mercredi 12 juillet 2006

L'affaire des mensonges de Christoph Blocher à Forum et dans les quotidiens romands


Dans son dernier rapport, la Commission de gestion du Conseil des Etats estime qu'en traitant deux réfugiés albanais de criminels en janvier dernier, le ministre de la justice a violé la présomption d'innocence et porté atteinte à la séparation des pouvoirs.
Débat entre Michel Béguelin, conseiller aux Etats socialiste vaudois, et Jean Fattebert, conseiller national UDC vaudois.

Sur le même sujet lire l'article de Valérie de Graffenried dans le Temps (payant)
Extrait:
La suite de l'affaire? La CdG demande au Conseil fédéral de prendre position jusqu'en octobre. Elle attend désormais de M. Blocher qu'il fasse preuve «de la plus extrême retenue si vraiment il souhaite critiquer une décision judiciaire» et qu'il «veille à se garder de toute présentation des faits qui puisse apparaître partiale». L'Office fédéral des migrations lui avait d'ailleurs «vivement recommandé» de ne pas utiliser l'exemple des Albanais lors de son discours de l'Albisgüetli, confirme le rapport. La CdG écarte en revanche le reproche fait à Christoph Blocher d'avoir voulu influer sur l'issue de la votation du 24 septembre sur l'asile.

A noter que le Téléjournal de la TSR et Le Matin n'ont pas traité ce sujet dans leurs éditions respectives !
Lire le rapport des parlementaires

Protégez maintenant !

[ Lire l'appel de la FIDH à l'occasion de la conférence "Migration et développement" qui se tient au Maroc]
La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Plateforme Euromed et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) rappellent aux ministres participant à la Conférence ministérielle euro-africaine sur « Migrations et développement » que toute les politiques migratoires doivent garantir et protéger les normes universelles relatives aux droits des migrants et des réfugiés.

Tel est pris qui croyait prendre

Lire l'article de Pierre-André Volet dans le Journal du Jura en ligne - Votre source pour des nouvelles régionales - Ressort: Suisse
Sans doute Christoph Blocher a-t-il voulu impressionner le 20 janvier dernier à l'Albisgütli. Devant les fidèles de la grand-messe de l'UDC zurichoise, le conseiller fédéral a qualifié de «criminels» deux réfugiés albanais. D'abord déboutés par les services du Département fédéral de justice et police (DFJP), les deux hommes avaient récemment obtenu gain de cause devant la Commission de recours en matière d'asile (CRA). Or, si ces personnes faisaient l'objet de poursuites en Albanie, elles n'ont pas été reconnues coupables. Le ministre de la Justice n'a donc pas respecté la présomption d'innocence prévalant dans notre Etat de droit. Mais ce n'est pas tout. Ce faisant, Christoph Blocher critiquait la CRA, suggérant qu'elle avait accordé l'asile à des criminels. Le 23 janvier, la NZZ revenait sur les paroles prononcées par le chef du DFJP à l'Albisgütli et la polémique s'enflammait. Dès février, la sous-commission DFJP de la Commission de gestion des Etats (CdG-E) enquête. Le rapport publié hier est éloquent. «L'auditeur du discours à l'Albisgütli ne pouvait que déduire que le chef du DFJP considérait que les deux Albanais étaient coupables», écrit la commission. Et de questionner: «Pourquoi sinon serait-il inadmissible que ces deux personnes aient obtenu l'asile en Suisse?» En effet! La CdG-E qualifie par ailleurs les critiques émises à l'encontre de la CRA de «partiales». Non seulement les deux réfugiés n'ont pas été reconnus coupables, mais c'est parce que la CRA estimait qu'ils faisaient l'objet de poursuites pour des motifs politiques qu'elle a accordé l'asile à ces deux personnes. Un avis partagé par le Tribunal fédéral. Le 22 mars, prié par le Conseil des Etats de s'expliquer, Christoph Blocher a menti aux sénateurs, affirmant n'avoir jamais traité les Albanais de criminels mais d'accusés. Sauter à pieds joints sur la présomption d'innocence, porter atteinte à l'indépendance de la justice, voilà qui fait mauvaise impression dans un discours de conseiller fédéral. Les faits sont établis, il reste à en tirer les conséquences. Qu'un ministre de la Justice se permette de telles bévues est inquiétant. Mais jusqu'à quel point? Sommé de prendre position d'ici à fin octobre, le Conseil fédéral donnera sa réponse. Affaire à suivre!

