lundi 11 janvier 2010

Des bulldozers ont effacé jusqu'à la trace des immigrés

Rosarno, en Calabre, des bulldozers ont effacé jusqu'à la trace des immigrés

LE MONDE | 11.01.10 | 14h57 • Mis à jour le 11.01.10 | 14h57
Rosarno (Calabre) Envoyé spécial

Dans son lit au premier étage de l'hôpital de Gioia Tauro, près de Rosarno (15 000 habitants) en Calabre, Ayiva Saibou ne peut cacher sa terreur : "C'est du racisme, nous, on n'est pas des criminels", dit-il, la voix cassée. C'est l'agression subie, jeudi soir 7 janvier, par ce travailleur immigré togolais et ses compagnons qui a déchaîné l'enfer à Rosarno.

Sur le chemin du retour, après une journée passée dans les champs, ils ont vu une voiture faire demi-tour après les avoir dépassés. Ils ont vite compris que quelque chose n'allait pas. Le passager a baissé la vitre et tiré sur eux avec une carabine à air comprimé. Assez pour les blesser, dit Ayiva Saibou en montrant son jean ensanglanté. Assez aussi pour faire exploser la colère des immigrés.

Ce n'est pas la première fois que des journaliers venus ici, dans la plaine de Gioia Tauro, pour la récolte des mandarines, sont agressés. L'an dernier déjà, on leur avait tiré dessus et les abris de fortune dans lesquels ils vivaient avaient été incendiés. Alors, jeudi soir, plus d'une centaine d'entre eux, exaspérés, ont brisé les vitrines, incendiant voitures et poubelles.

Le lendemain, les habitants de Rosarno ont répliqué par une véritable "chasse à l'immigré" qui aurait pu se terminer tragiquement. Toute la journée et tard dans la nuit, vendredi, ils ont dressé des barrages et roué de coups les immigrés qui passaient par là. On parle même de bidons d'essence prêts à être utilisés pour "débusquer" ceux qui se cachaient. Des fusils de chasse ont fait leur apparition entre les mains de la population. On comptera une quarantaine de blessés, dont 30 immigrés. Certains n'ont eu la vie sauve que grâce à l'intervention de la police.

Lundi matin, la ville a retrouvé son calme et, à part les blessés, il ne reste plus un seul immigré à Rosarno. Plus d'un millier ont été transférés en autobus vers des centres d'hébergement. D'autres sont partis de leur propre initiative.

Pour mieux dire, ils se sont enfuis. La preuve : les casseroles encore pleines de pâtes, les chaussures, les vêtements, les valises qui jonchent les taudis où ils vivaient. Et puis les dizaines de vélos restés devant l'une des deux usines désaffectées transformées en logements précaires. Depuis dimanche, des bulldozers sont entrés en action pour les démolir emportant avec eux les dernières traces de vie qui témoignent qu'ici ont tenté de vivre des travailleurs immigrés : comme ce jeu de dames fait de bouchons ou encore ce manuel édité par le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies qui, de toute évidence, n'a pu conjurer la colère des habitants de Rosarno.

Quelques-uns sont d'ailleurs là, comme pour s'assurer que le travail de "nettoyage" a été fait jusqu'au bout. "Ils ont eu ce qu'ils méritaient, lâchent-ils. On a dû défendre femmes et enfants. Nous les avons accueillis, nourris, et voilà comment ils nous ont remerciés, en incendiant notre ville."

La Calabre s'interroge sur les raisons profondes de ce qui s'est passé. Le parquet a ouvert une enquête sur le rôle qu'a pu jouer dans cette "chasse au Noir" la Ndrangheta, mafia locale qui contrôle aussi le marché du travail. Pourquoi, après des années de "cohabitation", a-t-on voulu se débarrasser de journaliers sans droits, payés 1 euro le cageot de fruits récoltés et soumis à une taxe mafieuse de 5 euros "pour frais de transport" aux champs ?

A l'hôpital, des associations caritatives ont apporté linge et bonbons "pour adoucir la situation" et répéter que "la vraie Calabre n'est pas raciste". Mais Ayiva et les autres ne demandent qu'à guérir et partir. Pour eux, Rosarno est une page définitivement tournée.

Salvatore Aloïse


"Un immigré est un être humain à respecter"

Lors de la prière de l'angélus, dimanche 10 janvier, Benoît XVI a rappelé que "l'immigré est un être humain à respecter", après la chasse à l'homme dont ont été victimes, en Calabre (sud de l'Italie), des travailleurs africains.

Le pape a aussi fait allusion aux récentes violences contre les coptes en Egypte, qui ont fait six morts : "Les violences dirigées contre les chrétiens (...) ont suscité beaucoup d'indignation, en particulier parce qu'elles ont eu lieu durant la période la plus sainte de la tradition chrétienne."


Article paru dans l'édition du 12.01.10

Le Maroc, gendarme de l'Europe forteresse

Jeudi 7 janvier 2010 4 07 /01 /2010 14:36

Articles de Yasmina Hamlawi

L’exil : de l’honneur à la mort


Le Maroc est devenu un cul-de- sac pour les migrants en quête d’une vie meilleure en Europe. Des Nigérians se nourrissent de cette misère humaine pour s’adonner à divers trafics.


