mardi 31 août 2010

Expulsion de Roms: Paris enfonce le clou

Le gouvernement français prévoit un projet d'amendement à la loi visant notamment les Roms et permettant de renvoyer des étrangers en cas de "menace à l'ordre public à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive", a annoncé lundi le ministre de l'Immigration.

La question de la mendicité "agressive" promet déjà de faire débat. [AFP]La question de la mendicité "agressive" promet déjà de faire débat. [AFP]

Le président Nicolas Sarkozy avait annoncé fin juillet un durcissement de la politique sécuritaire de la France, avec notamment le démantèlement des campements illégaux de Roms dont certains vivent de mendicité et de petits boulots, provoquant de vives critiques en France et à l'étranger.

Renvoyer les mendiants "agressifs"

"Il nous faut élargir les possibilités de prendre des arrêtés de reconduite à la frontière pour menace à l'ordre public à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive", a déclaré lundi le ministre de l'Immigration Eric Besson. Un "amendement sera déposé à cette fin", a-t-il ajouté.

Evoquant de nouvelles mesures pour "lutter plus efficacement contre les filières d'immigration clandestine et de traite des êtres humains en provenance de Roumanie et Bulgarie", Eric Besson a annoncé deux autres amendements dans le cadre du projet de loi sur l'immigration qui sera soumis le 27 septembre à l'Assemblée nationale.

Le premier permettra de "sanctionner ceux qui abusent du droit au court séjour (trois mois maximum) afin de contourner les règles plus strictes du long séjour" (avoir un emploi, suivre des études ou justifier de ressources suffisantes, et avoir une assurance-maladie), a-t-il précisé.

Le deuxième permettra "la reconduite dans leurs pays d'origine des personnes qui représentent une charge déraisonnable" pour le système d'assistance sociale.

Entre contrainte et incitation

Le ministre a indiqué que 979 ressortissants roumains et bulgares en situation irrégulière avaient été reconduits entre le 28 juillet et le 17 août, dont 151 "de manière contrainte" et 828 "de manière volontaire".

Cette dernière procédure permet à la personne, obligée de quitter la France, de manifester formellement sa volonté de partir et de percevoir ainsi une aide au retour de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant. Au total 8313 Roumains et Bulgares ont été expulsés depuis le 1er janvier, contre 9875 pendant l'ensemble de l'année 2009, selon son ministère.

Lors d'une conférence de presse commune, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a justifié ce tour de vis sécuritaire en affirmant que les actes de délinquance perpétrés par des Roumains, à Paris, avaient augmenté de 259% en 18 mois.

De son côté, le Premier ministre François Fillon, qui jusque là était apparu très en retrait sur ce dossier, a défendu lundi cette "politique qui respecte la loi", tout en fustigeant "la surenchère" parmi ceux qui, dans son camp, se sont "servis" de ce thème "pour des motifs politiques".

Il a affirmé que cette politique n'était "pas nouvelle" et que c'était aussi celle "que conduisent la quasi totalité des pays européens, y compris ceux qui aujourd'hui font des remarques sur la politique française".

Critiques internationales et intestines

Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner avait, lui, tenu à se distancer de la politique actuelle de son gouvernement à l'égard des Roms, affirmant même avoir songé à démissionner.

Un autre membre important du gouvernement, le centriste Hervé Morin, ministre de la Défense, a lui aussi fait entendre sa différence sur le sujet, appelant à une "société apaisée et de la reconnaissance" et fustigeant les discours de "la haine, de la peur et du bouc-émissaire".

Le gouvernement français a été vivement mis en cause par la société civile, la gauche, les Eglises pour cette politique. Après l'ONU et la Commission européenne, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a fait part lundi de son inquiétude.

TSRinfo

A Neuchâtel, les migrants jettent un pont vers les Suisses

La colonie libre italienne a réussi à fédérer toutes les communautés immigrées du canton. La nouvelle fédération veut dialoguer avec la population.
Canton multiculturel et fier de l'être, Neuchâtel ne pratique pas encore suffisamment l'échange entre ses communautés migrantes et indigènes. La colonie libre italienne est déterminée à y remédier en étant à l'origine de la création de la Fédération neuchâteloise des communautés immigrées (Feneci). La nouvelle structure, qui vise à rassembler les quelque 200 associations de migrants du canton, a été lancée officiellement vendredi 27 août avec l'appui des autorités politiques cantonales.
Fédération indépendante
A l'origine du projet, Gianfranco de Gregorio est établi dans le canton depuis cinquante ans. Il affirme ne pas pouvoir abandonner le lien qui l'unit à l'Italie, son pays d'origine. Cependant, il a fait sa vie ici, et souhaite que les migrants et les Neuchâtelois de souche puissent mieux se connaître et s'apprécier.
«Au début des années 1960, les Italiens étaient souvent les boucs émissaires de tous les maux des Suisses», indique Gianfranco de Gregorio. «Aujourd'hui, ce sont les Albanais ou les Africains qui souffrent de ce genre de phénomène. Nous refusons ces préjugés, tout comme nous sommes opposés à la délinquance. Nous pensons que le dialogue et l'échange ne peuvent que conduire à davantage de reconnaissance sociale. C'est pour cela que la Feneci sera fondée.»
Conférences et débats
Cette fédération se voudra indépendante de toute couleur politique ou religieuse. Elle vise à regrouper les 145 nationalités recensées dans le canton, qui comptait à fin 1999 plus de 50 000 migrants sur 170 000 habitants. «Nous voulons rencontrer tout le monde, autorités, partis politiques, et groupes de tous bords», indique encore Gianfranco de Gregorio.
L'action de la Feneci entend aider tous les migrants dans leurs démarches d'intégration dans la société neuchâteloise. Les communautés africaines font notamment état de quelques cas de discrimination à l'embauche. Les responsables de cette fédération entendent baser leur action sur le respect de la personne et de la législation.
La Feneci s'adressera donc aux Suisses, bien sûr, pour rassembler et aider les migrants établis et leurs enfants, naturalisés ou non, ainsi que les requérants d'asile. Ils pourront évoluer dans un canton qui est souvent cité en exemple pour sa politique à l'égard des communautés immigrées. Gianfranco de Gregorio s'en félicite, même s'il estime que Neuchâtel peut encore faire mieux. En particulier, la Feneci souhaite participer au débat politique, sans pour autant franchir le pas de la création d'un parti, comme SolidaritéS par exemple. Il s'agira en quelque sorte d'établir un partenariat avec les autorités cantonales.
Ces prochaines semaines, la Feneci veut continuer son travail de rassemblement et d'échanges avec l'ensemble de la population. Conférences, débats et activités diverses sont déjà envisagées. Dans l'espoir que la discrimination s'efface définitivement des esprits des Neuchâtelois.

Philippe Chopard dans le Courrier

Peu d’opposition au centre de requérants

nyon opposition centre requérant

Succès pour les cours de français à la plage

succès cours français plage lausanne

Voile, UDC et “bien-pensance”

Fathi Derder voileFathi Derder, rédacteur en chef de La Télé, est l’invité de la rubrique Réflexions de 24 Heures.

C’est l’histoire d’un aréopage qui aurait dû être sage, voire utile. Mais qui, par son dogmatisme et sa «bien-pensance», se discrédite au fil des mois. A la lumière de la dernière prise de position de la Commission fédérale contre le racisme, il est permis de s’interroger sur sa raison d’être.

Depuis son engagement contre les affiches antiminarets, la commission – et son président Georg Kreis – s’est muée en organisme ouvertement anti-UDC. L’argumentation philosophique, scientifique ou morale – qu’on est en droit d’exiger d’un tel organisme – disparaît au profit d’une artillerie politique contre un parti suspecté de racisme…

Le pire s’est produit la semaine dernière, dans le débat sur le voile à l’école. Quand soudain, sans raison, la commission s’est attaquée à l’interdiction de celui-ci.

Sans raison? Pas tout à fait… En fait, peu auparavant, le canton de Saint-Gall avait invité ses communes à proscrire le port du foulard à l’école. Une prise de position conforme au fonctionnement démocratique du canton.

Les arguments sont connus, et acceptables: le port du voile est une atteinte aux droits de l’homme. Ou, pour être précis, aux droits de la femme. Le droit pour toute fillette de disposer, comme elle le souhaite, de son image et de son visage, dans un Etat libre comme le nôtre.

Or donc le canton de Saint-Gall s’est permis d’interdire ce geste humiliant et dégradant pour des fillettes résidant en territoire suisse. Et cela n’a pas plu à la commission. Pour des questions philosophiques? Non, strictement politiques: le Con-seil de l’éducation saint-gallois est dirigé par un UDC. Ce qui a visiblement agacé le bon Georg Kreis, la haine anti-UDC chevillée au corps.

Le communiqué n’en fait pas mystère, dénonçant «une action principalement dictée par des motifs partisans». Sous-entendu: de sales motifs, ceux d’un parti raciste. Un sous-entendu strictement inadmissible pour une commission fédérale jugeant une instance cantonale représentative de la société civile. Le propos est incompatible avec notre fédéralisme. Il l’est d’autant plus de la part d’une commission censée être neutre et qui cède à la condamnation d’une décision sur la simple évaluation de la carte de parti d’un individu.

Il s’agit d’un dérapage. Ce n’est pas la première fois que Georg Kreis s’attaque à l’UDC. Mais c’est la première fois qu’il méprise l’équilibre démocratique suisse au nom de convictions politiques personnelles. Et se permet de nier des évidences en ce nom.

Une négation irresponsable: le port du voile est un grave obstacle à l’intégration. Dans un milieu – l’école – propice à la discrimination des roux, des gros, ou des petits, le port du voile est l’assurance pour un enfant de ne jamais faire partie du groupe.

La Commission fédérale contre le racisme refuse de voir cette réalité, par dogmatisme. Alors que l’on compte sur sa sagesse, elle se montre aveugle. De campagne en campagne, elle perd en légitimité. Son parti pris et son dogmatisme la discréditent. Pour lui donner un sens, il est urgent de la dépolitiser.

En commençant par la débarrasser de son président .

Un pamphlet raciste fait scandale en Allemagne

Dans un livre qui déclenche une polémique d’enfer, Thilo Sarrazin, 65 ans, membre du directoire de la Bundesbank, met en garde ses concitoyens contre la disparition de «la majorité allemande» envahie par l’immigration musulmane. 

Thilo SarrazinMoustache soignée et regard arrogant derrière ses lunettes d’intellectuel, Thilo Sarrazin, 65 ans, membre du directoire de la Bundesbank, était sur tous les écrans hier à Berlin. Il présentait à la presse son livre L’Allemagne se supprime elle-même (Deutschland schafft sich ab) , qui déchaîne déjà depuis deux semaines une polémique d’enfer et dont le quotidien populaire Bild Zeitung , entre autres, a publié les bonnes feuilles.

