFJP y travaille et prépare un projet pour fin 2012, qui sera mis en consultation. Le Conseil fédéral estime que la refonte totale du domaine de l’asile pourra être mise en œuvre dans les cinq à six ans.

Communiqué du Département fédéral de justice et police

mercredi 21 septembre 2011

Eric Voruz perd espoir pour Massud, qui s’entête

massud shafiq Le conseiller national ne croit plus à un moratoire pour le requérant irakien débouté après plusieurs années de bons services à La Côte. Celui-ci refuse de partir de son plein gré.

Si l’histoire de Massud Shafiq avait suscité de l’émotion chez les internautes commentant ses déboires sur www.24heures.ch, il n’en a pas été de même au sein de l’Office fédéral des migrations (ODM). Par deux fois, celui-ci a refusé de réviser ou de suspendre la mesure de renvoi signifiée au requérant irakien. La première réponse de l’ODM n’a pas convenu à Eric Voruz, qui était intervenu en sa faveur. «J’ai réécrit pour signaler que l’Irak n’est pas un pays si calme, raconte le socialiste morgien. L’ODM a confirmé son refus de réviser sa décision.» Même les démarches auprès du conseiller personnel de Simonetta Sommaruga sont restées vaines. «La conseillère fédérale dit ne pas vouloir empiéter sur le pouvoir judiciaire», relate le parlementaire. En effet, c’est un recours rejeté par le Tribunal administratif qui a valu à Massud Shafiq son avis de renvoi. Eric Voruz entend néanmoins déposer deux motions durant cette session, dont une prenant ce cas comme exemple. Il souhaite modifier la loi sur l’asile en précisant que, lorsqu’une demande est rejetée, le droit de travailler s’éteint à l’expiration du délai fixé pour quitter le pays, mais en respectant les délais de congé fixés par le Code des obligations ou par convention collective, sans quoi l’Etat doit dédommager celui qui perd son emploi.

Rappelons que le jeune Irakien avait travaillé quatre ans et demi dans l’agriculture et en cuisine dans un EMS de La Côte. Il avait remboursé les frais engagés pour lui à son entrée en Suisse et réussi à gagner son indépendance financière (logement, assurance-maladie, impôts et téléphone portable). Depuis le 13 juillet, il n’a plus le droit de travailler. Massud Shafiq s’est vu notifier sa sortie de l’appartement nyonnais de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants pour dans un mois. Il devra alors se rendre à Orbe, où l’attend une place dans un dortoir. «Ils me proposent aussi une aide au retour, mais ce n’est pas l’argent qui m’a amené en Suisse. Je ne partirai pas de mon plein gré», promet l’Irakien.

24 Heures

La polémique à propos de «Vol spécial» a boosté le débat

Taxé de «fasciste» par le producteur Paulo Branco, le film de Fernand Melgar, «Vol spécial, sort aujourd’hui en salles.

fernand melgar sortie vol spécial

«Un film fasciste!» Un mois et demi après l’agression verbale qu’il a subie à Locarno de la part de Paulo Branco, président du jury international du festival, au jour même du palmarès où d’aucuns voyaient le Vaudois prendre la première place, Fernand Melgar affiche la plus belle sérénité. La forteresse, son précédent film, a obtenu le Léopard d’or 2008. Vol spécial sort en salles aujourd’hui. Les commentaires du réalisateur.

Quel bilan tirez-vous de la polémique lancée par Paulo Branco?

Avec le recul, je vois surtout les effets positifs et constructifs de tout le battage médiatique qu’a suscité son dérapage verbal. Je constate que la controverse, relayée par les grands médias européens, avec des pleines pages dans El País, Die Zeit, Le Monde diplomatique et Libération, notamment, a fait plus pour le film, en élargissant le débat, qu’un Léopard d’or qui aurait passé pour une caution à la bonne conscience. Qui plus est, cette «publicité» m’a permis de trouver un distributeur pour la France!

Avez-vous pu vous expliquer avec votre «agresseur»?

Pas au-delà de nos «échanges» dans les colonnes de Libé. Comme il campait sur ses positions, je ne voyais pas l’intérêt d’une explication face à face. Et puis, ce que j’ai appris sur la désinvolture avec laquelle il a «vu» le film, s’absentant à tout moment de la salle de projection, et l’interdiction qu’il a faite aux jurés d’entrer en matière sur Vol spécial lors des délibérations (ce que m’a rapporté un membre du jury désirant garder l’anonymat) m’a fait douter d’avance de sa bonne foi. Finalement, il s’est plutôt ridiculisé en insistant.

Quelles réactions politiques le film a-t-il déjà suscitées?

A part celle de Micheline Calmy-Rey, qui a relevé le fait que les conditions des vols spéciaux dérogeaient parfois aux droits humains, il y a eu celle de la conseillère d’Etat genevoise Isabel Rochat. Choquée par le film, elle a proposé que celui-ci soit montré à l’ensemble du Grand Conseil genevois.

Pouvez-vous évoquer les «suites» humaines des vols spéciaux qui ont impliqué des résidents de Frambois?

Après le tournage, nous nous sommes rendus en Afrique, notamment au Cameroun, et au Kosovo. Nous allons réaliser un «webdocu», un documentaire qui sera disponible sur notre site. Cette nouvelle pratique, en plein développement sur Internet, correspond tout à fait à notre intention de prolonger l’exposé des faits au-delà du film. Le premier parlera notamment de Geordry, le Camerounais rapatrié de force et torturé durant cinq mois du seul fait d’avoir demandé l’asile en Suisse.

Jean-Louis Kuffer dans la Tribune de Genève

L’éligibilité des étrangers crispe la Constituante

L’avant-projet de nouvelle Constitution genevoise n’accorde pour l’heure formellement aucun élargissement des droits politiques aux étrangers, en sus du droit de vote communal acquis en 2005 en votation populaire. L’octroi de l’éligibilité au niveau communal après huit ans de résidence en Suisse n’est pas passé à la trappe hier, mais il a été placé par la majorité de droite de l’Assemblée constituante dans une disposition transitoire.

L’avant-projet de nouvelle Constitution genevoise n’accorde pour l’heure formellement aucun élargissement des droits politiques aux étrangers, en sus du droit de vote communal acquis en 2005 en votation populaire. L’octroi de l’éligibilité au niveau communal après huit ans de résidence en Suisse n’est pas passé à la trappe hier, mais il a été placé par la majorité de droite de l’Assemblée constituante dans une disposition transitoire. Résultat: ce serait au Conseil d’Etat de soumettre la question à la population, deux ans au plus tard après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution.

La Constituante n’est décidément pas avare en coups de théâtre. Les débats en commission, les votes en séance plénière, tout laissait accroire que l’inscription du droit d’éligibilité dans le projet disposait d’une solide majorité. Pour la gauche et les associations, c’était le strict minimum: «C’est sur les droits politiques au niveau cantonal que le vrai débat devait avoir lieu», a déploré Florian Irminger (Verts et Associatifs). Mais hier ces élus ont dû déchanter. C’est dans leur dos que des groupes de droite ont négocié un accord inspiré par un amendement de la démocrate-chrétienne Béatrice Gisiger.

«L’immobilisme qui nous est proposé n’est pas un progrès», a lancé très irrité Yves Lador (groupe Associations). Réponse un peu plus tard de Murat Alder (Radical ouverture): «Nous sommes parfois amenés à faire des compromis avec nos rêves. C’est douloureux, mais c’est réaliste.»

Recul ou avancée?

La situation est en réalité passablement ambiguë. «Le PDC n’a absolument pas changé de position et pense qu’il est temps d’accorder le droit d’éligibilité au niveau communal, a assuré ainsi Béatrice Gisiger pour son groupe. Mais je vous encourage à aller par petits pas.» «Et moi, je suis stupéfait qu’un amendement de dernière minute vienne remettre en cause la seule petite avancée acquise», lui a rétorqué Maurice Gardiol (Socialiste pluraliste).

De son côté, Pierre Kunz (Radical ouverture) a expliqué que c’est pour ne pas mettre en danger l’entier du projet de Constitution qu’il fallait extraire l’éligibilité des étrangers: «Notre mission est de présenter au peuple un projet qu’une majorité puisse accepter», a-t-il conclu. Michel Ducommun (solidaritéS) rejette le procédé: «On pourrait aussi bien abandonner l’entier de nos responsabilités et sortir tous les sujets qui fâchent de la même manière», a-t-il ironisé.

Non, mais oui…

Lionel Halpérin (Libéraux & Indépendants) a joué franc jeu en annonçant qu’il était opposé à l’octroi de ce droit aux étrangers, préférant la voie de la naturalisation. Ce qui ne l’a pas empêché, ainsi que son groupe, d’approuver la disposition transitoire. Pour Michel Barde (G[e]’avance) «c’est un bon compromis car elle permet d’apaiser les esprits».

