samedi 27 septembre 2008

Portes ouvertes des foyers d'asile fribourgeois

Lu ce samedi dans La Gruyère

Responsable du suivi et de l'hébergement des requérants d'asile dans le canton de Fribourg, la société ORS Service AG ouvre, aujourd'hui, ses foyers au public. L'occasion de se plonger dans le quotidien de ces migrants, comme au foyer des Passereaux, à Broc. Reportage, hier, lors de la journée des médias.




Sur les hauteurs de Broc, le foyer des Passereaux accueille 60 requérants d'asile. Comme quatre autres établissements du canton, il est ouvert au public ce samedi (photo Claude Haymoz)



Inviter la population à s'immiscer le temps d'une journée dans le quotidien d'une partie des 1300 requérants d'asile du canton, tel est l'objectif de l'opération «portes ouvertes» d'aujourd'hui (de 10 h à 16 h) des foyers de Fribourg, Broc et Estavayer-le-Lac. L'initiative est lancée par la société ORS Service AG, chargée depuis le 1er janvier 2008 par le Conseil d'Etat d'assurer les tâches d'asile du canton de Fribourg. Vendredi matin, représentants des communes, fonctionnaires et médias ont également été conviés à se faire une idée du suivi, de l'encadrement et de l'hébergement des requérants d'asile et de personnes admises à titre provisoire. Avec notamment deux visites en Gruyère.

A Broc, l'ambiance est tendue
au foyer des Passereaux. Devant l'ancienne colonie de vacances construite sur la route menant au Motélon, un requérant kurde s'agite: «Cela fait dix mois que je suis ici, il y a de gros problèmes d'hygiène et de propreté. On travaille depuis trois jours pour que les lieux soient présentables, mais ce que vous allez voir, ce n'est pas la réalité. Nous avons aussi des problèmes avec les douches: si on veut avoir de l'eau chaude, il faut se lever à 4 ou 5 h du matin.»

L'établissement brocois est un des quatre lieux de «premier accueil» fribourgeois: 60 requérants attribués par la Confédération au canton y séjournent, pour une durée minimale de trois mois. Difficile de juger la véracité des critiques, relayées par d'autres pensionnaires et des associations de défense des requérants (voir ci-dessous). Tout au plus, le visiteur peut constater l'exiguïté des chambres - quatre personnes se partagent 15 m2 - et l'aspect sinistre du réfectoire commun. A côté du bâtiment principal, un cabanon en bois destiné à l'enseignement du français et à la préscolarisation des enfants.

«C'est vrai que les locaux sont vétustes et que le confort est minimal, mais il ne faut pas exagérer: ce n'est pas une prison», note Inci Rahmanay, la responsable des lieux, qui souligne que de nombreux résidents se plaignent d'«être perdus en pleine montagne» et préféreraient être logés dans les foyers de Fribourg. Il faut dire que le suicide d'un requérant en mars n'a pas arrangé la situation. «On n'a rien vu venir, l'homme était psychologiquement malade», note-t-elle.

Directeur opérationnel d'ORS pour le canton de Fribourg, Claude Gumy ne s'alarme pas de la mauvaise humeur exprimée par certains pensionnaires. «Cela illustre des problèmes que nous rencontrons tous les jours. Les requérants vivent des situations difficiles, mais il est évident que certains profitent de la présence de visiteurs pour les monter en épingle.»



Bulle, «deuxième accueil»
Après une fin de visite mouvementée, le cap est mis sur Bulle, où est programmée la visite du complexe locatif de la rue d'Essert 2, qui accueille une soixantaine de personnes. Dans le canton, ORS gère quelque 300 appartements de ce type. Pour les requérants, il s'agit d'une étape supplémentaire: après avoir séjourné dans un centre de premier accueil, où ils étaient suivis 24 heures sur 24, ils ne sont plus hébergés dans un logement assurant un encadrement permanent. Dans le jargon, on parle de «phase de deuxième accueil».

La durée du séjour dépend de la procédure. «Certains sont là depuis cinq ans», explique Esed Ahmeti. L'intendant avoue qu'il doit parfois lutter pour que les locataires - tous des célibataires - s'attellent aux tâches ménagères. Chaque appartement est constitué de trois chambres - partagées à deux - d'une cuisine et de sanitaires communs. Sur le seuil de sa chambre, un Guinéen de 40 ans engage la conversation. Arrivé au centre d'enregistrement de Vallorbe, il a séjourné deux mois dans le foyer de Broc, avant d'arriver à Bulle il y a une année et demie. «Dans mon pays d'origine, je travaillais dans l'agriculture. Ici, je fais des petits boulots, en passant par une entreprise de placement temporaire.»



