mercredi 31 août 2011

Alard du Bois-Reymond quitte l’ODM

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Le DFJP ordonne une enquête externe

Entre 2006 et 2008, les ambassades de Suisse en Syrie et en Égypte ont reçu quelque 7000 à 10 000 demandes d’asile, déposées par des ressortissants irakiens. Ces demandes n’ont pas été traitées par l’Office fédéral des migrations pendant plusieurs années. Une enquête externe doit désormais établir si cette manière de procéder a causé une violation du droit et quels enseignements il faut tirer de cette affaire.

La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP), a informé aujourd’hui le Conseil fédéral des faits. Le DFJP a confié la responsabilité de l’enquête externe à Michel Féraud. Jusqu’en 2010, M. Féraud était juge au Tribunal fédéral, où il présidait la 1re Cour de droit public.

C’est à la fin du mois de mai dernier que Mme Sommaruga a eu connaissance des faits dont il est question. Elle a immédiatement ordonné des investigations internes. L’enquête externe vise à compléter ces investigations et à fournir un éclaircissement complet des faits. Elle devra également livrer des propositions pour traiter de manière conforme au droit celles de ces demandes qui sont encore en suspens. Le rapport d’enquête devrait être présenté d’ici la fin de l’année. Le DFJP décidera alors de la suite à donner à cette affaire et informera de sa décision.

Communiqué du Conseil Fédéral

Exposé de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga (enquête externe)

Lors de la conférence de presse du Conseil fédéral, Simonetta Sommaruga a donné des informations sur l’enquête externe qu’elle a ordonnée concernant des demandes d’asile non traitées qui ont été déposées dans les ambassades de Suisse en Syrie et en Égypte entre 2006 et 2008.

J’aimerais maintenant vous parler d’une autre affaire dont j’ai informé le Conseil fédéral aujourd’hui :

De 2006 à 2008, les ambassades de Suisse en Syrie et en Égypte ont reçu entre 7000 et 10 000 demandes d’asile. Ces demandes n’ont ensuite pas été traitées par l’Office fédéral des migrations pendant plusieurs années. Ayant eu connaissance de ces faits à la fin du mois de mai de cette année, j’ai immédiatement ordonné qu’il soit procédé à des investigations internes. Selon les conclusions dont je dispose à l’heure actuelle, l’affaire se présente, dans les grandes lignes, comme suit :

Vers la fin de l’année 2006, l’Ambassade de Suisse en Syrie a signalé qu’elle recevait des centaines de demandes d’asile déposées par des personnes ayant fui l’Irak. Le plus souvent sous forme écrite, la plupart de ces demandes étaient rudimentaires et nombre d’entre elles concernaient plusieurs personnes. Le directeur local du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) aurait indiqué à l’époque que ces réfugiés seraient accueillis dans les camps du HCR. L’Office fédéral des migrations (ODM) a alors instruit l’ambassade de ne pas répondre à ces demandes et de ne pas les lui transmettre. Au printemps 2008, l’ODM a renouvelé cette instruction.

Au début de 2010, le nouveau directeur de l’ODM, M. Alard du Bois-Reymond, a été informé de cette affaire par le vice-directeur de l’époque, qui a exprimé des doutes quant à la légalité du procédé. Par la suite, l’ODM a commencé à traiter ces demandes, parmi lesquelles se trouvaient également quelque 1800 demandes déposées au Caire. Près de la moitié de ces demandes n’ont pas encore été traitées aujourd’hui.

Les investigations internes que j’ai ordonnées au début de l’été n’ont pas permis de clarifier entièrement les faits.

Diverses questions restent à ce jour sans réponse. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de confier à une personne extérieure à l’administration la responsabilité de mener une enquête.

M. Michel Féraud a bien voulu accepter cette mission et j’en suis heureuse. M. Féraud est un ancien juge fédéral. Il a présidé la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral.

M. Féraud n’a pas pour seul mandat d’éclaircir les faits. Il devra aussi dire si le droit en vigueur a été violé ou si un devoir d’information n’a pas été respecté. M. Féraud devra aussi montrer s’il est encore possible aujourd’hui de traiter ces demandes de manière conforme au droit et à la situation actuelle, et si oui, comment. Il dira aussi quels enseignements il convient de tirer de cette affaire.

Comme vous pouvez le constater, les responsables de l’époque ne travaillent plus à l’ODM, ni dans le département. Des mesures disciplinaires ou relevant du droit du travail ne seront donc pas au centre des leçons à tirer de cette affaire.

Encore une remarque pour conclure :

À l’heure où je vous parle, je n’ai absolument aucun indice qui montrerait que les autorités compétentes, par leur comportement, ont mis en danger des réfugiés, ou qu’elles les ont abandonnés à leur sort de manière irresponsable – en raison justement des assurances données par le HCR concernant l’accueil des réfugiés en question.

M. Féraud devrait me présenter son rapport d’ici à la fin de l’année. Je déciderai à ce moment de la suite à donner à cette affaire et serai alors en mesure de vous informer des prochaines étapes dans ce dossier.

Je vous remercie de votre attention.

Discours, DFJP, Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. La parole prononcée fait foi.

La Confédération ouvre provisoirement un nouveau centre d’hébergement pour requérants d’asile

Berne. L’Office fédéral des migrations a ouvert aujourd’hui un centre d’hébergement temporaire pour requérants d’asile, d’une capacité maximale de 50 personnes, au col du Jaun, dans la commune de Boltigen (BE). La décision d’utiliser des locaux de l’armée pour accueillir les requérants d’asile nouvellement arrivés s’appuie sur un accord passé entre le Département fédéral de justice et police (DJFP) et le Département fédéral de la défense (DDPS). Cette solution doit permettre d’amortir les hausses à court terme du nombre de demandes d’asile.

L’Office fédéral des migrations (ODM) s’est fixé comme objectif de mettre à disposition des lits supplémentaires sous la responsabilité de la Confédération, afin de décharger les cantons et de renforcer les centres d’enregistrement et de procédure (CEP). L’ouverture de nouveaux centres d’hébergement de la Confédération favorise de manière optimale la prise en charge et le traitement prioritaire des nouvelles demandes d’asile . Dans la mesure du possible, les personnes qui doivent quitter la Suisse car leur procédure d’asile est terminée ne devraient pas être attribuées aux cantons.

En raison de la situation actuelle en Afrique du Nord, qui est exceptionnelle, et de l’afflux croissant de migrants vers le sud de l’Italie, une nouvelle augmentation du nombre de requérants d’asile en Suisse n’est pas à exclure.

L’ODM est en contact avec les gouvernements cantonaux concernant l’ouverture d’autres centres d’hébergement pour requérants d’asile et procède à l’évaluation de différents objets, le but étant de garantir un nombre important de places supplémentaires.

Communiqué de l’ODM

Asile: plusieurs milliers de demandes n’ont pas été traitées par l’ODM

Une enquête a été ouverte afin de déterminer pourquoi l'Office fédéral des Migrations n'a pas traité 7'000 à 10'000 demandes d'asile en provenance d'Irak. Celles-ci avaient été déposées entre 2006 et 2008 auprès des ambassades de Suisse en Syrie et en Egypte.

Entretien avec Ron Hochuli, correspondant de la TSR à Berne

TSRinfo

La fin du ramadan dans l’intimité d’une famille musulmane d’Yverdon

Après trente jours de jeûne diurne, la communauté islamique vaudoise célèbre l’Aïd-el-fitr. Reportage lundi soir.

«Pour commencer, un café turc avec de la cardamome!» lance Gian, dans son bel appartement du quartier des Chaînettes, à Yverdon. Le café, avant de manger? «C’est comme votre apéro», explique sa sœur, Pery, la cinquantaine fringante, installée en Suisse depuis trente-deux ans, membre de l’association des Paysannes vaudoises et animatrice dans un EMS.

Sur la table, pour ce repas qui marque la fin du ramadan (iftar ), des mets de toutes les couleurs: olives noires, vertes, mauves, chaussons à la viande, riz, poulet, salades, fruits. Et dans la carafe: du yoghourt dilué dans de l’eau salée.

Le menu est copieux, mais sans commune mesure avec l’iftar gargantuesque que Gian aurait fait mijoter en Irak, son pays d’origine: «Normalement, tout le monde s’active dans tous les sens une semaine avant. C’est l’ébullition. On fait les achats durant plusieurs jours et on s’habille de neuf.»

A Yverdon, seule la petite Tara, 10 ans, a eu droit à une robe neuve. «On garde nos mœurs, certes, mais on se fond dans la masse», explique Pery, qui a recouvré le goût du ramadan depuis que sa sœur l’a rejointe en Suisse il y a trois ans. «Mais en trente ans, j’ai perdu la capacité de jeûner totalement», avoue celle qui a épousé un Yverdonnois en 1980.

La petite Tara et sa sœur, Raya, se sont vu glisser une pièce dans la poche par les adultes. Elles iront faire un tour de manège et s’achèteront des bonbons. Gian et son mari, Mohamed, ont fait le tour des étages pour distribuer des kleecha (pâtisseries aux dattes et aux noix) aux voisins de l’immeuble. Justement, la voisine de palier sonne à la porte avec un bouquet, pour les remercier.

De la joie, non sans pincement au cœur: «On serait là-bas, la fête serait frénétique», dit Gian. «Tu parles! C’est un vrai bain de sang», renchérit son mari, en montrant les images des chaînes arabes qui tournent sur l’écran du salon. «Allez, allez! Ici, ce sera bientôt Noël», tente de consoler Pery. «Chez nous, on fête aussi Noël. Une fête de plus vaut toujours mieux qu’une fête de moins !»

Marion Moussadek dans 24 Heures

Malgré la polémique, les étrangers sont bienvenus

Une seule Université suisse (Saint-Gall) impose des quotas d’étrangers. Ailleurs, on n’a pas serré la vis.

L’afflux d’étrangers dans les Hautes Ecoles suisses inquiète. Surtout l’UDC et EconomieSuisse, qui dénoncent une baisse du niveau de la formation et exigent des restrictions à l’admission des candidats étrangers. Depuis que la Conférence des recteurs des Universités suisses (CRUS) a jugé légale l’introduction de quotas d’étrangers, la question des restrictions continue à faire débat, principalement en Suisse alémanique. A trois semaines de la rentrée universitaire, quelques adaptations sont à signaler mais la réalité est loin du durcissement évoqué ces derniers temps.

Raymond Werlen, secrétaire général adjoint de la CRUS, temporise l’annonce du début de l’année: «La loi autorise les Hautes Ecoles à limiter les entrées mais seulement si un sureffectif s’avère problématique», souligne-t-il. Mais qu’en est-il vraiment sur le terrain?