Il y a donc des oui, des oui mais et des non mais dans la majorité qui s’est imposée (33 oui, 23 non et 19 abstentions). Mais c’est du côté des opposants purs et durs (en premier lieu l’UDC, ensuite le MCG) qu’il faut aller chercher une bonne part de l’explication du vote d’hier. L’UDC a toujours affirmé qu’elle ne soutiendrait pas le projet de Constitution si les étrangers se voyaient accorder de nouveaux droits politiques. La disposition transitoire permet d’éviter le clash. En tout cas momentanément.

Un vote qui n’est pas définitif

Car, il faut le rappeler, l’option prise hier n’est pas définitive. «L’objectif est d’aller jusqu’au bout de la première lecture de l’avant-projet, admettait Béatrice Gisiger après le vote. Ensuite il faudra négocier avec la gauche. Nous verrons en janvier, lors de la deuxième lecture, si l’éligibilité peut être réintégrée dans le projet de base.»

On n’est donc pas forcément au bout de nos surprises. Hier, les groupes de droite se sont retrouvés entre eux sur un compromis. Demain, un autre compromis, incluant certains groupes de gauche, pourrait s’imposer. Peut-être…

Eric Budry dans la Tribune de Genève

Berne et Rome veulent renforcer la collaboration sur les migrations

La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et le ministre italien de l'intérieur Roberto Maroni ont décidé de renforcer la collaboration italo-suisse dans le domaine des migrations. Berne va envoyer une "personne de contact" à Rome.

L'Italie est le principal partenaire de Berne dans l'application de l'accord de Dublin, qui détermine quel est l'État responsable pour le traitement d'une demande d'asile, rappelle le Département fédéral de justice et police (DFJP) dans un communiqué. Dans ce cadre, la Suisse remet environ six fois plus de personnes à l'Italie qu'elle n'en reprend des autorités italiennes. "Si la collaboration fonctionne bien dans l'ensemble, elle peut encore être améliorée dans certains domaines", souligne le DFJP, qui cite en exemple le cas de personnes qui, après avoir été renvoyées en Italie, reviennent rapidement en Suisse pour y déposer une nouvelle demande d'asile. Des cas qui "posent problème", selon Berne. Selon le communiqué, "le problème réside essentiellement dans le fait que ces personnes ne sont pas renvoyées dans leurs pays de provenance". Pour palier cette situation, les deux ministres sont convenus de renforcer la coopération entre leurs deux pays en matière de migrations, dans un cadre bilatéral - avec l'envoi d'une personne de contact par la Suisse à Rome - , mais aussi dans le cadre du système Dublin.

Critiques

De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l'attitude de l'Italie dans le domaine de l'asile. Cet été, les cantons ont critiqué la lenteur des procédures pour le renvoi des "cas Dublin" vers la Péninsule. Et le Parti libéral-radical (PLR) a accusé Rome de distribuer des visas Schengen-Dublin à des réfugiés économiques qui ne disposent pas du droit d'asile en Suisse. De par sa position géographique, l'Italie est l'un des premiers pays de destination en Europe des requérants d'asile et des migrants en provenance d'Afrique. Selon des chiffres officiels, l'Italie avait recensé à la fin juillet 24'769 immigrants arrivés de Tunisie, auxquels s'ajoutaient 23'267 réfugiés originaires d'Afrique sud-saharienne venus de Libye.

ATS et la Tribune de Genève

Collaboration Suisse – Italie renforcée

teletext

mardi 20 septembre 2011

Une loi qui coûte cher

Plus de trois millions de francs: le règlement genevois sur la mendicité coûte cent fois plus à l’Etat qu’il ne lui rapporte. Les associations de soutien aux Roms n’en veulent plus.

mendiante contrôle

En cet hiver 2008, la droite genevoise pose le constat suivant: les mendiants tapent sur le système de tout le monde au bout du lac, il est grand temps de prendre des mesures pour encourager ces Roms à aller voir ailleurs. C’est ainsi qu’apparaît une loi contre la mendicité.
Trois ans plus tard, non seulement les Roms n’ont pas déserté les rues de la cité, mais l’Etat a, au passage, perdu plus de trois millions de francs, a révélé lundi la télévision locale Léman Bleu.
«Appliquer une loi a forcément un coût», souligne Laurent Paoliello, porte-parole du Département de la sécurité, de la police et de l’environnement à Genève qui ajoute que son dicastère s’active à faire appliquer la législation. Et quel coût! En comptant le travail fourni par les gendarmes pour établir les PV, les procédures administratives prises en charge par le service des contraventions, ainsi que le coût d’une procédure devant le Tribunal de police, la facture de la loi contre la mendicité dépasse l’entendement. «En réalité, ce chiffre de 3 millions devrait même avoisiner les 20 millions, estime Dina Bazarbachi, avocate de l’association de défense des Roms Mesemrom. Ce calcul ne prend en effet pas en compte la totalité des oppositions faites aux amendes.»

Petite rentrée d’argent
Avec un tel investissement de l’Etat – donc des contribuables –, on pourrait s’attendre à ce que le citoyen genevois y gagne quelque chose. C’est le cas… ou presque: en trois ans, les caisses du canton ont enflé de 35 000 francs grâce à l’argent payé ou saisi suite aux contraventions antimendicité.

L’avis des législateurs
C’est Anne Mahrer, député Verte au Grand Conseil genevois qui a interpellé le Conseil d’Etat, en juin dernier, pour savoir ce que pouvait bien coûter la loi. Une fois la réponse obtenue, cette dernière, déjà convaincue du caractère négatif de la législation, n’en est aujourd’hui que plus déterminée: «cette loi est inopérante et il serait faux de penser qu’elle va pouvoir régler les problèmes que rencontre la population rom». A long terme, la députée genevoise espère voir cette législation «discriminante» disparaître au profit de solutions «positives», encourageant par exemple à mettre fin à la discrimination envers les mendiants.
Même souhait du côté de Mesemrom. Dina Bazarbachi souligne d’ailleurs que diverses associations s’apprêtent à recueillir des signatures pour une pétition allant dans le sens de l’annulation de la loi antimendicité. Pour Christian Lüscher, conseiller national genevois libéral-radical, l’un des instigateurs de la loi, «penser le droit pénal en termes de rentabilité économique n’a pas de sens». Son associé pour l’élaboration du texte contre la mendicité, le député libéral-radical Olivier Jornot, ajoute que «si la population souhaite que l’Etat ne reste pas inactif face à la mendicité, cela engendre forcément une certaine somme». Et de préciser qu’il n’a «jamais entendu pour aucune infraction que l’on se mette à justifier une interdiction en se demandant ce que pourraient rapporter ses amendes».

Winnie Covo dans le Matin

lundi 19 septembre 2011

Simonetta Sommaruga émue par le documentaire de Fernand Melgar

simonetta sommaruga avant-première vol spécial La projection, hier soir, de «Vol spécial», du réalisateur lausannois Fernand Melgar, restera sans doute l’un des moments forts de ce FFFH. Les spectateurs d’un Rex 1 archicomble ont été plongés au cœur du centre de détention administrative de Frambois à Genève, l’un des 28 centres d’expulsion pour sans papiers de Suisse.

Au-delà de la diffusion de ce documentaire largement médiatisé après la polémique du Festival du film de Locarno – le président du jury l’a qualifié de «film fasciste» –, la soirée d’hier a été marquée par le podium de discussion autour de la problématique des renvois forcés qui a suivi la projection. La conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga, à la tête du Département fédéral de justice et police, a en effet vu le documentaire de Fernand Melgar pour la première fois: «Il est difficile de réagir après cette projection. Je suis très émue. Je vous remercie d’avoir donné la voix à ceux qui n’ont pas de lobby pour les défendre. Ce documentaire va permettre de débattre de la thématique et dans ce sens il est très important.»

Le réalisateur a pu ainsi rappeler quel était le sens de sa démarche: «Je fais des films pour questionner mon temps, pas pour donner des réponses.» La conseillère fédérale a aussi tenu à relever que «le personnel des centres de détention administrative faisait un travail difficile et que cette réalité a été filmée avec respect». L’occasion pour Fernand Melgar de rappeler que le centre de Frambois fait figure d’humaniste dans le paysage helvétique. «Dans le Flughafengefängnis de Zurich, les détenus sont enfermés durant 23h/24h. En Appenzell, les Blancs et les Noirs sont séparés. J’aurais voulu filmer jusqu’à l’entravement qui précède le vol, mais l’Office des migrations a refusé, car il est interdit de filmer «des situations humiliantes et dégradantes», m’a-t-on dit. Donc, de fait elles le sont.»