Dernier maillon à la Poya
Pour les visiteurs, la matinée de vendredi se termine par un coup d'oil au foyer de la Poya à Fribourg. Particularité de ce centre d'une capacité de 100 places, il est réservé à l'hébergement de personnes déboutées. «Personne n'a de chambre attribuée, précise le responsable. Les résidents doivent quitter les lieux entre 9 h et 17 h et renouveler leur autorisation de séjour chaque semaine auprès du Service de la population et des migrants.» Dernier maillon de l'assistance aux réfugiés, cette aide est conçue dans le but de répondre à l'article 12 de la Constitution fédérale sur la préservation de la dignité humaine.



Polémique en toile de fond
«ORS marchand de misère». C'est avec cette banderole qu'une dizaine de requérants et quelques membres du Centre de contact Suisses(esses)-immigrés(es)/SOS racisme et du Collectif autonome des immigré.e.s. ont accueilli les visiteurs devant le foyer de la Poya. Sur la base de témoignages recueillis auprès de requérants et de personnes frappés d'une décision de non entrée en matière, les deux associations accusent l'entreprise ORS Service de s'enrichir sur le dos des migrants.

Dans un tract, les manifestants dénoncent la «formation volontai-rement insuffisante et défaillante du personnel d'encadrement des requérants aux fins d'économie» et la «réduction coercitive de l'assistance sociale aux requérants aux fins d'enrichissement d'ORS». Concernant ce dernier point, les deux associations disent avoir la preuve qu'ORS pousse les chefs de centres à prendre des sanctions financières à l'encontre des requérants: «Lorsqu'un résident d'un foyer d'accueil quitte sa chambre en oubliant d'éteindre la lumière ou de fermer la fenêtre, ou si la chambre n'est pas jugée assez propre, il s'expose, après un premier avertissement écrit, à une réduction de l'assistance sociale qui lui est due.»

Des accusations rejetées en bloc et qualifiées de «mensonges» par les responsables d'ORS. En charge de la Direction de la santé et des affaires sociales, Anne-Claude Demierre témoigne également sa confiance en l'entreprise. «Aucun bénéfice ne se fait sur le dos des requérants et l'ORS fait son travail avec humanité.» Interpellée dans le tract des manifestants sur le contrôle d'ORS, la conseillère d'Etat assure que ses services opèrent des contrôles réguliers sur les activités de l'entreprise privée. «Des visites sont faites à l'improviste dans les différents centres du canton», précise-t-elle, ajoutant qu'«il n'est pas question de remettre en cause le travail de notre mandataire».

Active depuis 1992, ORS gère notamment les six centres d'enregistrement de la Confédération et assure le suivi et l'hébergement des requérants pour plusieurs cantons, dont Zurich et Soleure. Dans le canton de Fribourg, elle a repris le 1er janvier 2008 un mandat, jusqu'alors confié à la Croix-Rouge.

LLes musulmans prêts à faire une croix sur le minaret


RÉACTIONS | Le peuple suisse devra se prononcer sur l’initiative antiminarets. Le texte a déjà fait grand bruit. Mais qu’en pensent les principaux intéressés? Réponses de musulmans de la mosquée de Genève et du Centre islamique de Lausanne.
Lire dans 24heures

© PASCAL FRAUTSCHI | En Suisse, on trouve entre 130 et 140 lieux de prières musulmans. Seul deux, dont celui de Genève (photo), ont un minaret.

STÉPHANIE ARBOIT | 27.09.2008 | 00:04

L’incompréhension. Sans animosité, mais presque avec incrédulité. C’est
le sentiment qui domine, face à l’initiative antiminarets, au Centre
islamique de Lausanne. Avant le repas de rupture du jeûne – Ramadan
oblige –, parmi le va-et-vient vers la salle de prière aux tapis
colorés, les hommes se plient volontiers aux questions. Sauf, bien
entendu, ceux qui sont en retard pour leurs oraisons.

