mardi 10 mars 2009

La Suisse doit accueillir des groupes de réfugiés


Comme elle l'a fait pendant 45 ans, la Suisse doit à nouveau accueillir des groupes de réfugiés, estime la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM). Devant l'afflux de réfugiés provenant des Balkans, Berne avait suspendu cette mesure dans les années 90.

Sous l'étiquette «politique des contingents», la Suisse a régulièrement accueilli des réfugiés en groupe dans le cadre de programme de réinstallation entre 1950 et 1995. C'est en 1991 et pour quatre ans que, pour la dernière fois, 500 réfugiés ont bénéficié de cette mesure coordonnée par le Haut commissariat pour les réfugiés.

«La Suisse doit se montrer solidaire avec les Etats davantage concernés qu'elle par l'afflux de réfugiés», a défendu lundi devant les médias à Berne le président de la CFM Francis Matthey. Et le socialiste neuchâtelois de mettre en avant la tradition humanitaire de la Suisse.

En automne, la CFM a remis un rapport sur la «politique de contingents» au gouvernement. Elle recommande que Berne accueille 200 à 300 réfugiés par an dans le cadre de programmes de réinstallation. D'après ses calculs, le coût de cette «opération humanitaire» reviendrait à 20 ou 30 millions de francs par an.

Pour Francis Matthey, les bases légales pour accueillir ces personnes existent. Il souligne qu'une telle politique permettrait d'aider ceux qui en ont le plus besoin: des réfugiés qui ne peuvent retourner dans leur pays et vivent souvent de manière précaire dans un premier pays d'accueil

SAUVEUR DE TÊTE(S)

SAUVEUR DE TÊTE(S) dans le nouvelliste

7 mars 2009  -  Aucun commentaire

PIERRE KELLER directeur ECAL, professeur EPFL

Aéroport de Kloten, 5 h 55. Alors qu'il fait encore nuit, un homme distribue des messages de sensibilisation aux passagers d'un vol pour Stockholm. Il s'agit de Fernand Melgar, metteur en scène du documentaire «La Forteresse», qui narre le destin de requérants regroupés au centre d'enregistrement de Vallorbe (VD) en attendant que la Confédération décide de leur sort. Un sort scellé depuis pour Fahad Khammas, «héros malgré lui» de ce film, qui devait être expulsé lundi dernier.

Ne connaissant pas assez bien le dossier, je ne me prononcerai pas sur les motifs ni sur la procédure d'expulsion de ce ressortissant irakien. Mais ce qui m'a profondément touché, c'est la générosité d'une personnalité comme Fernand Melgar, qui n'a pas hésité à monter au front pour défendre et peut-être sauver la peau de l'un des protagonistes de son long métrage. Une fidélité et une amitié qui ne se limitent pas à l'instant où le moteur de la caméra tourne, mais qui perdurent bien au-delà. Ce qui n'est pas toujours le cas dans le milieu du cinéma.

Le réalisateur lausannois s'est donc rendu dans le froid zurichois pour faire pression afin que Fahad Khammas soit (re)débarqué de l'avion sur sol helvétique au lieu d'être renvoyé vers la Suède. En effet, les autorités de la patrie d'Ingmar Bergman et d'Alfred Nobel auraient sans doute transféré l'ancien interprète vers Bagdad où il aurait risqué sa vie, menacé par les Islamistes, pour avoir collaboré avec les troupes américaines. A l'heure actuelle, le renvoi de Fahad Khammas est provisoirement suspendu, le temps d'examiner un recours reposant désormais entre les mains des juges.

A ce titre, je tenais à louer l'implication de Fernand Melgar, qui a toujours manifesté une empathie d'une rare qualité et une ouverture sur le monde sans égale. Son précédent film «Exit: le droit de mourir» évoquait déjà avec une sensibilité hors du commun la problématique de l'assistance au suicide pour les personnes en fin de vie.

Récompensé en 2006 lors des Prix du Cinéma suisse, il pourrait ce samedi à Lucerne repartir une nouvelle fois avec le Quartz du meilleur documentaire.