Les solutions de Simonetta Sommaruga
Le public a pu poser ses questions. «J’aimerais que vous respectiez l’être humain» , a lancé cette spectatrice à la ministre socialiste, laquelle n’a pas promis monts et merveilles. Secrétaire général adjoint de l’Instruction publique pour la partie francophone du canton, Guy Lévy a tout d’abord relevé le non-sens de ce qui est vécu à Frambois: «Je n’en veux pas au personnel qui fait de son mieux. Mais quand il souhaite «Bonne chance» ou «Bon voyage» à celui qui va être expulsé, cette situation n’a pas de sens. En tant que conseillère fédérale socialiste, comment peut-on infléchir un discours qui nous amène à la frontière de l’inacceptable?» La ministre lui a répondu: «J’ai le devoir d’appliquer les lois qui ont été votées, mais je souhaite aussi améliorer la procédure d’asile en renforçant la protection juridique des requérants et en la rendant plus rapide. Les vols spéciaux doivent continuer d’exister, car si on ne va pas jusqu’au bout, notre politique d’asile n’est pas crédible. Elle est pleine de dilemmes. Le Parlement m’a demandé de faire un projet de loi qui permette aux sans papiers d’effectuer un apprentissage. Qu’en sera-t-il des parents et de la fratrie du jeune en formation? Pourront-ils rester jusqu’au terme de son CFC?» , s’est interrogée Simonetta Sommaruga. Allant dans le sens de la la professeure de droit Martina Caroni, aussi présente hier soir, la socialiste a estimé qu’il n’y a pas de solution simple aux questions migratoires, «c’est pourquoi il est facile de faire de la politique sur cette question».

Fernand Melgar a toutefois questionné: «Qui a vraiment envie de quitter sa famille, ses amis, Bamako, une des plus belles villes du monde? Les migrants sont poussés par la faim. Et le nouveau joujou des traders, ce sont les matières premières. Leur prix a augmenté entre cinq et dix fois ces dix dernières années à cause de ces délinquants en col blanc.» En guise de conclusion, la cheffe de Justice et police s’est montrée intéressée – «mais je ne veux pas vous dire ce que vous devez faire» – par un documentaire de Fernand Melgar sur les délinquants en col blanc. Histoire d’ouvrir le débat?

Jusqu’à l’expulsion
Avec «Vol spécial», Fernand Melgar porte son regard vers la fin du parcours migratoire. Le cinéaste s’est immergé pendant neuf mois dans le Centre de détention administrative de Frambois à Genève, l’un des 28 centres d’expulsion pour sans papiers en Suisse. Chaque année en Suisse, des milliers d’hommes et de femmes sont emprisonnés sans procès ni condamnation. Pour la seule raison qu’ils résident illégalement sur le territoire, ils peuvent être privés de liberté pendant 24 mois dans l’attente de leur expulsion. On trouve à Frambois des requérants d’asile déboutés ou des clandestins. Certains sont établis en Suisse depuis des années, ont fondé une famille et travaillent. Dans ce huis clos carcéral, le face-à-face entre le personnel et les détenus prend au fil des mois une dimension d’une intensité parfois insoutenable. Jusqu’à l’annonce de l’expulsion.

Vivian Bologna dans le Journal du Jura

« Certains musulmans sont restés cloîtrés chez eux »

Le 22 juillet, il a fallu deux heures aux autorités pour annoncer que le tueur était norvégien. Deux très longues heures pour les musulmans d'Oslo.

« Il y a eu une vague immédiate de racisme, raconte Ellen. J'ai vu des étrangers se faire insulter dans le bus. Les gens pensaient que l'attentat était l'œuvre d'Al-Qaida. » Les musulmans ne s'en sont pas encore remis. Seule touche de bleu dans un quartier terne, la mosquée d'Akebergveien garde désormais les volets baissés. Même aux heures de prière. La porte de l'entrée a été caillassée. Quant aux fidèles, ils détournent les yeux à la moindre question.

Le « champ des dieux »
« Aujourd'hui, cela va un peu mieux, confie pourtant Talaat, un réfugié palestinien de 35 ans. Mais, après l'attentat, certains sont restés cloîtrés chez eux de peur des représailles. » Car en tuant 77 personnes, Anders Breivik voulait dénoncer « l'islamisation rampante ». En trente ans, le taux d'immigrés est passé de 1,7 % à 11,4 %. « Mais nous avons toujours été bien intégrés, poursuit Talaat. Cela doit continuer. Inch Allah ! » Pour s'en convaincre, il faut se rappeler les origines d'Oslo. En vieux norvégien, cela signifie justement « le champ des dieux »

20minutes.fr

dimanche 18 septembre 2011

“Au service des personnes et non de la loi”

 La FEPS (Fédération des églises protestantes de Suisse) a mis en ligne un site sur lequel elle explique son engagement en tant qu’observateur lors des renvois forcés:

4. Quels sont les buts poursuivis par la FEPS à travers sa participation?
L’engagement de la Fédération des Églises vise à garantir un traitement digne et conforme à l’État de droit des personnes appelées à être renvoyées ou expulsées, tout en protégeant l’intégrité physique et morale des policières et policiers concernés. Tant qu’il y aura des renvois, l’État et la société ont le devoir de veiller à ce que ces procédures ne violent pas les principes de la dignité humaine et de l’État de droit. L’instrument de contrôle s’inspire d’une idée très ancienne de la définition des rapports entre l’Église et l’État. Se fondant sur la tradition prophétique de l’Ancien Testament, les protestants estiment que l’Église est investie d’une mission publique et doit exercer une fonction de surveillance prophétique ou politique. Concrètement, et comme l’a formulé le théologien Dietrich Bonhoeffer dans son éthique, il s’agit en l’occurrence de savoir si l’action de l’État « peut être assumée par celui-ci comme une action étatique légitime, c’est-à-dire comme une action créatrice d’ordre et de droit et non de désordre et d’absence de droit » (Éthique).

Extrait de “10 questions -  10 réponses autour de l’observation des renvois forcés” de la FEPS

Face aux caméras, deux jeunes frères kurdes séduisent Yvan Perrin

Pour l’émission «Mégaphone» de la TSR, le vice-président de l’UDC a passé un jour dans la vie d’Eren et d’Ekrem Aktas.

A les voir attablés là à Lausanne, Place du Tunnel, en face d’un kebab frites, on jurerait qu’ils sont entre copains. La rencontre est pourtant plutôt insolite puisqu’il s’agit d’Yvan Perrin, vice-président de l’UDC, et de deux frères kurdes, Eren et Ekrem Aktas, fraîchement naturalisés, jeans troués, scolarité accomplie et des rêves plein la tête.  Et ils parlent, ils parlent, ils parlent. Des minarets, du terrorisme, de la Libye… et de la mode, car Eren et Ekrem, 24 et 23 ans, viennent d’ouvrir une boutique en face du kiosque qu’ils gèrent déjà.

Ce drôle de trio n’est cependant pas là par hasard. Il a été réuni au mois d’août par la TSR pour son émission «Mégaphone». Une première confrontation entre des élus et des citoyens avait été réalisée en juin dernier. Pour ce second épisode, un pas de plus a été franchi dans le concept: quatre parlementaires romands ont d’abord été plongés dans une autre vie, à l’opposé de la leur. Et sous l’œil des caméras.

La socialiste Ada Marra a rencontré un Genevois bien remonté contre l’insécurité. Christian Lüscher a séjourné dans une famille avec trois enfants et aux fins de mois difficiles. Dominique de Buman a vécu le quotidien d’une jeune mère célibataire. Le résultat sera condensé sur huit minutes, que les téléspectateurs découvriront ce mercredi.

Le Japon de Perrin
Yvan Perrin a donc délaissé un jour Les Bolles-du-Temple, son adresse à La Côte-aux-Fées. Un lieu qu’il faut «préserver», dit-il, où la criminalité se résume à quelques jeunes qui viennent parfois chercher des champignons magiques ou à un paysan qui aurait mal attaché ses vaches. Celui qui est appelé là-haut «le fils à Mady», a débarqué à Lausanne avec, sur les épaules, chemise à carreaux aux manches courtes et sac à dos. Il a amené à ses hôtes du jour un sac de fromages du coin. Eren Aktas l’attendait devant sa voiture cabossée. Un peu grinche: il venait de se prendre une bûche pour n’avoir pas respecté un passage pour piétons.

Le choc des civilisations? La TSR avait fort à faire pour tout capter. Pour l’UDC, Eren et Ekrem font partie de ces étrangers qui portent de grandes chaussures noires prêtes à écraser le brave Helvète. Mais c’est pour la caricature. Pour faire peur. Car quand, dans la vraie vie, un vrai UDC rencontre de vrais immigrés, le refrain ne change peut-être pas, mais la tonalité oui. Ceux que l’UDC veut exclure du territoire, ce sont les autres, pas les Eren et les Ekrem qui réussissent dans la vie. Ces autres «sont une minorité», avoue Yvan Perrin sous les assauts d’Eren. «On ne peut pas empêcher la croissance démographique, on ne peut pas mettre des barrières autour de la Suisse. Et puis, ils sont où, vos Polonais?» martèle le jeune homme face à un Perrin qui tente une comparaison avec ce Japon où les gens, serrés, «ne nagent pas dans le bonheur». Et puis les Polonais ne sont peut-être pas là en masse, mais les Allemands, oui!

