vendredi 8 juillet 2005

«Laissez-la au moins finir son apprentissage»



Senait Tekle est apprentie au magasin Photovision de la rue Centrale. Comme beaucoup d’autres requérants déboutés (24 heures du 6 juin), elle a reçu dernièrement une interdiction de travailler pour fin juillet. Son employeur a fait une demande pour pouvoir la garder. Mais, malgré la motion votée mardi dernier par le Grand Conseil, le gouvernement n’a pas l’air de vouloir revenir sur ces mesures.

«Vous avez compris quelque chose vous? Moi, rien du tout.» Le vote du Grand Conseil de mardi dernier laisse Martin Himmelreich, gérant du magasin Photovision de la rue Centrale, perplexe. Il ne sait pas s’il pourra finalement garder son apprentie, Senait Tekle. «Moi je n’ai pas pu aller manifester mardi mais on m’a dit que c’était bon», explique la jeune femme d’origine érythréenne.

L’optimisme aura été de courte durée. Mercredi, Jean-Claude Mermoud, conseiller d’Etat en charge du Département des institutions et des relations extérieures, expliquait que la levée des interdictions de travailler n’était, à son avis, juridiquement pas réalisable (24 heures d’hier).

Il ne manque pourtant qu’une petite année à Senait Tekle pour avoir son certificat. Arrivée seule en Suisse il y a cinq ans, elle a vu sa demande d’asile rejetée. Mais elle n’a pas été renvoyée, son pays refusant d’émettre un laisser-passer si elle ne rentre pas de son plein gré (24 heures du 26 janvier). La jeune fille, âgée de 16 ans à son arrivée, passe son certificat et fait une dixième année de perfectionnement. Elle a aujourd’hui 21 ans et termine sa deuxième année d’apprentissage de gestionnaire de vente chez Photovision.

«J’ai eu de la chance, mes copines ont cherché une place pendant très longtemps», sourit-elle. Parfaitement intégrée à l’équipe, elle aime son travail et donne entière satisfaction à son employeur. «Non seulement je suis content d’elle, relève Martin Himmelreich, mais en plus elle fait des bonnes notes au cours.» Tout allait donc très bien, jusqu’à la lettre du Service de la population (SPOP), fin avril. «On ne s’est pas trop inquiétés, parce que cette lettre disait que je n’avais pas le droit d’entreprendre une nouvelle activité», raconte Senait Tekle. Mais un deuxième courrier vient préciser que même l’apprentissage de la jeune femme doit être interrompu à la fin du mois de juillet.

Pas de réponse

«Je trouve que si quelqu’un commence un apprentissage avec un contrat, il faut au moins le laisser terminer, s’indigne le gérant. C’est ridicule, si elle arrête de travailler, elle devra retourner dans un centre Fareas à ne rien faire toute la journée. D’autant plus qu’elle ne peut pas partir. Et puis c’est mauvais pour l’entreprise, on s’était investis pour lui apprendre le métier.» Son patron a fait une demande au SPOP pour pouvoir la garder jusqu’à ce qu’elle obtienne son certificat, en juin de l’année prochaine. Pas de réponse pour l’instant. «C’est difficile comme situation, on est dans le flou et on ne sait pas à qui s’adresser», poursuit-il. Et le 31 juillet n’est très loin.