Pour l’instant, seule l’Université de Saint-Gall, qui compte un tiers d’étrangers, impose un quota de 25%. Ailleurs, le seul changement immédiat concerne les étudiants allemands qui représentaient un tiers des candidatures étrangères en Suisse l’année dernière. Désormais, ils doivent prouver qu’ils ont obtenu une moyenne minimale de 2,5 à leur maturité (2 pour Berne et Zurich). Ce qui correspond à 4,5/6 et 5/6 en Suisse. A défaut, ils peuvent toujours produire une attestation d’entrée dans une Université allemande.

Une «simplification»

Pour la CRUS, c’est une simplification et non un durcissement. Le service des admissions de Berne justifie son exigence de note plus élevée: «C’est dû au fait que l’Allemagne a raccourci la durée de la formation gymnasiale d’une année et qu’à l’avenir, le nombre de diplômés augmentera fortement.»

Avec, selon l’Office fédéral de la statistique, un taux d’étrangers de 11,7% en 2010 à l’Université de Berne, 32,5% à Saint-Gall et moins de 20% à Zurich, les Universités suisses alémaniques ne sont pourtant pas celles qui accueillent le plus grand nombre de candidats venus de l’extérieur. L’Université de la Suisse italienne (USI) en accueillait 63,6%, l’EPFL 46,6%, et l’Université de Genève 35,3% .

Cependant, ces établissements ne durcissent pas leurs admissions. A titre d’exemple, les Universités exigent toujours un 12/20 au bac français, l’EPFL un 14/20. «Seul un afflux rapide d’étrangers qui pèserait sur le budget, les locaux et les enseignants justifierait d’agir. Rien de tel pour l’instant», précise Pascal Garcin, directeur de la division administrative et sociale des étudiants de l’Université de Genève. Les académies de Neuchâtel et de Lausanne, avec près de 20% d’étrangers, tiennent le même discours.

Des restrictions à l’étude

Néanmoins, les écoles polytechniques de Lausanne et Zurich (EPFL et EPFZ) surveillent d’assez près l’évolution des demandes. «Les candidats étrangers au niveau master atteignent déjà un seuil de 47% à Lausanne, précise le porte-parole de l’EPFL, Jérôme Grosse. Dès 50%, nous réfléchirons à des mesures.» Hubert Girault, doyen de l’école Bachelor et Master de l’EPFL, confirme: «La commission des EPF a demandé une modification de la loi fédérale, dans le sens d’un quota, mais rien n’a changé pour l’instant. L’augmentation des taxes avantagerait les riches, elle ne me semble pas appropriée.»

Un avis partagé par le conseiller national PDC Jacques Neirynck (VD), ancien professeur à l’EPFL: «Le manque de place invoqué par les Suisses alémaniques est un faux argument. Le tri doit se faire sur la qualité des candidats et non sur l’argent. Les notes restent le seul critère pertinent.»

Même position du côté du président de l’USI: «Je ne souhaite pas une université de masse. L’USI compte un total de 3000 étudiants, le jour où on atteint les 3500, la logistique ne suivra pas et il faudra retenir les meilleurs candidats étrangers», analyse Piero Martinoli. Une musique d’avenir qui se fonderait sur le critère de «capacité», jugé légal par la Conférence des recteurs.

Du côté de l’UNES, qui représente les étudiants suisses, toute restriction d’admission pour les étrangers est regrettable. «Notre tradition d’ouverture et d’égalité des chances doit perdurer. Promouvoir la mobilité et freiner l’admission des étrangers est contradictoire. Une note minimale de maturité n’est pas représentative du potentiel d’un étudiant», regrette Virginie Lapaire, du comité exécutif d’UNES .

Yannick Barillon dans 24 Heures

lundi 29 août 2011

Unia lance une campagne contre la xénophobie

Unia a lancé lundi une campagne contre la xénophobie. Son message: dans certaines branches en Suisse, plus rien ne fonctionnerait sans la main d’œuvre étrangère.

unia sans nous pas de foot

Le syndicat Unia a lancé lundi une campagne contre la xénophobie. Grâce à des cartes postales, des drapeaux et une journée d’actions, il entend rappeler «le précieux apport des migrants et des migrantes à la prospérité helvétique».

Des salles d’opérations malpropres, des personnes âgées délaissées, une pénurie de médecins et aucun nouveau tunnel ferroviaire: dans certaines branches en Suisse, plus rien ne fonctionnerait sans la main d’œuvre étrangère, communique Unia lundi. Sur les chantiers, 69% des ouvriers n’ont pas de passeport suisse, souligne le syndicat.

Au lieu de recevoir de la reconnaissance pour ces performances, les étrangers se voient souvent confrontés à la discrimination et la xénophobie. La droite populiste en particulier «exploite depuis des années la question des étrangers avec une insistance effrayante, empoisonnant le climat social en Suisse d’une manière aussi inacceptable que dangereuse».

Il est temps de réagir, estime Unia: avec sa campagne «Sans nous, pas de Suisse. Halte à la xénophobie», elle entend donner de la voix aux nombreuses personnes qui en ont assez de ces campagnes haineuses.

Cartes et drapeaux

Ces quatre mois prochains, Unia distribuera des cartes postales à ses membres avec des messages contre la xénophobie. Les personnes intéressées sont invitées à commander des drapeaux gratuits avec le slogan de la campagne «Sans nous pas de...» et à les accrocher aux fenêtres de leur domicile ou de leur lieu de travail.

Des actions sont également prévues dans la rue. Les 17/18 décembre, une journée internationale de la migration clora la campagne. Unia se charge de la coordination en Suisse.

Le Matin

Campagne contre la xénophobie

Le syndicat Unia a lancé une campagne contre la xénophobie. Grâce à des cartes postales, des drapeaux et une journée d'actions en décembre, il entend rappeler «le précieux apport des migrants et des migrantes à la prospérité helvétique».

TSRinfo

mercredi 24 août 2011

Du jardinage pour intégrer les migrants

L’Entraide protestante suisse a inauguré samedi à Yverdon un jardin essentiellement destiné aux personnes migrantes.

eper jardin migrants

Un projet pour la sociabilisation et l’intégration. Les jardins ouverts d’Yverdon, qui ont été inaugurés samedi dernier, marquent une étape de plus dans le combat mené par l’Entraide protestante suisse (EPER) en faveur des personnes migrantes.

Au chemin du Maréchat, dans un espace vert appartenant à la commune et entièrement dévolu aux jardins familiaux, la parcelle 160 est louée par l’EPER. Six familles y disposent chacune d’un jardinet biologique de 20 à 50 m2, où poussent fruits, légumes et plantes aromatiques. «Cette activité leur permet de se familiariser avec la vie en société, avec la langue et de se maintenir en forme», note Chloé Manfredi, responsable du projet Nouveaux Jardins. Chaque famille entretient son jardinet au moins deux fois par semaine et participe aux ateliers de jardinage hebdomadaires donnés par l’EPER. Certains légumes ayant souffert de la météo automnale de cet été, citrouilles, concombres, tomates et courgettes poussent avec un bonheur inégal.

«Des moments d’échange ont lieu avec, pour langue de base, le français», indique Chloé Manfredi. Les mercredis après-midi, les enfants des bénéficiaires du projet disposent de jeux pédagogiques leur permettant d’apprendre le français de façon ludique.

Connus depuis plusieurs années à Bâle, à Berne, en Argovie et à Soleure, les Nouveaux Jardins viennent de faire leur apparition en Suisse romande à Villeneuve et à Yverdon-les-Bains. Le projet s’adresse aux réfugiés et aux migrants récemment arrivés en Suisse ou qui n’ont pas encore de réseau social.

L’UDC déterre la hache de guerre avec l’économie sur la libre circulation

Toni Brunner attaque de front le président d’EconomieSuisse suite à une interview publiée dans nos colonnes.

imageL’UDC a présenté hier à Berne son programme pour revitaliser l’économie par le biais d’allégements d’impôts pour les entreprises et les ménages. Photo Keystone 

Dans nos éditions de lundi, Gerold Bührer s’en prenait vertement à l’Union démocratique du centre (UDC) et à son initiative «Contre l’immigration de masse», qualifiant la démarche «d’irresponsable». Il reprochait au parti d’exploiter politiquement les peurs, au lieu de chercher des solutions. Le texte exige, entre autres, une renégociation de l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne (UE).

La contre-attaque n’a pas tardé. Dans une lettre envoyée hier au président de la Fédération des entreprises suisses, l’UDC estime que ces reproches ne sont même pas «documentés». Toni Brunner, président de l’UDC, pose neuf questions, et prie Gerold Bührer d’y répondre, car si l’UDC a fait «des propositions concrètes», ce n’est pas le cas d’EconomieSuisse.

Le plus grand parti du pays se demande notamment si l’organisation économique considère «souhaitable et supportable» l’immigration «de masse de ces quatre dernières années»? Quelles mesures sont proposées contre les conséquences «négatives» de ces arrivées, telles les infrastructures «surchargées» ou encore la croissance des loyers? EconomieSuisse peut-elle garantir que, en cas de ralentissement de la conjoncture, les chômeurs originaires de l’Union européenne (UE) retourneront dans leur pays?

Parti de l’économie

La tension est également vive avec l’autre organisation économique, celle des petites et moyenne entreprises, l’Union suisse des arts et métiers (USAM). Son président, l’UDC Bruno Zuppiger, a été prié de se distancier de l’initiative de son parti. Chose faite dimanche dernier dans le SonntagsBlick . «L’initiative va trop loin», a estimé le Zurichois, qui compte parmi les partisans de la libre circulation des personnes dans son parti. Il estime que la Suisse ne peut pas prendre le risque de remettre en cause les accords bilatéraux. Cette position est défendue par des représentants de l’aile économique de l’UDC comme l’industriel thurgovien Peter Spuhler ou le Bernois Hansruedi Wandfluh.

Ces tensions avec les organisations économiques n’inquiètent pas le chef de campagne Christoph Blocher, alors que l’UDC dispute la place de parti de l’économie au Parti libéral-radical. «Lors de la campagne sur l’EEE, la confrontation avec les associations économiques a été brutale, confiait hier l’ancien conseiller fédéral en marge de la conférence de presse sur le franc fort. Leurs dirigeants voulaient adhérer à l’EEE puis à l’UE, ce qui était irresponsable pour nous. Si nous les avions écoutés nous y serions.»