L’équipe de la TSR jubile. D’ailleurs, le réalisateur ne dit pas «Coupez!» mais «Arrêtez de parler!» Dans la boutique d’Eren et d’Ekrem, il devra même faire recommencer une scène car Yvan Perrin n’a pas attendu que la caméra tourne pour essayer et s’acheter une chemise double col, un modèle qui cartonne! Mais pourquoi n’a-t-il pas choisi la rose?

Magalie Goumaz dans le Matin Dimanche


«Mégaphone», TSR1, mercredi 21/09  à 20 h 10

samedi 17 septembre 2011

Renvois forcés: «La solution idéale n’existe pas»

Simonetta Sommaruga, ministre de Justice et police, s’exprime pour la première fois en détail sur les renvois forcés. Et sur le cas spécifique de Geordry, menacé au Cameroun en raison d’une fuite de documents confidentiels suisses. Elle se dit préoccupée par cette situation.

simonetta sommaruga

Simonetta Sommaruga ira voir Vol spécial de Fernand Melgar dimanche à Bienne. Avant ce rendez-vous, la ministre de Justice et police a accepté de s’exprimer en détail sur la délicate pratique des expulsions forcées. Et sur le cas de Geordry, menacé au Cameroun en raison d’une fuite de documents confidentiels suisses (LT du 14.09.2011).

Le Temps: Les expulsions forcées par vols spéciaux, où les requérants sont ficelés, menottés, parfois casqués et langés, sont toujours plus controversées. Faut-il mettre fin à cette pratique?

Simonetta Sommaruga: La solution idéale n’existe pas. C’est la pire des situations pour tout le monde et surtout pour les principaux concernés. Mais si l’Etat renonce à faire appliquer ses décisions, tout le système de l’asile s’écroule et perd sa crédibilité. Il ne faut pas oublier que ces vols spéciaux n’interviennent qu’en dernier recours: un requérant débouté a d’abord le choix de rentrer de son plein gré, avec un soutien financier de la Confédération. Et même placé en détention administrative, il peut à tout moment décider de rentrer seul ou accompagné de deux policiers sur un vol de ligne. Les vols spéciaux sont donc la toute dernière solution. S’ils ne peuvent pas être évités, ils doivent être organisés le plus dignement possible.

– Mais ces renvois sous la contrainte ont provoqué des morts, dont celle d’un Nigérian sur le tarmac de Kloten en mars 2010. La Suisse peut-elle accepter de prendre ce risque?

– L’Etat doit tout mettre en œuvre pour éviter que des êtres humains encourent un danger. Après la mort de cet homme, nous avons suspendu les vols spéciaux (ils ont repris depuis, ndlr) et instauré de nouvelles mesures. Désormais, un médecin, un ambulancier et des observateurs indépendants participent à ces vols. Sur ceux vers le Nigeria, une délégation nigériane est aussi présente. Une démarche importante, qui vise à éviter les malentendus culturels.

– La présence d’observateurs neutres va-t-elle vraiment améliorer la situation?

– Cela nous permettra précisément d’évaluer s’il faut changer ou améliorer certains points. Je salue le courage de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse d’avoir accepté ce mandat. Ce n’est pas évident de prendre cette responsabilité. Dans ce domaine, endosser une responsabilité est beaucoup plus courageux que critiquer.

– Moins d’entraves mais davantage de policiers pour encadrer les requérants: serait-ce une meilleure solution? La Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP) demande au contraire des mesures plus sévères.

– Je le répète: la solution idéale n’existe pas. Certains pays entravent beaucoup moins le requérant, mais en cas de problème, une dizaine de policiers se jettent sur lui. Difficile de dire ce qui est préférable. La Suisse est au moins un des rares pays où les mesures de contraintes policières sont réglées dans une loi. La loi précise par exemple que les policiers ne peuvent pas administrer des médicaments pour neutraliser les requérants.

– Or c’est ce que revendique la FSFP. Excluez-vous de modifier la loi pour l’autoriser?

– Des policiers le demandent, mais des parlementaires aussi. Cette question sera donc forcément examinée. Pour moi, le respect de la dignité et de la sécurité des requérants est primordial. Mais j’insiste: les professionnels qui encadrent ces vols, comme les policiers, ont aussi droit au respect. C’est un travail difficile.

– Trouvez-vous vraiment que les vols spéciaux se déroulent aujourd’hui dans la dignité?

– Tout est entrepris pour convaincre les personnes qui n’obtiennent pas l’asile en Suisse de quitter le pays de leur plein gré. Cela vaut mieux pour elles, pour leur dignité. Si, tout à la fin de la procédure, un renvoi forcé est nécessaire, on est dans une situation extrême. Mais même là, il y a encore la possibilité de respecter la dignité humaine. Et il faut y arriver.

– Des requérants expulsés sont parfois emprisonnés dans leur pays pour avoir demandé l’asile en Suisse. Que fait la Suisse dans ces cas précis?

– Je sais que le fait d’avoir demandé l’asile à l’étranger peut être un motif de persécution dans certains pays. C’est préoccupant. Nous devons tout mettre en œuvre pour éviter cela. Et donc agir avant, pendant la procédure d’asile. Lorsqu’une personne est déboutée, elle n’est pas automatiquement renvoyée. Nous étudions d’abord si son renvoi est exigible ou non. Comme nous vérifions aussi si une personne avec des problèmes de santé pourra avoir accès aux soins nécessaires une fois de retour dans son pays.

– Mais si, malgré les précautions, une personne est emprisonnée, la Suisse admet-elle sa responsabilité?

– La Suisse doit agir. Elle a déjà admis son erreur à propos d’un Birman expulsé de force (Stanley Van Tha, condamné à Rangoon à 17 ans de prison sans procès, ndlr). Il a maintenant le statut de réfugié en Suisse.

– «Le Temps» vient de relater le cas de Geordry, arrêté et emprisonné au Cameroun parce que des documents suisses sont tombés entre les mains des autorités locales. Cela vous choque-t-il?

– J’ai connaissance de ce cas. La Suisse a des règles strictes pour éviter que des documents prouvant l’existence d’une demande d’asile ne se retrouvent entre les mains des autorités du pays d’origine. Une enquête va déterminer ce qui s’est passé. Cette personne a par ailleurs déposé une nouvelle demande d’asile. La procédure est en cours, donc je ne peux pas en dire plus. Mais je suis ce dossier de très près. Si vraiment les autorités suisses sont responsables d’une fuite de documents qui l’a mis en danger, c’est inacceptable.

– Comment avez-vous réagi en apprenant cette affaire?

– Mon premier réflexe est de vouloir savoir précisément ce qui s’est passé. Je ne peux pas me prononcer avant les résultats de l’enquête. Mais l’idée qu’il puisse se trouver dans cette situation à cause des autorités suisses me préoccupe.

– Allez-vous accorder une attention particulière aux expulsions forcées pour éviter des drames? Le film de Fernand Melgar a remis ce thème au centre de l’actualité.

– Je n’ai pas attendu son documentaire pour savoir qu’il s’agit d’un thème sensible de mon département. Je me suis rendue à Bâle très vite après mon élection au Conseil fédéral, la veille de Noël 2010. J’y ai visité un centre d’accueil, mais aussi le centre de détention administrative. J’ai parlé aux requérants. J’ai aussi discuté avec les personnes qui y travaillent. Je vais continuer à le faire. C’est important que je me laisse émouvoir, que je ne parle pas que de chiffres et d’articles de lois, mais que je parte à la rencontre des gens, que je les regarde dans les yeux. Je veux aussi parler avec les policiers et les observateurs indépendants.

– Mais pour l’instant, vous ne voulez rien changer…

– La question que l’on doit se poser est: quelle est l’alternative? Supprimer les renvois forcés décrédibiliserait notre politique d’asile. Les personnes qui ont vraiment besoin de protection n’auraient rien à y gagner. Et puis je n’ai pas dit qu’il ne fallait rien changer. Mais qu’il faut réévaluer la situation en continu. Je suis contente de voir le film de Fernand Melgar. Il thématise un sujet dont il faut parler. N’oublions jamais que nous parlons d’êtres humains.

Propos recueillis par Valérie de Graffenried dans le Temps

“Pour que les communes soient consultées”

L'UDC a officiellement lancé hier son initiative cantonale intitulée "Halte au diktat du canton: pour un droit des communes d'être consultées et associées en matière d'asile."