Le Maroc est devenu au fil des décennies un point de passage privilégié, charriant des dizaines de milliers de migrants principalement originaires d’Afrique subsaharienne et rêvant de se reconstruire en Europe. Le Royaume chérifien était, jusqu’à récemment, un pays de départ ou de transit, une étape d’un voyage long et périlleux vers un autre avenir. Mais, alors que les pages de la politique migratoire européenne s’écrivent, le Maroc est aujourd’hui devenu un cul-de-sac pour les candidats à l’émigration.

En contrepartie de son investissement pour bloquer les mouvements de populations subsahariennes, le Maroc a obtenu des aides européennes non négligeables, soit 654 millions d’euros entre 2007 et 2010. Les organisations marocaines de défense des droits de l’homme s’en indignent, lui reprochant d’être "le gendarme ou l’arme de régulation de l’Europe". Les responsables marocains préfèrent, quant à eux, garder le silence sur un dossier bien trop encombrant.

Les chiffres officiels font état de 10.000 à 15.000 migrants bloqués au Maroc, principalement originaires du Mali, du Sénégal, de Gambie, du Congo ou du Libéria. Difficile de donner un chiffre exact pour une population mobile qui évolue dans le cadre d’un système parallèle. Le nombre étonne néanmoins par sa faiblesse comparativement à la polémique qui a saisi le pays ces dernières années. "En réalité, le nombre de migrants aux frontières est presque insignifiant : c’est une véritable instrumentalisation. Nous sommes une carte politique, que ce soit pour le Maroc ou pour l’Europe", explique Fabien Yene, originaire du Cameroun. Au Maroc depuis plus de six ans, il milite pour qu’on redonne le statut d’être humain aux migrants clandestins "qui ne sont pas des criminels mais des personnes sans papiers, sans travail et sans droits".

La politique restrictive et répressive de "bouclage" des frontières, menée par les pays de l’Union européenne, a eu comme résultat prévisible d’enfermer à l’intérieur même du Maroc les candidats à l’émigration. Ils se retrouvent contraints de rester pour des périodes relativement longues dans une Afrique du Nord qui les dénigre, attendant qu’une occasion de traverser se présente. Malgré le mur invisible, très peu abandonnent leurs rêves. Abdullah a versé 150 euros à un passeur à Nador, au nord-est du Maroc. Une somme colossale qu’il aurait eu du mal à réunir sans les bijoux que sa grand-mère, restée au Sénégal, lui a cédés. Il n’a jamais revu le passeur autoproclamé, ni le zodiaque qui devait le conduire de "l’autre côté" du détroit de Gibraltar.

Comment imaginer rentrer au pays quand toute la famille compte sur l’argent qu’il pourrait envoyer d’Europe ? "Djom, c’est l’honneur, c’est très important chez nous. On ne peut pas rentrer chez nous les mains vides, sans rien pour nos familles." Un code d’honneur qui lie la destinée de nombreux migrants aux routes qui devaient leur faire quitter la pauvreté, le chômage et la corruption mais qui ne les a menés qu’à une impasse. "Le jour du départ, on est le teranga de nos parents, leur fierté. Nous sommes considérés comme des braves, ceux qui se donnent en sacrifice à leurs parents. Nous sommes prêts à donner nos vies et même nos âmes à nos familles, pour qu’elles mangent", ajoute Boubakar.

L’omniprésence des patrouilles côtières, le renforcement des contrôles aux frontières ne parviennent pas à détricoter les rêves des exilés, mais les poussent vers d’autres routes plus longues, plus périlleuses encore. Quelques jours plus tard, Abdullah partait rejoindre la Libye pour tenter un passage que les côtes trop bien protégées du Maroc rendent improbable.

En faisant de l’Europe une zone sous haute surveillance, les politiques migratoires actuelles n’ont pas eu l’effet dissuasif escompté, mais des effets pervers meurtriers, dont celui de nourrir les réseaux parallèles d’exploitation de la misère humaine - réseaux clandestins de prostitution, de passeurs, de traite.

C’est dans l’une des bâtisses nées sur les décombres des anciens bidonvilles de Dar Koura, dans la banlieue de Rabat, que vit Erik M., dit "le prophète", l’un des chairmen de la communauté nigériane. Sa garde rapprochée fait le pied de grue aux pieds des bâtiments et veille discrètement aux allées et venues dans la cité populaire. L’appartement a été transformé en lieu de culte : des tapis jetés au sol, des guirlandes de fleurs aux murs, un piano installé dans un coin pour accompagner les offices. La nuit, l’appartement s’ouvre à tous les "frères et sœurs nigérians" sans refuge ou nouvellement arrivés sur le territoire marocain. Une trentaine de personnes - femmes, hommes et enfants confondus - dorment alors sur des couvertures et se partagent ces 40 m2. Au petit matin, ils plient leurs couches et se séparent, les hommes se posteront sur les lieux d’affluence afin d’y mendier, tandis que les femmes vendront leur corps en échange de quelques pièces. Tous doivent verser une partie de leurs gains au chairman, aucune dérogation n’étant permise sous peine de sévères représailles allant du bannissement du clan jusqu’à la mort.