Christoph Blocher s’en prend aussi directement à l’ancien conseiller national PLR Gerold Bührer: «C’est une prise de position libérale-radicale, rien de plus. Car, sur le fond, Gerold Bührer demande la même chose que nous dans son interview, soit une adaptation de l’accord sur la libre circulation des personnes. Sa vision est celle, typique, d’un manager à courte vue. Le nombre de chômeurs lui est égal. Il est indifférent aux tensions sociales. Il ne regarde que le moment présent. Des entrepreneurs prévoyants ne pensent pas comme cela!»

Du coté d’EconomieSuisse, l’attaque est gérée avec sang-froid. Ursula Fraefel, responsable de la communication: «En pleine campagne électorale, cette manière d’agir ne nous surprend pas. Il est évident que Gerold Bührer va répondre à ces questions. En ce qui concerne les accords bilatéraux avec l’UE, il y a longtemps qu’il y a une divergence d’opinions entre l’UDC et nous.»

Romain Clivaz, Berne, pour 24 Heures

Pour ou contre l’octroi des droits politiques aux étrangers du canton ?

Yves Christen et Philippe Leuba sont les invités de la page Débat du quotidien 24 Heures.

yves christen débat Il est dans notre intérêt de dire oui

Pourquoi accorder le droit de vote aux étrangers établis chez nous depuis dix ans et quasiment intégrés, alors qu’ils rempliraient les conditions de la naturalisation? C’est la question à laquelle vous devez répondre le 4 septembre.

J’y ai longuement réfléchi et j’ai fini par me convaincre de voter oui. Ce n’est ni par provocation, en ces temps de redoublement de la xénophobie, ni seulement par esprit d’ouverture, mais parce qu’il en va de l’intérêt à long terme de notre canton. Tout m’incite à penser que la société de demain sera plus ouverte et qu’elle tendra inéluctablement à distinguer la citoyenneté de la nationalité, cette dernière n’étant qu’une couche supplémentaire dans le millefeuille de nos identités.

Bien sûr, l’Europe entière vit une crise qui renforce les mouvements nationalistes populistes. On voit naître des  alliances entre extrême droite et gauche dure pour lutter contre la mondialisation qui générerait une croissance néfaste. On propose de rétablir des frontières et des barrières douanières. Mais l’évolution prévisible de la démographie en Europe, et dans notre pays en particulier, indique que le Vieux-Continent va vers une décroissance naturelle du fait du vieillissement de sa population.

yves christen débat citationDans vingt ans, il n’y aura plus assez de Suisses actifs pour financer les retraites. C’est grâce à l’immigration des pays dits jeunes que nous compenserons le manque de travailleurs, de cerveaux et de bras, dans toutes les branches de l’économie. C’est déjà le cas aujourd’hui, mais le phénomène s’amplifiera. Autrement dit, la libre circulation va devenir la règle en matière d’emplois au-delà de l’Union européenne. Quelles que soient les gesticulations électoralistes de l’UDC.

Il faut s’y préparer en intégrant encore mieux ces hommes et ces femmes que jusqu’ici on qualifiait de main-d’œuvre. Prêts à quitter leur pays, ces immigrés, qui seront de mieux en mieux formés, renforceront le dynamisme de notre population. Ils seront mobiles et se fixeront où ils se sentent le mieux reçus. Beaucoup renonceront à se lancer dans un processus de naturalisation qui reste compliqué. Sans parler des nombreux pays où la double nationalité n’est pas la règle.

Notre chance est que tous ces travail- leurs puissent vivre en harmonie avec nous pour créer des richesses, payer les impôts et les cotisations sociales afin de nous maintenir parmi les pays les plus prospères. Que perdrons-nous en leur offrant la possibilité de devenir de vrais citoyens et en complétant les droits civiques communaux sur le plan cantonal? Quels sont les devoirs auxquels les opposants font référence et que n’accompliraient pas les étrangers établis au plan cantonal? Je n’en vois pas.

C’est un pari où nous avons tout à gagner, et j’invite les Vaudoises et les Vaudois à faire le pas, au-delà des mots d’ordre des partis peu enclins à prendre des risques en période électorale.

philippe leuba débat Ne dévalorisons pas la naturalisation!

Faire et défaire les lois, élire les juges, gouverner le canton, représenter les Vaudois au Conseil des Etats, tels seraient les droits que l’initiative «Vivre et voter ici» entend octroyer aux étrangers, sous la condition qu’ils résident depuis une certaine période en Suisse et dans le canton de Vaud.

Aveuglés par l’illusion qu’une idée est juste dès lors qu’elle serait généreuse, les initiants proposent de conférer aux étrangers – à ceux qui précisément ne sont ni Suisses ni Vaudois – le droit de décider de l’avenir d’une communauté dont ils ne se réclament pas.

Nombre de bénéficiaires potentiels de cette initiative sont en effet des ressortissants étrangers qui remplissent déjà les critères, aujourd’hui largement assouplis, leur permettant de demander leur naturalisation, mais qui n’ont pas pour autant entrepris cette démarche. Au travers de cette dernière, ils peuvent témoigner le sentiment qu’ils se sentent au moins aussi Vaudois que Zaïrois, Serbes, Turcs ou Allemands.

Est-ce trop demander à celui qui veut décider de l’avenir de la communauté vaudoise qu’il démontre que le canton de  Vaud lui est au moins aussi cher que sa patrie d’origine? Cette exigence est d’autant moins excessive que, dans la plupart des cas, il n’est plus nécessaire de renoncer à sa nationalité première lorsque l’on acquiert celle de notre pays et que le coût de notre procédure de naturalisation est aujourd’hui modique.

philippe leuba citationLes partisans du droit de vote et d’éligibilité des étrangers commettent l’erreur de croire que l’octroi des droits civiques favoriserait l’intégration des étrangers. Or, en bonne logique, les droits politiques doivent être octroyés une fois l’intégration démontrée et non en vue d’une intégration hypothétique.

L’an passé, dans notre canton, près de 6000 étrangers ont obtenu la nationalité suisse. Ils ont ainsi, dans les faits, prouvé leur attachement au pays dans lequel ils vivent et leur appartenance à la communauté vaudoise et suisse. C’est d’ailleurs souvent avec une grande émotion qu’ils prêtent serment devant le Conseil d’Etat, signe de l’importance qu’ils confèrent au passeport à croix blanche.

En octroyant les droits politiques indépendamment de la nationalité, en permettant leur obtention par le seul écoulement du temps, l’initiative vide la naturalisation de l’un de ses attributs fondamentaux. L’étranger obtiendrait ainsi le droit de vote et d’éligibilité, et il intégrerait le peuple souverain du seul fait qu’il a vécu dix ans en Suisse, dont trois dans notre canton. Il n’aurait même pas à déposer une demande ni à démontrer un quelconque attachement au pays dont il pour- rait néanmoins façonner le destin.

Par leur texte, les initiants commettent davantage qu’une erreur: ils font la faute de dévaloriser les droits politiques. Il est regrettable qu’ils n’éprouvent pas autant de respect pour les institutions de ce pays que n’en témoignent les Suisses fraîchement naturalisés.

24 Heures

lundi 22 août 2011

Mauvais objet

anna lietti Dans le dernier film de Fernand Melgar, le directeur du centre de détention de Frambois refuse d’assumer le rôle du méchant. Il est loin d’être le seul. Ça sent le mal d’époque.

A Locarno comme dans le film, il portait une cravate rose.  Après la projection, il a dit sa reconnaissance: je fais un travail difficile, merci de le comprendre. Le directeur du centre de détention de Frambois, personnage central de Vol spécial de Fernand Melgar, est soucieux de son image et son message est clair: je suis un gentil.

Certes, Monsieur Claude remet des sans-papiers à la police pour qu’elle les embarque plus ou moins brutalement dans des avions, après les avoir plus ou moins «entravés». Mais il ne fait qu’exécuter la volonté du peuple citoyen. Sa mission, sa fierté, c’est d’accomplir sa tâche le plus humainement possible.

C’est ainsi que l’on voit, dans Vol spécial, ce fonctionnaire sensible promettre aux expulsés que les choses se passeront «bien gentiment.» Leur tapoter la nuque en leur souhaitant bonne chance. Et leur expliquer qu’ils ne sont pas seuls à souffrir: on est des êtres humains, on s’attache, et pour le personnel du centre aussi, la séparation est éprouvante.

C’est à ce moment du film que j’ai explosé intérieurement. Le documentaire de Fernand Melgar sortira en salle dans un mois et chacun pourra alors se faire une opinion sur la polémique qu’il a suscitée. Mais qu’elle ait éclaté ne me surprend pas: Vol spécial suscite un malaise lourd comme un ciel d’orage.

Pas du tout parce que c’est un film «fasciste», comme le prétend le président du jury du Festival de Locarno. Le documentaire de Melgar est remarquable et sa démarche pertinente: montrer, sans prendre parti, la réalité humaine derrière la loi, c’est fort, utile et suffisant dans le cadre d’un documentaire.

Non, si Vol spécial crée le malaise, c’est parce qu’il montre une décision brutale exécutée avec une douceur excessive. Parce qu’on y voit des expulsés recevoir un message paradoxal et que les messages paradoxaux, ça rend fou. Parce que celui qui exécute une sanction doit accepter, à un moment donné, d’assumer le rôle du méchant et que Monsieur Claude s’y refuse.

En psychanalyse, le méchant s’appelle le «mauvais objet», m’explique un ami qui en a vu d’autres. Il ne s’agit pas d’une personne mauvaise, mais d’une fonction: le mauvais objet est celui qui accepte de voir se cristalliser sur lui les frustrations et la colère, même s’il n’a rien fait de mal. Ainsi du parent qui relaie les interdits sociaux. Mais vous allez me dire: les parents aujourd’hui rêvent de n’être qu’amour et gentillesse, ils détestent interdire. Et vous aurez raison.

Je repensais à tout cela l’autre soir, en parcourant la rue de Bourg à Lausanne. Je slalomais entre les dealers de coke qui ont trouvé dans la capitale vaudoise un asile sûr et paisible. Je rentrais de Locarno, ma sensibilité était à vif: comment se peut-il, me disais-je, que malgré la sévérité de nos lois, ces clients rêvés pour un vol spécial continuent à narguer la police et à conforter les pires clichés anti-étrangers? Lausanne serait-elle gouvernée par l’UDC qui en fait une vitrine-repoussoir? Ben non, c’est le contraire. La majorité lausannoise est à gauche et elle rechigne à se montrer trop méchante avec des dealers africains.

Je résume: les parents répugnent à jouer les flics de service, les flics de service ne peuvent plus faire leur travail. Plus personne ne veut être le mauvais objet, tout le monde veut porter une cravate rose, comme Monsieur Claude. Les psychiatres ont de beaux jours devant eux. L’UDC aussi.