Sarrazin y met ses concitoyens en garde: «Je ne souhaite pas que le pays de mes petits-enfants et arrière-petits-enfants devienne pour une bonne part musulman, qu’on y parle turc et arabe, que les femmes portent un foulard, que le jour soit rythmé par l’appel du muezzin. Quand je veux vivre dans un tel environnement, je pars en vacances au Moyen-Orient.»

Statistiques

Membre du Parti social-démocrate (SPD) depuis 1975, ancien ministre des Finances du Land de Berlin, Sarrazin a rassemblé dans son ouvrage les statistiques qui illustrent les conséquences de la panne des naissances en Allemagne depuis les années soixante-dix et celles du développement continu de l’immigration.

«Chaque génération nouvelle est réduite d’un tiers par rapport à la précédente. Si cette tendance se poursuit, avec un solde migratoire de 100 000 personnes par an, la majorité allemande va disparaître, prévient-t-il. En 2100, la moitié des habitants tout au plus seront encore les descendants de familles qui vivaient déjà en Allemagne en 1965.» Il n’y aura plus que «25 millions d’Allemands dans un siècle, 8 millions dans 200 ans».

Une mise en garde d’autant plus stérile que l’immigration sera le seul moyen pour l’Allemagne de conjurer son déclin démographique!

Sarrazin affirme s’en tenir aux chiffres pour mener un débat indispensable. Mais il les assaisonne des arguments de l’extrême droite populiste. La bêtise est congénitale, selon lui. «L’intelligence est à 80% question d’héritage», et les familles immigrées qui font le plus d’enfants sont celles qui en lèguent le moins à leurs rejetons. «Les Juifs ont un gène caractéristique», affirmait-il même ce week-end!

Udo Voigt, le chef du parti néonazi, NPD, se frotte les mains: «Voilà un livre qui rend nos idées encore plus présentables.» Le SPD, lui, veut exclure Sarrazin. Angela Merkel juge ses propos «insupportables» et sa présence à la tête de la Bundesbank «dommageable» pour l’Allemagne. La banque s’est distanciée hier de ses «assertions discriminatoires».

Descendant de huguenots

Détail piquant, Thilo Sarrazin descend d’une vieille famille d’immigrés. Des huguenots fuyant les persécutions religieuses et le sud de la France au XVIe siècle pour se réfugier en Allemagne en passant par la Suisse. Son nom désignait à l’époque les populations musulmanes! Le dirigeant de la Bundesbank est un «modèle d’intégration», ironise le quotidien Die Welt !

Michel Verrier dans 24 Heures

lundi 30 août 2010

“Tu ne craindras point”

C'est ça, la réalité: 111 nationalités vivent bien intégrées à Sion. Comme le dit Céline Maye, préposée à l'intégration de la ville de Sion, il n'y a pas une manière d'être sédunois, mais 30 000. La réalité, ce sont aussi ces 17 stands de nourriture, étrange ou familière, qui ont réuni 4000 humains dans l'acte commun à tous et fondamental de manger. Ces immigrés vivant dans notre région ont offert aux visiteurs ce qu'ils savent faire de meilleur. Ils ont passé des heures dans leur cuisine en dehors de leur travail. La nourriture est universelle, les organisateurs des Rencontres d'ici et d'ailleurs l'ont bien compris.

Quand on obtient le passeport suisse comme seconde nationalité, on sort des statistiques. Les étrangers sont tellement parmi nous qu'ils en deviennent nos frères, ou nos maris. C'est un fait, le monde change. Il y a des gens qui ont de la peine à le supporter. Mettre la faute sur l'autre n'est pas très constructif. C'est une obligation humaine de traiter les étrangers en êtres humains. Personne ne parle de faire de l'angélisme.

Dans les années 60, on stigmatisait les Italiens. Cinquante ans plus tard, ils sont parfaitement intégrés. Il faut absolument veiller à ne pas faire subir leur sort aux communautés qui arrivent maintenant. Ce serait perdre du temps. Ce serait perdre cinquante ans d'humanité.

On ne saura pas tout de suite si une fête telle que l'a vécue Sion ce week-end aura porté ses fruits. Mais elle aura permis, dans l'immédiat, de fournir des arguments pour contrer la méfiance. Plus aucun visiteur qui aura dégusté les plats de Yasin, Nur, Viviane, Fatmira, Bernard, Christina et les autres ne devrait permettre une méchanceté gratuite à l'endroit d'un étranger. La monnaie d'échange, ces deux derniers jours sur la place des Tanneries, était le sourire. Un tel commerce laisse des traces de douceur. Pour longtemps.

La loi sur l'intégration vise la coexistence dans le respect mutuel. Mutuel. Au boulot!

Editorial du Nouvelliste signé Sonia Bellemare

Ici et ailleurs réunis pour mieux se comprendre

Des milliers de personnes se sont retrouvées ce week-end à Sion pour partager avec les communautés étrangères les plats traditionnels de leur pays.Voyage autour du monde.

Tannerie Sion

«Prenez seulement!» dit la dame. Ce romandisme pur sucre ne sort pas de la bouche d'une madame Pahud, mais d'une splendeur africaine du stand du Cameroun aux 3e Rencontres d'ici et d'ailleurs. Si ça ce n'est pas de l'intégration!

Ce qui frappe dans cette manifestation, c'est qu'on est en présence de 17 communautés curieuses des traditions des autres. Par exemple, au stand suisse, une fois que les autres stands n'avaient plus rien à vendre, leurs locataires du monde entier venaient déguster des raclettes. Pour certains, c'était la première fois de leur vie.

4000 personnes à table

Cette fête multiculturelle et multicolore a lieu tous les deux ans à la place des Tanneries à Sion. C'est un projet de la sous-commission des étrangers. Un projet que coordonne Céline Maye, la préposée à l'intégration de la ville de Sion. A l'issue de la fête, hier matin, celle-ci jubilait: «Il y avait à la fête autour de 4000 personnes, un peu plus d'un dixième de tous les Sédunois. Samedi soir, j'ai entendu un visiteur dire «ce soir, c'est régimes de bananes. Il y a des bananes sur tous les visages». C'est vrai que l'ambiance était détendue. Les gens étaient contents. Autant le public que les 17 communautés.» En tout, environ 10 000 portions ont été servies.

Patchwork de musique et de danses

De la musique et de la danse ont agrémenté la manifestation. On y a vu de tout: du violon et de l'accordéon, des guitares manouches, des danses portugaises, du flamenco, des petites filles tamoules qui dansaient en costume, et une guggenmusik. Un ensemble de cors de Alpes s'est produit vendredi soir, à l'issue de la partie officielle, où la conseillère d'Etat Esther Waeber-Kalbermatten et le président de Sion Marcel Maurer ont prononcé des discours.

La météo a causé quelques sueurs froides aux organisateurs. La pluie et le vent ont bien tenté, mais en vain, de jouer quelque peu les trouble-fêtes. Certes, il a fait plus froid qu'il y a deux ans. Mais par 30° C à l'ombre, les appétits se font aussi plus timides. Or, cette édition, il y a eu du monde tout le temps. Des gens mangeaient dans l'après-midi aussi.

Aller vers l'autre, même prudemment

Ces 3e Rencontres sont d'ores et déjà une réussite. Situées dans un lieu de fort passage, il a rendu captif des visiteurs qui n'auraient peut-être pas mis les pieds à une fête muticulturelle.

Les gens ont fait l'effort d'aller vers ce qui les impressionnait un peu. Des gens ont demandé à l'accueil où ils pourraient manger quelque chose de pas trop épicé. «Même si des gens se méfient de la nourriture exotique et qu'ils ne mangent que de la raclette, je suis satisfaite», dit Céline Maye. «Parce qu'ils auront fait le pas de venir se mêler aux communautés. Une fête comme celle-là rend la ville de plus en plus agréable à vivre», conclut-elle.

Sonia Bellemare dans le Nouvelliste

«Il faut contrôler l'ADN des étrangers»

Un conseiller national PLR demande qu’on analyse les liens de sang lors des demandes de regroupement familial.

Philippe Mueller

Le libéral-radical Philipp Müller est outré. La population suisse a augmenté de 84 000 personnes l’année dernière, soit davantage que le nombre d’habitants que compte la ville de Saint-Gall (72 642). Pour freiner cette explosion démographique, le conseiller national argovien préconise de «systématiser les contrôles d’ADN des liens familiaux» afin d’empêcher les abus lors des demandes de regroupement familial pour les immigrés ne provenant pas de l’Union européenne.

C’est en effet là que le bât blesse, selon lui. La moitié de l’accroissement est imputable aux extracommunautaires, et la moitié de cette moitié aux regroupements familiaux de ces étrangers provenant des Balkans ou des autres continents. Bien sûr, les demandeurs doivent jouer le jeu et surtout payer les analyses.

Déjà prévu par la loi
Philipp Müller rappelle que cette mesure est déjà prévue et que les services d’immigration ont une liste qui comprend 34 Etats, principalement africains, où cette démarche peut être entreprise. «Mais nous l’utilisons trop rarement, car cela coûte cher, estime-t-il au téléphone. Cette liste doit en outre être élargie, par exemple à l’ex-Yougoslavie, la Turquie et l’Amérique latine.»

Le politicien bourgeois a estimé que quelque 20 000 personnes pourraient être empêchées de venir vivre en Suisse grâce à sa proposition. Car non seulement l’analyse d’ADN empêcherait les abus, mais une initiative parlementaire que Philipp Müller déposera lors de la session d’automne des Chambres réclamera que le demandeur d’un regroupement familial prouve qu’il est capable de loger son conjoint et ses enfants, et que la famille ne dépendra pas de l’aide sociale. Un bon moyen, selon lui, de décourager nombre de requêtes.

«La densité de la population est déjà à la limite du supportable en zones de plaine et les investissements nécessaires pour permettre un nouvel accroissement démographique seraient énormes», explique l’Argovien. Bref, pour lui la barque est pleine et, pour preuve, il avance les chiffres révélés par Moritz Leuenberger. Le ministre des Transports avait parlé de 200 milliards de francs indispensables pour moderniser les infrastructures du pays, rappelle le libéral-radical.

En 2009, par rapport à 2008, l’immigration nette en provenance de l’UE a reculé de 34%, alors que celle en provenance d’Etats tiers n’a diminué que de 9%», a-t-il précisé dans un message au Conseil fédéral ce printemps.

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Les règles de nos voisins

Italie
L’utilisation de test d’ADN pour prouver une filiation a été mise en place dès 2001. Ces tests sont volontaires et pris en charge par l’Etat.