Erik M. justifie sa présence au Maroc sur un ton prophétique : "J’ai entendu la voix de Dieu qui m’a demandé de venir, ici, au Maroc, pour aider et guider les miens. Sans eux, je rentrerais chez moi, il n’y a rien à faire ici, et je ne rêve pas d’Europe." Il se tait scrupuleusement sur ses activités les plus lucratives. L’ethnie Ibo, la troisième la plus importante du Nigéria, à laquelle il appartient, est considérée comme très active dans les réseaux clandestins de trafic de drogue, de passeurs et de prostitution dans le centre-ouest africain. Très organisé, ce réseau s’est fermement établi sur les points de passage des migrants et se nourrit des mouvements migratoires, faisant du Nigeria une plaque tournante de ce trafic.

Au Maroc, plusieurs chairmen, organisés en hiérarchie et par région, se partagent l’autorité qu’ils asseyent sur un bras armé et des tribunaux. La mainmise est telle que la police marocaine évite les quartiers nigérians.

Elise se tient devant le chairman qui aujourd’hui officie comme juge et arbitre d’un conflit opposant son ancien protecteur à un nouveau prétendant. Sous ses plus beaux atours, la tête baissée, elle assiste à son propre rachat. Les négociations sont lancées. Les discussions houleuses s’achèveront sur la somme de 1000 euros. Liée à son nouveau protecteur, qui devient, dans une relation ambiguë, son compagnon et proxénète, Elise se soumet. Les femmes prises dans les réseaux espèrent pour beaucoup être transférées en Europe et y trouver une chance de fuir. Pour l’heure, la loi du silence leur impose de se taire.

Tandis que les Européens se parent d’un éventail d’outils de coercition, la saison migratoire s’achève. Les seuls chiffres relatés dans la presse et relayés par des associations font état de 14.804 personnes mortes aux frontières européennes depuis 1988, dont 10.817 en mer Méditerranée et dans l’océan Atlantique, alors qu’elles tentaient de rejoindre l’Europe.

Source : www.lalibre.be
Le 30 décembre 2009

Réfugiés sans refuge


Le Maroc est un laboratoire de la politique migratoire européenne. Signataire de la convention de 1951, il ne reconnaît pas le statut de réfugié.


Originaires de la République démocratique du Congo (RDC), du Tchad, de Côte d’Ivoire ou du Libéria, les personnes réfugiées au Maroc, dans un mouvement quasi unanime, exigent d’être réinstallées dans un pays tiers. Confrontées au racisme, sans ressources, elles reprochent au Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de ne pas préserver leur intégrité physique et leur dignité.

Fuyant des violences, des persécutions ou la guerre civile dans leur pays d’origine, certains rêvent de rejoindre l’Europe. D’autres ont été malmenés de pays en pays par les circonstances avant d’aboutir en Afrique du Nord.

Ce passé de douleur et de sang qu’ils partagent leur vaut d’être reconnus par le HCR comme "vulnérables" et donc placés sous le statut de réfugié. Pourtant, le Maroc dénie leur statut international de personnes protégées et les emmure dans la clandestinité et la misère. "Pas de travail, pas de soins médicaux légaux, pas de respect, pas de libre circulation Nous sommes clandestins alors que nous avons la carte de réfugié", explique Stéphane Gnako Yechi, l’un des porte-parole des réfugiés.

Bien que le Maroc soit signataire de la Convention internationale de 1951 relative au statut des réfugiés, il n’a pas élaboré de politique d’intégration et de protection des réfugiés et demandeurs d’asile. Ceux-ci sont assimilés à des migrants en situation irrégulière, sans papiers et, par conséquent, sans droit.

L’un des motifs de la confusion tient au fait que les réfugiés empruntent les mêmes routes, les mêmes transports et payent les mêmes passeurs que les migrants dits "économiques", qui quittent leurs pays volontairement pour de meilleures conditions de vie.

Mabiala Nsamuambote avait 15 ans lorsqu’il est arrivé, fuyant les brutalités des milices en RDC. Il réclame sa réinstallation dans un pays européen, pour une meilleure protection de ses droits : "Au Maroc, nous sommes comme des gens enfermés dans une bouteille. J’ai passé 5 années au Maroc et je n’ai aucun avenir ici. Les autorités marocaines nous l’ont démontré durant ces années, elles ne veulent pas intégrer les réfugiés et nous donner des titres de séjour."

Selon Chadi Sidhom, du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme, le refus officiel du Maroc d’intégrer les réfugiés tient à des réalités socio-économiques. Le Maroc avance un taux de chômage élevé - au-delà de 15 % selon les sources les plus réalistes - pour renvoyer aux calendes grecques un dossier difficile. L’argument tourne court en regard du faible nombre de réfugiés sur le sol marocain : "Ce ne sont pas 800 réfugiés qui vont chambouler le marché de l’emploi", dit-il.

La loi n°02-03 a pourtant posé un premier jalon vers une reconnaissance. Datant de 2003, elle aborde certains droits : interdiction des expulsions des réfugiés ou demandeurs d’asile, protection des femmes enceintes et des mineurs, droit de recours. Elle évite cependant avec soin le droit au travail. Aucun processus de ratification n’ayant vu le jour, le texte législatif est resté lettre morte, et avec lui les droits protégés.