Chronique d’Anna Lietti dans le Temps

Pour Gerold Bührer, l’attitude de l’UDC est «irresponsable»

Le président d’EconomieSuisse condamne avec force l’initiative contre l’immigration.

gerold bührer opinion udc

Quand il siégeait au Conseil national, Gerold Bührer appartenait à l’aile économique du Parti libéral-radical. Il nouait régulièrement des alliances avec l’UDC. Mais aujourd’hui, le président d’EconomieSuisse, qui a quitté le National en 2007, critique vertement l’initiative de l’UDC «Contre l’immigration de masse», car elle s’en prend à la libre circulation des personnes en demandant une nouvelle négociation. Interview.

Les questions liées aux migrations et à la libre circulation posées par l’UDC ne sont-elles pas légitimes?

Bien sûr. En démocratie directe, on ne refuse pas le débat. Mais l’UDC sait parfaitement que ses solutions sont inapplicables. Et que, même si elles devaient l’être, elles seraient négatives pour l’économie et l’emploi. C’est une attitude irresponsable. Ce parti crée et exploite politiquement les peurs au lieu de chercher des solutions aux problèmes qui découlent de l’ouverture.

Près des 40% des entreprises contrôlées ont été épinglées par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) pour sous-enchère salariale. Il y a un problème!

Personne ne le conteste, même si, sur ces 40%, seuls 10% sont des cas graves selon le SECO. De plus, les contrôles sont ciblés sur les branches où les problèmes sont connus. EconomieSuisse et l’Union patronale veulent corriger les défauts du système avec l’amélioration des mesures d’accompagnement. On peut aussi envisager de discuter d’une nouvelle clause de sauvegarde migratoire avec l’Union européenne (UE) en cas d’urgence. Toutefois, remettre en cause le système de la libre circulation serait fatal pour l’économie et l’emploi!

Pourtant, c’est ce que font avec succès le Mouvement citoyens genevois (MCG) ou la Lega dei Ticinesi. Autant de voix pour le texte de l’UDC?

Je sens un malaise même dans mon canton, Schaffhouse. Des secteurs comme la médecine ou la finance sont soumis à une nouvelle concurrence. Mais, tout compte fait, cette concurrence est positive et ne fait pas augmenter le chômage. De plus, des emplois ont été créés grâce à cette flexibilité. Ces migrants viennent pour travailler. L’UDC sait d’ailleurs très bien que les problèmes d’intégration, qui parfois conduisent à la criminalité, ont plutôt leurs racines dans les années des contingents, et pas dans la libre circulation. Mais elle joue sur des amalgames.

Christoph Blocher affirme que «la Suisse s’en sortirait très bien sans les accords bilatéraux».

C’est faux! La Suisse doit miser sur trois piliers: le multilatéralisme, certes mal en point, de l’Organisation mondiale du commerce; les accords de libre-échange bilatéraux, comme celui en cours avec la Chine; les accords bilatéraux avec l’UE, vers laquelle près de 60% de nos exportations se dirigent toujours. Le prix de l’accès aux marchés, c’est l’ouverture du nôtre. Briser un de ces piliers serait irresponsable.

La Suisse a longtemps misé avec succès sur des contingents. Pourquoi ne pas recommencer?

Ces contingents n’ont pas été un grand succès, mais avant tout un système administrativement lourd, notamment pour les entreprises. Et depuis lors, le monde a évolué. Notre réseau d’accords internationaux s’est densifié. Changer de système constituerait un trop grand risque. Pour les entreprises, le retour des contingents constituerait aussi un surcroît de bureaucratie et une perte de flexibilité. Cela surprend de voir l’UDC, un parti bourgeois aux dernières nouvelles, proposer cela.

Christoph Blocher s’affiche à la pointe dans ce combat. L’UDC a-t-elle divorcé des milieux économiques qui l’aimaient tant?

Disons que, chez Christoph Blocher, il y a le brillant entrepreneur et le politicien. Dans ce dossier, le second a pris le dessus. Et si nous sommes sur la même longueur d’onde sur des thèmes comme les dépenses publiques, la fiscalité ou l’énergie, ce dossier est celui qui nous divise le plus. Mais l’initiative «Contre l’immigration de masse» divise aussi l’UDC, puisque plusieurs chefs d’entreprise ont pris leurs distances.

Craignez-vous le prochain élargissement, qui concernerait les Balkans avec la Croatie?

Non. Les Suisses sont certes critiques, mais ils sont avant tout rationnels et pragmatiques. Se jeter dans l’inconnu ne leur plaît pas. Ils continueront à soutenir la voie bilatérale.

Romain Clivaz, Zürich, pour 24 Heures

Le profil d’un UDC sert de défouloir anti-islam

udc ge racisme fb Un membre du parti aurait proféré des paroles ordurières sur le web. La direction de la section condamne ces déclarations. L’intéressé dit avoir été piraté.

«A quand le concours de lancer de pied de porc dans les mosquées?» C’est l’une des suggestions émises sur le profil de Lee Ramirez, membre de l’UDC genevoise, dans une discussion sur Facebook. Il propose aussi le jet de «tranches de bacon sur les vitrines de magasins halal» ou la diffusion de «couinements de porc» devant les «repères muzz».

La direction de la section cantonale du parti se distancie fermement de ces propos diffamatoires. «Ces paroles sont inacceptables et n’engagent que lui», réagit la présidente, Céline Amaudruz. Le comité directeur a convoqué Lee Ramirez aujourd’hui pour éclaircir les choses. «Nous cherchons à comprendre, souligne Patrick Hulliger, responsable des campagnes. Ces paroles sont intolérables. Si elles sont du fait de M. Ramirez, des sanctions seront prises à son encontre.»

L’intéressé dément avoir tenu un tel discours. Samedi, il a précisé sur Facebook qu’un «pseudo portait des accusations» contre lui sur le réseau social et prié ses amis de ne «pas considérer ces propos calomnieux». Joint hier, ce presque quadragénaire dit avoir déjà été victime de piratage cette année et s’en être plaint à la plate-forme. «Je n’ai ­jamais écrit une chose pareille. Ce peut être un montage. Les attaques ont commencé lorsque j’ai créé le profil de l’UDC genevoise sur YouTube et que nous avons patrouillé autour de l’Usine, en mars.» Le politicien espère obtenir l’appui du comité directeur.

Irène Languin dans 20 Minutes

dimanche 21 août 2011

La libre circulation ne fait pas peur à la population suisse

Une majorité de la population suisse ne craint pas l'immigration engendrée par la libre circulation des personnes, montre un sondage publié dimanche par le "SonntagsBlick". Les avis sur la proportion d'étrangers en Suisse sont en revanche divisés.

Environ la moitié (48%) des sondés estime que cette part de 22,1% est "bonne". Mais ils sont autant à la considérer comme "plutôt trop élevée" (34%) ou "beaucoup trop élevée" (14%). Les jeunes et les Romands se montrent les plus ouverts aux étrangers.

Une majorité de 59% n'est pas préoccupée par l'immigration de forces de travail européennes liée à la libre circulation des personnes. En revanche, 40% sont "plutôt" ou même "très" préoccupés. Cette proportion est particulièrement représentée chez les plus de 54 ans et les personnes avec le niveau d'éducation le moins élevé.

Keller-Sutter en tête

Par ailleurs, 80% des personnes interrogées pensent que l'économie suisse ne serait pas si saine sans étrangers. Cette opinion est particulièrement exprimée par des électeurs du PS (94%), du PLR (86%) et du PDC (83%). Elle n'est partagée que par 56% de sympathisants de l'UDC.

Autre élément du sondage, le classement de personnalité. Le journal dominical montre que sur la question de l'immigration et des étrangers, une majorité de Suisses interrogés dit accorder sa confiance à Karin Keller-Sutter, choisie parmi 16 autres papables.

Blocher pas apte mais connu

La conseillère d'Etat libérale-radicale saint-galloise remporte la palme pour sa compétence présumée sur le thème de l'immigration, avec une note de 6,16 sur 10. Elle est suivie par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga (6,14) et le chef du groupe parlementaire PDC Urs Schwaller (5,12).

Les leaders de l'UDC Christoph Blocher (4,15) et Toni Brunner (4,11) sont en revanche considérés comme les moins aptes. Au palmarès des personnalités les plus connues, Christoph Blocher arrive en tête, suivi de Mme Sommaruga et de Toni Brunner.

L'institut Demoscope, sollicité pour l'enquête du "SonntagsBlick", a interrogé 1002 personnes en Suisse alémanique et Suisse romande. La marge d'erreurs est de 3%.

Wohlstand dank den Ausländern

Die Zuwanderung macht einer Mehrheit der Schweizer keine Sorgen. Geteilt sind die Meinungen aber zur Höhe des Ausländeranteils in der Schweiz, wie eine Umfrage des «SonntagsBlick» zeigt.

Jung, weiblich, ausländerfreundlich

Den heutigen Ausländeranteil von 22,1 Prozent findet jeder zweite Schweizer (48 Prozent) «gerade richtig». Ebenfalls 48 Prozent erachten ihn als «eher zu hoch» oder «viel zu hoch». Zu niedrig findet die Quote kaum jemand.
► Die Toleranz hat aber etwas ­abgenommen: Bei einer sehr ähnlichen SonntagsBlick-Umfrage im November 2010 sagten noch 42 Prozent, der Ausländeranteil sei «eher» oder «viel zu hoch».
► Es zeigen sich aber Unter­schiede zwischen Jung und Alt: Je jünger die Befragten, desto ausländerfreundlicher sind sie. 56 Prozent der 18- bis 34-Jäh­rigen sind mit der Situation zufrieden. Bei den 35- bis 54-Jährigen sind es noch 49, bei den über 54-Jährigen gerade 42 Prozent.
► Ein weiterer Graben klafft zwischen Stadt und Land: Für rund 50 Prozent der Befragten auf dem Land und in den Agglomerationen leben zu viele Ausländer in der Schweiz. Städter sehen das nur zu 40 Prozent so.
► Frauen und Romands zeigten in der Umfrage tendenziell weniger Vorbehalte gegen eine hohe Ausländerquote. 

Ältere bangen mehr um ihre Jobs

Einer Mehrheit von 59 Prozent bereitet die durch die Personenfreizügigkeit ausgelöste Zuwanderung von EU-Arbeitskräften «eher keine» bis «gar keine» Sorgen. 38 von 100 befragten Männern und 42 Prozent der Frauen fürchten sich davor.
Auch hier zeigt sich die Kluft der Generationen, und zwar deutlicher als bei der Frage nach dem Ausländeranteil (oben):
► 70 Prozent der jungen Erwachsenen gehen gelassen mit der Zuwanderung um, bei den über 54-Jährigen ist es zwar ebenfalls eine Mehrheit – allerdings mit 53 Prozent nur eine knappe.
► Zudem zeigt die Studie, dass weniger gut Gebildete eher fürchten, ein Ausländer könnte ihnen den Job oder die Wohnung wegschnappen: Fast der Hälfte (47 Prozent) der Befragten mit niedrigem Abschluss bereitet die Zuwanderung – und damit die EU-Konkurrenz am Arbeitsplatz – schlaflose Nächte.
► Bei den Schweizern mit mitt­lerem Abschluss beträgt dieser Anteil 42 Prozent, bei jenen mit hohem Bildungsabschluss nur noch 27 Prozent.