Allemagne
Pour obtenir un droit de séjour, les étrangers sont tenus de justifier de leur âge et de leur identité. S’ils s’y refusent, ou en cas de doutes très sérieux sur les documents fournis, les autorités peuvent recourir à une analyse d’ADN, entre autres.

Autriche
Le test d’ADN dans le cadre du regroupement familial, pratiqué depuis 2006, est effectué si le candidat ne peut pas fournir les documents prouvant la filiation.

France
Le projet de loi relatif à l’utilisation des tests d’ADN dans le cadre des procédures de regroupement familial, adopté le 23 octobre 2007 au Parlement, a suscité la polémique. Il a été rejeté par le Conseil constitutionnel.

Laszlo Molnar dans le Matin

samedi 28 août 2010

Argovie s’oppose à l’interdiction du voile

argovie interdiction voile

Autriche: une ministre attaque les Roms

La ministre autrichienne de l'Intérieur Maria Fekter a justifié un durcissement des conditions d'accueil des demandeurs d'asile pour prévenir des abus par les Roms, soulevant les critiques des écologistes aujourd'hui.

Partisane d'une ligne dure, la ministre conservatrice veut restreindre la liberté de mouvement des demandeurs d'asile pendant l'instruction de leur dossier, une mesure vivement critiquée par des juristes et le monde associatif. "Ainsi on pourra assurer que les aides aux demandeurs d'asile ne servent pas d'argent de poche ponctuel aux Roms d'Europe du sud-est", a-t-elle déclaré.

Mme Fekter a argumenté que ses services avaient constaté une recrudescence de demandes d'asile de Roms de Macédoine dernièrement. Mais une fois inscrit, et ayant bénéficié des aides liées au statut de demandeur d'asile, les Roms quittent les centres d'accueil, selon elle.

Après cette sortie, la porte-parole adjointe du parti écologiste die Grünen Maria Vassilakou a accusé Mme Fekter de "racisme" et réclamé sa démission.

Cette polémique intervient alors que les expulsions de Roms de France vers la Roumanie et la Bulgarie ont un large écho médiatique dans la petite république alpine.

AFP

vendredi 27 août 2010

Où vivent les communautés étrangères ?

Portugais, Turcs, Kosovars et Erythréens de Suisse ont été analysés par les Migrations.

localisation communautés étrangères suisse

Afin de faciliter la compréhension à leur égard, l’Office fédéral des migrations (ODM) a passé quatre communautés sous la loupe: Portugais, Turcs, Kosovars et Erythréens. Il a publié hier cette quadruple étude.

Un des objectifs est d’avoir un regard plus pointu et de s’éloigner des clichés comme «les Turcs vendent des kebabs», a indiqué le vice-directeur de l’ODM, Mario Gattiker, devant la presse. L’analyse s’est notamment préoccupée de la localisation de ces communautés.

Plus d’infos: www.odm.admin.ch

ATS relayé par 24 Heures

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Vers les études sur les différentes diasporas présentées par l’ODM

Clandestins massacrés au Mexique: l’ONU demande une enquête “indépendante”

La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a demandé vendredi au Mexique une "enquête indépendante" sur le massacre de 72 émigrants clandestins retrouvés dans l'Etat de Tamaulipas, près de la frontière américaine du Texas.

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Dansun communiqué, elle a demandé aux autorités mexicaines de "conduire de façon urgente une enquête approfondie, transparente et indépendante sur ces meurtres, et de préserver la dignité des victimes en veillant à ce qu'elles soient identifiées et rendues à leur famille". Les victimes ont été abattues parce qu'elles avaient repoussé l'offre des ravisseurs de rejoindre leur gang, celui des "Zetas" selon les autorités, pour 2.000 dollars (1.580 euros par mois), d'après celui qui semble le seul survivant du massacre, un jeune Equatorien de 18 ans blessé par balle et hospitalisé. Reconnaissant que le Mexique fait d'"importants efforts" pour freiner la montée des violences, Mme Pillay a exhorté les autorités à veiller à ce que les auteurs de la tuerie des 72 clandestins soient punis "afin d'éviter la répétition d'un crime aussi ignoble".

Agence Belga

Réfugiés somaliens: la tragédie oubliée du Yémen

BasateenLa Somalie est, après l’Afghanistan et l’Irak, le 3e pays générant le plus grand nombre de réfugiés au monde. Des dizaines de milliers d'entre eux effectuent la traversée du golfe d'Aden, contribuant à fragiliser ce petit pays du sud de la péninsule arabique. Les explications de William Spindler, directeur du HCR pour la France.

Selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU, la Somalie est victime depuis plus de vingt ans de violences et de conflits. Ce pays de la Corne de l’Afrique, au bord de l’océan Indien, compte près de 1,4 million de déplacés de l’intérieur et aussi plus de 600 000 réfugiés dans des pays voisins, Kenya en tête, suivi du Yémen. Des dizaines de milliers d'entre eux ont risqué leur vie en effectuant la dangereuse traversée du golfe d'Aden depuis le nord de la Somalie vers ce pays du sud de la péninsule arabique. Cette année, face aux difficultés rencontrées dans leur fuite à l’intérieur du territoire somalien, ces réfugiés passent souvent par Djibouti - qui a toujours profité des malheurs de ses voisins, en particulier éthiopiens ou somaliens.

« La situation en Somalie est de plus en plus difficile »

En 2009, « quelque 75 000 personnes ont fui vers le Yémen, en majorité des Somaliens qui sont arrivés par bateau du nord du pays », précise à MFI qui l’a interrogé par téléphone le directeur du HCR pour la France, William Spindler, actuellement en mission sur place. A la mi-2010, poursuit-il, leur nombre est déjà supérieur à 25 000, dont un peu moins de Somaliens, davantage d’Ethiopiens et quelques Erythréens car « la situation en Somalie est de plus en plus difficile ». Il fait aussi état de contrôles plus fréquents à la sortie de Mogadiscio et sur les routes menant vers le Nord ainsi que dans le Puntland et au port de Bossasso, d’où partent les réfugiés vers le Yémen.

Plus de 150 000 réfugiés somaliens enregistrés au Yémen

« C’est pourquoi ils fuient via Djibouti, qui voit passer une migration mixte : des réfugiés économiques et ceux qui fuient les violences et les conflits ». Selon le représentant du HCR, les réfugiés économiques ne veulent pas rester au Yémen mais se rendre en Arabie saoudite ou dans d’autres pays du Golfe. « Notre attention porte sur les réfugiés qui fuient les conflits. Le Yémen est très généreux en ce qui les concerne », souligne William Spindler, qui évalue les réfugiés somaliens enregistrés à plus de 150 000.

Mais beaucoup d’entre eux ne le sont pas, car le Yémen leur octroie automatiquement le statut de réfugiés alors que les autres - non Somaliens - sont considérés comme des immigrés clandestins et mis dans des camps. Les Somaliens sont ainsi libres de s’installer dans les villes, surtout dans les quartiers pauvres. « Notre tâche est de les aider en leur octroyant aussi une formation », ajoute le représentant du HCR.
Alors que le gros de ces réfugiés fuient au Kenya et dans d’autres pays, ceux qui arrivent par mer sont convoyés par des passeurs très durs, qui les larguent au large des côtes yéménites, et ils doivent nager jusqu’au rivage, ceux qui le peuvent, car ils sont transportés dans des bateaux ouverts, surchargés et n’ont pas le droit d’apporter des vivres. Ils sont donc en très mauvaise condition et certains meurent par la suite, surtout les enfants.

« La situation au Yémen a atteint un point critique »

Le défi du HCR et des autres organisations humanitaires, internationales ou locales, est de les aider là où ils sont. Ils multiplient donc les appels auprès des donateurs qui sont énormément sollicités à travers le monde que ce soit au Pakistan ou à Haïti. Le Yémen lui-même, qui est le pays le plus pauvre du monde arabe, a aussi besoin d’aide car il est fragilisé par des combats dans le nord et risque d’être asphyxié par les flux de réfugiés. Il pourrait donc durcir son attitude à leur égard qui reste très généreuse.

Cette région est aussi sillonnée par les pirates qui s’attaquent surtout aux grands vieux tankers et qui aggravent l’insécurité. « Il y a une sorte de réseau d’activités criminelles entre les pirates et les trafiquants », estime à cet égard le HCR.
Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) réclame une aide supplémentaire de 65 millions de dollars pour les réfugiés somaliens au Kenya, au Yémen ou dans d’autres pays de la région. Mais l’Organisation onusienne se sent un peu oubliée par la communauté internationale, sollicitée de partout. « La situation au Yémen a atteint un point critique alors qu’en Somalie elle est désespérée. Le danger est que d’autres pays de la région subissent la pression notamment le Kenya et le Yémen », ajoute le représentant du HCR.

Marie Joannidis / MFI sur rfi

jeudi 26 août 2010

Renvois forcés: «Une spirale de violence et de mépris envers les requérants»

Selon Denise Graf, coordinatrice asile chez Amnesty International, les renvois de requérants d'asile déboutés sur des vols spéciaux se font dans des conditions extrêmement dégradantes.