Fiston Masamba, réfugié de RDC, se considère comme prisonnier. Alors qu’une reconnaissance par le HCR devrait donner accès aux soins, au travail, à une carte de séjour et à un titre de voyage, "les réfugiés au Maroc vivotent, ils n’ont pas accès au travail, ils sont réduits à vivre comme des parasites dans cette société qui ne les accepte pas vraiment".

Pour Johannes van Klaauw, représentant du HCR au Maroc, la situation s’est sensiblement améliorée depuis que le HCR a pu officialiser sa présence. Les réfugiés ont quitté les abris des forêts de Gourougou et de Bel Younesh pour partager des appartements dans les quartiers populaires de Rabat ou Casablanca, où ils sont mieux protégés contre l’expulsion.

En matière d’asile, les pays européens parlent de "principe de partage des responsabilités" pour transférer aux pays du Maghreb une partie de l’accueil des demandeurs d’asile. Cette politique du "partage du fardeau" ou "d’externalisation", telle que la dénoncent les associations de droits de l’homme, se construit avec le soutien du HCR qui estime que "des pays africains beaucoup plus pauvres accueillent beaucoup plus de réfugiés".

Selon les organisations défendant les droits des réfugiés, 80 % des réfugiés sont pris en charge dans les pays pauvres. L’Europe n’en accueillerait qu’environ 5 %. Face aux tensions, le HCR demande de la patience et évoque un possible engagement du gouvernement marocain ces prochains mois.

Loin des tables ministérielles, les réfugiés pensent en termes de survie. Très peu ont réussi à obtenir des petits emplois informels. Les autres sont poussés à des extrémités pour obtenir de quoi se nourrir et payer leurs loyers. Mabiala Nsamuambote raconte un quotidien pénible : "Pour survivre, les hommes mendient devant les mosquées, et les femmes se prostituent, c’est comme une obligation pour les femmes de se prostituer. Certaines se prostituent parfois pour un pain ou un dirham" (1 € = 10 dirhams). Un réfugié à ses côtés ajoute à voix basse : "Certains hommes se prostituent aussi, quand ils n’ont plus le choix "

Face à ces revendications, Johannes Van der Klaauw renvoie les Etats à leur responsabilité : "Seulement 1% des réfugiés dans le monde est réinstallé dans des Etats tiers en cas de persécutions graves avérées ou de tortures."

Jusqu’à présent, les yeux restent fermés sur les violences sexuelles et raciales que subissent les femmes réfugiées. Mme M. a fuit la RDC, mais elle était loin de s’imaginer que le Maroc ne serait guère un refuge. "On nous refuse le travail car nous n’avons pas de titre de séjour". Son regard triste se porte sur ses quatre enfants qui jouent autour d’elle. "Alors, le soir, je dois sortir pour nourrir mes enfants, j’utilise des préservatifs, mais je suis quand même tombée enceinte. Je suis seule, si je ne sors pas la nuit, mes enfants ne mangent pas." Avant de poursuivre à bout de nerfs, "on est ici nombreuses nombreuses avec les enfants à devoir faire ça !"

Le non respect des droits des réfugiés ou les menaces envers leur intégrité physique n’ont pas empêché l’Europe de faire du Maroc le laboratoire de l’externalisation de leur politique migratoire. L’installation des réfugiés dans des pays plus sûrs reviendrait pour l’Europe à avouer l’échec d’une politique qui se construit davantage sur un "fantasme d’invasion" que sur les réalités de terrain.

Source : www.lalibre.be
Le 31 décembre 2009

Migrations: L’innocence cède le pas à l’instinct

Le Maghreb est un des points de passage entre pays pauvres et pays développés. Dans le port de Tanger, les ferries chargent et déchargent des camions affrétés. Dès l’aube le va-et-vient incessant résonne au sein de cette plaque tournante du trafic maritime.


Entre les files de camions prêts à s’engloutir dans les cargos, quelques ombres se faufilent à la recherche de la meilleure cache au-dessus des roues de camions, elles y resteront repliées sur elles-mêmes le temps de la traversée jusque l’Eldorado européen.

Désignés comme les "haraga", les brûleurs de leurs papiers, de leurs identités et de leurs anciennes vies, n’espèrent plus que l’ailleurs. Leur présence est connue de tous. Employés du port, dockers, forces de la Sûreté nationale, tous les croisent dans la cacophonie portuaire et son désordre organisé. On les tolère, les ignore et parfois même on leur témoigne une certaine empathie. Beaucoup les considèrent comme un nouveau genre d’aventuriers qu’une société inégalitaire a engendré.

"La police a bien compris qu’il ne servait à rien de les arrêter. Beaucoup de Marocains cherchent à rejoindre l’Europe; comment les dissuader de risquer leur vie pour échapper à la misère, alors que rien n’est fait pour endiguer le chômage", explique, sous couvert d’anonymat, un employé du port.

Les "haraga" s’organisent par trois, profitant de l’attention portée sur celui qui se fait intentionnellement prendre, les deux autres se faufilent à l’intérieur d’un ferry. Celui qui a créé la diversion fera partie du prochain voyage.