80 Prozent sagen: Ausländer bringen Wohlstand

Vier von fünf Befragten stimmen der Aussage zu, dass die Schweiz ohne ausländische Arbeitskräfte weniger erfolgreich wäre. Nur 17 Prozent lehnen diese Aussage ab, drei Prozent haben dazu keine Meinung.
► In Deutsch- und Westschweiz ist die Zustimmung exakt gleich gross. Auch zwischen Frauen und Männern, Stadt und Land, Erwerbstätigen und Nichtarbeitenden gibt es da kaum Unterschiede.
► Sogar eine Mehrheit von Wählern der sonst so ausländerkritischen SVP attestiert den Zugewanderten, den Wohlstand der Schweiz mit zu steigern: 56 Prozent stimmten der Aussage zu, 41 Prozent nicht. Die Wähler der anderen grossen Parteien antworten allerdings erheblich optimistischer:
SP – 94 Prozent ja, vier Prozent nein.
CVP – 83 Prozent ja, 14 Prozent nein.
FDP – 86 Prozent ja, neun Prozent nein. 

samedi 20 août 2011

Les mots de travers de l’UDC

On ne doutait pas de la capacité de l’UDC à savoir exploiter très rapidement les faits divers tragiques où les étrangers ont le mauvais rôle. Elle vient, sans surprise, de le faire avec les deux drames survenus le 15 août, à Pfäffikon (ZH) et Interlaken (BE), dont l’un touchait un «lutteur douze fois couronné».

«Un Kosovar abat la responsable des services sociaux!» «Des Kosovars poignardent un Suisse!» On ne doutait pas de la capacité de l’UDC à savoir exploiter très rapidement les faits divers tragiques où les étrangers ont le mauvais rôle. Elle vient, sans surprise, de le faire avec les deux drames survenus le 15 août, à Pfäffikon (ZH) et Interlaken (BE), dont l’un touchait un «lutteur douze fois couronné».

La voilà donc avec deux tout nouveaux titres inspirés de l’actualité pour décliner son annonce qui fait la promotion de son initiative «pour stopper l’immigration massive». Et, par ricochet, renvoie à celle «pour le renvoi des étrangers criminels». L’ambassade du Kosovo a d’ailleurs dû sentir le vent du boulet et la récupération politique. Car elle avait jugé nécessaire, quelques heures plus tôt, d’envoyer un fax aux rédactions pour condamner ces actes.

Mais vouloir agir plus vite que son ombre comporte un risque. Dans son communiqué visant à promouvoir sa nouvelle campagne d’affichage, dénoncer l’«attitude passive» du gouvernement et se plaindre des journaux qui refusent de publier l’annonce, l’UDC s’inflige un joli autogoal. Et nous offre un contresens bien en évidence dans le titre. Voilà ce qu’écrit le parti: «Il est temps que le Conseil fédéral agisse contre les étrangers criminels et l’émigration de masse.» Tiens donc. L’UDC ne brandit plus la menace d’une invasion d’étrangers, mais préfère s’inquiéter d’un exode massif aussi soudain qu’inexplicable des Suisses? Encore un mouvement migratoire qui semble nous avoir échappé.

Valérie de Graffenried dans le Temps

jeudi 18 août 2011

Des musulmans récupèrent le lourd symbole de l’étoile jaune

étoile jaune récupération Le Conseil islamique de Nicolas Blancho lance une action qui provoque l’indignation générale.

L’étoile jaune est de retour. Utilisée à l’origine pour marquer les juifs lors des plus sombres périodes du XXe siècle, ce symbole se voit aujourd’hui dans les rues des villes suisses. L’initiative émane du Conseil central islamique de Suisse (CCIS) que préside Nicolas Blancho, comme l’a dévoilé Le Matin d’hier. L’étoile jaune à huit pointes (et non pas six) a été vue notamment à Lausanne. Il y est écrit «Muslim» en écriture gothique, la même graphie qu’avait utilisée le régime nazi pendant la guerre. Le but? Annoncer une manifestation contre l’islamophobie qui se tiendra en octobre à Berne. 5000 autocollants ont ainsi été distribués auprès des différentes mosquées et associations musulmanes de Suisse. Libre à la communauté d’en faire ce qu’elle entend. L’action est contestée.

«Le CCIS assimile les victimes de l’islamophobie de Suisse avec les victimes juives du nazisme, s’indigne Johanne Gurfinkiel, secrétaire générale de la Coordination contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD). La comparaison de ces deux situations tend en fait à banaliser le traitement subi par les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est écœurant! De plus, ce parallèle est historiquement faux et irresponsable.» Qaasim Illi, porte-parole du CCIS, se justifie: «Nous voyons des structures similaires entre l’antisémitisme sous le IIIe Reich et la vague islamophobe qui frappe notre pays. Il existe de nombreux cas de discriminations à l’égard des musulmans et nous souhaitons les mettre en lumière.»

L’opération choque des musulmans. Le directeur de la Fondation de l’entre-connaissance, Hafid Ouardiri, déplore la méthode: «Cette action est contre-productive! Le rôle de la communauté musulmane de Suisse est plutôt de créer des liens, de communiquer.» Même avis du côté du Centre islamique de Genève: «Cela nous choque autant que cela choque la communauté juive, réagit l’imam Youssef Ibram. Nous ne nous sentons pas exclus comme l’étaient les juifs sous le nazisme.» L’imam critique vivement l’attitude du CCIS, qu’il accuse de faire cavalier seul et de ne représenter qu’une extrême minorité des musulmans de Suisse. «Si l’UDC utilise des moyens irrespectueux pour communiquer, poursuit-il, nous ne devons pas suivre la même voie, mais plutôt répondre avec élégance.» Le CCIS défend, lui, la méthode en décrivant l’importance de pouvoir sensibiliser la population aux traitements racistes que subissent les musulmans. «Nous profitons d’avoir encore le droit de pouvoir nous manifester contre ce phénomène, explique Qaasim Illi. Ce ne sera peut-être plus le cas dans vingt ans.»

Kevin Grangier, porte-parole romand de l’UDC Suisse, concède un certain mérite à ce style de communication: «Pour faire le buzz, c’est plutôt malin.» Il n’est cependant pas d’accord avec le symbole utilisé, qu’il juge de «mauvais goût». Il espère que la communauté juive ne se contentera pas de simplement dénoncer l’acte, mais qu’elle attaquera le CCIS en justice. «Si le CCIS veut communiquer de manière provocante, qu’il le fasse, mais sans récupérer des symboles aussi lourds de sens.»

Eric Lecoultre

ccis description

Clandestins mais pas criminels

Une récente jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a jugé contraire au droit supérieur l’emprisonnement pour défaut de papiers d’identité de résidents illégaux. S’il est toujours possible de recourir à la contrainte – emprisonner un clandestin pour l’expulser –, le fait d’être sans titre de séjour ne devrait pas être passible de poursuites pénales.

Comment cette jurisprudence qui concerne un cas italien s’appliquera-t-elle en Suisse? A ce stade, les juristes consultés découvrent cet arrêt et les avis fluctuent au gré des personnes interviewées. On se réjouira tout d’abord que le bon sens ait – partiellement – prévalu. La forteresse Europe, que d’aucun veulent ériger sur le rejet et l’exclusion, pose bel et bien des problèmes en termes de droits fondamentaux.

Mais en cas de désaveu de la Suisse, qui pratique également une telle criminalisation des personnes en séjour illégal, on entend déjà la droite populiste en appeler au respect de la volonté populaire. Elle qui n’est jamais en reste pour présenter un texte contraire au droit supérieur(1): initiative contre les minarets, expulsion des criminels étrangers ou encore – le scud est parti le 1er août – l’initiative dite «contre l’immigration de masse».

En l’occurrence, ce dernier texte est contraire à la libre circulation des personnes qui vient pourtant d’être approuvée par le peuple il y a deux ans. Que se passera-t-il en cas d’acceptation de cette initiative? Le Conseil fédéral est chargé de renégocier les accords bilatéraux. On imagine d’ici la tête des dirigeants européens. Leur patience a des limites et la Suisse sera envoyée paître en des termes même pas polis.

Ce qui ne déplairait peut-être pas à la frange la plus excitée de l’extrême droite pour qui un bantoustan helvète n’est pas un épouvantail mais bien un sort enviable. En tous les cas, cela aurait l’intérêt de mettre la secte blochérienne devant ses contradictions. Car cela ruinerait tout simplement la Suisse; on doute que l’aile économique de l’UDC s’y retrouve. Et surtout, à force de refuser toute norme qui n’ait pas été adoubée par une Landsgemeinde, la formation conservatrice se place aussi en porte-à-faux de l’histoire dont elle prétend tirer sa vertu politique.

La Suisse doit son existence à un certain nombre de traités internationaux – celui de Westphalie et les traités consécutifs aux guerres napoléoniennes – contre les prétentions des Habsbourg honnis. Le droit protège le faible contre le fort, en bonne logique rousseauiste. Cela vaut pour les pays. Mais ce principe s’applique aussi aux personnes. Et c’est peut-être précisément ce qui déplait à la formation au bouc, qui œuvre au démantèlement des normes de protection sociale.

L’extrême droite montre son vrai visage à double titre. Son discours est populiste mais ne défend en rien les intérêts populaires. Et sa lecture de l’histoire n’est que propagandiste, voire pure manipulation.

Edito de Philippe Bach dans le Courrier

(1) La revue hebdomadaire Domaine public a consacré une série d'articles forts intéressants à cette problématique. Voir notamment Alex Dépraz, «Les conséquences d’une acception de l’initiative du 1er août», DP 1920, 8 août 2011.

Des requérants d'asile très discrets

Depuis juin dernier, les requérants d'asile des Collons prennent part aux activités de la station. De quoi rassurer la population face à l'arrivée de ces émigrés.