Le droit d'être entendu

"Nous ne demandons pas un droit de veto pour les communes en matière de centres pour demandeurs d'asile", explique le député et conseiller communal saviésan Jean-Luc Addor, "par contre, nous estimons qu'il est normal que les communes soient consultées par le canton, alors qu'aujourd'hui elles sont considérées comme de simples exécutantes." Grégory Logean, conseiller communal à Hérémence et président du comité d'initiative, constate: "Aujourd'hui, le dialogue entre le canton et les communes n'existe toute simplement pas, comme l'ont démontré les exemples de Vouvry et de Vex. La politique du fait accompli doit cesser. La mise en place d'un centre de requérants d'asile dans une région crée un foyer de désordre et d'insécurité, les autorités locales doivent pouvoir s'y préparer et, s'il y a dialogue, proposer d'autres solutions." C'est la première fois que l'UDC lance, seule, une initiative cantonale en Valais. C'est donc un test pour elle.

Un complément à l'initiative fédérale

Aux yeux des démocrates du centre, le texte de l'initiative cantonale complète celui de l'initiative fédérale visant à stopper "l'immigration massive". Pour le président du parti, le conseiller national Oskar Freysinger, "la seule possibilité de résoudre le problème est de diminuer le nombre d'immigrés. Aujourd'hui, notre politique donne l'image de portes ouvertes vis-à-vis du tiers-monde. C'est une réputation qui fait vite son chemin. Les passeurs le savent assez. Nous devons donc être plus restrictifs. Notre but est de mettre un maximum de pression sur le monde politique pour qu'il réagisse face à ce problème, alors qu'il préfère s'enfouir la tête sous le sable." L'UDC dispose maintenant d'une année pour récolter les 4000 signatures nécessaires pour faire aboutir son initiative.

Jean-Yves Gabbud dans le Nouvelliste

Détournement médiatique de “ Vol Spécial”

Jamais sans doute un film suisse n'aura fait l'objet d'un tel battage médiatique: "Vol spécial", de Fernand Melgar, qui sort prochainement en salle, est instrumentalisé sans vergogne par les médias pour faire la leçon aux Suisses, à qui il faut faire payer le fait d'avoir voulu une politique d'asile rigoureuse.

Au Festival de Locarno déjà, on ne parlait (enfin, les médias dominants, service public en tête), que de ce film. Déjà aussi, on nous expliquait que nous devrions avoir honte, que nous devrions nous repentir et nous jeter des cendres sur la tête. Même Micheline Calmy-Rey avait poussé d'un air grave le refrain obligatoire chez les bien-pensants, quitte à dégommer par-derrière la politique de la Confédération.

Fernand Melgar est un cinéaste habile, d'aucuns diraient manipulateur. Son origine étrangère est un capital inestimable aux yeux des Justes, bien entendu; et son langage cinématographique, qui consiste à susciter l'émotion en s'intéressant à des destins individuels, mais jamais aux questions de fond, est terriblement efficace. Qui n'aurait pitié d'un destin individuel tragique, qui n'aurait envie de dire "il faut faire quelque chose"? Dans les années 70, un auteur français avait tourné le problème d'une élégante façon, parlant du chômage: "Un chômeur c'est un drame, 100000 chômeurs, c'est une statistique."

Et c'est sur ce ressort émotionnel que jouent systématiquement les groupes, paroisses, mouvements et assoces innombrables, qui veulent s'opposer à l'expulsion de tel requérant débouté: c'est le roi des bons types, il travaille, il est bien intégré, etc. En face, bien évidemment, ceux qui prennent les décisions sont des salauds, des sans-cœur, tout comme ceux - vous et moi, la majorité des Suisses - qui ont voulu cette politique d'asile, non pas par xénophobie, mais par le souci de ne pas laisser s'installer des situations qui, elles, de manière certaine, conduisent à la xénophobie.

Je ne reproche nullement à Fernand Melgar d'avoir réalisé ce film, et je ne lui reproche pas davantage de tirer à fond sur la corde émotionnelle: c'est un choix artistique et il est, on l'a dit, efficace dans son genre. En revanche, que penser, par exemple, de La Première, radio de service public financée par l'impôt déguisé de la redevance - même ceux qui n'ont ni radio ni télé payeront désormais! - qui consacre plusieurs émissions de grande écoute à "Vol spécial" - dont le ton ne sera sans doute pas très critique? On connaît les penchants idéologiques du service public, on connaît son obsession de sans cesse inculquer au public ignorant les principes de la pensée correcte, les beautés de l'immigration et les joies du métissage.

Bien sûr, le peuple, dans les urnes, manifeste régulièrement son opposition forte à cette pensée unique; mais l'arrogance de nos maîtres à penser les conduit à croire que plus ils sont isolés, plus ils ont raison, plus le peuple doit être éduqué, voire puni.

Pourquoi n'y a-t-il pas de concurrence face au rouleau compresseur de la RTS?

Philippe Barraud, journaliste, invité du Nouvelliste

vendredi 16 septembre 2011

Contrôles aux frontières, les pays de Schengen ne pourront plus agir seuls

Les Etats membres de l’Espace de Schengen, dont la Suisse, ne pourront plus décider seuls de rétablir des contrôles aux frontières. La Commission européenne veut avoir son mot à dire.

La Commission européenne ne veut plus laisser aux Etats membres de l’espace Schengen, dont la Suisse, le soin de décider seuls de rétablir les contrôles à leurs frontières. Ils devront avoir le feu vert de Bruxelles lors d’événements «prévisibles» et «imprévisibles».  En vertu d’un projet présenté vendredi par la Commission européenne, le champ des possibilités offertes aux gouvernements pour demander bientôt un tel retour aux contrôles sera élargi. Il inclut un événement tel qu’une vague d’immigration massive ou les défaillances d’un pays de l’Espace Schengen apparues dans la surveillance de ses frontières.

Actuellement, les 25 pays membres de l’espace Schengen, dont la Suisse, peuvent décider de rétablir temporairement les contrôles de leur propre chef en cas de menaces terroristes ou de grands événements comme un sommet de chefs d’Etat ou une compétition sportive.  En introduisant un mécanisme qui de facto constitue une clause d’exclusion temporaire de Schengen, la Commission vise aussi sans les nommer des pays comme la Grèce, qui a de la peine à empêcher le passage d’immigrants clandestins via sa frontière avec la Turquie.  En contrepartie, Bruxelles veut que les gouvernements ne décident plus à leur guise de rétablir les contrôles. Ils devront demander l’autorisation à la Commission et justifier en détail les requêtes. L’exécutif européen soumettrait ensuite ces demandes à l’approbation des Etats membres.

La décision serait prise par un comité au sein duquel siègent tous les pays de l’Espace Schengen, dont la Suisse, la Norvège et l’Islande, qui ne font pas partie de l’Union européenne. Mais seuls les Etats membres de l’UE auraient le droit de se prononcer sur ces demandes.  Dans des «situations d’urgence», les gouvernements pourront encore rétablir les contrôles sans feu vert préalable de Bruxelles, mais pendant une période limitée à cinq jours. Passé ce délai, Bruxelles serait alors chargée d’évaluer les conditions de sécurité, éventuellement en dépêchant des enquêteurs sur le terrain.

La Suisse va examiner attentivement la proposition de la Commission et prendra ensuite position, a déclaré à l’ats Guido Balmer, porte-parole du Département fédéral de justice et police (DFJP). Sur le principe, Berne estime que la libre-circulation des personnes ne doit être limitée que dans des «situations extrêmes». M. Balmer a ainsi salué la définition de critères clairs pour justifier une telle décision.  Et de rappeler que la Confédération a déjà souligné qu’à son avis la compétence de réintroduire des contrôles aux frontières doit rester du ressort des Etats membres. En mai, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga avait ainsi déclaré à Bruxelles que la Confédération n’était «pas la seule» à trouver une telle proposition inconcevable.  L’objectif de la réforme est aussi de rassurer des pays comme la France. Paris avait ainsi réclamé des changements en début d’année après l’arrivée sur son sol d’immigrants fuyant les pays arabes.

Catherine Cossy dans le Temps

Les vols spéciaux sur la sellette

Laurent Krügel, Mario Annoni et Jean-Pierre Restellini évoquent leur fonction d’observateur spécial lors des renvois forcés. Regards croisés sur fond de polémique.

La fonction d’observateur sur les vols spéciaux qui rapatrient les demandeurs d’asile déboutés n’a rien d’une sinécure. Dans le jargon de l’Office fédéral des migrations (ODM), les vols spéciaux dits «de niveau 4» signifient que les personnes renvoyées sont totalement entravées, parfois casquées, muselées, assises sur une chaise roulante pour être conduites jusqu’à l’avion. «Je m’attendais à une atmosphère lourde et c’est un euphémisme», lâche tout de go Jean-Pierre Restellini, président de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) et observateur à deux reprises récemment. «Ces vols de degré 4 sont difficilement supportables. Des gens hurlent, se débattent pendant des heures. Notre commission a effectué l’observation de sept de ces opérations ces douze derniers mois. Pour quelqu’un qui n’a pas l’expérience de ce genre de situation, cela peut provoquer des émotions très fortes.»