Les «vols spéciaux» de l'Office fédéral des migrations (ODM) ont repris de plus belle. Après la mort en mars d'un Nigérian à l'aéroport de Zurich, au cours de sa procédure d'expulsion, les renvois forcés de requérants déboutés avaient été suspendus. Depuis fin juin, ces convois s'enchaînent à nouveau depuis les tarmacs de Zurich et de Genève. Huit vols ont déjà eu lieu cet été, non sans problèmes. Après l'échec d'un vol affrété pour la Gambie fin juillet, l'ODM est aujourd'hui accusé d'avoir renvoyé au Sénégal des ressortissants d'autres pays africains. Même en partie démentis, ces couacs mettent en question la légitimité des méthodes utilisées par Berne. Denise Graf, coordinatrice asile pour la Section suisse d'Amnesty International, livre son point de vue.
Est-ce une pratique courante pour l'ODM de renvoyer un requérant d'asile dans un pays qui n'est pas le sien?
Denise Graf: Nous n'avons pas de chiffres confirmés concernant des personnes renvoyées dans un pays qui n'est pas le leur. Mais je rencontre fréquemment des personnes affirmant venir d'un certain pays, tandis que l'ODM prétend qu'elles sont originaires d'un autre. L'ancienne commission de recours a d'ailleurs rectifié des cas de ce type à plusieurs reprises, et donné raison aux requérants d'asile. Il arrive toutefois que l'affaire soit résolue avant que la personne ne soit renvoyée de force.
Quelle est l'origine de tels malentendus?
Le problème vient de la manière dont ces renvois se passent. Les requérants déboutés ne sont pas pris au sérieux par les autorités. Il y a un grave manque d'écoute à leur égard, alors qu'un vrai dialogue permettrait de résoudre de nombreux problèmes.
Amnesty dénonce les entorses faites aux droits humains lors des vols spéciaux. Les violations de ces droits sont-elles inhérentes à ces expulsions?
Amnesty International n'est pas opposé en soi aux renvois forcés. Nous dénonçons le manque de proportionnalité dans les mesures prises par les forces de l'ordre, le non-respect de la dignité humaine et les violations flagrantes de la Convention sur les droits de l'enfant, dans certains cas. Un requérant ne faisant preuve d'aucune velléité doit-il nécessairement être casqué, menotté aux pieds, aux genoux et aux mains, en plus d'avoir le haut du corps totalement ligoté des heures durant? Ne peut-on pas le laisser se lever au moins une fois durant le vol pour faire ses besoins? Bien entendu, nous comprenons qu'il en aille autrement lorsque quelqu'un se débat réellement ou présente une menace. Mais ces cas sont une petite minorité.
D'où vient le problème?
Il vient des autorités. Elles pensent tout faire pour que la personne expulsée ne puisse se retourner contre les policiers et, de ce fait, entretiennent cette escalade de violence. C'est surtout le cas à Zurich, d'où je reçois presque systématiquement des griefs concernant les entraves. En Suisse romande, on est plus enclin à les desserrer. Mais dans de nombreux cas, je suis choquée par le mépris dont font preuve les forces de l'ordre à l'égard de ces gens. Voilà vingt-six ans que je travaille dans ce domaine, et je note une spirale de violence et de dénigrement incroyable. Je souhaiterais qu'il y ait un brin d'humanité, dans tout cela.
Quels enseignements tirer des récents évènements?
A nouveau, je pense que la solution réside en bonne partie dans le dialogue. Par ce biais, de nombreuses personnes sont prêtes à collaborer. Mais il s'agit d'un travail à mener en amont, lorsque les requérants déboutés sont en détention administrative. Il est alors capital de chercher à comprendre la situation personnelle et familiale de la personne concernée. Certains sont embarqués tandis qu'ils ont des enfants ou un conjoint en Suisse. Je ne connais personne qui accepterait de quitter sa famille dans ces conditions! Et ce ne sont pas des cas isolés. Je ne comprends pas le zèle des fonctionnaires lorsque les gens ont de la famille en Suisse. On ne devrait pas causer tant de souffrance inutilement.
L'autre réponse à apporter à ces personnes, c'est la possibilité d'élaborer un projet individuel d'aide au retour. Il ne suffit pas de donner une enveloppe de mille francs à quelqu'un pour qu'il accepte de rentrer.
Que pensez-vous du peu de réaction de la part des Suisses au sujet de ces expulsions?
Il y a un certain clivage. Beaucoup de personnes sont très peu ou mal renseignées. Certaines imaginent que seuls les délinquants sont renvoyés ligotés dans leur pays d'origine, d'autres ne se posent simplement pas de question et trouvent ces mesures normales. Mais lorsque je parle avec les gens et leur explique ce qu'il en est réellement, en donnant des exemples concrets, la plupart sont extrêmement choqués. Beaucoup nous écrivent d'ailleurs pour nous exprimer leur soutien.

Propos recueillis par Laura Drompt dans le Courrier

Un vol vers l’Afrique aux circonstances obscures

Après quelques mois de trêve, les renvois forcés de requérants déboutés ont repris au début de l'été. Et les circonstances floues de certains «vols spéciaux» affrétés par l'Office fédéral des migrations (ODM) suscitent déjà leur lot de controverses.

Le 28 juillet, un convoi à destination de la Gambie avait dû faire marche arrière après que l'aéroport de Banjul, la capitale, lui avait refusé le droit d'atterrir. Les cinq requérants gambiens à bord étaient donc rentrés à Zurich. Hier encore, l'ODM disait ne rien savoir sur les raisons de ce dénouement «inhabituel», alors qu'un «accord oral» avait été obtenu au préalable. Trois semaines plus tard, le 18 août, un nouveau vol a donc été organisé pour la Gambie et le Sénégal, avec neuf personnes à bord. Cette fois, tout le monde est descendu dans l'un ou l'autre des deux pays, mais dans un contexte qui reste obscur. Plusieurs témoins – des requérants présents dans l'avion – accusent en effet les autorités suisses d'avoir déposé à Dakar des personnes non ressortissantes de ce pays, comme le rapportait hier Le Temps. Contacté par téléphone au Sénégal, Lamine, l'un d'eux, assure que des Gambiens et des Guinéens (Guinée-Bissau) ont bien été débarqués sur le tarmac de la capitale sénégalaise. Lui même dit être guinéen. Pis: il déclare avoir vu des représentants helvétiques payer des agents de l'aéroport. «Les Suisses ont donné de l'argent aux policiers pour qu'ils nous acceptent.» Des faits que conteste catégoriquement l'ODM. Selon le requérant, le trajet a été «très difficile»: «J'avais les pieds et les mains liées, on ne pouvait pas aller aux toilettes... Arrivé à Dakar, j'ai du aller à l'hôpital.»

A Frambois, centre de détention administrative aux abords de Genève, Mohammed partageait sa chambre avec Lamine, avant son renvoi le 18 août. Depuis, il entretient des contacts téléphoniques avec plusieurs des requérants expulsés ce jour-là, en Gambie et au Sénégal. Selon lui, seuls deux Gambiens auraient accepté de descendre volontairement de l'avion à Banjul. «Les autorités ont refusé de prendre par la force ceux qui résistaient, qui sont repartis vers Dakar, précise-t-il. Il y a eu des bagarres dans l'avion.» D'après lui, ni médecin ni observateurs externes n'étaient à bord du convoi. Déjà présent dans le vol avorté du 28 juillet, Dembo est de ceux qui sont descendus en Gambie. «Psychologiquement abattu», il a cédé malgré le fait qu'il n'a plus aucune attache dans son pays. «J'ai été ligoté et traité comme un animal, témoigne-t-il au bout du fil. Ici, je n'ai rien, même pas d'argent pour les médicaments. Toute ma famille est en France, à Lille, je dois retourner là-bas.» Face à cette situation, Mohammed et d'autres détenus de Frambois ont décidé de se mobiliser. Dimanche, une lettre a été envoyée aux autorités sénégalaises ainsi qu'à Amnesty International. En plus de relater les témoignages récoltés, ils dénoncent des renvois forcés «inhumains et dégradants»: «Les Suisses nous privent de nos enfants, écroulent notre univers, nous renvoient alors que nous n'avons pas commis de crime ou de délit.» Et d'ajouter: «Le consulat sénégalais à Genève délivre des laissez-passer dans le dos de certains ressortissants d'autres pays. Pourquoi le Sénégal cède-t-il a cette injustice?» De son côté, l'Office fédéral des migrations (ODM) livre une toute autre version des faits. Selon sa porte-parole, Marie Avet, «les quatre personnes débarquées à Dakar ont toutes été identifiées par les autorités sénégalaises comme des ressortissants de ce pays.» Les cinq autres étaient des Gambiens, tous déposés à Banjul «sans problème». Elle précise que la Suisse ne renvoie pas des gens autre part que dans leur pays d'origine, «les autorités concernées ne l'acceptent pas». Du moins, aucun cas n'aurait été avéré. L'ODM nie tout autant avoir remis de l'argent à des agents de l'aéroport de Dakar. «Ce n'est pas une pratique à laquelle nous recourons, poursuit la porte-parole. Sur place, nous livrons les papiers de voyage et les laissez-passer des requérants. Il est possible que certains aient cru qu'il s'agissait d'un échange d'argent.» Elle mentionne encore que des médecins figuraient dans tous les vols affrétés par l'ODM depuis leur reprise cet été. Quant à la présence d'observateurs indépendants, la mesure est prévue, mais ne sera appliquée que l'année prochaine, conclut-elle.

Mario Togni dans le Courrier

Des migrants pour sauver mon village

C'est une tentative unique en Europe. Un village italien, frappé par la crise économique, a tenté un pari : repeupler ses maisons, faire tourner ses commerces et ses écoles grâce aux immigrés. C'est le rêve de Mimmo, le maire d'un petit village de la Calabre. Reportage au coeur d'une expérience inédite que l’on peut voir sur le site de Temps Présent, le magazine de reportages de la TSR.

A l'opposé des dernières mesures xénophobes du gouvernement Berlusconi, le petit village calabrais de Riace joue depuis quelques années la carte de l'immigration pour survivre. Son maire, l'infatigable Domenico Lucano, régularise et accueille à tours de bras réfugiés et demandeurs d'asile politique. Ils sont aujourd’hui près de 300 sur une population totale de 1700 habitants.

Grâce à leur présence, les maisons abandonnées par les nombreux migrants calabrais sont à nouveau occupées. Les commerces du village connaissent une deuxième vie et le spectre de la fermeture des écoles de la commune n'est plus qu'un lointain souvenir. L'arrivée des ces nouveaux habitants venus d'Afghanistan, de Somalie ou d'Érythrée a aussi généré une cinquantaine d'emplois dans la commune. Un succès de taille pour une région frappée durablement par la crise. Aujourd'hui, malgré quelques difficultés et un futur incertain, la politique d’accueil en cours à Riace a même inspiré d’autres communes voisines.

Un reportage de Romain Miranda Image : Riccardo Willig Son : Mathilda Angullo Montage : Monique Preiswerk

Le racisme anti-noirs s’invite dans le courrier des Lausannois

La semaine passée, un texte attaquant violemment les requérants d’asile africains a été glissé dans des boîtes aux lettres de l’ouest de Lausanne.

courrier raciste lausanne «Y a bon la Suisse; ti jettes tes papiers avant la frontière et ti joues au pauvre réfigié; après on te prend en charge en attendant un statit définitif et ti peux faire di trafic di drogue…» La semaine passée, plusieurs Lausannois ont été choqués de trouver dans leur boîte aux lettres ce pamphlet d’une trentaine de lignes. Photocopié et découpé maladroitement, le document s’en prend aux requérants d’asile africains qualifiés de «négros». Il n’est pas signé et a été notamment distribué avenue du Grey et avenue de France.

Deux des destinataires ont contacté 24 heures après avoir reçu ce «misérable petit bout de papier au contenu pénible et dont l’anonymat est vraiment lâche». Du temps où il s’appelait Fareas, l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (Evam) recevait plusieurs fois par an de tels courriers. «Ostensiblement raciste, celui-ci brasse beaucoup d’idées reçues concernant les demandeurs d’asile.» Emmanuelle Marendaz Colle, porte-parole de l’organisation, rappelle par exemple que, si la personne n’a pas de papiers, obtenir le statut de réfugié sera très difficile. Ou encore que, les six premiers mois en Suisse, le requérant ne bénéficie pas du forfait journalier d’environ 2 francs dédié ensuite à financer ses transports.