Ghulam (droite) ainsi qu'une dizaine de requérants ont travaillé à l'élaboration de sculptures pyrotechniques au côté de l'artiste français Lucien Melich pour le symposium. le nouvelliste

Entre deux manoeuvres, Ghulam se présente. Il a 25 ans et est originaire d'Afghanistan. Chassé par la guerre contre les talibans et après dix ans d'exil en Iran, il prend le chemin de la Suisse. Voilà dix jours qu'il est au centre des Collons où, avec dix autres demandeurs d'asile, il travaille pour le spectacle final du Symposium de sculpture. "C'est bien pour nous de travailler, c'est important ça nous occupe. Et je suis fier de ce que je fais", explique-t-il dans un anglais teinté d'Orient. Pourtant Ghulam et ses collègues ont bien failli ne jamais connaître le val d'Hérens.

Collaboration avec l'office du tourisme

Au centre, quarante requérants d'asile logent à la semaine. La plupart sont des familles. Ghulam est un des quatre hommes célibataires de l'établissement. "Le nombre fluctue car ils arrivent des centres de premier accueil de Viège (pour les hommes célibataires) et Saint-Gingolph (pour les familles) et y séjournent le temps qu'un appartement se libère en plaine", précise Pascal Pellaz, responsable du centre. Le but de ce séjour est de conforter l'intégration avec un suivi social et même technique pour assurer leur autonomie au quotidien. "Mais à peine leurs bagages posés, ils demandent à travailler", assure-t-il. "L'image du requérant paresseux qui traîne dans les rues et dort sous un arbre est complètement fausse. Tous ici on fait preuve de beaucoup de volonté de collaboration." C'est ainsi que dès leur arrivée, les émigrés se sont attelés à des travaux utilitaires en collaboration avec la commune de Vex et l'Office du tourisme de Thyon-les-Collons. En plus de leur participation au Symposium de sculpture, les requérants se sont livrés entre autres à la remise en état du court de tennis ou à l'entretien du sentier pédestre didactique. Par ailleurs, des excursions sont également prévues pour les familiariser avec la région. "Au-delà du bénéfice engendré pour les demandeurs d'asile, le programme d'occupation assure la tranquillité du site et la réduction des coûts. Depuis l'instauration de ces activités, les visites médicales sont moins fréquentes, les émigrés étant dans un meilleur état psychique."

Rencontre avec la population

Malgré les appréhensions de remous dans la station, les requérants originaires des Balkans, d'Irak ou d'Afghanistan se font très discrets. "Leur arrivée n'a en rien gêné l'activité touristique, nous les voyons très peu", explique Eric Crettaz, directeur de l'Office de Thyon-les-Collons. Et Danny Defago, président de Vex d'ajouter: "La police intercommunale n'a jamais été sollicitée pour un problème en relation avec les requérants." Quant à la population locale, elle a pu faire leur connaissance lors de la brocante organisée à l'occasion de la fête nationale, le 31 juillet dernier. Les requérants avaient confectionné des spécialités culinaires de leur pays d'origine et les ont proposées aux visiteurs de la manifestation. "Ces gens échappent à des situations graves dans leur pays grâce à notre hospitalité et je m'en réjouis", explique le président de la commune. Cependant, bien que l'engagement et la sympathie de ces émigrés aient apaisé les esprits des villageois, Danny Defago craint pour l'image de la station de Thyon. "Aujourd'hui, je maintiens tout de même ma position initiale. J'affirme qu'une station touristique n'est pas l'endroit adéquat pour l'établissement d'un centre de demandeurs d'asile. La simple présence de ce dernier peut malheureusement engendrer des préjugés chez des touristes qui préféreraient bouder la station", conclut-il.

«C’est Calmy-Rey qu’on traite de collabo»

Offensé par de nouvelles attaques, contre «Vol spécial», Fernand Melgar sort de sa réserve. Il réfute la «propagande mensongère» de Paulo Branco.

A Locarno, Paulo Branco, président du jury, a qualifié de «fasciste» Vol spécial, le documentaire que Fernand Melgar a ramené du centre de détention de Frambois, où les déboutés de l’asile attendent leur expulsion. Le producteur portugais avait encore du venin à exprimer. Dans une interview publiée par 24 heures, il réitère ses insultes et clame son indignation. «Je n’ai jamais vu un film aussi obscène que Vol spécial.» Il dénonce le collaborationnisme des spectateurs, la complicité du réalisateur avec les bourreaux. L’archaïsme idéologique confine au délire paranoïaque, multiplie les erreurs de fait, les insinuations mensongères et les divagations – il faut oser tirer un lien entre le Prix du Jury œcuménique attribué à Vol spécial et les accointances du Vatican avec les nazis pendant la guerre.

La violence de cette nouvelle attaque a déterminé Fernand Melgar à sortir de sa réserve. Car ce n’est pas seulement lui, mais tous les partenaires du film, et encore le Festival de Locarno et la Suisse que le parrain vieillissant du cinéma d’auteur insulte.

Fernand Melgar a demandé à 23 personnes, autorités politiques ou responsables culturels, dont Didier Burkhalter, Jean-Frédéric Jauslin, Marco Solari, Olivier Père ou Gilles Marchand, de prendre position face au terrorisme intellectuel. En attendant les réponses, le cinéaste lausannois réfute les contrevérités de son détracteur.

Paulo Branco trouve scandaleux que «Vol spécial» montre les images d’un immigré ­décédé.

Fernand Melgar: «Le premier argument sur lequel il base sa dénonciation est que j’aurais construit le film autour d’un pensionnaire dont je savais qu’il allait mourir. Or ce Nigérian, décédé pendant un vol spécial, n’était pas détenu à Frambois. Il me semble que c’est évident pour qui a vu le film…»

Paulo Branco ressasse l’épithète «complice».

Fernand Melgar: «C’est le seul point sur lequel je supporterais d’entrer en matière. On assistait aux réunions de travail des surveillants, on savait qui allait être expulsé. Mais nous avions le consentement de tous les gens que nous filmions. Nous avons passé un contrat avec eux, ils ont signé des autorisations de tournage. A tout moment, ils pouvaient décider de disparaître du film. Et puis les détenus ne sont pas idiots. On leur a dit qu’on connaîtrait avant eux le moment de leur expulsion. Réponse unanime: «De toute façon, c’est foutu pour nous. Ce qui compte, c’est qu’on ne nous oublie pas, qu’on sache ce qui se passe.» Ils nous ont demandé d’être là, jusqu’au bout, jusqu’à l’entravement, parce qu’ils avaient peur. Branco est dans la confusion totale lorsqu’il croit qu’une personne va se faire tuer et que nous sommes les complices du meurtre.»

Paulo Branco déplore l’absence de contestation ou de révolte.

Fernand Melgar: «Je pourrais m’enchaîner au grillage de Frambois en criant «Je ne partirai pas, moi, Fernand Melgar, cinéaste engagé.»­ Je ne fais pas des films militants, mais un cinéma de responsabilité collective. Je suis responsable de ce que je filme, le directeur du centre est responsable de ses actions. Mais vous, qui regardez le film, vous êtes aussi responsables. Pour Branco, le directeur de Frambois, c’est le Mal absolu, genre le colonel Kurtz dans Apocalypse Now. Plutôt que de crier «Salaud! Fasciste!», je préfère proposer une réflexion sur les responsabilités individuelle et collective.»

Paulo Branco dénonce la glorification du directeur de Frambois à Locarno sans qu’il ait été amené à se justifier.
Fernand Melgar: «Mensonge! A Locarno, il y a eu une rencontre d’une heure avec le public. La première question a été pour le directeur de Frambois. C’était: «Comment pouvez-vous vous regarder dans la glace le matin?» Il a répondu: «Je fais juste le sale boulot que vous m’avez demandé de faire. Et j’essaie de le faire le mieux possible.»

Paulo Branco qualifie le film de «portrait peu correct d’un pays qui oublie de se remettre en cause».

Fernand Melgar: «Branco est plus parisien que portugais. Les Parisiens ont un côté détestable: la Belgique ou la Suisse, c’est tout de suite bienvenue chez les ploucs. De plus, il est du dernier chic de rajouter bienvenue chez les nazis. Donc il traite 3000 spectateurs de collabos. Il insulte Micheline Calmy-Rey. Et Dick Marty, et tout le parterre politique. Les Français n’arrivent pas à comprendre que la première citoyenne du pays assiste à la première du film, me serre la main, en parle à la télévision. Aucun pays européen n’a jamais ouvert les portes d’un centre de rétention temporaire à un documentariste. La Suisse a cette étonnante franchise. C’est pourquoi je peux y faire mes films. C’est l’aspect merveilleux de ce pays: on peut remettre en cause les institutions, réfléchir aux avancées du totalitarisme.»

Propos recueillis par Antoine Duplan dans le Temps

Tunisie : un scandale nommé Choucha

La plupart des 200 000 "nationaux de pays tiers" arrivés de Libye ont pu être rapatriés, sauf un grand nombre de Subsahariens, qui vivotent dans un camp de réfugiés installé non loin de la frontière tunisienne.

Jeudi 28 juillet, camp de Choucha, dans le désert tunisien, à 7 km de Ras Jedir, le poste-frontière avec la Libye. « Bienvenue à Choucha ! » nous lance, ironique, Ali M., un réfugié somalien. L’exode, il connaît. Il y a seize ans, fuyant la misère, il quittait son pays et traversait le Soudan pour s’installer comme forgeron en Libye. Cette fois, avec son épouse et cinq de ses six enfants, il a fui les combats entre les brigades de Kaddafi et les forces rebelles soutenues par l’Otan.

Au 26 juillet, la plupart des 200 000 « nationaux de pays tiers » (NPT) ayant trouvé refuge en Tunisie avaient pu regagner leurs pays, certains avec l’aide de leurs propres gouvernements, d’autres avec celle de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Mais 4 500 d’entre eux, originaires de 35 pays, dont 25 d’Afrique subsaharienne –  Somalie (1 004 personnes), Érythrée (711), Soudan et Soudan du Sud (645), Éthiopie (253), Côte d’Ivoire (33)… –, n’ont nulle part où aller et sont bloqués à Choucha. Il leur est difficile de rentrer dans leurs pays natals en raison de la pauvreté qui y sévit et/ou de l’insécurité qui y règne. Ils se trouvent donc dans une situation nécessitant une protection internationale.

« Je ne peux pas rentrer dans mon pays, la Côte d’Ivoire, et j’ai demandé le statut de réfugié, déclare Silué C., un jeune ouvrier qui résidait en Libye depuis 2008. Je veux vivre dans un pays libre, sinon je préfère retourner en Libye… » « Je ne veux pas retourner au Darfour, où je suis né, parce qu’il y a encore la guerre, explique Ahmed A. J’ai demandé le statut de réfugié, malgré les conditions de vie difficiles dans le camp. » « La vie n’est pas facile pour les jeunes en Érythrée, raconte Saber T., installé en Libye depuis 2003. C’est pourquoi j’ai demandé le statut de réfugié. » L’ambiance à Choucha est au désespoir, au point que certains « pensionnaires » confient, en privé, que s’ils n’obtiennent pas l’asile dans un pays développé, ils n’auront d’autre choix que de retourner en Libye et de tenter, à partir de là, de rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée.