La présence des forces de police est discrète, quelques agents sont parfois soudoyés pour que leurs regards se détournent, jusqu’à ce que survienne l’incident mortel. "Il arrive qu’un homme tombe du camion et se fasse écraser", poursuit l’employé. Alors, sous la pression médiatique et politique, les forces de l’ordre pourchassent et emprisonnent tous ceux qui rôdent sur le port, "ils ne restent jamais longtemps en prison, pour quelle raison les garder ? Parce qu’ils rêvent de mieux ?"

La pression finit toujours par se relâcher et, de nouveau, ces visages dont les yeux disent la fièvre d’Europe côtoient les flans des camions et des ferries.

A deux cents mètres de l’embarcadère, d’anciens remparts enserrent le port. Juchés sur ces murs, quelques poignées d’adolescents débraillés, dont les plus jeunes ont moins de 10 ans, narguent les services de sécurité chargés de protéger les camions gonflés de marchandise.

Brahim, l’un des gardes du parking, déplore une situation sans issue : "Ils nous tombent dessus en bande, nous menacent avec des poignards, des sabres, alors que nous ne sommes que deux pour protéger un périmètre aussi grand."

L’innocence juvénile de ces enfants et adolescents a fait place à l’instinct de survie avec toute la violence qu’il peut comporter. La nuit, ils deviennent maîtres du port et n’hésitent pas à utiliser des armes blanches pour éloigner les services de sécurité et éventrer les camions. Ils revendent leur butin pour se nourrir, payer leur passage ou alimenter la forte corruption qui gangrène les forces de l’ordre.

Pour Brahim, ces jeunes jouent le tout pour le tout, "ils savent qu’en tant que mineurs, ils ont peu de chance d’être expulsés d’Europe et sont décidés à tout supporter pour rejoindre l’autre côté de la Méditerranée".

L’Espagne compte aujourd’hui 3.000 à 5.000 mineurs étrangers non accompagnés; depuis une dizaine d’années, elle est la destination privilégiée de mineurs principalement originaires du Maroc. Un accord de réadmission des mineurs isolés a récemment été conclu entre ce pays et le Maroc, dans l’espoir d’accélérer les rapatriements. Même si l’accord n’a pas encore été ratifié, la pratique s’est mise en place.

Les associations de défense des droits de l’enfance dénoncent cependant les lacunes du Maroc qui n’a ni la capacité ni les procédures nécessaires pour prendre en charge les enfants rapatriés, que ce soit pour les identifications, la recherche des familles, ou encore s’assurer que les familles puissent accueillir matériellement et psychologiquement des enfants qui, après plusieurs années en Espagne, n’ont gardé aucun lien avec le pays d’origine.

Le gouvernement espagnol tente de contourner ces difficultés en finançant des centres d’accueil pour mineurs rapatriés à Tanger, Beni Mellal ou Nador.

L’immigration appelée en renfort dès les années 60 pour les grands chantiers européens participe de façon inattendue au processus de la migration clandestine actuelle. Les Marocains émigrés de retour au pays d’origine y influencent la conscience locale vers un mythe de l’émigration; la Belgique est ainsi tout particulièrement liée aux villes d’Oujda et de Nador, région dont est originaire une grande part de l’immigration clandestine, mais qui, quelques décennies auparavant, avait envoyé ses ressortissants comme mains-d’œuvre.

L’histoire migratoire liant le Maroc à l’Italie est, quant à elle, plus récente. Pourtant, l’Italie n’échappe pas au phénomène d’influence entre émigration légale et émigration clandestine.

Au centre du Maroc, les villes de Khouribga, Beni Mellal et Ben Salah sont tristement célèbres, depuis qu’en 2004 une centaine de personnes a trouvé la mort sur la même embarcation qui devait les conduire de la Libye à l’Italie. Tous étaient originaires de cette région, désormais désignée comme le Triangle de la mort. Khouribga, autrefois grande zone minière de phosphate, est aujourd’hui sinistrée; la plupart des mines ont fermé et aucune autre industrie n’est venue soulager un chômage endémique. La situation économique ne permet pas à la région de retenir sa jeunesse facilement éblouie par un miroir aux alouettes. Chaque été, les enfants d’émigrés marocains de la première génération quittent Turin ou Milan pour le Maroc, "ils affichent alors une aisance qui fait rêver les jeunes Marocains, et tandis que les lois pour l’immigration se sont durcies, l’Italie comme les autres pays d’Europe continuent d’attirer", explique Teresa Leone, coordinatrice de l’organisation italienne Progetto Mondo.

Progetto Mondo, un programme italien financé par l’Union européenne, cherche à développer une émigration dite responsable par le biais de formations professionnelles et surtout d’informations sur les risques du passage et les difficultés de la clandestinité en Italie. Teresa Leone défend le projet qui ambitionne de mettre fin aux vagues d’immigrations meurtrières en direction d’Italie : "On ne peut pas arrêter les rêves. C’est toujours pénible de dire à quelqu’un qu’il doit rester alors que l’immigration est un processus naturel et historique C’est tout un système qu’il faut briser plutôt que le rêve, apprendre aux gens qu’il y a mieux que de vendre la maison et les bijoux pour envoyer clandestinement le gamin en Italie ou ailleurs, car c’est un véritable processus et projet familial."