Mais quoi qu'il arrive, je lui décerne d'ores et déjà la palme de l'humanité!

Le renvoi façon Dublin, c'est pas du cinéma

Le renvoi façon Dublin, c'est pas du cinéma

Fahad Kammas derrière les grilles de «La Forteresse». Quelques mois après le tournage, il s'était vu opposer une décision de non-entrée en matière.
Fahad Kammas derrière les grilles de «La Forteresse». Quelques mois après le tournage, il s'était vu opposer une décision de non-entrée en matière. (cineman)

Le renvoi d'un Irakien qui avait joué son propre rôle dans le documentaire sur l'asile «La Forteresse» a finalement été suspendu. Médiatisé, son cas illustre le jeu de ping-pong auquel sont confrontés certains requérants depuis que Berne applique la procédure de Dublin.

Liant une trentaine d'Etats européens, l'accord de Dublin procède d'une volonté de maîtriser les flux migratoires. L'un de ses objectifs est ainsi d'éviter que des demandes d'asile soient déposées en parallèle dans plusieurs pays différents.

Depuis le 12 décembre dernier, la Suisse collabore à ce système de réadmission. Elle met donc en pratique la règle qui veut que les requérants d'asile soient renvoyés dans le premier pays où ils ont déposé leur requête.

Ce qui se traduit pour un certain nombre d'entre eux par des aller-retour pénibles, dont fait notamment l'expérience Fahad Kammas.

Traducteur-interprète pour les Américains à Bagdad, ce jeune homme de 24 ans a fui l'Irak au cours de l'été 2007, menacé selon ses dires par des miliciens islamistes.

Son périple l'a mené en Syrie, en Turquie, en Grèce, en Suède, en France, puis enfin en Suisse début 2008. C'est là, dans le centre d'enregistrement de Vallorbe où se tourne alors La Forteresse, que son destin est mis en images par Fernand Melgar.

Primé dans plusieurs festivals, dont celui de Locarno, ce documentaire a aussi eu beaucoup de succès dans les salles. A en croire son réalisateur, les quelques requérants qui en sont les protagonistes malgré eux n'ont pas tous connu un parcours administratif aussi difficile que celui de Fahad Kammas.

Action de sensibilisation

Aujourd'hui, le sort du jeune Irakien est toujours en suspens. Il aurait dû être expulsé le 2 mars dernier vers la Suède – qui a déjà refusé de lui accorder l'asile -, mais le Tribunal administratif fédéral (TAF) a finalement suspendu l'exécution de son renvoi.

Présents à l'aéroport de Kloten le 2 mars, Fernand Melgar et d'autres y ont mené une action de sensibilisation autour de Fahad Kammas. «Il a refusé de monter dans l'avion, la police l'a contraint. Des passagers se sont indignés et le commandant de bord a décidé de le faire descendre», raconte le réalisateur.

Suite à cet épisode, la section suisse d'Amnesty International a demandé à la Confédération de réexaminer son cas. En espérant qu'elle reviendra sur la décision de non-entrée en matière prononcée en juillet 2008.

A l'époque, le jeune Irakien avait déjà été embarqué dans un «vol spécial» pour la Suède - un traitement que subissent près de 200 requérants par année dans le cadre de renvois forcés. De là, il aurait été renvoyé en Irak s'il ne s'était pas soustrait aux autorités pour vivre dans la clandestinité. Du côté de ses défenseurs, on estime donc que la décision du TAF est une victoire, mais une victoire d'étape seulement.

Pour un système d'exceptions

«Il faut que ce succès puisse d'abord se concrétiser pour Monsieur Khammas, mais il faut aussi faire en sorte que ce succès individuel devienne un succès institutionnel et que dans le cadre de l'application de Dublin, on ménage une possibilité systématique d'échappatoire réservée aux cas particuliers tels que celui de Fahad Khammas», indique le parlementaire socialiste Carlo Sommaruga.

En décembre 2008, relayant l'inquiétude de l'Observatoire du droit d'asile et des étrangers, il a déposé une interpellation devant le Parlement. Il y demande au gouvernement d'envisager l'introduction «d'un système d'exception à la logique implacable du principe de renvoi au pays précédent.»