Fanny Spichiger, déléguée ad interim du Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme, juge le texte diffamatoire, haineux et sans lien avec la réalité de ce que vivent les requérants au quotidien. «Il ne faut pas laisser passer cette propagande, qui vise à semer la xénophobie», assène-t-elle.

Ce délit pourrait tomber sous le coup de l’article 261 bis du Code pénal. Il est poursuivi d’office sur dénonciation auprès du juge d’instruction et ne nécessite donc pas de déposer de plainte. Si l’auteur n’est pas retrouvé, l’affaire se soldera par un non-lieu. S’il est démasqué et reconnu d’inciter à la haine, il risque jusqu’à 3 ans de prison ou des jours-amendes.

Un élu insulté

Seul le conseiller national Ricardo Lumengo est en définitive en position de porter plainte pénale pour injure. Même s’il n’est pas cité nommément, l’élu bernois est en effet mis en cause personnellement à la fin du courrier. Le socialiste, qui a déjà essuyé plusieurs attaques sur ses origines angolaises, est scandalisé. «Qu’une telle lettre vienne de Romandie est inquiétant, car cette partie du pays est en général plus ouverte à la différence que la Suisse alémanique, dit-il. J’y vois la confirmation qu’un mouvement d’intolérance est en train de prendre de l’ampleur dans notre pays.»

Laurent Grabet dans 24 Heures

Mexique: massacre de clandestins

Septante-deux cadavres ont été découverts mardi dans une ferme du nord-est du pays, près de la frontière des Etats-Unis. Il s’agirait d’émigrants venus d’Amérique centrale.

C’est un survivant du massacre qui a donné l’alerte. Blessé par balle, l’homme s’est traîné jusqu’à un barrage routier, où il a demandé de l’aide en affirmant avoir été attaqué par des malfaiteurs dans une ferme près de San Fernando, une ville de 30 000 habitants dans l’Etat de Tamaulipas. C’est là qu’un commando de la marine nationale a découvert le charnier: 72 cadavres, probablement personnes d’Amérique Centrale cherchant à immigrer clandestinement en franchissant la frontière des Etats-Unis, toute proche.

Les occupants de la ferme, eux, avaient décampé tout en ripostant à l’opération militaire. Trois suspects et un soldat ont perdu la vie dans la fusillade et un fuyard, un mineur, a été arrêté, selon le Ministère de la marine.

Un drame malheureusement trop banal au Mexique. Les milliers d’émigrants qui traversent le pays en provenance d’Amérique centrale dans l’espoir d’entrer aux Etats-Unis sont régulièrement la proie de gangs qui les rackettent, les enlèvent contre rançon… ou les tuent, tout simplement.

A. A. AVEC AFP pour 24 Heures

L’Europe et ses Roms: entre fermeté et intégration

Le premier ministre François Fillon a estimé mardi que l'Union européenne devait harmoniser ses pratiques à l'égard de ses Roms. Lefigaro.fr a passé en revue les politiques conduites par certains de nos partenaires.

Parmi les 500 millions de citoyens européens, environ 10 millions sont des Roms. Bien que la situation de cette communauté pose des problèmes spécifiques d'intégration, reconnus par les institutions de l'Union européenne, celle-ci peine à se doter d'une politique commune. Chacun des vingt-sept pays partenaires compose donc sa propre politique, allant de la fermeté à des politiques favorisant l'intégration. Lefigaro.fr a choisi de revenir sur les cas de dix d'entre eux.

En Europe de l'Ouest, l'Espagne est le pays qui accueille la plus forte communauté rom, ou gitane (800.000, selon l'estimation haute). Au printemps, le gouvernement a adopté un «plan d'action pour le développement de la population gitane 2010-2012». Doté d'un budget de 107 millions d'euros sur trois ans, il prévoit des actions en matière d'éducation, de santé, de logement, ainsi qu'en faveur des femmes.

En Italie, les Roms, ou «Sintis» (estimés à 150.000), sont régulièrement au centre de débats sur l'immigration et la sécurité. En 2008, un an après une vague de violence anti-Roms, l'Italie avait commencé à ficher les habitants de camps de nomades, en relevant notamment leurs empreintes digitales.

Comme Paris, Rome propose des aides au retour pour les Roms en situation irrégulière (billet d'avion, indemnité de voyage de 400 euros et pécule de 3000 euros maximum pour la réintégration dans le pays d'origine). Mais le ministre de l'Intérieur Roberto Maroni, qui applaudit le durcissement de la politique française, veut demander à Bruxelles la permission d'étendre la procédure d'expulsion aux Roms qui sont citoyens européens mais qui ne satisfont pas à certaines «exigences». «Avoir un revenu minimum, un logement adéquat et ne pas être un fardeau pour le système social du pays d'accueil», a détaillé le ministre, membre du parti xénophobe Ligue du Nord.

L'Allemagne reconnaît officiellement la minorité des Roms de nationalité allemande. La plupart des autres Roms sont des réfugiés ayant fui la guerre au Kosovo. Berlin les encourage, comme tous les Kosovars réfugiés, à rentrer chez eux avec des aides au retour. Quelque 10.000 Roms ne disposant pas d'autorisation de séjour formelle doivent ainsi être renvoyés «par étapes», a annoncé le gouvernement. Reste que selon un rapport de l'Unicef, 38% des Roms renvoyés d'Allemagne sont apatrides, ce que plusieurs conventions internationales interdisent.

En Grande-Bretagne, on recense au maximum 200.000 Roms, aussi appelés «Gypsies». Parmi les promesses de campagne du parti conservateur, arrivé au pouvoir en mais dernier, figurait le renforcement de la législation contre les occupations illégales de terrains. En projet notamment, la création d'un nouveau délit qui permettrait aux policiers d'arrêter ceux qui refusent d'évacuer les terrains qu'ils occupent illégalement.

La Hongrie - pays voisin de la Roumanie, dont sont issus la plupart de Roms expulsés par les autres pays européens - compte environ 600.000 Roms. En 2009, 40% des jeunes Roms hongrois n'avaient pas achevé l'enseignement primaire. L'an dernier, le gouvernement a décidé de tripler le budget prévu pour reloger ceux qui vivent dans des bidonvilles et favoriser leur intégration dans la fonction publique. Mais avec la crise économique, Budapest a révisé ses plans et réduit les embauches prévues. Depuis que le parti d'extrême-droite Jobbik est devenu en avril dernier la troisième force politique du pays, les Roms sont de nouveau un sujet de débat national en Hongrie. Le Jobbik propose notamment de créer une gendarmerie dévolue aux «problèmes roms».

En République tchèque, où la minorité rom est estimée à 250.000 personnes, plusieurs attaques d'extrémistes de droite ont été enregistrées à leur encontre ces dernières années. Il y a deux ans, le pays a été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour le placement forcé d'enfants roms dans des écoles spéciales destinées aux handicapés mentaux. À la mi-mars 2010, le gouvernement tchèque a adopté un «plan national d'action» visant à encourager la scolarisation des enfants roms avec les autres.

Environ 250.000 Roms vivent en Grèce, la plupart dans des conditions misérables, souvent victimes d'expulsions arbitraires et de violence policière. Malgré des aides sociales provenant des programmes européens, leur intégration reste lettre morte. En 2008, la rapporteuse de l'ONU pour les droits des minorités, Gay McDougall, avait appelé Athènes à prendre des mesures urgentes pour améliorer leur situation «désespérée».

Le Portugal, la Suisse, la Pologne et la Suède comptent chacun 50.000 Roms sur leur territoire, selon les estimations hautes. Au Portugal, ceux qui se trouvent en situation irrégulière peuvent être expulsés, sauf s'ils sont nés au Portugal, s'ils y sont arrivés avant l'âge de dix ans ou s'ils ont des enfants mineurs à charge et scolarisés. La plupart des Roms en Suisse ont la nationalité suisse, les autres étant des réfugiés du Kosovo. En Pologne, selon les autorités 30% des enfants roms suisses ne sont pas scolarisés. Enfin en Suède, les Roms sont l'une des cinq minorités reconnues mais 80% des adultes sont sans emploi et une majorité d'enfants ne termine pas l'école primaire. Depuis le début de l'année, plus de 50 Roms ont été expulsés.

Un article trouvé dans le Figaro

mercredi 25 août 2010

La Commission contre le racisme ne veut pas interdire le foulard

La Commission fédérale contre le racisme (CFR) s'oppose à l'interdiction du port du foulard à l'école, comme le propose le canton de St-Gall. Elle y voit une mesure dirigée spécialement contre l'islam qui enfreint le principe de l'égalité des droits.

La commission voit dans l'interdiction demandée par le chef du département saint-gallois de l'éducation Stefan Kölliker (UDC) "une action dirigée contre la minorité musulmane et principalement dictée par des motifs partisans". La CFR juge "inacceptable" cette mesure, écrit-elle.

Le port du foulard s'inscrit dans le domaine de la liberté de religion, tant que celle-ci ne contrevient pas à un droit fondamental supérieur, poursuit la commission.

La CFR est ainsi d'accord avec le Tribunal fédéral, qui a interdit en 1997 le foulard aux enseignantes dans l'exercice de leur fonction publique, mais elle n'admet pas une interdiction générale faite aux écolières et aux travailleuses.

Invoquer la nécessité de l'intégration comme le fait le Conseil de l'éducation saint-gallois est un prétexte: la mesure est au contraire un obstacle à l'intégration.

ATS

Un requérant débouté tabasse un chef de service jurassien

Coups de pied, coups de poing à la mâchoire, cheveux arrachés et doigts tordus. Le chef du Service de la population du canton du Jura a été agressé mardi à son bureau par un requérant d'asile serbe débouté.

KEYSTONE archives

© Keystone archives | Le requérant d'asile récalcitrant est arrivé ce mercredi à Belgrade.

Deux policiers étaient présents sur place au moment des faits. "Le chef du service de la population va bien physiquement, mais a il a été choqué", a précisé mercredi le chef de l'information du canton, Pierre-Alain Berret. "Le fonctionnaire n'est pas en arrêt de travail", a-t-il ajouté confirmant une information parue dans le Quotidien Jurassien.

Les policiers ont dû appeler des renforts pour maîtriser cet homme. Le chef du service de la population avait convoqué dans son bureau ce ressortissant serbe pour lui signifier son expulsion de Suisse. Le requérant d'asile récalcitrant est arrivé mercredi à Belgrade.

Après cet incident, l'administration va étudier un renforcement des mesures de sécurité dans ce service. C'est en effet la deuxième fois en un mois que le chef de service de la population est pris à partie. Mais en juillet, l'altercation n'avait pas été aussi violente.

