lundi 7 mars 2011

Berne persiste à expulser à la dure ses requérants

La Suisse ligote de la tête aux pieds les requérants expulsés sur les vols spéciaux. Elle contrevient ainsi à de nouvelles directives européennes. Depuis la mort d'un Nigérian en 2010, l'Office des migrations (ODM) engage des médecins sur les vols. Mais ces médecins ne sont pas formés pour ce type d’interventions.

renvoi forcé technique

En Suisse, ces images sont connues: des requérants expulsés,le casqués, ligotés, attachés à des chaises à porteur, que l’on embarque dans des avions à destination de leur pays d’origine. Les retours forcés, pourtant, se pratiquent très différemment dans bon nombre de pays européens.

L’Allemagne, la Grande-Bretagne, les pays scandinaves ou encore l’Autriche ont renoncé à ligoter systématiquement les requérants renvoyés à bord de vols spéciaux. Les requérants de ces pays sont certes entourés de policiers, mais pour la plupart, ils se déplacent tout à fait librement.

"On attache environ 5% des personnes expulsées de force, et encore, uniquement avec des menottes que l’on enlève généralement une fois dans l’avion", relève Günter Ecker, observateur des droits de l’homme sur les vols autrichiens. "Les mesures de contrainte doivent être les plus légères possible, afin de limiter les risques pour la santé des personnes expulsées."

"Comme des saucissons"

C’est également ce que dit une directive européenne en vigueur depuis le début de l’année, et qui prône la proportionnalité. La Suisse, signataire des accords de Schengen/Dublin y est soumise. Mais Berne n’a encore rien changé dans sa pratique. Casque, attaches aux poignets, aux chevilles et fixation au siège de l’avion. Ces méthodes étonnent les observateurs européens, pour qui les pratiques helvétiques ne devraient pas être "une procédure standard".

D’autant que la méthode suisse est à hauts risques, selon le président de la Commission fédérale contre la torture, qui a lui-même accompagné des vols en qualité d’observateur. "Les mesures sécuritaires suisses ne sont pas adaptées au cas par cas", souligne Jean-Pierre Restellini. Dans le cas de vols de 12, 13, 15 heures, avec des personnes ligotées comme des saucissons, le risque d’une thrombose mortelle, par exemple, ne peut être écarté."

SOS Médecins à la rescousse

Depuis la mort, il y a un an, d’un Nigérian lors de son expulsion, l’Office fédéral des migrations (ODM) assure la présence d’un médecin lors des vols. Mais trouver des praticiens prêts à assumer cette responsabilité a été difficile. Ce sont finalement les urgentistes de SOS Médecins, à Genève, qui ont accepté d’accompagner une bonne partie de la cinquantaine de vols annuels, pour 1200 francs par jour. Le monde médical s’interroge toutefois sur les compétences de SOS Médecins en la matière.

"J’espère que cela permettra d’éviter une nouvelle catastrophe, mais je n’en suis pas sûr", prévient Jacques de Haller. Pour le président de la Fédération des médecins suisses (FMH), "les pressions des institutions, de la police et des autorités sont extrêmement fortes et il faut pouvoir y résister. Je pense que faire un accompagnement sans formation spécifique est malhonnête et ne correspond pas aux exigences de la profession."

Chez SOS Médecins, on n’a reçu ni formation spécifique, ni cahier des charges précis. Bien souvent, le médecin accompagnant ne reçoit même pas le dossier médical des personnes expulsées. "SOS Médecins est parfaitement armé, se défend Pierre Froidevaux. On connaît ces situations, on intervient régulièrement dans des postes de police, on connaît la situation légale et les situations de privation de liberté."

Berne en retard

Du côté des autorités, on se dit satisfait des prestations, et on ne compte pas changer de procédure en ce qui concerne l’immobilisation des requérants: "Les mesures et le dispositif que nous utilisons sont certifiés pour ne pas menacer la sécurité et l’intégrité physique, assure Eveline Gugger, vice-directrice de l’ODM. Et nous les utilisons aussi pour la sécurité de la personne expulsée, afin qu'elle ne mette pas en danger sa propre santé."

Par ailleurs, selon la directive européenne, dont la Suisse a eu connaissance voilà deux ans, l’ODM aurait dû nommer des observateurs attitrés, chargés de suivre les vols spéciaux et d’adresser des recommandations aux autorités, à partir du 1er janvier 2011. Mais Berne a pris du retard. Pour l'instant, la commission nationale de prévention de la torture pallie ce manque, mais attend elle aussi de pied ferme la nomination d’observateurs attitrés.

