mardi 20 novembre 2007

Des habits et un matelas, le reste à la benne !


Lisez ce témoignage de Pierrette Iselin sur l'application inhumaine que le canton de Vaud fait de la nouvelle LASI.


Voilà ce qu’un ou une requérante qui déménage d’un centre à un autre a le droit d’emporter.
Imaginez que cela vous arrive. Vous devez changer d’endroit sous la pression et la contrainte. Qu’emporteriez-vous ? vos effets personnels bien sûr, vos souvenirs, vos livres préférés, tout ce qui fait votre vie.
En Suisse, et cela se passe en Suisse, quand un -e requérant-e doit changer de centre, il va devoir se limiter à un matelas et des habits. Tout le reste va être strictement contrôlé. Ces jours, et c’est maintenant que cela se passe, vu que les requérants n’auront plus droit à l’aide sociale dès le 1er janvier 08, mais qu’ils devront se conformer aux nouvelles directives du SPOP qui leur délivrera une décision d’octroi de l’aide d’urgence, le lieu d’hébergement et les conditions d’hébergement vont complètement changer.

Je vous livre ce témoignage qui m’a profondément marquée. Cela se passe en Suisse, tout près de Lausanne.
Le vendredi 16 novembre 2007, un parrain d’une réfugiée me mandate pour l’aider à déménager de Crissier à la rue du Simplon à Lausanne. À l’heure dite, je me rends au Centre de requérants de la Fareas de Crissier pour aider cette femme et son enfant à déménager. Il est huit heures et demie, nous attendons le « camion » qui viendra emporter les affaires de 5 requérant-e-s qui sont censés partir à 8h.30. Des Africains-e-s en majorité, m’invitent pour un café. L’ambiance est bon enfant. Le matériel a été descendu au rez-de-chaussée pour être déménagé. Chacun-e ajoute encore une valise, un carton, des vivres sortis du frigo pour assurer la suite. J’observe un requérant un peu à part qui descend ses affaires avec précaution, deux valises, un carton de casseroles, et deux ou trois paquets bien ficelés. Il semble avoir soigneusement empaqueté son matériel et ne le perd pas des yeux. J’apprends qu’il est Iranien. La jeune femme avec l’enfant, n’a pas pu prendre du temps pour empaqueter les affaires qui la concernent ; en plus elle tient à prendre deux petits meubles avec les affaires de l’enfant, ainsi que des jeux, des jouets, une télé pour passer des films à son fils et des cassettes. Çà et là encore quelques affaires avec les langes de l’enfant, des vivres, des biberons et des produits pour son entretien. Tout cela fait un joli échafaudage, mais faute de moyens, tout est offert à ciel ouvert aux yeux inquisiteurs des personnes présentes.
À 9h.20, toujours pas de camion. Je m’impatiente, le responsable du Centre me dit que le camionneur a dû faire une course auparavant. Enfin, vers 10h., le camion arrive. Tout le monde descend pour embarquer ses affaires. C’est là que les choses se gâtent. Le responsable du camion, totalement obnubilé par des consignes qu’il est censé faire appliquer,
refuse d’embarquer une partie du matériel qui se trouve au bas de l’escalier. Il répète plusieurs fois : « des habits et un matelas, le reste à la benne ! « Je vois les requérant-e-s se ratatiner et se faire tout petits pour qu’on les oublie, et qu’ils passent inaperçus à côté de leurs effets. Je n’oublierai jamais le regard de détresse que lance le requérant iranien. Un univers d’humanité s’écroule pour lui, ses précieux bagages sont menacés. Tout ce qui constitue un reste de vie et de préservation du domaine personnel est mis en danger. Les autres voient aussi avec effroi qu’ils vont devoir faire des choix draconiens. D’autant plus que le camionneur en rajoute : « là-bas, au Simplon, c’est tout petit, il y a de la place pour un lit et une table » s’époumone-t-il, refusant toujours de charger. L’impatience gagne les rangs. Un autre membre de la Fareas rajoute : » c’est lui qui décide, conformez-vous à ses indications ». Tout le monde piétine. Je sors mon portable pour interpeller un ou deux membres de la coordination asile. Le responsable du camion lâche encore ces mots : « Inutile de vous faire des illusions, quand vous serez au Simplon, il y aura des Sécuritas et des responsables qui laisseront tout ce superflu sur le trottoir ! « et il termine en disant : « de toute façon, pourquoi prendre tout ce matériel, dans deux ou trois mois, vous devrez quitter la Suisse ! »
Subitement, comme l’affaire risque de tourner à l’aigre et que des pressions ont tout de même pu être faites, le camion est chargé et part aux trois quarts plein pour se diriger à l’avenue du Simplon à Lausanne. Il reste encore du matériel de ma protégée. En désespoir de cause, je vide les tiroirs de deux petites commodes et j’embarque tout ce qui reste dans ma voiture, après avoir mis le contenu dans des sacs en plastique ; les deux commodes bancales sont déchiquetées et passent dans la benne. Une fois à la rue du Simplon à Lausanne, le déménagement se fait assez rapidement, grâce à l’entraide des requérants africains qui montent tout le matériel sur leur dos. Par un curieux hasard, l’ascenseur n’est pas disponible. Visiblement, l’équipe du Simplon tolère ce premier arrivage. Mais la responsable brandit déjà un règlement qui va être communiqué plus tard aux nouveaux arrivants. Les consignes fusent : pas de télé dans les chambres et des écouteurs sur les oreilles pour les appareils de radio.
Tout le monde est logé au quatrième étage, dans des chambres pas trop exiguës, qui viennent d’être rénovées. Le reste de la maison est encore en travaux. Pour une femme avec un enfant de bas âge, il faudra descendre les étages (sans prendre l’ascenseur), pour aller à la cuisine. La tâche ne sera pas si aisée.
Je surprends au passage des mots échangés par les gardiens Sécuritas et le personnel de la rue du Simplon :
« Pour les suivants, il s’agira d’être strict et déterminé. Des habits et un matelas, c’est tout. »

