La campagne sur le renvoi des criminels étrangers est lancée. Et elle promet d’être musclée jusqu’à la votation du 28 novembre. Pour contrer «Ivan S.», le terrible violeur qu’affiche désormais l’UDC, il n’y avait pas moins d’une conseillère fédérale et trois ministres cantonaux de Justice et Police hier à Berne.
Eveline Widmer-Schlumpf est venue défendre le contre-projet élaboré par les Chambres fédérales accompagnée de trois conseillers d’Etat: le Jurassien Charles Juillard (PDC), la Valaisanne Esther Waeber-Kalbermatten (PS) et la Saint-Galloise Karin Keller-Sutter (PLR), vice-présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police. Un dernier combat au Département fédéral de justice et police (DFJP) pour la ministre grisonne, qui passera aux Finances dès le 1er novembre. La nouvelle conseillère fédérale Simonetta Sommaruga (PS) reprendra ensuite le dossier.
Pour l’heure, c’est encore Eveline Widmer-Schlumpf qui a détaillé les avantages du contre-projet à l’initiative de l’UDC. La fameuse campagne des «moutons noirs», qui a recueilli en 2008 plus de 200 000 signatures ( lire ci-dessous ) . Ainsi, pour Eveline Widmer-Schlumpf, le contre-projet répond avec plus de cohérence à «cette préoccupation majeure de la population qu’est la criminalité des étrangers». Avec ce constat, qu’elle partage d’emblée avec l’UDC, la ministre grisonne n’attaque pas de front l’initiative, mais avance par un raisonnement juridique. Manière de tabler sur la confiance que les citoyens feront au Conseil fédéral lorsqu’il s’agira de choisir entre deux textes très similaires.
Principal argument avancé par Eveline Widmer-Schlumpf: la liste des infractions susceptibles de renvoi proposée par l’initiative UDC est inapplicable. Car l’automatisme des renvois viole la Constitution comme le droit international. Contrairement au contre-projet qui «va plus loin. Car plus de trente infractions sont concernées», affirme Eveline Widmer-Schlumpf. Autre argument de poids: «Une bonne intégration permet de prévenir la criminalité!» souligne-t-elle pour mettre en exergue les nouvelles dispositions relatives à l’intégration des étrangers.
L’UDC attaque de front
La riposte n’a pas tardé. Dans l’après-midi, c’est l’UDC qui tenait conférence de presse. «Le contre-projet empêche les expulsions de criminels et ancre des mesures d’intégration étatiques dans la Constitution fédérale. Ainsi, de dangereux criminels étrangers recevront bientôt un passeport suisse au lieu d’être renvoyés», lance Martin Baltisser, secrétaire général. L’angle d’attaque de l’UDC ne s’embarrasse pas de juridisme: il est doublement frontal en s’en prenant à l’expulsion et à l’intégration. C’est ainsi que se lit le slogan «Ivan S., violeur et bientôt Suisse?». Car les dispositions sur l’intégration sont interprétées par beaucoup, aussi hors UDC, comme le «prix politique à payer pour gagner une partie de la gauche à ce contre-projet». L’UDC a, elle, pris acte que le texte du parlement singeait, en le dénaturant, son initiative.
Et les démocrates du centre parient que les électeurs choisiront l’orignal à la copie. Le parti de Christoph Blocher entend thématiser le renvoi des criminels étrangers avec vigueur lors de cette votation qui s’annonce centrale en vue des élections fédérales de 2011. Le tous-ménages «Consultation populaire» sur la politique des étrangers dit bien les moyens engagés par l’UDC.
Côté partisans du contre-projet, les moyens sont eux «ridiculement bas», glisse-t-on au PLR, qui aura la responsabilité d’une campagne (menée avec le PDC et le PBD) sur le thème du «Ferme, mais juste». Le conseiller national Philipp Müller (PLR/AG) s’attend à «des débats très émotionnels. Les gens vont parler avec leurs tripes.»
En plus de ces deux fronts, Eveline Widmer-Schlumpf devra encore compter sur celui du comité «Deux fois non!». C’est-à-dire: non à l’initiative et non au contre-projet. «Pas question de soutenir le contre-projet sous prétexte que c’est un moindre mal», vitupère Ueli Leuenberger, président des Verts. «Aujourd’hui, on peut déjà expulser les gens. Je suis le premier à lutter contre les criminels, mais je ne veux pas de discrimination», explique celui qui s’attend à une «lutte extrêmement dure. Car ce sujet est le seul qui arrive encore à réunir la base de l’UDC. Sur les questions économiques et sociales – comme l’assurance AVS –, les petites gens sont en train de comprendre que l’UDC travaille contre eux.»
Le Parti socialiste est quant à lui divisé. Si le comité directeur dit aussi deux fois non, il attendra son assemblée générale de fin octobre pour donner son mot d’ordre. En attendant, plusieurs sections cantonales du PS – dont Berne et Bâle – ont déjà rallié le camp qui soutient le contre-projet du parlement. La campagne s’annonce intense et confuse!
Xavier Alonso dans 24 Heures
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