ATS dans 24 Heures

Les zones d’ombre d’un “vol spécial” vers l’Afrique

Après un premier vol raté vers l’Afrique, un deuxième avion aurait, selon des témoins, déposé la semaine dernière des ressortissants non sénégalais au Sénégal. Des détenus de Frambois ont écrit une lettre de protestation. Un article de Valérie de Graffenried dans le Temps.

Après la mort d’un Nigérian, en mars dernier sur le tarmac de l’aéroport de Zurich, alors qu’il était sur le point d’être expulsé, l’Office fédéral des migrations (ODM) avait suspendu les «vols spéciaux». Depuis, ces vols controversés organisés pour renvoyer par la force des requérants déboutés ont repris. Mais le premier voyage vers l’Afrique, le 28 juillet, s’est révélé être un échec: comme l’a souligné la NZZ am Sonntag (15.08.10), un avion de la compagnie Hello a pu débarquer un Malien à Bamako mais n’a ensuite pas obtenu l’autorisation d’atterrir en Gambie, malgré un «feu vert oral» accordé préalablement à l’ODM. L’avion est donc revenu à Zurich, avec cinq Gambiens à son bord. Depuis, un deuxième vol a eu lieu, le 18 août, a appris Le Temps. Avec neuf requérants.

Cette fois, des Gambiens ont bien été débarqués à Banjul, capitale de la Gambie. Mais d’autres, qui refusaient de sortir de l’avion, auraient été lâchés au Sénégal, dans des circonstances troubles, affirment plusieurs témoins. Mohamed D. et Cissé T.*, un Ivoirien et un Malien retenus dans le centre de détention administrative de Frambois (GE), restés en contact avec des expulsés, racontent. «A Banjul, au moins deux Gambiens sont sortis d’eux-mêmes de l’avion, dont notre ami Dembo J. Mais les autorités gambiennes n’ont pas voulu extirper les autres de force (ndlr: la Suisse n’a pas signé d’accord de réadmission avec la Gambie). L’avion est alors parti vers Dakar. Là-bas, un autre de nos amis, Lamine C., qui faisait partie du vol et qui nie être Sénégalais, dit avoir vu des responsables suisses donner 200 francs à des policiers sénégalais pour faire sortir tous les requérants de l’avion. Il y avait des Sénégalais, mais aussi des Gambiens et un ressortissant de Guinée-Bissau. Cela s’est fait par la force. Il y a eu une bagarre dans l’avion.»

Lamine C., contacté au Sénégal, donne la même version des faits. Il est lui-même de père guinéen (Guinée-Bissau) et de mère sénégalaise, ce qui complique les choses. Mais c’est bien comme ressortissant de Guinée-Bissau qu’il a déposé sa demande d’asile en Suisse. Le Temps a aussi appelé Dembo J., en Gambie. Dembo avait déjà fait partie du premier vol, qui après un arrêt au Mali, et l’impossibilité d’atterrir en Gambie, avait fait escale à Dakar sans débarquer personne. Il a décidé, lors du deuxième vol, de sortir de lui-même de l’avion, ayant déjà «trop souffert».

Lors du premier voyage, qui a duré en tout deux jours, il était resté de longues heures ficelé à son siège d’avion, les pieds et les mains ligotés. Au téléphone, il était très éprouvé. «J’ai mal partout et n’ai pas de médicaments. Je n’ai personne de ma famille en Gambie: ils sont tous en France. Je ne veux pas rester ici.» Il parle de «conditions de renvois humiliantes», dit avoir été traité «comme un animal». Lamine C., lui aussi, affirme avoir été ligoté, avec un casque lui maintenant la tête pendant le décollage. Il n’a eu l’autorisation d’uriner que dans un sachet en plastique.

Autre fait troublant: selon les requérants, il n’y avait de personnel médical dans aucun des deux vols spéciaux, dont les coûts sont généralement estimés à 100 000 francs. Mais l’ODM affirme le contraire (lire ci-dessous).

Effrayés par le témoignage de leurs amis, Mohamed D. et Cissé T. ne sont pas restés les bras ballants. Ils ont écrit, «au nom des détenus de Frambois», aux autorités sénégalaises à Dakar, ainsi qu’à Amnesty International. «Les Suisses ont rapatrié des gens à Dakar, moyennant des sommes qu’ils donnent aux agents de l’aéroport, qui acceptent même des ressortissants non sénégalais», écrit Mohamed. «Je vous informe aussi que le consulat du Sénégal à Genève délivre des laissez-passer dans le dos de certains ressortissants d’autres pays. Tout cela n’est que business.»

Les requérants jouent-ils avec leur nationalité dans le seul but de rendre ces renvois controversés encore plus difficiles? Ou alors le Sénégal fermerait-t-il les yeux vis-à-vis de certains requérants aux origines floues en échange de contreparties? L’ODM, lui, met en évidence le fait que l’ambassade du Sénégal a délivré des laissez-passer pour tous les requérants expulsés à Dakar. Et rappelle que ce sont les délégations du pays concerné qui viennent «reconnaître» leurs requérants en Suisse.

Quoi qu’il en soit, l’ODM a par le passé déjà été accusé d’avoir renvoyé des Africains vers un pays qui ne serait pas le leur. L’an dernier, un avocat bâlois, défendant un requérant expulsé vers la Gambie alors que des expertises soulignaient qu’il y avait 70% de certitudes qu’il était bien Guinéen, a été jusqu’à porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.

Alard du Bois-Reymond, le patron de l’ODM, l’a confirmé le mois dernier déjà (LT du 15.07.10): dès 2011, des observateurs indépendants pourront participer à ces vols spéciaux. Voilà qui devrait permettre d’y voir plus clair sur ce qui se passe réellement lors de ces voyages secrets. En attendant, tant Mohamed que son ami malien avertissent: «Si nous sommes renvoyés au Sénégal alors que nous ne venons pas de ce pays, nous serons prêts à nous sacrifier jusqu’à la mort.»

* Noms complets connus
de la rédaction.

“Nous n’avons expulsé que des Sénégalais vers le Sénégal”

Sénégal carteAlard du Bois-Reymond, le patron de l’Office fédéral des migrations, réagit aux critiques. Et admet que du chocolat est parfois offert aux policiers qui reprennent les requérants déboutés.

Le Temps: Est-il exact que la Suisse a, le 18 août, expulsé de force des requérants non sénégalais vers le Sénégal?

Alard du Bois-Reymond: Ce vol a bien eu lieu. Il s’est déroulé sans difficultés majeures. Les cinq Gambiens que nous n’avons pas pu expulser la première fois ont été déposés à Banjul, mais nous n’avons pas renvoyé de non-Sénégalais à Dakar. A Dakar, trois des quatre Sénégalais ont bien essayé de faire croire qu’ils ne venaient pas du pays et ont refusé de descendre de l’avion. Cela se passe souvent comme ça. Or une délégation du Sénégal était venue les identifier en Suisse. Et l’ambassade du Sénégal a délivré des laissez-passer pour ces personnes. Le Sénégal n’est pourtant pas un pays qui reconnaît facilement les requérants déboutés en vue de les accepter. Nous pouvons donc faire confiance aux autorités sénégalaises, qui ont reconfirmé leur décision à l’arrivée des personnes rapatriées.

– Vous démentez donc que des Gambiens et un ressortissant de Guinée-Bissau aient été déposés à Dakar?

– Je vous le répète: ils ont été identifiés comme Sénégalais.

– Selon des témoins, aucun médecin n’était à bord des deux derniers vols spéciaux vers l’Afrique. L’ODM a pourtant promis un encadrement médical depuis la mort du Nigérian en mars…

– Nous l’avons promis et je peux vous assurer qu’un médecin était sur chacun des six vols entrepris depuis cette tragédie. Il n’était simplement pas en habit de médecin et identifiable comme tel. Les requérants ne l’ont donc probablement pas remarqué, mais il était là.

– Pourquoi cacher sa présence aux requérants qui pourraient en avoir besoin? Lors du premier vol, des Gambiens sont restés près de deux jours attachés dans l’avion, ce qui n’était pas sans risque médical…

– Si le médecin avait dû intervenir, il serait intervenu. Les liens ont été un peu déserrés lors du vol de retour.

– Mais pourquoi le médecin était-il incognito à bord de l’avion?

– Il ne l’était pas. Il faisait partie de l’équipe accompagnatrice, tout comme les policiers et un représentant de l’ODM. Tous étaient en civil. Il n’est pas d’usage que les accompagnateurs s’identifient devant les rapatriés avec leur nom et fonction.

– Des témoins affirment que les autorités suisses ont versé 200 francs à des policiers sénégalais pour qu’ils reprennent de force les requérants restés dans l’avion. Admettez-vous recourir à cette pratique?

– Pas du tout! Je vous oppose un non catégorique. Nous ne donnons pas de billets. Les autorités suisses doivent cependant remettre les papiers de voyage des requérants aux autorités de l’aéroport: vos témoins ont dû confondre avec cela.

– Vous assurez ne jamais rien offrir aux policiers pour qu’ils reprennent les déboutés récalcitrants?

– Pas d’argent en tout cas. Mais il peut arriver que nous leur offrons des boîtes ou des tablettes de chocolat. Par politesse.

– Les accords de réadmission sont toujours plus difficiles à signer, surtout avec les pays africains conscients des contreparties qu’ils peuvent exiger. Que promet la Suisse en échange de requérants déboutés?

– Je ne dirais pas que ces accords sont toujours plus difficiles à négocier; par contre toujours plus de requérants nient leurs origines. Lorsque la Gambie a pour la première fois refusé de nous accorder l’autorisation d’atterrir, cela n’avait, j’en suis sûr, rien à voir avec des questions migratoires. Mais comme vous le savez, il y a souvent des imprévus en Afrique. Ces accords sont importants pour les deux parties et nous proposons parfois en échange des programmes de formation de policiers. Ou, comme au Nigeria, un programme de soutien aux personnes déplacées à l’interne.

– Qu’avez-vous offert au Sénégal?

– La collaboration avec le Sénégal en matière de politique migratoire fonctionne très bien depuis des années. Elle se base sur un dialogue qui sert à déterminer les intérêts communs et pas à faire des «marchés». Ainsi, notre office a par exemple offert, à la demande des autorités sénégalaises, de former des inspecteurs sénégalais aux techniques d’identification des personnes et à la détection de faux documents.

– Soyez précis: les Sénégalais ont-ils obtenu quelque chose de plus le18 août? Des détenus de Frambois assurent que des laissez-passer ont été délivrés à des non-Sénégalais…

– Je vous le répète: les autorités sénégalaises ont identifié ces personnes comme ressortissants sénégalais. Aucun argent n’a été versé.