Trois questions viennent immédiatement à l’esprit :
- Cette violence est-elle compatible avec une situation de détresse et de respect des droits humains ?
- Qu’adviendra-t-il des déménagements qui vont se faire à partir des appartements ?
- Comment les employé-e-s de la Fareas peuvent-ils gérer de telles situations, sans devenir de véritables exécuteurs-trices de mesures inhumaines et scandaleuses ?

Les prochains déménagements devraient se faire sous les yeux de membres de la Ligue des droits humains et de membres d’ONG, solidaires de l’asile. Mais cela n’atténue en rien la totale injustice qui exclut aujourd’hui l’hébergement en appartement et qui pousse les gens à se déraciner encore plus, en les coupant de lieux de vie et de minimum de convivialité.

Signé : Pierrette Iselin

Les faux-vrais journaux des vrais-faux persécutés

Lire cette brève dans le Courrier International
Les éditeurs des journaux paraissant au Katanga, dans le sud-est de la république démocratique du Congo (RDC), sont inquiets. Ils ont peur d'être accusés de favoriser l'entrée illégale des Congolais en Europe. Ces derniers temps, en effet, pour obtenir le droit d'asile, des clandestins brandissent des coupures de journaux de cette région, attestant qu'ils sont pourchassés pour leurs opinions politiques ou qu'ils ont été emprisonnés sans procès. Ces sans-papiers ne manquent pas d'arguments... A Kinshasa, depuis plusieurs années déjà, des journalistes peu scrupuleux se font payer par des candidats à l'émigration pour écrire des articles racontant que ceux-ci sont menacés par le régime en place, afin de justifier une demande d'asile politique.

Une histoire de racisme ordinaire

Histoire contée par Madame Françoise Bonny de Lausanne, dans le courrier des lecteurs de 24 Heures:


http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/12/ApartheidSignEnglishAfrikaans.jpg/300px-ApartheidSignEnglishAfrikaans.jpg

Mon mari, Camerounais, et trois de ses amis se sont vus interdire l’entrée d’un bar lausannois que nous fréquentons parfois en couple. J’ai demandé des explications à la patronne: «mes employés ont pour consigne de ne pas recevoir des Africains, des Arabes ou des Albanais en groupe». Trop bruyants. La dame ne pense pas être xénophobe, elle est elle-même Albanaise, c’est dire… Elle ne sait pas si ces quatre personnes-là étaient bruyantes, elle n’était pas là.
Qui dit délit de faciès? On expulse d’abord, on discute ensuite. Symptomatique de l’ambiance malsaine entretenue par l’UDC. Leçons de cette mésaventure parmi d’autres:
1. un Africain, ça va, quatre Africains, bonjour les dégâts!
2. les Africains parlent forcément fort, sont certainement dealers, donc dehors les moutons noirs!
3. si la police du commerce avait traité cette dame avec sa propre logique, on ne lui aurait pas permis d’ouvrir son bar, car les préjugés, lamentables, n’épargnent pas les Albanais.
A part ça, bonne nouvelle, mon mari ne s’est plus fait accoster dans la rue par des toxicos «vends-moi quelque chose, je sais que tu en as!» Forcément, un Noir… Ils ont enfin compris qu’il n’«en» a pas. (…)
Je repense à mes arrière-grands-parents, Suisses, partis chercher une vie meilleure en Argentine il y a un siècle. L’histoire tourne, il fut un temps où les Suisses s’expatriaient pour vivre. Si ce temps revenait, où irons-nous? Qui nous accueillera? La Terre n’est qu’un grand village, attention aux retours de manivelle…

