dimanche 9 août 2009

Les Eglises d’Europe s’unissent autour des migrants

La Conférence des Églises européennes (KEK) veut renforcer son action auprès des migrants et fait de 2010 une « Année européenne des Églises pour la migration »
Par-delà les frontières confessionnelles, le souci des migrants est devenu une priorité pour les Églises en Europe. Pour preuve, la Conférence des Églises européennes (KEK) – la plus vaste organisation œcuménique d’Europe, réunissant 124 Églises protestantes, anglicanes et orthodoxes – a décidé de consacrer l’année 2010 à promouvoir les droits des migrants et à rendre visible l’engagement des Églises à leurs côtés.
« Les migrants sont le témoignage du monde global dans lequel nous vivons, souligne Jean-Arnold de Clermont, qui achève son mandat à la tête de la KEK. Quand on parle de migration en Europe, la priorité est d’être garant de l’accueil que nous devons à ces personnes. »
Pour marquer l’inscription de cette cause au cœur de l’agenda des Églises, l’assemblée de la KEK, réunie à Lyon mi-juillet pour les 50 ans de la Conférence, a voté l’intégration en son sein de la Commission des Églises auprès des migrants en Europe (Ceme).
Le travail auprès des migrants devient ainsi le troisième pilier de la KEK, au même plan que le plaidoyer auprès des institutions européennes et le dialogue théologique entre les Églises. « Cette intégration va faciliter notre travail et donner plus de poids à l’engagement des Églises », se réjouit Doris Peschke, secrétaire générale de la Ceme.

"Nous sommes désormais à un carrefour"

Du travail, il n’en manquera pas pour les Églises… « Depuis plusieurs années, nous constatons une dégradation des conditions d’accueil en Europe, déplore Doris Peschke. Nous sommes désormais à un carrefour : l’Europe doit rééquilibrer la situation en faveur des migrants et des demandeurs d’asile. » Signe de cette Europe forteresse : la diminution drastique du nombre de demandeurs d’asile en Europe.
« Il est de plus en plus difficile d’atteindre le sol européen, condition nécessaire pour déposer une demande, souligne la responsable de la Ceme. Du coup, il y a aujourd’hui moins de demandeurs d’asile dans l’ensemble des 27 pays de l’Union européenne que dans la seule Allemagne il y a dix ans. »
Les Églises d’Europe commencent aussi à prendre la mesure des transformations provoquées par la mondialisation dans le tissu ecclésial lui-même. « Pour les Églises minoritaires, comme les Églises protestantes italiennes, la transformation se fait sentir plus rapidement », souligne Alessia Passarelli, protestante italienne et présidente de la Fédération mondiale des étudiants chrétiens.
Cette diversité culturelle et confessionnelle croissante pose des questions inédites aux communautés.

Retisser l'unité dans un paysage ecclésial morcelé

« Quand des migrants arrivent dans une ville où il n’y a pas d’Église de leur confession, faut-il leur conseiller de changer de confession, ou les envoyer au culte à 50 km de chez eux, au risque que leur lien avec la communauté chrétienne se délite ? », interrogeait à Lyon un délégué finlandais, lors d’un atelier sur les migrations.
À ses côtés, un évêque luthérien russe partageait les difficultés de son Église. « Nous avons perdu 50 % de nos membres ces dernières années, confiait-il, intéressé d’apprendre comment ses fidèles pouvaient « conserver leurs liens avec l’Église à l’étranger ».
Les communautés chrétiennes de migrants, nombreuses et éclatées, ont aussi leurs propres défis. « Souvent elles louent les locaux des Églises locales pour leurs propres offices religieux, sans avoir de contact avec les chrétiens du lieu, note Doris Peschke. Nous devons aller plus loin, et ne pas limiter nos relations à la diaconie ou au service social. »
Mais comment retisser de l’unité dans un paysage ecclésial de plus en plus morcelé ? À la KEK, on sait que ce sera un enjeu des prochaines années. « L’éclatement des Églises de migrants ne facilite pas les choses, reconnaît June Becks, protestante d’origine indonésienne, responsable d’une association d’Églises de migrants aux Pays-Bas. Nous sommes divisés entre dénominations, mais aussi sur le plan culturel et ethnique. La seule chose que nous avons en commun – outre la foi – est d’être des migrants. Cela ne fait pas forcément une identité commune… »

Élodie MAUROT dans la Croix

REQUÉRANTS D'ASILE EUROCOMPATIBLES

6 août 2009 - MAGALIE GOUMAZ dans Le Nouvelliste -

DUBLINLa Suisse enregistre les premiers résultats de l'Accord Dublin qui permet de transférer une personne dans le pays où elle a déposé une première demande d'asile.