L’initiative suscite parfois un «sentiment désagréable», voire de la
douleur. «Ça me fait un peu mal», avoue le Camerounais Idriss, 30 ans.
Mais quelques-uns restent indifférents, comme Hadi, 49 ans, d’origine
cambodgienne, en Suisse depuis trente-cinq ans et converti à l’islam
depuis vingt-deux ans: «Cette initiative ne me fait ni chaud ni froid.»

En cela, Hadi est proche des musulmans interrogés devant la mosquée
de Genève. L’édifice, qui se fond dans le paysage, sert 700 repas
chaque soir pendant le Ramadan. D’où des visiteurs bigarrés. Qui
balaient en riant l’initiative comme un «faux problème».
Mais ne serait-ce pas parce que leur centre possède déjà son minaret,
et ce depuis 1975? «Non, pas besoin de minaret pour prier. L’objet
architectural n’a aucune incidence sur notre foi, qui se trouve dans
notre cœur» est la réponse qui fait l’unanimité, et ce d’ailleurs aussi
bien au bout du lac que dans la capitale vaudoise.

Seul Mourad, 45 ans, soulève une autre explication au «désintérêt»
général pour l’initiative: «Nous ne donnons pas d’importance à ce texte
pour ne pas créer de problème. Pour ne pas offenser les Suisses non
musulmans. De même que nous ne vous demanderons pas de mettre un voile
pour rentrer dans notre centre.»

Cette ouverture qu’ils prônent les fait dénoncer l’argument de
réciprocité, souvent mis en avant dans le débat sur les minarets. «En
Tunisie ou en Syrie où j’ai étudié, cela ne m’est jamais venu à
l’esprit de m’élever contre les cloches des églises! Et les peuples de
ces pays n’y pensent pas non plus!» insiste Wahid, 50 ans, qui essaie
de faire reconnaître en Suisse sa formation de juriste tout en
pratiquant dans l’intervalle le métier d’apiculteur.

Contre les minarets ou contre les musulmans?

«C’est la démagogie du bla-bla»: beaucoup de croyants dénoncent «la
dimension électoraliste de l’initiative, qui joue sur les peurs au lieu
d’essayer de comprendre ce qu’est l’islam» et stigmatise une catégorie
de croyants.

G., 41 ans, d’origine suisse allemande, refuse de révéler son prénom
parce que «la religion relève de la sphère privée» et qu’il ne souhaite
pas que ses collègues de travail apprennent qu’il est musulman. «Les
tenants de l’initiative assimilent l’islam aux Arabes et aux requérants
d’asile, estime-t-il. Pour eux, qu’un Suisse comme moi se soit converti
est incompréhensible. Je votais UDC et il y a encore des choses qui me
plaisent dans le discours de ce parti. Mais sur certains points, il va
trop loin.»

«Moi aussi je suis «Suisse de souche» et ils ne peuvent donc pas me
foutre dehors!» renchérit Christophe, 42 ans, converti depuis 1995.
Confiance dans la démocratie semi-directe

Autre Suisse «depuis toujours», Jérôme, 39 ans, ingénieur civil
converti depuis quinze ans, s’étonne: «Mettre dans la Constitution un
article qui concerne la police des constructions est un abus de notre
démocrate semi-directe, qui n’est pas faite pour régler ses comptes
avec telle ou telle communauté.» Wahid, justement, a foi dans le système suisse: «C’est exclu que
l’initiative passe, car le peuple suisse est un peuple de paix qui
n’acceptera pas ce système de guerre.»

«J’espère qu’en tant que musulmans nous profiterons de l’initiative
pour sortir du bois et montrer notre visage, qui n’est pas mauvais et
extrémiste, contrairement à ce que l’on voudrait faire croire»,
conclut, dans le même élan d’optimisme, Jérôme.



Différents aspects du minaret

«Le fait d’avoir des minarets sur nos lieux de prière n’est pas prioritaire, affirme Adel Mejri, président de la Ligue des musulmans de Suisse. La preuve: il y a environ 130 à 140 centres islamiques sans minarets en Suisse, contre seulement deux mosquées avec.»

C’est que l’islam n’impose pas le minaret, qui n’est en aucun cas sacralisé. «Même dans les pays musulmans, le minaret n’est pas toujours présent dans les villes, sauf sur les grandes mosquées, symboles de beauté et de pouvoir comme ont pu l’être nos cathédrales, explique Stéphane Lathion, historien et chercheur au Groupe de recherche sur l’islam en Suisse (GRIS). Historiquement, il servait à situer le lieu de culte, comme nos clochers.» L’autre fonction pratique étant l’appel à la prière. «Mais qui peut tout aussi bien se faire depuis le perron de l’entrée du lieu de culte.»