Cinq observateurs
En juin dernier, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) a accepté le mandat d’assurer le contrôle de ces renvois pour une période pilote de six mois. Cinq observateurs ont été choisis. Parmi eux et aux côtés de Mario Annoni et Laurent Krügel, l’ancien directeur de l’établissement pénitentiaire de Wauwilermoos (LU), une professeure de droit et l’ancienne directrice de la police et des affaires militaires du canton de Berne. «Ces personnes ont été sélectionnées et engagées d’entente entre l’ODM, la FEPS et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR)», indique un communiqué de l’ODM. Mais aucune d’entre elles n’a l’expérience pratique de ces rapatriements forcés. Rencontré à Lausanne une semaine avant son premier vol, Laurent Krügel confie s’attendre à des moments difficiles, puisque l’exercice même de ce mandat consiste à observer l’opération depuis le moment «où l’on peut surprendre quelqu’un brutalement au réveil jusqu’à son arrivée dans son pays d’origine». Mais ces renvois comportent «une couche légale et administrative dont on ne peut faire l’économie», estime-t-il.
«Il faut appliquer les décisions prises par la population, lui fait écho Mario Annoni. Il en va de la crédibilité de l’Etat. Les demandeurs d’asile déboutés sont des êtres humains qui ont souvent une biographie très difficile, qui ont connu des guerres, une misère sociale, certes, mais qui ne remplissent pas les conditions que la Suisse s’est fixée pour les accueillir en tant que réfugiés ou dans le cadre du regroupement familial, donc on les refoule.»

Droits humains et dignité en question
S’il mentionne avoir déjà assisté à Genève à un refoulement depuis le centre de détention jusqu’au tarmac, le président de Pro Helvetia précise que son rôle consiste à observer le «comment» et non le «pourquoi» de ces opérations qui doivent rester «conformes aux droits de l’homme» et s’effectuer «dans le respect de la dignité des personnes concernées».
Dignité. Un mot qui semble élastique et qui divise d’ailleurs fortement la population sur ce dossier précis. Depuis que la FEPS a été mandatée pour effectuer ce monitoring, la CNPT s’est mise en retrait. «Mais nous restons en contact étroit pour que le travail d’observation évite les traitements inhumains ou dégradants», indique Jean-Pierre Restellini. Tout en ajoutant que la frontière entre ce qui est humain ou non, dégradant ou non, est difficile à établir : « Il y a plus de dix ans, le responsable de l’aéroport de Zurich avait dit qu’un vol de degré 4 était toujours inhumain et dégradant», commente notre homme, en ajoutant être préoccupé au plus haut point d’une chose: faire en sorte que la catastrophe de 2010, soit le décès d’un jeune Nigérian au cours d’un de ces vols, ne se reproduise pas. «Il y a des mesures à prendre d’urgence pour que les personnes placées dans cette situation de stress majeur puissent le supporter. Il faut donc notamment qu’un médecin puisse s’exprimer sur l’état de santé des personnes que l’on rapatrie.»

Gabrielle Desarzens dans le Courrier

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En 2010, 5699 personnes ont été renvoyées par avion, dont 136 sous contrainte, sur 27 vols spéciaux.
De janvier à juin 2011, 76 ont été renvoyées de force.

L’émission Hautes Fréquences de dimanche 18 traite de ce dossier à 20h sur RSR La Première.

Un avenir suisse ?

Plusieurs des détenus apparaissant dans Vol spécial étaient présents lors de la projection de jeudi à Lausanne. Certains en hommes libres, d’autres en clandestins. Le Kosovar Jeton Idrizi, 26 ans, était très ému: «C’était dur de voir ce film, de voir ma femme pleurer. Mais il faut toujours penser aux autres, ceux qui viendront après. J’espère que les gens vont changer d’avis après avoir vu le film, qu’ils ne vont plus voter comme ça.»

Plusieurs des détenus apparaissant dans Vol spécial étaient présents lors de la projection de jeudi à Lausanne. Certains en hommes libres, d’autres en clandestins. Le Kosovar Jeton Idrizi, 26 ans, était très ému: «C’était dur de voir ce film, de voir ma femme pleurer. Mais il faut toujours penser aux autres, ceux qui viendront après. J’espère que les gens vont changer d’avis après avoir vu le film, qu’ils ne vont plus voter comme ça.»

Après le décès survenu lors d’une expulsion à Zurich, les vols spéciaux ont été suspendus et Jeton Idrizi a été libéré: «Je suis resté à Payerne sans papiers, chez ma femme, nous avons eu un enfant. Jeudi matin, j’ai reçu un permis F (ndlr: admission provisoire). J’ai la possibilité de travailler, de vivre en Suisse.»

Le Camerounais Elvis Enow, 23 ans, a été choqué de revivre les moments douloureux de son expulsion: «C’est la loi, mais ce n’est pas une raison pour nous attacher comme des animaux. J’ai pris l’avion ligoté sur une chaise.» Un voyage via le Nigeria et le Congo l’a emmené jusqu’à Yaoundé. «Quand nous sommes arrivés, le consul de Suisse est venu nous accueillir, mais nos autorités n’ont pas vu comment nous étions traités. J’ai passé une semaine au Cameroun à voir ma famille. Et puis je suis revenu en Suisse.» Père de jumeaux depuis le 24 août, Elvis Enow vit à Lausanne, sans papiers. «Je dois travailler pour éduquer mes enfants, pour qu’ils aient un avenir. Je regarde devant moi, j’espère qu’il y a une place pour moi ici. Les Suisses doivent voir ce film, surtout ceux qui votent UDC.»

Tribune de Genève

jeudi 15 septembre 2011

Interactions entre la migration, le commerce et le développement

Aujourd’hui s’achève à Berne une conférence qui a réuni des représentants gouvernementaux et des experts du monde de la science et de l’économie venus des quatre coins de la planète. Consacrée aux interactions entre le commerce, la migration et le développement, la rencontre a eu lieu dans le cadre du Forum mondial sur la migration et le développement, dont la Suisse assure la présidence cette année. La conférence visait, d’une part, à concrétiser le débat mené à l’échelle mondiale sur la migration et le développement, d’autre part, à sensibiliser les participants à la diversité de la problématique.

La conférence, qui s’est déroulée sur trois jours, a eu pour titre « Markets for Migration and Development (M4MD) ». Elle a été organisée sous les auspices des gouvernements de la Suisse et du Sri Lanka par l’Office fédéral des migrations (ODM) en coopération avec le World Trade Institute de l’Université de Berne (WTI) et le réseau de Business for Social Responsibility. Monsieur Eduard Gnesa, ambassadeur extraordinaire chargé de la collaboration internationale en matière de migrations, et Monsieur Nissanka M. Wijeratne, secrétaire d’Etat, en ont assuré la présidence respectivement pour la Suisse et le Sri Lanka. Cette réunion d’experts a vu la participation de représentants de haut rang du monde de l’économie, de la politique et des sciences, de même que de la Fédération syndicale internationale.

Les débats animés et en partie contradictoires ont mis au jour la complexité des interfaces entre les politiques en matière de commerce, de migration et de développement. Mais ils en ont aussi fait apparaître les aspects positifs dès lors que ces politiques sont développées et mises en œuvre de manière cohérente. Une des priorités thématiques a porté sur la manière d’associer les partenaires sociaux à la planification et au développement des politiques migratoires nationales, soit un domaine dans lequel la Suisse jouit d’une solide expérience. Les participants ont été unanimes à considérer que les contacts directs entre les milieux économiques, scientifiques, politiques et gouvernementaux favorisaient de façon significative la compréhension commune des défis et des synergies. Si les discussions ont eu lieu en huis clos, une table ronde publique a été consacrée à la question de savoir dans quelle mesure les migrants pouvaient contribuer au développement de leur pays de provenance en tant qu’entrepreneurs.

Les principaux résultats de la réunion d’experts qui s’est tenue à Berne seront réexaminés avec ceux des autres conférences thématiques qui ont au lieu à travers le monde, lors du débat final du Forum mondial sur la migration et le développement, qui sera organisé début décembre 2011, à Genève, par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) en étroite collaboration avec l’ODM. En effet, le Forum mondial est un processus auquel l’ODM et le DFAE (Division politique IV et Direction du développement et de la coopération) sont associés. En outre, le WTI compte publier un ouvrage qui regroupera les contributions des intervenants scientifiques à la conférence. Pour de plus amples informations, nous vous renvoyons aux sites www.gfmd.org et www.wti.org.

Communiqué de l’ODM

mercredi 14 septembre 2011

Geordry, expulsé et en danger au Cameroun à cause d’une fuite de documents suisses

Un Camerounais de 26 ans, renvoyé de Suisse, a été emprisonné à Yaoundé. Il vit aujourd’hui caché. Des documents liés à sa procédure d’asile ont abouti en mains camerounaises. Malaise à Berne.