Propos recueillis par Valérie de Graffenried dans le Temps

mardi 24 août 2010

L’Eglise hausse le ton contre le mépris des Roms

Les expulsions de Roms entreprises par le gouvernement du président Nicolas Sarkozy fâchent l'Eglisecatholique . Après les mots du pape, les dignitaires religieux français montent au créneau pour dénoncer le sort réservé à ces personnes. Du côté du pouvoir, on se réfugie dans la séparation entre Eglise et Etat si chère à la République.

Dessin d'Alex dans la Liberté Dessin d’Alex dans la Liberté

Le président de la Conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, a annoncé hier qu'il rencontrerait le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux. Soit le grand ordonnateur de la lutte lancée fin juillet par le président Sarkozy contre les campements illégaux de Roms. Une offensive qui a déjà conduit au démantèlement de 88 camps, a précisé ce ministre le même jour. L'annonce de cette entrevue fait suite à l'exhortation à l'accueil de toutes les populations prononcée dimanche en français par Benoît XVI: des propos qui ont été perçus, à Paris, comme un désaveu implicite de cette politique.«La position de l'Eglise est claire et elle a été rappelée dimanche par le pape. C'est de rappeler que le respect des personnes est impératif, qu'il faut être disponible à une solidarité effective», a précisé André Vingt-Trois. Celui-ci s'est dit hostile à ce qu'une communauté soit assimilée à une «culpabilité collective», «montrée du doigt». «Les évêques de France sont très soucieux depuis de nombreuses années» de la politique migratoire hexagonale, a rappelé leur porte-parole, Mgr Bernard Podvin.

«Une fêlure importante»

Précédemment, l'archevêque d'Arles (Bouches-du-Rhône) s'était ému des conditions d'expulsion de certains camps de Roms et avait jugé «inacceptables» les «discours sécuritaires qui peuvent laisser entendre qu'il y a des populations inférieures». Dimanche, un prêtre de Lille (Nord) avait fait grand bruit en dénonçant la «guerre» faite aux Roms selon lui. «J'étais étranger et vous m'avez accueilli», a renchéri hier l'archevêque de Clermont-Ferrand, citant l'Evangile selon saint Mathieu.Au même moment, l'ex-ministre Christine Boutin a constaté que cette question des Roms avait entraîné «une fêlure importante» entre son petit Parti chrétien-démocrate et l'UMP. Et, le matin même, le quotidien chrétien «La Croix» s'est élevé contre «la stigmatisation», «depuis plusieurs semaines», des gens du voyage. Le titre a relayé l'appel de l'aumônerie catholique de Lourdes à pétitionner contre «la politique raciste du gouvernement».Toutes ces prises de position issues de la mouvance catholique constituent-elles «une passe d'armes», voire «une offensive», de l'Eglise contre le pouvoir sarkozyste, comme l'analysaient plusieurs médias hier? En tout cas, tant le ministre de l'Intérieur que celui de l'Immigration se sont bien gardés de jeter de l'huile sur le feu. S'ils ont démenti toute inhumanité dans le sort des Roms, ils ont sobrement pris acte des positions de l'Eglise.

Séparation Eglise et Etat

Il faut dire que leur collègue Bruno Le Maire, qui avait rappelé la règle de la séparation entre l'Eglise et l'Etat, s'est pris une sèche réplique de l'archevêque de Clermont, pour qui «cette séparation n'est pas l'ignorance du bien commun». Avec cette controverse sur les Roms, comme jadis avec son style de pouvoir très ostentatoire et avec les «affaires» Frédéric Mitterrand, Jean Sarkozy ou Henri Proglio, l'Elysée est-elle en train de perdre le soutien de l'électorat catholique? «Il faut rester prudent», jugeait hier Jérôme Fourquet, de l'institut Ifop.

Un électorat mal pris

En 2007, Nicolas Sarkozy, grand zélateur des «racines chrétiennes» de la France et admirateur de Jean-Paul II, avait été massivement soutenu par l'électorat catholique: 37% des électeurs de cette confession avaient voté pour lui. Sociologiquement, les catholiques se retrouvent davantage dans deux groupes (les seniors et les femmes) qui, traditionnellement, votent à droite.Des électeurs qui «peuvent être sensibles aux positions de l'Eglise sur la question des Roms mais qui le sont aussi, de par leur composition sociologique, aux discours sur la sécurité», selon Jérôme Fourquet. Avant ce débat enflammé sur les Roms, une étude Ifop de 2010 avait confirmé l'ancrage à droite de l'électorat catholique - qui se déclare à 30,6% partisan de l'UMP, contre 25% pour le corps électoral dans son ensemble.

Bernard Delattre, Paris, dans la Liberté

L'Equatorienne renversée à Bel-Air se heurte à l'intransigeance de Berne

L'administration fédérale refuse de régulariser Mirta Palma, la femme grièvement blessée l'été dernier au centre-ville de Lausanne. Recours en vue.
Le terrible accident de l'été dernier à la place Bel-Air continue d'entraîner des effets en chaîne pour Mirta Palma. Cette Equatorienne sans papiers âgée de 55 ans, qui avait été grièvement blessée lors de l'accident, est sommée de quitter le pays dans les deux mois. L'Office fédéral des migrations (ODM) a rejeté fin juillet sa demande de permis humanitaire, malgré le préavis positif des autorités cantonales. L'avocat de Mirta Palma, Jean-Michel Dolivo, annonce le dépôt d'un recours au Tribunal administratif fédéral. Le 26 juin 2009, une voiture remorquée avait roulé sur un trottoir à la place Bel-Air, au centre-ville de Lausanne. Neuf personnes avaient été renversées, mais Mirta Palma avait été la seule à recevoir de graves blessures. C'est à cette occasion que sa situation irrégulière avait été dénoncée.
Les études de sa fille
Mirta Palma vit depuis 2002 en Suisse, où elle travaillait dans l'économie domestique jusqu'au jour de l'accident. Mère célibataire, elle consacrait une bonne partie de ses revenus aux études de sa fille cadette, restée en Equateur. Elle ne l'a pas revue depuis son départ pour la Suisse, la demande de visa ayant été refusée. Mirta Palma avait émigré après avoir perdu son poste de secrétaire de direction pour raisons économiques.
«Je n'ai plus de courage, réagit-elle. Cette nouvelle me laisse complètement démunie.» Elle dit aussi son incompréhension: «La Suisse passe pour le pays des droits de l'homme. Mais ce que l'on dit n'existe pas». Mirta Palma ne peut envisager de rentrer en Equateur, du moins pas tant qu'elle n'aura pas été soignée. Elle souffre encore de nombreuses séquelles, et devra prochainement subir une nouvelle opération de la cheville. «En Equateur, les soins coûtent très cher, et il n'y a pas de véritables spécialistes», affirme-t-elle. Mirta Palma suit également un traitement psychologique suite au traumatisme provoqué par l'accident.
Soins de bonne qualité
L'Office fédéral des migrations estime que la situation de l'Equatorienne ne justifie pas l'octroi d'un permis humanitaire pour cas d'extrême gravité. Ni la durée du séjour en Suisse, ni l'absence d'antécédents judiciaires, ni ses problèmes médicaux ne constituent des raisons de l'accueillir. L'ODM affirme que les infrastructures sanitaires en Equateur sont de bonne qualité, mais il n'aborde pas la question de leur accessibilité.
En outre, l'administration juge que «les problèmes physiques (de Mirta Palma, ndlr) ne représentent pas un obstacle dans la recherche d'un emploi ou à sa réinsertion dans le marché du travail». Une analyse qui provoque la colère de Jean-Michel Dolivo. «En revenant en Equateur à 55 ans avec un handicap, elle n'a aucune chance de trouver un emploi», lance l'avocat, qui milite au sein du Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers.
L'administration a donné un délai de deux mois à Mirta Palma pour quitter le pays. Mais la procédure de renvoi devrait être suspendue jusqu'au verdict du Tribunal administratif fédéral. Malgré plusieurs tentatives, nous ne sommes pas parvenus à joindre hier le ministre vaudois de l'Intérieur, Philippe Leuba.
Disparités entre cantons
Les régularisations de sans-papiers se font au compte-gouttes. L'année passée, la Suisse n'a délivré que 88 permis humanitaires. De fortes disparités existent entre les cantons, ces derniers étant libres de transmettre ou non les demandes à Berne. En 2009, seuls deux cantons ont fait cet effort: Genève (138 demandes, 63 réponses positives) et Vaud (39 demandes, 22 réponses positives). Berne, Fribourg, Argovie et le Jura ont déposé chacun un seul dossier, et les autres cantons aucun.

Michaël Rodriguez dans le Courrier

Permis humanitaire refusé à Mirta Palma

Fauchée sur un trottoir à Bel-Air, il y a un peu plus d’une année, l’Equatorienne sans-papiers vient de voir sa demande rejetée par l’Office des migrations. Son avocat va faire recours.

Mirta Palma

Il y a un peu plus d’une année, Mirta Palma se faisait faucher sur un trottoir de la place Bel-Air, à Lausanne, par une voiture remorquée. Beaucoup avaient été touchés par le sort de cette Equatorienne sans-papiers, d’autant plus que trois semaines plus tard, elle recevait un avis d’expulsion du Service cantonal de la population (Spop).

Mirta Palma vient de recevoir une mauvaise nouvelle: malgré un préavis cantonal positif, l’Office fédéral des migrations vient de rejeter sa demande de permis humanitaire. «L’Office considère que sa situation n’est pas très différente de celle de ses compatriotes équatoriens sans-papiers, résume son avocat, Jean-Michel Dolivo. Il reconnaît qu’elle supporte des séquelles physiques et psychiques de l’accident, mais estime que l’Equateur dispose des structures nécessaires pour la recevoir.»

Mirta Palma dispose de huit semaines pour quitter le pays. Jean-Michel Dolivo annonce qu’il va faire recours. «J’espère que le tribunal va reconnaître, comme le canton, que Mirta Palma se trouve dans un cas personnel d’extrême gravité. Elle souffre toujours de douleurs à la marche et de boiterie. Son traitement se poursuit et elle doit encore se faire opérer.»

Bonne nouvelle toutefois, les soins médicaux de l’Equatorienne ont été pris en charge par son assurance-maladie.

S. MR dans 24 Heures

Vaud cherche des projets d’intégration

Le canton se fait le Père Noël des associations, grâce à un fonds annuel de 1,155 million destiné à subventionner des projets d’intégration.

En 2010, 53 formations de langues – qui se déclinent en 150 cours de français et 30 ateliers – ont été soutenus par le canton, qui ont permis d’améliorer l’intégration de 2000 étrangers.