En dernier lieu, il ne faut pas oublier la dimension de mémoire ou d’affectivité: «Le minaret aide certaines personnes à identifier le lieu qu’elles voient comme étant bel et bien une mosquée. Dans une dynamique d’exil ou d’immigration, il peut être rassurant de penser «cela ressemble au pays que j’ai quitté». ST. A.



Non aux minarets et non à leurs détracteurs

L'édito de Nicolas Verdan, rédacteur en chef adjoint

Les minarets n’intéressent pas les musulmans de Suisse. Ils nous le disent. L’initiative visant leur interdiction leur apparaît même surréaliste. Indifférence, volonté de ne pas offenser la culture dominante judéo-chrétienne, inutilité de l’édifice en question, la majorité d’entre eux désamorce la polémique. Pour se distancier d’un débat jugé sans objet.

Prenant à rebours à la fois les adversaires les plus farouches des minarets et ceux qui les défendent la bouche en cœur, au nom d’une «ouverture» empreinte de politiquement correct, la communauté islamique donne même une leçon de bon sens. Pourquoi s’embarrasser de tels édifices, aujourd’hui inutiles à l’équilibre confessionnel? Notre pays offre la liberté de culte aux musulmans. Tous ceux qui ressentent l’envie ou le besoin de prier le savent. Point besoin de muezzin pour les rappeler au bon souvenir de l’imam. L’heure des cultes est connue au sein de la communauté. Les affichettes et les courriels suffisent à l’appel.

Dès lors, pourquoi des tours flanquées aux coins des mosquées? A l’origine, la fonction du minaret, comme celle du clocher, servait de point de repère aux fidèles. Les détracteurs des minarets ne s’en rendent pas compte. Leur initiative vise en fait des moulins à vents. Or, cette croisade qui fait soupirer le musulman de Suisse, l’«ennemi» désigné, n’est pas seulement dérisoire. Elle est aussi bête que dangereuse. En jouant avec des peurs sans fondement, comme celle de nos villes hérissées de tours islamiques, les initiants donnent une fausse image de la Suisse. L’islam y serait bafoué, ses fidèles interdits de prière et
les mosquées bannies de l’espace public. Un portrait peu avantageux, brossé par de «bons Suisses» et qui s’achètera roupie comptante dans les pires souks islamistes. Retours de flamme garantis.

UE: le pacte sur l'immigration est bouclé

Le conseil des ministres européens de la justice et des affaires intérieures, a adopté jeudi 25 septembre 2008, le pacte européen sur l'immigration et l'asile. Cet accord vise à mettre en place une panoplie de mesures, pour conditionner l’entrée et le séjour des étrangers en Europe.
Immigration : les 27 pays membres de l’UE adoptent un nouveau pacteLe pacte, qui sera soumis au sommet européen en octobre prochain, vise notamment à organiser l’immigration légale en tenant compte des priorités, des besoins et des capacités d’accueil déterminés par chaque Etat membre de l’Union Européenne (UE). Il vient également dans le cadre d’une volonté européenne de faire bloc contre l’immigration clandestine, à travers le durcissement des contrôles aux frontières, et l’instauration de nouvelles loi qui limiteraient les flux migratoires, à l’instar de l’Espagne avec son projet de retour volontaire.

D’un autre coté, les ministres européens ont adopté un projet de "Carte bleue". Objectif, satisfaire les besoins en matière de main d’oeuvre qualifiée, tout en mettant en place, une procédure commune entre les pays européens, qui faciliterait d’avantage l’admission des immigrés hautement qualifiés, à l’image de l’immigration choisie lancée par le président Français, Nicolas Sarkozy.

Par ailleurs, bon nombre d’euro-députés n’ont pas caché leurs doutes et leur inquiétude, sur la façon d'appliquer ces lois. Ils souhaitent inciter les états membres à utiliser des moyens incitatifs, plutôt que d'adopter une politique de menaces et de sanctions. Leurs opposants ont estimé quant à eux, qu'il était grand temps de limiter les flux migratoires à travers une stratégie européenne progressive en matière d’asile et d’immigration.

Avec l’adoption du nouveau pacte européen, la forteresse Europe dresse une nouvelle barricade.

Mohcine Lourhzal
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