Et d'argumenter en dénonçant notamment le fait que «les pays examinent tous avec des lunettes différentes les conditions de recevabilité de l'asile.»

A ses yeux, l'exemple de militants du PKK auxquels l'Allemagne avait par le passé refusé l'asile que la Suisse avait accordé, montre qu'il existe des «dizaines voire des centaines» de cas par année pour lesquels un régime d'exception se justifierait. Un avis qu'est loin de partager le gouvernement.

Dans sa réponse à l'interpellation de Carlo Sommaruga, celui-ci mentionne que la Suisse peut mener elle-même la procédure lorsque l'Etat vers lequel doit être effectué le renvoi n'offre pas les garanties suffisantes. Entendez par là que ledit Etat n'est pas signataire de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Convention relative au statut des réfugiés.

Tendance au durcissement

«Cette réponse est en soi insatisfaisante. En réalité, ces garanties sont de type formel, elles existent dans tous les pays européens. Ce qu'il faut, c'est pouvoir accorder l'asile à une personne si elle en remplit les conditions selon le droit suisse, ceci quand bien même sa demande a été refusée dans un autre Etat», explique le parlementaire socialiste, qui promet de poursuivre le combat.

Reste qu'au niveau gouvernemental, la tendance est plutôt au durcissement en matière d'asile. Dans le catalogue de mesures mis en consultation à la mi-janvier, il est ainsi prévu d'introduire de nouvelles dispositions facilitant le renvoi des requérants dans le pays européen où ils sont arrivés avant de venir en Suisse.

A l'heure où le nombre d'immigrés arrivant d'Afrique et du Proche-Orient par mer ne cesse d'augmenter (+80% en 2008 selon le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU) et que des pays comme l'Italie voient exploser les cas de réadmission, les histoires aussi douloureuses que celle de Fahad Khammas risquent donc de se multiplier

Un nettoyeur du CHUV somalien sort un dictionnaire

Ce père de famille ne peut pas faire valoir en Suisse ses études en Somalie. Son dico réunit 10 000 mots pour aider ses compatriotes arrivant ici ou en France. Un article de Mathieu Signorell dans 24 Heures.

Abdulghani Gouré Farah ne peut pas enseigner le français en Suisse car sa formation n'est pas reconnue par les instances helvétiques (photo ODILE MEYLAN) Abdulghani Gouré Farah ne passe plus inaperçu dans les longs couloirs du CHUV. Avec ses lunettes rondes et son sourire, ce nettoyeur d’origine somalienne est devenu célèbre depuis que le magazine interne de l’hôpital lui a consacré une page spéciale.

Son destin hors du commun l’a mené à sortir un dictionnaire français-somali. Riche de 10 000 mots, ce dico passe du lammadegaan (désert) au kumbuyuutar (ordinateur). «Il y a aussi certains mots français qu’on ne peut pas traduire en somali, explique l’auteur. J’ai dû les expliquer par des phrases.»

Un dico d’aventurier

«L’aventure est là-dedans», s’exclame un membre du Service juridique du CHUV, grand admirateur de l’auteur et de son dictionnaire. «Je suis fière de vous», lâche une blouse blanche en sortant de l’ascenseur, rencontrant Abdulghani Gouré Farah pour la première fois.

Son ancienne vie, Abdulghani Gouré Farah la passe à Mogadiscio, capitale de la Somalie. Là-bas, il est professeur assistant de français à l’Université nationale, jusqu’à ce que les violences le contraignent à fuir le pays. «Je suis allé en bateau au Kenya, à Nairobi», se souvient-il. Et de là, direction Genève en avion.

Au début des années 2000, il demande à pouvoir enseigner le français en Suisse. Peine perdue: la Conférence des recteurs des universités suisses (CRUS) reconnaît son titre somalien, mais la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) estime que sa formation n’est pas équivalente à celle des professionnels suisses.