Aboubakar tourne en rond depuis deux ans aux portes de l'Europe


MAROC
Ils sont des dizaines de clandestins à gamberger derrière les grillages des enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila.Siaka et Aboubakar, deux Ivoiriens, surgissent en­tre deux arbres de la «brousse», forêt du nord du Maroc ceinturant l’enclave es­pagnole de Ceuta. Ils ont l’air fatigué et leurs chaussures sont déchirées, à force de marcher pour quémander à manger et de courir pour fuir les militai­res. Avant, ils étaient près d’un millier venus de toute l’Afrique subsaharienne à camper comme eux dans cette forêt pour essayer d’entrer en Europe via Ceuta. Mais la nuit du 28 et 29 septembre, après des mois d’attente et comme d’autres l’avaient fait à Melilla, ils se sont jetés par centaines à main nues sur les barbelés pour les franchir en s’aidant d’échelles artisanales. Certains ont péné­tré la citadelle de Ceuta, mais cinq sont morts. Le campement a été détruit. Beaucoup de mi­grants ont été refoulés en avion vers leurs pays d’origine. De­puis, les autorités espagnoles ont surélevé le double grillage frontalier à plus de 6 mètres.Côté marocain, on voit des mili­taires postés tout le long de la crête qui surplombe la fron­tière.Ils traquent les derniers migrants — une cinquantaine — dispersés dans la forêt. «Nous savions qu’après l’atta­que forcée nos souffrances se­raient bien pires. La sécurité est trop renforcée », explique Siaka, ancien commerçant aujourd’hui âgé de 27 ans. «Il n’y a que ceux du Bengladesh et du Pakistan qui arrivent à en­trer. Eux ils ont de l’argent pour payer des mafias».«Ceux qui restent ici, c’est les « mains vides ». On ne sait pas quoi faire, on souffre encore plus qu’en Côte d’Ivoire où il y a la guerre», explique à son tour Aboubakar, ancien conducteur de camion de 24 ans. «Mais je ne peux pas rentrer chez mes pa­rents avec cette blessure!», con­fie- t-il en sortant de sa manche une main mutilée. Il se souvient de cette fameuse nuit de l’assaut massif où il a perdu deux doigt : «Ils ont tiré à balles réelles». . Siaka et Aboubakar avaient été arrêtés et emmenés à la frontière mauritanienne. Ils s’étaient en­fuis pour revenir à pied jusque dans la forêt de Ceuta. «Je compte surtout sur Dieu» Ils savent qu’une grande confé­rence sur la migration a lieu en ce moment à Rabat, convoquée après les drames de septembre et octobre 2005 aux grillages des présides espagnols. Trois mi­grants de plus sont morts la se­maine dernière à Mellila, contre 14 à l’époque. Siaka espère que les politiques «vont décider des bonnes choses, pas seulement pour le développement de l’Afri­que, mais aussi pour les gens dans la forêt.». Mais il s’avoue sceptique: «Je compte surtout sur Dieu» Les deux amis pensent à des­cendre en Mauritanie pour ten­ter de traverser à bord d’embar­cations de fortune jusqu’aux îles Canaries, nouvelle voie de pas­sage depuis la fermeture de la frontière à Ceuta et Melilla. 10 000 migrants y auraient ac­costé depuis le début de l’année. Les deux Ivoiriens craignent cette solution : «Ces derniers temps, beaucoup de nos amis avec qui on mangeait sont restés dans l’eau.»
ARMANDINE PENNA
RABAT