Le Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et la prévention du racisme lance un nouvel appel aux projets pour 2011, qui peuvent aussi concerner des initiatives pour la cohabitation dans les quartiers et la lutte contre le racisme.

Associations, collectivités, écoles, communes ont jusqu’au 15 octobre 2010 pour déposer leur dossier, qui pourrait ainsi obtenir 70% de financement. Caritas, Français en jeu, Appartenances figurent parmi les plus importants bénéficiaires. Mais les modestes associations locales et les Commissions culturelles des communes peuvent aussi s’annoncer. Celles-ci ont d’ailleurs perçu 30% de l’enveloppe à disposition en 2010.

Le canton de Vaud dispose d’un fonds de 450 000 francs, auquel s’ajoutent 705 000 francs octroyés par la Confédération. Les associations intéressées sont pléthore, mais certaines régions sont proportionnellement moins bien dotées en offre linguistique que d’autres, telles La Côte, Morges et la vallée de Joux. «La typologie de la population étrangère plus favorisée socialement à La Côte peut expliquer la différence. Mais l’idée, ici, est d’être transparent face au public et de susciter des envies et des initiatives», commente Fanny Spichiger, déléguée à l’intégration des étrangers.

L. AUR dans 24 Heures

lundi 23 août 2010

La police municipale accusée d'actes de brutalité envers des Roms

Des agents auraient dérapé lors d'une intervention. Le délégué à la déontologie sera saisi et l'association Mesemrom rencontrera le municipal Marc Vuilleumier.
La police lausannoise a-t-elle employé la manière forte pour déloger des Roms qui dormaient à la belle étoile? Six personnes d'origine slovaque disent avoir été plaquées au sol à coups de genou en juillet dernier, alors qu'elles dormaient à Vidy. L'association Mesemrom, qui a recueilli leurs témoignages, a écrit au commandant de la police municipale. Une militante de Mesemrom, Véra Tchérémissinof, rencontrera la semaine prochaine le municipal de la Sécurité publique, Marc Vuilleumier. Jeudi au téléphone, le magistrat disait pourtant ne pas être au courant de l'opération de police litigieuse. L'intervention a eu lieu dans la nuit du 19 au 20 juillet. Selon Mesemrom, cinq jeunes et une personne âgée dormaient à la belle étoile lorsque trois voitures de police, avec chacune deux agents à bord, sont arrivées. «Les policiers, après les avoir fait se lever, leur ont ordonné de se coucher à plat ventre côte à côte les mains derrière la nuque, relate l'association dans sa lettre. Ils les ont ensuite aplatis au sol à coup de genou, malgré les plaintes du plus faible d'entre eux qui souffrait visiblement. (...) Ils ont été tirés violemment par leurs vêtements, et leurs sacs, fouillés et vidés à terre pour contrôle, leur ont été rendus non pas en main propre mais jetés à terre.» Deux Roms d'une vingtaine d'années auraient été menottés, l'un d'entre eux emmené au poste de police parce qu'il n'avait pas son passeport. Selon les témoignages, l'un des agents a tenté de modérer ses collègues, sans y parvenir. «Dans un premier temps, nous voulons avoir des explications, commente Véra Tchérémissinof. Ensuite, nous verrons s'il y a lieu de déposer plainte.»

Jean-Philippe Pittet, porte-parole de la police municipale, confirme qu'il y a eu une intervention visant des Roms cette nuit-là. Mais le déroulement des faits n'a pas encore pu être tiré au clair, une partie des protagonistes étant en vacances. Le cas sera soumis au délégué à la déontologie. Plusieurs Roms ont été condamnés ces derniers mois à des amendes pour camping illégal à Lausanne. Suite à des oppositions, la Commission de police a annulé les sanctions, estimant que le fait de dormir à la belle étoile ne pouvait pas être assimilé à du camping (notre édition d'hier). Selon Mesemrom, un homme interpellé alors qu'il dormait sur un banc s'est même vu confisquer sur-le-champ la somme de cent francs. «Lorsqu'il s'agit de personnes qui n'ont pas de domicile en Suisse, les agents peuvent percevoir un montant de garantie afin de couvrir les frais de la Commission de police», explique Jean-Philippe Pittet. Si la Commission de police juge qu'il n'y a pas eu d'infraction, la somme est ensuite restituée.

Michaël Rodriguez dans le Courrier

mesemrom logo

A jamais enfants d’immigrés

Maria Carminati

Les Italiens ont été les premières victimes de la xénophobie. Prof à la retraite, Raymond Durous rend hommage aux Ritals d’hier en donnant la parole aux Italiens d’aujourd’hui.

A 74 ans, Raymond Durous, professeur d’histoire-géo à la retraite, restera à jamais un enfant – le fils de Victor Durous. «Lui-même fils d’immigrant, placé à 8 ans à la campagne, il a eu une enfance épouvantable.» Et le prof d’origine valdôtaine d’enfoncer le clou. «Mon père m’a aidé à devenir ce que je suis.» C’est-à-dire un très bon prof. Des élèves comme Pierre-Yves Maillard ne l’oublient pas. «J’avais 15 ans. Sans jamais hausser le ton, Raymond Durous nous a éveillés à des problématiques sociales. L’immigration en faisait partie.» Et le conseiller d’Etat vaudois de conclure que son professeur, en 1983, militait à sa façon contre les injustices en transmettant par l’enseignement. Le prof n’a pas changé, il carbure toujours à l’enthousiasme en partant à la rencontre de ces Italiens d’aujourd’hui, les enfants des Ritals d’hier.

«Ma seule véritable identité ne se trouve pas dans un pays mais dans un statut: celui de fils d’immigrés.» Sans rancune mais sans oubli, Massimo Lorenzi ouvre le bal, apportant son écot d’humiliations pour rappeler ce que c’était d’être enfant de «Macaroni, Magut, Piaf, Rital, Spaghetti, Ventre jaune, Tchink, Pioulet, etc.».

«Interdit aux chiens et aux Italiens»

Pour Ada Marra, conseillère nationale, la génération de ses parents est une génération sacrifiée. «J’ai beaucoup d’admiration, de reconnaissance. Ils ont eu le courage de tout quitter, famille et pays, de tout sacrifier pour l’avenir de leurs enfants et le leur.» De son enfance d’immigrée, la petite fille de Paudex n’a de loin pas que des mauvais souvenirs. «J’ai tant aimé la mixité sociale qui m’a permis – moi qui venais d’une couche basse de la société – d’être accueillie pour les quatre heures dans les villas du coin.»

Un sombre souvenir ne s’effacera pas de la mémoire d’Oscar Tosato, municipal lausannois. A 18 ans un soir de 1975 à Bienne, le jeune homme fut refoulé devant l’entrée d’une discothèque. Il y était inscrit: «Interdit aux chiens et aux Italiens.» L’humiliation ne passe toujours pas.

Tous ces enfants de Ritals ont eu une sacrée capacité à résister, à affronter l’adversité. Claudio Galizia, l’actuel patron du Bistrot du Flon, se souvient d’avoir fait le coup de poing contre un balèze – un élève vaudois beaucoup plus gros que lui. «Il m’avait dit, se rappelle le patron, de foutre le camp dans mon pays de merde.»

Dans ce canton de Vaud qui, bon an mal an, devenait leur pays, les Italiens ont gardé leurs habitudes politiques, leurs antagonismes. Il ne fallait pas, par exemple, confondre à Lausanne les clients de la Colonia Libera et ceux de la Casa d’Italia. La première, au chemin des Rosiers, aujourd’hui remplie de retraités, était républicaine. Au pied du Valentin, la Casa d’Italia (maintenant Circolo Italiano), était ouvertement fasciste entre 1922 et 1945. Léon Francioli en a encore honte. Il avait promis à son père avant sa mort de ne jamais mettre les pieds à la Casa d’Italia, à jamais repaire de fascistes. Le 9 juillet, le musicien y alla voir le match France-Italie avec des copains.

De nouveaux Ritals

Les voilà donc tous intégrés, tous reconnaissants envers leurs dévoués parents. Mais que pensent ces enfants d’immigrés de l’actuelle communauté italienne? Léon Francioli et les autres s’inquiètent. «Les Italiens d’aujourd’hui sont devenus aussi intolérants et xénophobes que les Suisses l’ont été avec eux quand j’étais gamin.» Quant à savoir qui a pris la place du bouc émissaire, du Rital dans la société helvétique, tous s’accordent à dire que les Africains de l’Ouest, les Maghrébins et les gens des Balkans sont pour les xénophobes de maintenant les nouveaux Ritals .

Alain Walther dans 24 Heures

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La moitié du village est partie pour la Suisse

Après un voyage dans le wagon à bestiaux avec sa sœur Catherine, Maria Carminati est arrivée à la frontière suisse le 21 août 1946. Cette année-là, la moitié de la population de Cavaglia, village au nord de Bergame, était partie travailler en Suisse. «Mon père ne supportait plus d’entendre mes frères pleurer parce qu’ils avaient faim.»

Soixante-quatre ans plus tard, dans l’appartement de l’octogénaire, les souvenirs s’empilent et les images pieuses décorent les murs. C’est comme si tout était encore hier: tant la mort accidentelle de son fils à 16 ans, en 1975 à Renens, que cette dégradante visite médicale lui font toujours venir les larmes aux yeux.

Une fois le train arrêté à Brigue, les hommes et les femmes ont été séparés. Ne parlant qu’allemand, le personnel suisse a fait entrer les 48 femmes dans la même pièce et leur a ordonné de se déshabiller.

«Nous avons dû tout enlever, même les épingles à cheveux. Deux d’entre nous – l’une enceinte, l’autre parce qu’elle avait ses règles – ont refusé. Elles ont été aussitôt expulsées.» Ensuite, en file indienne dans le couloir, les femmes furent dirigées vers les douches. «Ils nous fournirent des couvertures sales qui donnèrent la gale. Puis nous dûmes nous laver au savon noir.» Au final, les candidates au travail en Suisse écartèrent les bras puis furent aspergées d’insecticide, du D.D.T.

«Je remercie quand même la Suisse, qui m’a donné la possibilité de m’épanouir.» La jeune Maria trouva un premier emploi à la vallée de Joux, à la pension Rochat. «La patronne s’appelait Hélène, je crois, c’était une vieille dame, une bonne personne.» Ce n’était pas le cas de tout le monde à la Vallée. «Je me faisais traiter de macaque quand je prenais le train pour aller à la messe.»

En Italie, ses premiers patrons étaient des «nouveaux riches» qui lui donnaient les restes de leurs enfants. «Je mangeais debout contre l’évier alors qu’ils nourrissaient leur chien à table.» Mme Rochat, de la pension Rochat, «comprenait la misère» de Maria. Elle donnait même à manger à Catherine quand elle rendait visite à sa sœur une fois par mois .