En 2007, sur les 174.275 expulsions entreprises par les Etats membres de l’Union européenne, 10 % étaient des Marocains. Un flux qu’il paraît difficile d’endiguer tant que les indices socio-économiques du Maroc ne sont pas en hausse. D’autant que les Marocains émigrés constituent une force économique non négligeable pour le pays d’origine. L’OCDE, organisation de coopération et de développement économique, a annoncé que, pour l’année 2007, les transferts d’argent envoyés par les migrants à destination des pays en voie de développement s’élèvent à environ 251 millions de dollars, soit en moyenne deux fois et demi l’aide publique au développement.

Source : www.lalibre.be
Le 2 janvier 2010

La justice allemande le dossier d'un demandeur d'asile mort en garde à vue

La justice allemande rouvre le dossier d'un demandeur d'asile mort en garde à vue

LE MONDE | 09.01.10 | 13h26 • Mis à jour le 09.01.10 | 13h26
Berlin Correspondante
http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/01/09/la-justice-allemande-rouvre-le-dossier-d-un-demandeur-d-asile-mort-en-garde-a-vue_1289597_3214.html

Cette affaire était devenue le symbole d'une justice impuissante face aux bavures policières. Jeudi 7 janvier, la Cour de justice fédérale (BGH) a cassé un verdict du tribunal de Dessau, dans la région du Saxe-Anhalt dans l'est de l'Allemagne, qui avait acquitté en décembre 2008 un policier après la mort en garde à vue d'un demandeur d'asile.

Cette décision, intervenue cinq ans jour pour jour après le drame, a été accueillie avec soulagement par les organisations de défense des droits de l'homme. Les faits "qui sont décrits sont difficilement compréhensibles", ont conclu les juges de Karlsruhe en renvoyant le fonctionnaire de police accusé de blessures ayant entraîné la mort devant la cour de Magdebourg.

Le 7 janvier 2005, Ouri Jallow, un jeune homme de 23 ans originaire du Sierra Leone, suspecté d'avoir importuné deux femmes, avait été placé en détention provisoire dans un commissariat de Dessau. Comme il était ivre et se montrait peu coopératif, les policiers l'avaient menotté pieds et mains à un lit. Quelques heures plus tard, il était retrouvé mort dans sa cellule, son corps carbonisé.

Le demandeur d'asile était, semble-t-il, en possession d'un briquet qui avait échappé au contrôle des policiers et qu'il aurait utilisé pour mettre le feu à son matelas. Lorsque l'alarme incendie s'est déclenchée, le fonctionnaire de police incriminé l'a éteinte à deux reprises, croyant à une erreur. Quand, quelques minutes plus tard, il s'est enfin rendu dans la cellule d'Ouri Jallow, il était trop tard. "L'accusé aurait peut-être pu empêcher la mort s'il avait pris les mesures de sécurité adéquates dès le déclenchement de l'alarme", a estimé la cour fédérale, qui s'étonne que le policier n'ait pas entendu les éventuels cris de la victime.

IMPUISSANCE DU DROIT

Ce n'est qu'après la mobilisation d'une poignée de militants et une forte pression médiatique, qu'un procès avait fini par s'ouvrir à Dessau en 2007. Mais sans pouvoir faire la lumière sur les circonstances du décès. Le tribunal avait clôturé cette affaire par un non-lieu : pour les juges, il était impossible de prouver que le policier avait volontairement cherché à blesser le demandeur d'asile, ou qu'une réaction plus rapide aurait pu le sauver. Surtout, les témoignages contradictoires ou incomplets du personnel de police avaient torpillé le travail de la justice. "Cela n'a rien à voir avec un Etat de droit", avait constaté, résigné, le juge Manfred Steinhoff.

Après l'annonce du verdict, l'organisation de défense des réfugiés Pro Asyl avait accusé la police de "racisme institutionnel". "Il y avait un mur de silence à Dessau. Avec le renvoi devant la cour de Magdebourg, l'affaire a une chance d'être éclaircie", espère Regina Goetz, avocate de la famille de la victime. "Dans le cas Ouri Jallow, ce n'est pas l'impuissance du droit, mais la puissance du droit qui doit se montrer", a commenté le quotidien libéral Süddeutsche Zeitung.

De son côté, la ville de Dessau, où un Mozambicain, Alberto Adriano, avait été assassiné en 2000 par des néonazis, a déjà tenté de tirer les leçons de ce drame. Un réseau de lutte contre l'extrême droite et un bureau d'aide pour les victimes de racisme ont été créés.

Cécile Calla
Article paru dans l'édition du 10.01.10


African Voice International - Jeudi 7 janvier 2010

Allemagne: Demandeur d´asile africain mort en prison, l ´affaire refait surface

Cinq ans après la mort en prison d'un demandeur d'asile sierra-léonais, la justice allemande a décidé de rouvrir le dossier. La Cour fédérale de Karlsruhe a annulé l'acquittement de deux policiers prononcé en 2008.