Destiné aux compatriotes d’Abdulghani Gouré arrivant en France ou en Suisse, son dictionnaire a pris le temps de mûrir depuis la fin des années 1980. En 1999 déjà, Abdulghani Gouré Farah éditait un premier dictionnaire, inverse, somali-français. Ce qui l’aidera pour obtenir un permis B.

«Aujourd’hui, dès 5 h du matin, je travaille au nettoyage des laboratoires de microbiologie. Ensuite, je suis dans les couloirs avec une laveuse jusqu’à 14 h.» Une partie de son salaire, il l’envoie à sa famille, restée en Afrique. «Là-bas, 240 fr. suffisent pour une famille de cinq personnes pendant un mois.»

Mais ce n’est en tout cas pas pour l’argent qu’il a écrit son dictionnaire: «Avant de gagner quelque chose, je dois en vendre 3000 exemplaires…»

MATHIEU SIGNORELL

Abdulghani Gouré Farah, Dictionnaire français-somali, L’Harmattan, en vente en librairie au prix de 70 fr. Le CHUV distribue cinq exemplaires aux institutions venant en aide aux personnes exilées.

L'accueil de contingents de réfugiés à l'étude

La Suisse pourrait renouer avec une vieille tradition en matière d’asile: l’accueil de contingents de réfugiés. Un groupe de travail rendra son rapport en juin. Un article de Cédric Waelti dans 24 Heures.

Hier, la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM) a plaidé pour cette solution. «Il y a actuellement seize millions de réfugiés vivant dans des camps à travers le monde. La Suisse, avec sa tradition humanitaire, se doit d’être solidaire», insiste le président de la CFM, Francis Matthey.

C’est l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui a sollicité l’aide de la Suisse afin d’accueillir des groupes de réfugiés. Des contingents de 200 à 300 personnes viendraient compléter les chiffres actuels. «Les requêtes individuelles continueraient d’être traitées», précise Yann Golay, porte-parole de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). «Ces contingents permettent de soulager des pays qui comptent déjà beaucoup de réfugiés sur leur territoire.»

Selon la CFM, ce sont «principalement les grandes villes» qui devraient héberger les nouveaux arrivants. «L’intégration est plus facile si les structures existent déjà», rappelle Francis Matthey. 20 à 30 millions par année seraient débloqués pour financer ces opérations humanitaires.

Les contingents ne nécessitent pas d’adaptation de la loi sur l’asile. Celle-ci autorise déjà l’arrivée de tels groupes. Jusqu’à la fin des années 90, et la vague de réfugiés provenant des Balkans, la Suisse avait l’habitude d’accueillir des blocs de plusieurs centaines de migrants.

Des échos positifs

Dans un contexte différent, un retour à cette tradition est-il envisageable? «Nous avons des échos assez positifs de l’administration», glisse Yann Golay. Au final, c’est la ministre Eveline Widmer-Schlumpf qui tranchera. Chez les parlementaires de gauche, on juge l’idée intéressante. Tout en restant vigilant. «Il ne faudrait pas que ces contingents se fassent au détriment des procédures individuelles», prévient le conseiller national Carlo Sommaruga (PS/GE). C’est précisément le calcul que faisait l’ancien ministre Christoph Blocher. Aujourd’hui, l’UDC ne veut plus louvoyer sur le sujet. «Ces contingents vont dans le mauvais sens», conclut André Reymond (UDC/GE).

Médecins du monde fait le point sur les problèmes de santé rencontrés par les migrants

Quelles sont les pathologies les plus courantes parmi les migrants ?

« Il y a pas mal de problèmes dermatologiques, des infections de la peau, de l'eczéma, des petits abcès. Il y a aussi des gastrites, liées au stress. On soigne beaucoup de problèmes traumatologiques et rhumatologiques, comme des entorses et parfois même des fractures. Avec l'hiver et l'arrivée du froid, les rhumes et les angines se sont multipliés.

Sur les trente personnes que nous soignons à chaque consultation, je dirais qu'il y a quatre ou cinq malades sérieux. Les autres viennent pour de la bobologie. Ils expriment un besoin fort d'être rassurés, d'être touchés.

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