Mais, côté européen, on parle d’harmoniser les procédures de renvoi. Et si un consensus est trouvé, la Suisse n’aura pas d’autre choix que de s’y plier.

Ron Hochuli pour la RSR


renvoi forcé coût

RSR


Extrait du journal télévisé de la TSR du 6 mars 2011

Le foyer pour requérants suscite l’ire d’un notable

Ancien président de la commune, Albert Arlettaz critique l’hébergement de demandeurs d’asile au domaine des Barges. Il s’explique.

vouvry albert arlettaz

L’intervention de l’UDC était prévisible; par voie de pétition, la section du Haut-Lac demande au Conseil d’Etat valaisan de renoncer à loger des requérants d’asile à Vouvry (24 heures du 2 mars) . Voir l’un des notables les plus respectés du village monter au créneau, en revanche, a de quoi surprendre. Mais Albert Arlettaz assume sa prise de position, publiée ces derniers jours dans les pages de courriers des lecteurs du Nouvelliste et de 24 heures . Selon lui, affecter une partie du domaine agricole des Barges à l’hébergement de candidats réfugiés est une hérésie pure et simple.

Aujourd’hui à la retraite, Albert Arlettaz était président de Vouvry lorsque l’Etat du Valais a décidé d’acquérir ces 165 hectares, situés au beau milieu de la plaine du Rhône. C’était en 1998. Novartis, le géant agrochimique héritier de Ciba-Geigy, cherchait à se séparer du vaste domaine qu’il exploitait depuis la Seconde Guerre mondiale. Le canton a déboursé 13,2 millions de francs pour rafler la mise. Novartis, puis Syngenta, sont alors devenus locataires de 57 hectares. Le reste a été dévolu aux grandes cultures et à la formation des agriculteurs.

domaine des barges vouvry

Potentiel économique

Selon Albert Arlettaz, l’accueil de requérants d’asile viole le droit foncier rural, qui stipule qu’aucun immeuble ne peut être soustrait à une entreprise agricole. Faux, répliquent les autorités valaisannes. Car la loi prévoit une exception «lorsqu’une tâche d’intérêt public doit être remplie». Et l’occupation de candidats réfugiés en est une, insiste le canton. Tout en soulignant qu’aucun changement d’affectation ne sera nécessaire, puisque le centre occupera uniquement des bâtiments existants, et déjà voués à de l’hébergement.

Second argument de l’ancien président de Vouvry: la décision du Conseil d’Etat bafoue la vision stratégique qui a motivé le rachat des Barges. Alors député radical, il siégeait au sein de la Commission des finances du Grand Conseil, qui s’était démenée pour convaincre les élus. «Une telle surface, aussi bien située, c’était une opportunité unique. Si le parlement a voté oui à l’unanimité, c’est en raison du potentiel de développement économique du domaine. Nous imaginions que la création d’un pôle industriel ou technologique serait possible quelques décennies plus tard. Aujourd’hui, en y logeant des requérants, on perd de vue cet objectif visionnaire.»

Le gouvernement, pour sa part, estime que le potentiel économique des Barges reste intact. Pour l’heure, la vocation agricole des lieux n’est en rien modifiée. Les vingt à trente candidats réfugiés qui y seront logés effectueront divers travaux: agriculture, horticulture, élevage de petit bétail, etc. Par ailleurs, le domaine restera ouvert aux élèves de l’Ecole cantonale d’agriculture.

Albert Arlettaz aurait-il une dent contre les demandeurs d’asile? «Pas du tout.» Il est loin de cautionner la pétition de l’UDC, qui brandit le spectre de l’insécurité et du trafic de drogue. «A Vouvry, nous avons toujours eu une tradition d’asile, souligne celui qui fut à la tête de l’exécutif durant près de vingt ans. Notre politique progressiste en matière sociale a attiré de fortes communautés étrangères. Personnellement, je n’ai rien contre le fait d’accueillir des requérants dans la commune. Mais pas aux Barges. Pas au mépris des décisions politiques passées.»

Patrick Monay dans 24 Heures

Un café internet au centre EVAM de Leysin

evam leysin internet

24 Heures

L'armée patientera avant d'aller sur la frontière

Ueli Maurer estime qu’il n’y a pas de raison, actuellement, d’envoyer des troupes au sud du pays pour contrer un afflux de réfugiés

Le ministre de la Défense Ueli Maurer ne voit pas de nécessité d’envoyer l’armée suisse à la frontière sud pour le moment. Le conseiller fédéral UDC contredit ainsi son parti dans un entretien publié par le SonntagsBlick hier.