Le 7 janvier 2005 au matin, Oury Jalloh est appréhendé par la police. Il aurait importuné deux femmes à la sortie d'une discothèque. Les fonctionnaires ne parviennent pas à vérifier son identité et l'emmènent au commissariat. Le jeune demandeur d'asile proteste violemment. Ils le mettent dans une cellule, lui attachent les mains et les pieds, et viennent le voir régulièrement jusqu'à 23h45. Quinze minutes plus tard, le détecteur de fumée se déclenche. Ce qui s'est passé après, personne ne le sait. Les policiers affirment qu'Oury Jalloh aurait mis lui même le feu à son matelas, une thèse plausible selon des experts. Mais comment expliquer que les policiers aient mis deux minutes et demie à se rendre dans la cellule, sans emporter d'extincteur ? Quand ils arrivent, Oury Jalloh est mort.

Deux ans plus tard, en mars 2007, débute devant un tribunal de Dessau le procès des deux policiers impliqués.
Dans le même temps, Mouctar Bah, un proche du défunt, met en place une initiative pour faire la lumière sur les circonstances de sa mort. Il fait faire une deuxième autopsie qui révèle une fracture du nez. Par ailleurs, il obtient que la famille du demandeur d'asile se porte partie civile dans le procès. Le frère de la victime, Diallo Jalloh :
« Je ne vais pas laisser faire cela, je vais continuer à suivre l'affaire jusqu'à ce que je trouve la vérité. »

En décembre 2008, les deux fonctionnaires sont acquittés, le tribunal estime qu'ils ont fait leur devoir. Cela déclenche de vives réactions en Allemagne. On parle même de racisme institutionnel
Marco Steckel, conseiller des victimes:

« Dans l'affaire Oury Jalloh, la question de la culpabilité doit être réglée de façon claire. Cela n'a pas été fait jusqu'à présent. Et deuxièmement, il faut montrer à la police que l'Etat de droit ne doit pas et ne peut pas être manipulé. Par ses négligences dans le cadre de l'enquête et par ses fausses déclarations devant le tribunal, la police a obtenu un acquittement. »

Après la décision de la Cour fédérale de Karlsruhe, le procès des deux policiers va de nouveau avoir lieu, cette fois devant le tribunal de grande instance de Magdebourg.


Mort suspecte : un policier rejugé

AFP 07/01/2010 | Mise à jour : 12:42
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/01/07/01011-20100107FILWWW00560-mort-suspecte-un-policier-rejuge.php

Un policier allemand acquitté dans l'affaire d'un demandeur d'asile mort brûlé durant sa garde à vue va être rejugé après que la Cour de justice fédérale a cassé le verdict d'un tribunal de Dessau (est de l'Allemagne).

En décembre 2008, ce policier avait été blanchi des accusations de blessures ayant entraîné la mort sur Ouri Jallow (également appelé "Oury Jalloh"), un demandeur d'asile originaire de la Sierra Leone, placé en garde à vue et mort quelques heures plus tard dans l'incendie de son matelas auquel il avait été attaché.

L'acquittement de ce policier, ainsi que d'un autre fonctionnaire, avait déclenché une vive émotion en Allemagne tant les circonstances de la mort le 7 janvier 2005 du jeune homme étaient restées opaques.

La Cour de Karslruhe a cassé ce jugement notamment parce que le tribunal de Dessau avait estimé que le policier s'était comporté comme son devoir le lui imposait.

Or, souligne la Cour fédérale, le policier a éteint l'alarme à incendie lorsqu'elle s'est déclenchée et a téléphoné à son supérieur. Il s'est ensuite rendu dans l'espace réservé aux gardes à vue mais a dû dans un premier temps rebrousser chemin car il avait oublié ses clés.

"L'accusé aurait pu empêcher la mort (du demandeur d'asile) s'il avait pris les mesures de secours adéquates dès le déclenchement de l'alarme", ont estimé les juges de Karlsruhe.

Lors du procès, le Parquet avait d'ailleurs assuré que le policier avait fait preuve de graves négligences.

Le demandeur d'asile avait été arrêté, ivre, après avoir été dénoncé par deux femmes qui disaient se sentir importunées.

Les policiers avaient expliqué l'avoir attaché dans la cellule car il avait résisté à l'arrestation.

Les violences anti-immigrés en Calabre ont fait 67 blessés

LIBERATION.FR - 09/01/2010 À 15H57

http://www.liberation.fr/monde/0101612919-les-violences-anti-immigres-en-calabre-ont-fait-67-blesses

Les violences anti-immigrés en Calabre ont fait 67 blessés


Plusieurs centaines d'immigrés ont été évacués de la ville de Rosarno, dans le Sud de l'Italie, après les exactions de la population à leur encontre.

La situation s'apaisait samedi à Rosarno après des violences, notamment une "chasse à l'homme" contre des immigrés, qui ont fait 67 blessés dans cette localité de Calabre (sud de l'Italie) où des renforts de police ont été dépêchés et des centaines d'étrangers évacués.

Signes du retour au calme, certaines des barricades érigées par la population ont été levées, l'occupation de la mairie par des habitants a pris fin et les magasins ont ouvert dans la matinée.