Tensions

En attendant, les journées sont longues et éprouvantes, ce qui suscite immanquablement des tensions. Fin mai, des échauffourées ont éclaté entre Somaliens et Érythréens, puis entre réfugiés et groupes de jeunes venus de Ben Guerdane. Bilan : six morts et l’incendie des deux tiers des tentes du camp. Aujourd’hui, Choucha a été restructuré selon les normes internationales par l’armée tunisienne avec le concours du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). « Nous faisons un réel travail humanitaire », déclare le colonel major Mohamed Soussi, chirurgien de guerre et chef de l’hôpital militaire tuniso-émirati installé près de la frontière (lire encadré). Les tentes ont été espacées pour éviter la promiscuité ; de larges « avenues » ont été ouvertes ; les réfugiés ont été regroupés par communautés avec à leur tête des « sages » ; des Érythréens et des Nigérians ont transformé deux tentes en églises. Les organisations humanitaires sont là, mais pas leurs représentants, « en dehors de ceux du HCR, de l’OIM et du PAM [Programme alimentaire mondial, NDLR], nous souffle à l’oreille un journaliste local. Si vous voulez les voir, il y en a 200 ou 300 dont la plupart font bronzette dans un palace thalasso de Zarzis, à 80 km plus au nord ».

Sous une tente, des cours d’anglais sont dispensés par une ONG danoise. Les points d’eau se sont multipliés. L’armée est stricte quant à l’hygiène, objet de séances d’initiation quotidiennes. Pour éviter les épidémies, elle brûle les vieilles couvertures et détruit les produits alimentaires dont la date limite de consommation est dépassée. Des Égyptiens, repartis depuis, ont même tiré un câble du réseau électrique pour pouvoir recharger leurs téléphones portables. Les femmes tentent de distraire les enfants, et des jeunes Tunisiens viennent de temps à autre faire de l’animation. Un cuisinier tunisien sert aux pensionnaires du couscous, le plat local, mais sans viande. Il a dû ajouter au menu du riz pour les Asiatiques. Les sorties en dehors du camp sont soumises à autorisation.

La durée de transit à Choucha n’aurait normalement pas dû dépasser dix jours. Le camp est placé sous la responsabilité du HCR, l’organe de l’ONU chargé d’enregistrer les demandeurs d’asile, de déterminer s’ils peuvent prétendre au statut de réfugié, de leur délivrer des papiers et de veiller au respect des normes minimales de protection internationale pour toutes les personnes relevant de sa compétence. Ali, comme beaucoup d’autres, a eu un entretien avec un représentant du HCR : « Il m’a averti que la réponse à ma demande d’asile risquait de prendre du temps, jusqu’à six mois. Alors je lui ai demandé où il logeait actuellement. Il m’a répondu qu’il était à Djerba. Je lui ai fait remarquer que lorsqu’on réside dans un palace, on peut bien sûr attendre tout ce temps. Je lui ai proposé de venir passer une seule journée sous la tente à Choucha avec ses enfants, juste pour voir… »

La seule solution pour ces 4 500 réfugiés est leur « réinstallation » dans des pays développés. C’est ce que préconise le HCR, qui a appelé ces derniers à accueillir les « passagers » de Choucha, avant même de procéder aux formalités d’obtention du droit d’asile, qui sont longues. À ce jour, les gouvernements sollicités n’envisagent de recevoir que 1 354 réfugiés. Si les États-Unis acceptent d’en abriter 776, les pays de l’Union européenne ne s’engagent à en prendre que 263 au total. La France, l’Italie et l’Allemagne font carrément la sourde oreille, malgré l’appel d’une délégation du Parlement européen qui a visité Choucha du 13 au 16 juillet. « L’Union européenne, déclare cette délégation conduite par le Maltais Simon Busuttil, doit contribuer davantage à la réinstallation des réfugiés en provenance de zones de conflit. Nous demandons instamment aux États membres d’adhérer au programme de réinstallation proposé, y compris au mécanisme d’urgence. »

Devoir de protection

« Le monde parle de droits de l’homme, de liberté et de dignité, mais apparemment cela ne vaut pas pour nous », déplore Ali, qui est à la tête de la communauté somalienne, la plus nombreuse du camp. Le scandale humanitaire se double en effet d’un scandale politique. Les gouvernements des pays de l’Otan justifient leur intervention militaire en Libye en invoquant la « responsabilité de protéger » les populations civiles libyennes. Mais ce principe vaut aussi pour les autres « victimes », les réfugiés africains piégés à Choucha, dont l’exode a été autant provoqué par l’Otan que par Kaddafi.

L’autre victime risque d’être la Tunisie, qui a ouvert sa frontière pour des raisons humanitaires et n’a refoulé aucun réfugié. Son armée, engagée par ailleurs dans d’autres missions, comme la protection des frontières et la gestion de l’après-révolution du 14 janvier, a canalisé les flots humains, édifié les camps de transit, dressé les tentes, fourni des services, notamment médicaux, et assuré la sécurité des « hôtes ». Mais les autorités tunisiennes estiment que Choucha n’est qu’un centre de transit et que la communauté internationale doit prendre sa part dans l’effort humanitaire. D’autant que la Tunisie accueille déjà plus de 72 000 réfugiés libyens.

Abdelaziz Barrouhi, envoyé spécial, pour Jeune Afrique

Maroc : forte poussée de l’immigration clandestine vers l’Espagne

Les côtes espagnoles sont régulièrement prises d’assaut par les candidats à l’immigration clandestine en ce mois d’août, où le climat favorable favorise les tentatives à la nage, ou par bateau. La presse espagnole rapporte près de 150 personnes sauvées près des côtes espagnoles depuis dimanche dernier. Parmi eux, des Marocains. Les autres, pour la plupart avaient pris le départ depuis les plages marocaines. 

Gil Arias, directeur adjoint de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex), affirmait récemment que 2 600 personnes étaient entrées clandestinement en Espagne depuis le début de l’année. Le détroit de Gibraltar se présente comme la principale voie d’entrée de ces immigrés clandestins, car au début du mois d’août en cours, on ne comptait pas moins de 1400 personnes qui auraient atteint les côtes andalouses en partant d’Afrique du nord, depuis le 1er janvier 2011. Il faut désormais y ajouter les 147 personnes recueillies près des côtes espagnoles depuis le début de la semaine.

La presse espagnole rapporte en effet que les services de la Guardia Civil, du Sauvetage maritime et de la Douane espagnole ont intercepté depuis dimanche dernier, 8 embarcations au large des côtes d’Almeria, Melilla, Murcie, Motril, et Tarifa.

Le Maroc, l'un des principaux pourvoyeurs

Parmi les candidats à l’immigration clandestine interceptés en ce début de semaine, on retrouve une bonne partie originaire du Maghreb, dont des marocains. 3 embarcations transportant 59 Maghrébins ont ainsi été escortées par les autorités espagnoles d’Almeria, tandis que 11 autres réussissaient à regagner la terre ferme, avant d’être repris par les forces de sécurité de la même ville. De même, 14 adultes d’origine maghrébine ont été interceptés à Motril, et 5 Marocains ont été interceptés dans un canoë gonflable au large au Tarifa.

Pour le reste, il s’agissait de Subsahariens, dont un bon nombre est parti des côtes marocaines.  On a d’ailleurs recensé, au cours des derniers jours, un nombre important de clandestins qui ont rallié à la nage l’enclave espagnole de Ceuta, frontalière de provinces marocaines.

L’Espagne et le Maroc sous pression

La pression de l’immigration clandestine en Espagne est telle que les capacités d’accueil des centres pour immigrés sont largement dépassés. Dans les présides espagnols de Ceuta et Melilla, ces centres d’accueils abriteraient actuellement 700 pensionnaires chacun, soit 200 de plus que leurs capacités initiales. Le constat est le même pour les centres pour mineurs non accompagnés. A Melilla, le Centre pour mineurs de la Purisima accueille ces derniers temps, entre 130 et 140 pensionnaires, alors qu’il a été conçu pour en supporter 120.

Alors que le voisin ibérique a de plus en plus de mal à faire de la place pour les personnes à l’assaut de son Eldorado, le Maroc a constamment été appelé en renfort au cours des derniers mois. En juillet dernier, des hauts fonctionnaires espagnols avaient effectué des visites à Rabat pour aborder la question du contrôle des frontières entre les deux pays. La pression ne faiblissait pas lors du début du mois d'août avec Miguel Marin, président de l'éxecutif de Melilla ou le député de Ceuta Francisco Marquez de la Rubia. Le Maroc a très vite réagi vu qu’au cours des derniers jours, la marine marocaine à aider à intercepter près de 90 candidats à l’immigration clandestine qui s’apprêtaient à regagner Ceuta. Malgré l'inflation de l'immigration clandestine récemment constatée, les responsables espagnols ont tenu à saluer les efforts du Maroc.

L’autre volet de l’action marocaine est la réadmission des clandestins subsahariens refoulés depuis l’Espagne. Il y a deux ans, le Premier ministre espagnol Zapatero, citait d'ailleurs le royaume en exemple, en plaidant pour un accord sur la réadmission des clandestins refoulés de l’Europe, dans les pays d’origine ou de transit de ces migrants. S'il le Maroc joue bien le rôle de gendarme de l'immigration clandestine espagnole, est-il prêt à jouer aussi bien celui de terre d'accueil pour les refoulés d'Europe. Une chose est sûre en tout cas, la contrepartie espagnole devra être assez convaincante pour que Rabat prenne sur elle.

Yann Ngomo pour Yabiladi

mercredi 17 août 2011

«Vol spécial est obscène»

paulo branco Paulo Branco attaque à nouveau le film de Fernand Melgar.

Le producteur portugais et président du jury du 64e Festival de Locarno précise pourquoi, selon lui, Vol spécial est un documentaire fasciste. Interview. Pourquoi considérez-vous Vol spécial comme fasciste?