Il a été expulsé de force et s’est retrouvé quelques mois plus tard en prison. Geordry, un Camerounais de 26 ans, est un des protagonistes du documentaire Vol spécial de Fernand Melgar, tourné dans le centre de détention administrative de Frambois. Aujourd’hui, après cinq mois passés derrière des barreaux camerounais, il vit caché à Yaoundé. Car il craint d’être à nouveau arrêté par la police pour le seul fait d’avoir demandé l’asile en Suisse. Inquiet, Fernand Melgar est intervenu auprès de Simonetta Sommaruga.

Cette affaire met en exergue la problématique des requérants emprisonnés dans leur pays pour avoir tenté de trouver refuge ailleurs (lire ci-dessous). Mais dans le cas de Geordry, l’affaire se corse: des documents confidentiels qui n’auraient jamais dû quitter la Suisse ont été retrouvés au Cameroun. Et c’est sur la base de ces documents que les autorités locales le poursuivent. Explications.

Geordry a déposé une demande d’asile à Vallorbe le 10 avril 2006. Débouté par l’Office fédéral des migrations (ODM), il a été incarcéré le 22 octobre 2009 à Frambois. Le 4 mars 2010 au petit matin, il est expulsé de force, par vol spécial, vers le Cameroun. Ligoté, menotté, avec un casque sur la tête. Le 20 mars, il se rend au commissariat du 16e arrondissement de Yaoundé pour établir une nouvelle carte d’identité. Et c’est là que les ennuis commencent. Il apprend qu’il est recherché. Et que la police détient des documents prouvant qu’il a demandé l’asile en Suisse.

Geordry ne peut pas nier longtemps. Il dit aux policiers qu’il l’a fait «parce que je mourais de faim». Relâché après deux jours, il est à nouveau convoqué le 25 décembre 2010. Ce jour-là, il est emmené de force à la prison Kondengui, où il croupira avec 14 détenus dans une cellule insalubre de 4 m2. Il est libéré le 26 mai 2011, mais dois rester à la disposition de la justice. Le 27 juillet, il reçoit une convocation pour le 3 août, pour «détention de documents douteux». Il panique, craint d’être à nouveau emprisonné. Il ne se rend pas à la convocation et vit depuis caché.

Un rapport de la police camerounaise du 20 mars 2010, que Le Temps a vu, fait état de l’interpellation de Geordry, «détenteur d’un ensemble de documents dont les origines nous paraissent douteuses». La police liste un laissez-passer établi par l’ambassade du Cameroun à Berne, qu’elle considère comme faux, sa fiche signalétique de Frambois avec son numéro d’écrou et son «titre de séjour VD 4211445», en fait son livret N de requérant d’asile. Le rapport mentionne aussi le PV d’une audition menée par l’ODM. «C’est faux», assure Geordry, joint par téléphone. «Ils ne sont pas venus m’arrêter, c’est moi qui suis allé au poste de police pour ma carte d’identité. Et c’est eux qui avaient les documents. Je n’avais que le laissez-passer. Ils m’ont montré ce jour-là ma carte d’écrou de Frambois. En voyant ça, je suis tombé dans les pommes. Plus tard, j’ai appris qu’ils avaient d’autres documents.»

Des documents qui, quoi qu’il en soit, n’auraient jamais dû se retrouver au Cameroun. Seule la présence du laissez-passer est justifiée: il s’agit du document dont l’ODM a besoin pour livrer les expulsés de vols spéciaux aux autorités locales. Geordry l’a reçu à l’aéroport. Il affirme n’avoir jamais eu les autres documents. Celui de Frambois est un document interne. Et son permis N, il l’avait déposé au Service de la population vaudois (SPOP) avant son arrestation pour Frambois.

Interrogé, l’ODM assure que les Etats d’origine «ne reçoivent, de la part des autorités suisses, aucune information sur le fait que la personne renvoyée a suivi une procédure d’asile en Suisse.» «Il n’y a aucun échange de documents concernant la procédure. Lors des renvois forcés, ce sont les autorités cantonales qui contrôlent que les personnes renvoyées ne sont pas en possession des documents de procédure d’asile», précise le porte-parole Michael Glauser.

En d’autres termes: Geordry ne pouvait pas avoir sur lui ces documents, dont Le Temps a pu voir des photocopies. Le fait qu’ils proviennent à la fois de l’ODM, de Frambois et du SPOP est troublant. Jean-Michel Claude, le directeur de Frambois, ne cache pas son malaise à propos du bulletin d’écrou. «C’est un document interne. Les requérants n’y ont pas accès», confirme-t-il. «Avant leur expulsion, ils sont à la fois fouillés par notre personnel et par la police pour être sûr qu’ils n’ont aucun document sur eux». Jean-Michel Claude précise surtout que ce document était avant transmis à la police «à des fins d’identification» des expulsés. «Mais depuis que cette fuite nous a été signalée à propos de Geordry, nous avons changé de pratique. Et nous ne transmettons plus ces documents à la police», admet-il du bout des lèvres.

Du côté du SPOP, Erich Dürst, chef de la division asile, confirme que le permis N est retiré aux requérants lorsqu’une décision de rejet et de renvoi entre en force et devient exécutoire. Et qu’il n’est «jamais transmis» aux autorités du pays d’origine. Mais dans le cas de Geordry, il dit «ne pas être en mesure de confirmer que l’intéressé aurait remis son permis N échu aux autorités cantonales.»

Pour Fernand Melgar, la situation est grave: «Geordry est en danger. La Suisse doit le protéger». Il a été le voir avec son équipe en juin à Yaoundé. Geordry a raconté les tortures subies en prison pour avoir «sali l’image de son pays à l’étranger.». Et pour qu’il avoue ses motifs d’asile. «Il a de nombreuses séquelles physiques et psychologiques», commente le cinéaste.

Le 2 août, le Service d’aide juridique aux exilés a demandé à l’ODM de l’autoriser d’entrer en Suisse «pour la conduite de la procédure d’asile ordinaire». L’Office, qui d’habitude ne s’exprime pas sur des cas particuliers, précise qu’une enquête, à laquelle participe l’ambassade de Suisse au Cameroun, a été lancée. En attendant, Geordry vit toujours dans la peur. «J’essaie de tenir le coup. Mais c’est dur», dit-il.

Valérie de Graffenried dans le Temps

Les amendes contre les Roms se sont multipliées

Sanctionnés pour camping sur la voie publique, plusieurs Roms font opposition.

«Nous ne sommes ni des criminels, ni des voleurs. Nous voulons que la police nous respecte!» Pour les Roms présents à Lausanne, les nuits n’ont pas été de tout repos durant l’été. Au motif qu’ils dormaient dans leur véhicule, les interpellations suivies d’amendes pour camping sur la voie publique se sont multipliées: on compte plus d’une centaine de contraventions entre juin et août.
Des sanctions qu’ils ont décidé de contester, soutenus par l’association Opre Rrom. Onze d’entre eux recouraient hier devant la commission de police, pour une série d’amendes allant de 120 à 190 francs. Car dormir dans une voiture ou dans un parc n’est pas interdit sur le territoire lausannois, rappelle leur avocat, Me Jean-Michel Dolivo. Ce dernier s’insurge aussi contre le fait que les amendes leur sont notifiées sans traduction.

«Cette politique répressive s’inscrit dans une longue histoire de persécution et de discrimination des gens du voyage», considère-t-il. «Ils vivent dans une telle insécurité qu’ils me demandent souvent: «Quand va-t-on être déporté?», raconte de son côté Véra Tchérémissinoff, coordinatrice d’Opre Rrom.
Présent dans les couloirs de la commission, le sergent Gilbert Glassey estime que ce qui est en cause, «ce n’est pas le fait d’aller dormir un soir au bord du lac, mais de s’installer au même endroit pendant une semaine». Ce qui est dénoncé comme installation de camping sur la rue, c’est aussi l’utilisation de bonbonnes à gaz et autres équipements de cuisine, explique le «Monsieur Roms» de la police municipale. Le verdict de la commission de police est attendu d’ici une dizaine de jours.

Vu le manque de places dans les structures d’hébergement d’urgence, les Roms demandent  la mise à disposition d’un emplacement, en échange de quoi ils seraient prêts à s’acquitter de quelques francs de «loyer» par personne et par nuit. Une revendication que soutien Opre Rrom. «Il ne s’agit pas de créer un ghetto, mais de permettre aux Roms de vivre avec l’assurance d’avoir un endroit pour passer la nuit», précise Véra Tchérémissinoff.

Arnaud Crevoisier dans le Courrier

mardi 13 septembre 2011

Requérants irakiens: l’excuse de Berne se dégonfle peu à peu

Le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) refuse de porter le chapeau pour les demandes d’asile irakiennes restées en rade à l’Office fédéral des migrations. Contrairement aux allégations de Berne, le HCR ne s’est pas engagé à garantir la protection des Irakiens réfugiés en Syrie et en Egypte. «Il n’y a pas eu d’accord de cette sorte», affirme Susin Park, responsable du HCR en Suisse.