Malgré l'accord, les Etats concernés  tiennent à conserver leurs propres lois.  Difficile dans ces conditions de garantir un traitement équitable.  KEYSTONE/A

Ali a quitté le Niger en quête de jours meilleurs et confié toutes ses économies à un passeur. Il a traversé le désert, est arrivé en Libye où il a embarqué sur un rafiot qui lui a permis d'atteindre les côtes italiennes. Intercepté, enregistré, il a profité de l'attente pour s'échapper du centre de transit et poursuivre sa route en direction de la Suisse. Mais là, à Chiasso, on constate que ses données figurent déjà dans l'Eurodac. Qu'importe son mutisme sur son nom et son origine, les empreintes digitales sont claires: Ali est identifié et doit retourner en Italie où la procédure suit son cours et d'où il risque fort d'être renvoyé en Libye.

En juin 2005, le peuple suisse, en disant oui à l'Accord de Dublin, a accepté d'adhérer à ce système destiné à éviter qu'une même personne puisse déposer des requêtes dans différents pays et à permettre son renvoi dans le lieu d'entrée officiel en Europe. Selon les dernières statistiques de l'Office fédéral des migrations (ODM) pour le deuxième trimestre 2009, alors que 3454 demandes d'asile ont été déposées en Suisse, 1114 cas Dublin ont été confirmés, ce qui porte à 1678 le nombre de procédures ainsi réglées depuis le 12 décembre 2008, date de l'entrée en vigueur de l'accord. C'est plus que prévu, admet l'ODM, qui parlait de 20% des cas lors de la campagne en vue de la votation. En comparaison, la France affichait l'an dernier un taux de 14% de transferts vers un autre pays européen.

Cas d'exception

Pourtant, tout n'est pas rose sous le soleil de Dublin. Il y a quelques mois, le cas de Fahad, traducteur irakien apparaissant dans le film «La Forteresse», a fait couler beaucoup d'encre au moment de son transfert vers la Suède, d'où il risque toujours d'être renvoyé vers son pays d'origine. La Suisse aurait pu utiliser la clause de souveraineté et ouvrir sa propre procédure pour protéger un jeune homme menacé de mort pour avoir travaillé pour les forces américaines. Elle ne l'a pas fait, ce que déplore par exemple le socialiste genevois Carlo Sommaruga qui souhaiterait qu'on tienne mieux compte «des cas d'exception». Car l'accord permet une «certaine marge de manoeuvre qui n'est que rarement utilisée», dit-il.

Des cas d'exception, l'ODM en connaît pourtant! Ainsi, en ce moment, les personnes vulnérables (mineurs, familles avec enfants, malades, personnes âgées) ne sont pas renvoyées vers la Grèce qui subit une forte pression migratoire. Par contre, l'Italie, pays qui figure en tête des transferts depuis la Suisse, ne fait l'objet d'aucune restriction alors que l'afflux de migrants y est également important et que la procédure d'asile y est de plus en plus restrictive.

Garantir des traitements équitables

L'ODM, qui avoue ne pas connaître le destin des personnes qu'il transfère, part du principe que la Convention européenne des droit de l'homme est appliquée par tous les Etats signataires de l'accord Dublin, tout comme la Convention relative au statut des réfugiés.

Et c'est un des problèmes de Dublin. Alors que les défenseurs du droit d'asile partout en Europe s'inquiètent des politiques d'asile étatiques fort disparates ne garantissant pas des traitement équitables, les Etats concernés, eux, tiennent à conserver leurs propres lois. A l'ODM, Jonas Montani, porte-parole, répond à ce propos que le but de Dublin n'est pas d'harmoniser le droit d'asile mais de déterminer dans quel Etat la procédure doit être menée.

Ainsi, selon l'expérience de l'ODM, Dublin tel qu'il est défini est déjà un succès. La banque de données Eurodac donne des résultats en quelques heures si ce n'est quelques minutes. Depuis le 12 décembre 2008, 305 demandes de transfert ont été rejetées par le pays concerné, le plus souvent parce que le requérant y a fait l'objet d'une décision négative, a effectivement quitté le territoire avant de retenter sa chance, ce qui remet les compteurs à zéro. De son côté, la Suisse a dû reprendre 144 requérants et a rejeté 24 requêtes.