Ce film suscite en moi révolte et indignation. A partir d’un sujet autour d’une loi abominable, le metteur en scène tourne un documentaire qui donne le beau rôle au «bourreau humanitaire». Jamais il n’y a de contestation ou de révolte. Il y a même une complicité avec ces fonctionnaires, puisque Fernand Melgar assiste à des réunions où est décidée l’expulsion d’un certain nombre d’immigrés. Il s’est servi d’eux en arguant d’une fausse complicité. Ce genre de film déculpabilise les responsables en focalisant sur le système, prenant prétexte que ce sont les citoyens qui font les lois. Cela me rappelle les attitudes collaborationnistes du passé, où les bourreaux ne sont jamais mis en cause directement! Vers sa fin, ce documentaire témoigne de la mort d’un immigré durant un vol spécial sans que le réalisateur ne censure a posteriori les images tournées avant son décès (ndlr: en fait, ce requérant décédé lors de la procédure de renvoi à Kloten n’était pas détenu à Frambois et n’apparaît pas dans le documentaire) . C’est inadmissible et condamnable. C’est pour cela que je parle. Parce que cela ouvre la porte au fascisme ordinaire qui envahit peu à peu nos sociétés.

Vous qui avez fui la dictature de Salazar au Portugal, ne trouvez-vous pas qu’utiliser le terme «fasciste» est hors de propos?

Je ne parle pas de la dictature au Portugal! Il s’agit d’un regard condescendant. Ce n’est pas un hasard si Vol spécial est un projet appuyé par tous les guichets qui existent en Suisse. Avec, en fil conducteur, cette caution légaliste que les gens sont là pour appliquer la loi. Sans jamais se demander si des lois aussi abominables ne devraient pas être mises en cause par les personnes en charge.

Si vous aviez été producteur de ce film…

Jamais de la vie je n’aurais produit un film comme celui-là!

Qu’aurait dû faire Fernand Melgar?

Déjà transmettre les informations qu’il détenait concernant des gens qu’il filmait soi-disant avec autant d’amour. Pour essayer au moins de prendre une position là-dessus. Ce qu’il n’a pas fait. Il n’était intéressé que par le résultat. Et puis, j’aurais aimé savoir comment des bourreaux comme ceux-là rentrent à la maison après la mise à mort et mangent avec leur famille comme si de rien n’était. Comment ils s’accommodent du métier qu’ils font. Ne rentrer que dans l’intimité volée des victimes, c’est facile. C’est même une exploitation qui humanise l’inhumanisable.

Lors de sa projection à Locarno, les 3000 spectateurs ont pourtant ovationné le film.

Mais ils ont applaudi avant même que le film ne débute. Là aussi, l’attitude du metteur en scène est inadmissible. Il a fait ovationner le directeur de l’établissement de Frambois, qu’il avait invité, et qui est sorti de la salle comme un héros avant même la projection. Sans que ce directeur ne nous explique pourquoi il fait ça et pourquoi il continue à le faire!

Donc, vous avez vu ce film avec 3000 collaborationnistes?

J’ai vu 3000 personnes qui ont été trompées. De toute façon, le collaborationnisme a été malheureusement assez majoritaire dans beaucoup de pays. Comme tous les autres pays, la Suisse doit se questionner sur ses lois, pourquoi elles existent et pourquoi les gens les votent. C’est peut-être le portrait peu correct d’un pays qui oublie de se remettre en cause.

Pourquoi avoir attaqué alors que les jurys ne commentent d’habitude que les films récompensés?

La lâcheté est partout. J’aimerais savoir pourquoi ce film a été accepté en compétition à Locarno. J’ai aussi été effrayé que ce film reçoive deux récompenses hors jury officiel. D’abord le Prix œcuménique. Même si, finalement, il suffit de voir l’attitude d’un pape comme Pie XII dans le passé pour comprendre comment le catholicisme est parfois à côté de la plaque. Mais le Prix de la jeunesse m’a montré que ce film ne passait pas inaperçu. Il fallait donc prendre position. D’autres membres du jury pensaient comme moi. Comme je n’ai pas eu le temps de les consulter, j’ai profité de cette conférence de presse pour faire une déclaration à titre personnel. Mais cette position, je le répète, était majoritaire dans le jury.

Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse, pense qu’un déficit d’explication sur le fonctionnement de nos institutions explique peut-être votre courroux.

J’analyse une œuvre. Pas des institutions. De cautionner ce film à travers ses institutions, c’est de la lâcheté. Je pense que Frédéric Maire n’a pas vu le film. Il y a une quinzaine d’années, j’ai produit La femme de Rose Hill, d’Alain Tanner, une fiction qui traite exactement du même sujet que Vol spécial . Sans complicité, sans condescendance, avec beaucoup de fermeté. Durant toutes mes présidences de festivals, je n’ai jamais vu un film aussi obscène que Vol spécial . Je n’ai pas d’autre mot pour ça.

Claude Ansermoz dans 24 Heures

waintrop opinion vol spécial

La question des réfugiés, un casse-tête en Afrique centrale

Une page supplémentaire vient de s'ouvrir au chapitre de la gestion des migrations pour le gouvernement de la République du Congo avec la cessation, le 31 juillet dernier, du statut des réfugiés congolais au Gabon. Il réalimente le dossier dans lequel les cas des réfugiés de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda actuellement présents au Congo préoccupent déjà les esprits à Brazzaville.

Au total, 9765 congolais réfugiés et demandeurs d'asile installés au Gabon à partir de l'année 1997 suite au conflit armé dans leur pays, sont appelés à rentrer au bercail, au terme des accords tripartites signés par les gouvernements du Gabon et du Congo et le Haut commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (HCR). Le pays d'accueil ne cesse de rappeler la clause de cessation.  

Mais, deux semaines après le début des opérations de rapatriement, seulement 412 personnes ont accepté de revenir dans leur pays. "Le rapatriement est volontaire. Ceux qui veulent rentrer au pays s'inscrivent sur les listes ouvertes par le HCR sur place au Gabon. Et le HCR organise des convois", a expliqué Daniela Livia Biciu du bureau du HCR à Brazzaville.  

Dans la phase de retour, les rapatriés sont assistés par cette agence onusienne et le gouvernement congolais. En dehors des kits de matériaux remis, les familles candidates au retour reçoivent une aide au rapatriement de 200 dollars américains par adulte et 100 dollars par enfant. Et un plan de contingence arrêté par les autorités congolaises et le HCR préconise des actions spécifiques pour favoriser la réintégration des candidats au retour. Mais, les réfugiés ne semblent pas se précipiter.    

"Nombreux veulent rentrer chez eux, mais ils restent inquiets sur les conditions d'accueil au pays. On n'a pas de maison, pas de travail, et bientôt c'est la rentrée des classes, on s'inquiète pour la scolarité des enfants", confie Philippe Mavoungou Vandou, chef d'une famille de rapatriés arrivés à Brazzaville le 12 août dernier.  

Un cadre sous-régional pour traiter du problème?  

En Afrique centrale où aucune instance ne semble se préoccuper du sujet, la question des migrations ne reste pas pourtant sans importance. Elle empoisonne même, de quelque manière, les relations entre Etats.  

La République du Congo, pour ne parler que de ce pays, abrite actuellement plus de 120.000 ressortissants de la République démocratique du Congo dont la présence dans la partie nord de ce pays pose aussi bien des problèmes humanitaires que sécuritaires. Des campagnes successives de sensibilisation ont été organisées à l'intention des réfugiés par les autorités deux pays et du HCR pour inciter au retour volontaire. Mais, les réfugiés ne manifestent pas la volonté de rentrer chez eux.  

Comme eux, plus de 7 000 Rwandais installés dans les périphéries de Brazzaville à partir de l'année 1996 résistent, depuis la fin de leur statut en 2005, aux appels au retour volontaire. Dans ce même pays, l'on notait également, il y a quelques années, la présence de plus de 3.000 Angolais, et quelques milliers de ressortissants centrafricains.  

Par ailleurs, les médias ne cessent de donner quelques fois l'écho de l'usage de méthodes fortes par certains pays de la sous-région, afin de contraindre au retour des originaires de pays voisins. Mais, le sujet est toujours absent des agendas des organisations sous régionales et même de l'Union africaine.

Afriquinfos

mardi 16 août 2011

Une convention fêtée mais trahie

Le 28 juillet 2011, nous fêtions les 60 ans de la Convention relative au statut des réfugiés, texte adopté au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dont l’objectif à l’époque peu contesté, était de réguler le sort de ceux dont les droits fondamentaux n’étaient pas respectés par leur propre Etat, en raison de leur race, de leur nationalité, de leur religion, de leurs opinions politiques ou encore de leur appartenance à un groupe social particulier.

A cette occasion, il est important de rappeler les bénéfices indéniables que des millions d’individus craignant pour leur vie et leur intégrité physique ont pu retirer de ce traité. Ce constat ne dispense pas pour autant d’un regard critique sur son application actuelle par les Etats signataires, et par la Suisse en particulier.

Si aucun Etat ne s’est aventuré à remettre ouvertement en cause son adhésion à la convention, la plupart d’entre eux cherchent à en limiter l’application. Premièrement en renforçant le contrôle des frontières pour entraver l’accès des demandeurs d’asile à leur territoire et deuxièmement par l’adoption, au niveau législatif, de clauses les autorisant à se dispenser d’examiner les demandes de protection dont ils sont saisis.

En Suisse, ces clauses, connues sous le nom de non-entrée en matière (NEM) se sont démultipliées au cours des innombrables révisions du droit d’asile qui ont ponctué les 25 dernières années, plaçant les demandeurs d’asile dans une situation juridique de plus en plus précaire. Au prétexte de trier les «bons» des «mauvais» réfugiés – catégories peu explicites mais manipulables à souhait - ces révisions ont peu à peu détourné le droit d’asile de son but, celui de protéger des individus en péril, pour servir de bras politique à une propagande virulente contre l’immigration extra-européenne.

Les différentes clauses de non-entrée en matière motivent près de 48% des décisions rendues par l’Office fédéral des migrations. Les décisions prises en vertu des accords de Dublin représentent à elles seules plus de 30% de celles-ci.

Ces accords prévoient que l’Etat membre par lequel un demandeur d’asile accède à l’Union européenne devient l’unique responsable du traitement de sa demande d’asile. Le droit des réfugiés se transforme ici en vaste loterie humaine, où seuls les plus chanceux accéderont à un Etat garantissant une procédure de détermination du statut de réfugié équitable et des conditions d’accueil dignes de ce nom.

Une loterie dont la Suisse a saisi qu’elle en serait le véritable bénéficiaire: située au cœur de l’Europe, ces accords lui permettent de se dessaisir d’un nombre croissant de demandes d’asile, sans violer ouvertement la Convention relative au statut des réfugiés et sans avoir à se préoccuper du sort de milliers d’êtres humains, parfois menacés de refoulement vers des Etats où ils risquent la mort ou la torture.

Marie-Claire Kunz, membre du comité de la coordination contre l’exclusion et la xénophobie, dans la Tribune de Genève