Quelque 320 immigrés ont été transférés dans la nuit vers un centre d'accueil à Crotone, à 170 km de Rosarno, et l'évacuation de 300 autres était en préparation samedi, tandis qu'une centaine d'étrangers sont partis par leurs propres moyens.

Rosarno a été le théâtre jeudi de violentes manifestations d'immigrés protestant contre des agressions dont certains d'entre eux avaient été la cible: elles avaient été marquées par des heurts avec la police, et suivies, le lendemain, d'exactions de la population à leur encontre.

Pour faire face à ces tensions, le chef de la police italienne Antonio Manganelli avait annoncé dès vendredi soir l'envoi d'un "important contingent de policiers" en renfort.

"Envoyer plus de 200 hommes en renfort aux policiers et carabiniers qui quadrillent Rosarno depuis deux jours a un double objectif : renforcer le contrôle du territoire et préparer la possible évacuation des immigrés", écrit le Corriere della Sera. Selon le quotidien, 48 heures seront nécessaires pour transférer les immigrés, pour la plupart clandestins, vers des centres d'accueil dans le sud de l'Italie.

Le dernier bilan des violences à Rosarno et dans ses environs depuis jeudi est de 67 blessés, à savoir 31 étrangers, 19 policiers et 17 habitants italiens de cette petite ville de 15.000 âmes.

La majorité n'ont subi que des contusions ou des blessures légères. Mais six immigrés sont encore hospitalisés, parmi lesquels deux grièvement blessés vendredi soir à coups de barres de fer.

Les incidents ont débuté à Rosarno après une manifestation jeudi soir de plusieurs centaines d'ouvriers agricoles immigrés -pour la plupart employés illégalement dans la région- qui protestaient contre des tirs de fusil à air comprimé ayant visé plusieurs d'entre eux.

Les manifestants ont incendié des voitures et brisé des vitrines à coups de bâton et des affrontements se sont produits avec la police.

Vendredi, la population locale a cherché à se venger en procédant à une "chasse aux immigrés" au cours de laquelle plusieurs étrangers ont été blessés.

Dans un éditorial provocant, le journal de droite Il Giornale, propriété de la famille Berlusconi, affirme: "Mais cette fois-ci ce sont les nègres qui ont raison". "Les immigrés clandestins ne devraient pas entrer en Italie. Mais une fois qu'ils y sont, on ne peut pas les exploiter de manière honteuse et leur tirer dessus pendant qu'ils font les travaux que nos chômeurs dédaignent", écrit-il.

Selon la presse, au moins 4.000 immigrés sont employés, en général illégalement, chaque année à Rosarno pendant deux mois pour récolter clémentines et mandarines.

Le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés et le principal syndicat italien, la Cgil, ont dénoncé leurs "conditions de vie inhumaines : cabanes insalubres, sans eau, sans hygiène" et des "salaires de misère" (25 euros par jour).

Le rôle de la mafia a été montré du doigt. "La mafia qui contrôle le territoire, exploite les immigrés avec cynisme et une détermination impitoyable. Les cerveaux criminels savent que les immigrés clandestins ne peuvent même pas tenter de se rebeller car ils sont privés de documents d'identité et donc de la protection de l'Etat", a déclaré à La Stampa don Luigi Ciotti, un prêtre ayant fondé l'association antimafia Libera.

(Source AFP)

Chassés, les immigrés fuient la Calabre

Après les incidents de ces derniers jours, plus d’un millier d’immigrés africains ont quitté la ville de Rosarno.

Une manifestation contre le racisme qui dégénère, des jeunes Calabrais qui tirent contre des immigrés, entre jeudi et samedi, les affrontements à Rosarno, dans le sud de l’Italie, ont fait 67 blessés, dont 31 immigrés. La tension est telle que dans le week-end, malgré un retour au calme, plus d’un millier d’immigrés africains ont préféré partir. La justice italienne, elle, a ouvert une enquête sur une éventuelle implication mafieuse dans les affrontements des derniers jours. Les hommes de la ‘Ndrangheta sont fortement soupçonnés. La police a reconnu des membres des clans locaux lors des affrontements avec les immigrés.

L’Eglise s’en mêle

«La mafia exploite les immigrés avec cynisme. Les cerveaux criminels savent que les immigrés clandestins ne peuvent même pas tenter de se rebeller car ils sont privés de documents d’identité et donc de la protection de l’Etat», a dénoncé samedi Luigi Ciotti, un prêtre fondateur de l’association antimafia Libera. Le prêtre a également critiqué les autorités locales, les employeurs des immigrés et les organisations patronales, affirmant qu’ils ont laissé pourrir la situation, n’offrant que des salaires de misère et des logements insalubres aux travailleurs agricoles, jusqu’à ce que cela devienne «un problème d’ordre public».

De son côté, le pape Benoît XVI a lancé un appel dimanche au respect de ces travailleurs. «Un immigré est un être humain, différent de par sa provenance, sa culture et (ses) traditions mais c’est une personne à respecter et qui a des droits et des devoirs», a-t-il dit.

Dans un éditorial, Il Giornale, le quotidien de droite de la famille Berlusconi, a adressé dimanche un appel provocateur aux habitants de Calabre: «Plutôt que sur les nègres, tirez sur les mafieux.»

A. J. AVEC LES AGENCES dans 24 Heures