Le 31 août dernier, la ministre Simonetta Sommaruga annonçait que 7000 à 10 000 demandes d’asile déposées entre 2006 et 2008 aux ambassades de Syrie et d’Egypte n’avaient pas été traitées. La conseillère fédérale affirmait toutefois que les personnes concernées avaient obtenu la protection du HCR sur place et qu’elles n’avaient pas été mises en danger. Plusieurs acteurs du dossier à l’époque, dont l’ancien ministre Christoph Blocher, évoquaient aussi l’existence d’un accord entre le HCR et des pays européens.

Aujourd’hui, l’excuse se dégonfle. Certes, le HCR a encouragé les ambassades à lui adresser les réfugiés, afin de les enregistrer et de combler leurs besoins les plus urgents. Mais à aucun moment il ne s’est engagé à garantir leur protection. «Seuls les Etats sont en mesure de donner ces garanties», souligne Susin Park. En conséquence, «la procédure à l’ambassade restait régie par les lois suisses». La loi sur l’asile permet en l’occurrence aux requérants de déposer une demande auprès d’une ambassade. Les Chambres fédérales débattront prochainement de la suppression de cette possibilité.

La Syrie a accueilli environ 1,5 million de réfugiés pendant la guerre en Irak. Face à cet afflux, le HCR a lancé en 2007 un appel aux pays industrialisés pour leur demander d’accueillir 20 000 réfugiés. Mais le Conseil fédéral de l’époque n’a pas voulu d’un contingent de 500 personnes.

Tant à droite qu’à gauche, cette affaire provoque de l’irritation voire de l’indignation parmi les élus. «C’est inacceptable venant d’un pays qui a une telle tradition humanitaire», lance le conseiller national Hugues Hiltpold (plr/GE). Andreas Gross (ps/ZH) y voit quant à lui «un scandale de plus» dans la série des dysfonctionnements du Conseil fédéral sous l’ère Blocher. L’argument d’un accord avec le HCR est «une excuse irresponsable», estime le socialiste. «Le HCR peut soutenir des Etats, mais il ne peut pas se substituer à eux». Le fait que cet accord, selon toute vraisemblance, n’existait pas, montre que «les autorités sous-estiment la gravité du problème.»

«La communication de crise des autorités fédérales n’est pas bonne, estime pour sa part Yvan Perrin (udc/NE). Quand on ment, il faut que ce qu’on dit ne puisse pas être démenti. Ce principe n’est apparemment pas acquis à Berne». Sur le fond, le conseiller national juge «très discutable» la mise au placard des demandes d’asile irakiennes. «Si les ambassades croulaient à ce point sous les demandes, on aurait pu envoyer des renforts.»

Michaël Rodriguez dans le Courrier

lundi 12 septembre 2011

Le National veut serrer la vis pour les permis d’établissement

philipp mueller Afin d'assurer l'égalité des traitements entre réfugiés et étrangers, le National donne son accord à une proposition visant à doubler la durée de séjour obligatoire.

Les réfugiés risquent de devoir attendre dix ans pour obtenir une autorisation d’établissement en Suisse. Au nom de l’égalité de traitement avec les autres étrangers, le Conseil national a donné son feu vert lundi à une proposition visant à doubler la durée de séjour obligatoire.

L’initiative parlementaire, déposée par Philipp Müller (PLR/AG), veut mettre sur pied d’égalité les personnes qui ont obtenu l’asile et les étrangers provenant de pays non européens. Les réfugiés reçoivent un permis de séjour après cinq ans, ils sont nettement mieux traités que les autres étrangers, a critiqué l’Argovien.

Et de réclamer les mêmes critères et conditions pour l’attribution des autorisations de séjour: les réfugiés reconnus devraient ainsi attendre dix ans, comme les migrants qui n’ont pas passé par la procédure d’asile pour venir en Suisse. Silvia Schenker (PS/BS) a critiqué cette soi-disant tentative de supprimer une inégalité. Les réfugiés sont dans une situation différente des étrangers qui décident de s’établir en Suisse pour des raisons économiques, a-t-elle dit. Ils ont été reconnus dignes de protection après avoir été mis en danger dans leur pays. Mais l’opposition du camp rose-vert a été vaine. Par 85 voix contre 54, la Chambre du peuple a donné suite au texte. Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

Le Matin et les agences

Une «Session extraordinaire» sur l'asile en 15 minutes

La "Session extraordinaire" du Conseil des États sur l'asile a été bouclée en 15 minutes. L'intégration des enfants dans l'examen a été pris en compte, et la procédure d'asile ira "aussi vite que possible".

Quinze minutes, c'est le temps qu'a duré au Conseil des Etats la "Session extraordinaire" sur l'immigration et l'asile. Felix Gutzwiller (PLR/ZH), qui demandait au Conseil fédéral de mettre en oeuvre plus vite que prévu le projet visant à accélérer les procédures d'asile, a apparemment été rassuré par les promesses d'aller "aussi vite que possible" de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et a retiré sa motion. Le plénum a par ailleurs accepté sans opposition une autre motion chargeant le Conseil fédéral de veiller à ce que les Offices des migrations prennent en compte l'intégration des enfants dans l'examen des demandes d'autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Le projet de restructuration de l'asile présenté par Simonetta Sommaruga est prévu sur six ans. Il s'agit notamment de créer des centres de procédure fédéraux. La socialiste a expliqué que la volonté du Conseil fédéral était d'accélérer les processus et d'aller "aussi vite que possible". Mais annoncer un délai de deux ou trois ans pour cela serait simplement malhonnête. Il s'agit d'une refonte complète qui réclame une concertation étroite avec les cantons.

Le processus prévu est le suivant: d'ici la fin septembre, un message complémentaire à la révision en cours de la loi sur l'asile doit être rédigé. Un projet destiné à la consultation comprenant des nouveautés fondamentales nécessitant davantage de travaux préparatoires sera élaboré avant la fin 2012.

Le Matin et les agences

dimanche 11 septembre 2011

Vols spéciaux pour Annoni

Il n’aura ni caméra, ni micro, ni appareil de photo. Il montera à bord avec seulement ses yeux et sa mémoire. L’ancien conseiller d’Etat bernois, Mario Annoni, 57 ans, président de Pro Helvetia depuis 2006, se retrouvera bientôt seul au petit matin, valise à la main, pour se joindre en tant qu’observateur neutre à des opérations de renvois de requérants, les fameux «vols spéciaux».

L’Office fédéral des migrations (ODM) a annoncé qu’il faisait partie des cinq personnes choisies pour une expérience pilote. D’ici au mois de décembre, le numéro un de la culture en Suisse suivra à plusieurs reprises les opérations de transfert du centre de détention à l’aéroport, l’embarquement, le vol et l’arrivée dans le pays. «C’est la phase après le film…» explique-t-il en faisant allusion au documentaire de Fernand Melgar présenté cet été à Locarno.

«Niveau 4»

Mais pourquoi se lance-t-il dans cette galère? «Si je m’engage, explique-t-il, c’est parce que nous traversons une phase difficile pour tous ceux qui vivent ces renvois sous la contrainte, les requérants comme les policiers. On parle aujourd’hui du niveau 4… Dans ces circonstances il faut mobiliser des forces. »

Dans le jargon de l’ODM, le fameux «niveau 4» prévoit des mesures coercitives exceptionnelles: la personne est totalement entravée, casquée, muselée et assise sur une chaise roulante pour être conduite jusqu’à l’avion.  Mario Annoni devra considérer si les personnes sont «traitées avec dignité et si les directives sont respectées par les polices».

Dans le cadre des bons offices de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), le président de Pro Helvetia se retrouvera aux côtés de l’ancien commandant de la police cantonale neuchâteloise Laurent Krügel. Les cinq observateurs, isolément, prendront place sur quinze vols spéciaux d’ici à la fin de l’année. Ces renvois ne sont évidemment pas connus à l’avance pour ménager un effet de surprise.  Les contrôles se dérouleront aussi dans la confidentialité: «Pour travailler correctement, les observateurs ne peuvent pas faire une conférence de presse après chaque vol…» note Simon Weber, porte-parole de la FEPS.

Leurs témoignages seront transmis à la plate-forme réunie autour de l’ODM avec l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), les services cantonaux des étrangers et la Conférence des Commandants des polices cantonales. «Il faut bien se comprendre, insiste Mario Annoni, nous ne sommes pas là pour dire si ces renvois doivent avoir lieu ou non, mais s’ils se passent dans le respect des droits humains. Au terme du mandat, nous aurons la possibilité de faire des recommandations, de dire s’il faut maintenir le système ainsi ou non. En Allemagne, où il a été introduit, il y a, semble-t-il, moins de problèmes. »

Le Matin Dimanche