Sanctuaire administratif pour requérants déboutés?

Pourra-t-on arrêter un requérant débouté qui se présente au Service de la population? Oui, dit la droite. Non, proteste la gauche. Les députés vaudois trancheront aujourd'hui. Un article de Laurent Busslinger dans 24 Heures.


REFUGE?: Les locaux du Service de la population à Lausanne.
«Ceux qui s'y rendent doivent savoir qu'ils ne se feront pas
embastiller», argumentent la gauche, les Verts et certains radicaux.
«Les forces de l'ordre doivent pouvoir faire leur travail où que
ce soit», rétorquent l'UDC, les libéraux et d'autres radicaux.
ACCUEIL DU SPOP, LE 19 NOVEMBRE 2007
PATRICK MARTIN


C'est «la» pierre d'achoppement d'un texte sensible par nature. Ce matin, les députés diront comment Vaud appliquera la nouvelle loi fédérale sur les étrangers, et quel y sera le statut du Service de la population (SPOP). La police pourra-t-elle s'y saisir d'un requérant débouté? L'endroit sera-t-il au contraire un refuge provisoire où il ne craindra rien?
Dans un canton qui s'est longtemps signalé par sa résistance aux directives de Berne, où l'accueil des étrangers a mené à la crise dite des 523 avec la Confédération, le sujet est hautement symbolique. Même si en septembre 2006 Vaud acceptait par 54% des voix des textes qui ont obtenu 67% de oui dans toute la Suisse.

Pas pour les délinquants
L'article litigieux est bref: «Les mesures de contrainte sont interdites dans les locaux de la police des étrangers lorsque l'étranger s'y rend pour répondre à une convocation, ou recevoir une prestation d'urgence. Nul ne peut être arrêté durant les deux heures qui précèdent ou suivent une convocation. Cet alinéa ne s'applique pas aux étrangers ayant été condamnés pénalement.» Absente du texte du Conseil d'Etat, cette disposition y a été introduite par la gauche de la commission, renforcée par un radical.
«Il s'agit de dire que l'administration ne piège pas les gens, et leur permet d'avoir accès à l'aide d'urgence sans risquer l'arrestation», explique l'écologiste Philippe Martinet, président de la commission et rédacteur du rapport de majorité. L'accès à cette aide n'est en effet possible qu'à travers le SPOP. «Il s'agit aussi de continuer à faire oeuvre de persuasion en faveur d'un retour volontaire», poursuit l'élu vert. Toutes possibilités de recours et tous délais de départ échus, le SPOP peut maintenir un dialogue avec les requérants, pour tenter de leur faire reconsidérer leur conduite. «On a procédé ainsi avec succès durant la crise des 523. Les requérants osaient se rendre au SPOP, ils savaient qu'ils n'allaient pas se faire embastiller», poursuit Philippe Martinet. A gauche, on considère enfin que face, à une loi «globalement répressive», cet ajout est un compromis minimal.
«Les forces de l'ordre doivent pouvoir faire leur travail où que ce soit», rétorque Dominique Kohli. Auteur du rapport de minorité opposé à la sanctuarisation du SPOP, le libéral rappelle que ce type d'arrestation est exceptionnel: «Une dizaine de cas par an, et ce sont toujours des personnes qui peuvent rentrer dans leur pays, mais qui restent sachant que leur situation est illégale.»
«Le SPOP n'a jamais appâté et n'appâtera jamais quiconque pour s'en saisir, je ne l'admettrais pas», insiste de son côté Philippe Leuba, en charge du Département de l'intérieur. L'application de mesures de contrainte à l'intérieur du service ne se comprend, pour lui, «que face à quelqu'un qui refuse toute forme de collaboration pour son départ». Et si les 523 étaient hors de danger d'arrestation, c'est parce qu'une négociation sur leur sort restait engagée.