Le Conseil fédéral discutera de la question d’une possible intervention de l’armée la semaine prochaine. Mais pour l’heure, on n’en prend pas le chemin, selon Ueli Maurer. C’est qu’il n’y a tout simplement pas plus de réfugiés que d’ordinaire. Cependant, si la volonté politique existait, l’envoi de soldats pour surveiller les frontières est envisageable, affirme Ueli Maurer.

L’armée aide aujourd’hui déjà les gardes-frontière. «Nous faisons voler des drones et des hélicoptères munis de caméras infrarouges», indique le chef de la Défense. Il estime «que de telles actions peuvent être renforcées». Il faudrait cependant pour cela que davantage de personnes soient mises à disposition pour ce genre de mission. Leur nombre se monte à l’heure actuelle à quelques centaines. Si le Conseil fédéral se décide pour un tel service, certains soldats devront effectuer deux cours de répétition par an.

Contrairement à ce qui s’est passé dans les années 1990 lors de l’arrivée de la vague de réfugiés d’ex-Yougoslavie, l’armée ne peut plus offrir de places d’hébergement, selon Ueli Maurer. Entre-temps, l’armée a vu son budget et ses effectifs diminuer de moitié. «Nous ne sommes plus préparés à ce genre de situation», ajoute le ministre de la Défense. Pour Ueli Maurer, la Suisse doit accueillir le moins possible de réfugiés économiques. Même si l’on accueillait 10 000 à 20 000 réfugiés, cela ne résoudrait pas les problèmes de l’Afrique.

ATS relayée par 24 Heures

Le camp de réfugiés de Ras Jédir, à la frontière tuniso-libyenne, continue de s'agrandir

Le camp de toile de Ras Jédir à la frontière tuniso-libyenne s'agrandit de jour en jour pour faire face à un possible nouvel afflux de travailleurs étrangers en provenance de Libye, même si le flot des réfugiés s'est tari au cours du week-end.

Situé en Tunisie, à sept kilomètres de la frontière libyenne, le camp de transit, géré par l'armée tunisienne, est loin d'être saturé: conçu pour accueillir 20.000 personnes, il en héberge actuellement 15.000. Mais le site poursuit sa croissance, comme en témoigne la construction d'un nouvel entrepôt de stockage. Les responsables de l'aide humanitaire expliquent qu'ils doivent être prêts à faire face à tout nouvel afflux de civils.

Plus de 213.000 travailleurs migrants ont fui la Libye depuis le début de la révolte contre le régime de Moammar Kadhafi, d'après l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Au total, 110.000 se sont réfugiés en Tunisie, 90.000 en Egypte et 3.000 au Niger.

La plupart de ceux qui ont gagné la Tunisie ont déjà été rapatriés dans leur pays, notamment de nombreux Egyptiens. Les 15.000 occupants actuels du camp de Ras Jédir sont originaires d'une vingtaine de pays, mais la grande majorité (12.000) sont des Bangladais en attente de leur évacuation.

Leur gouvernement a demandé l'aide de la communauté internationale pour leur rapatriement, qui devrait commencer mardi à raison de quatre vols par jour vers Dacca, selon Nick Vandervyver de l'OIM.

En attendant, les bénévoles du camp tentent de répondre aux besoins des réfugiés. Si nombre de ces volontaires sont tunisiens, ils comptent parmi eux au moins un Américain: David Lennhouts, qui vit en Tunisie depuis sept mois, est chargé de transporter de la nourriture jusqu'à la zone de restauration. D'autres font la plonge ou distribuent des assiettes en plastique aux réfugiés, qui font la queue pour recevoir leurs repas.

"Je suis heureux de travailler avec les gens ici", dit M. Lennhouts. "Je leur dis que nous sommes tous les mêmes, nous avons tous les mêmes besoins et nous devons nous occuper les uns des autres."

Le camp a de plus en plus des allures de village avec sa grand-place et son hôpital de campagne. Les organisations humanitaires ont planté des tentes arborant leurs emblèmes, et trois entrepôts, en fait d'immenses tentes, ont été installés.

Des alignements de centaines de tentes blanches forment la zone d'habitation, où se sont constitués des "quartiers", comme celui de ces familles somaliennes qui avaient obtenu l'asile en Libye et se retrouvent à nouveau déplacées. Au total, une trentaine de familles vivent dans le camp et reçoivent l'aide de psychologues bénévoles tunisiens.

Environ 1,5 million de travailleurs étrangers sont encore en Libye, mais on ignore combien pourraient encore fuir. Des réfugiés en Tunisie racontent que certains de leurs amis avaient peur d'entreprendre le dangereux voyage vers les pays voisins ou n'en avaient pas les moyens financiers.

M. Vandervyver estime que malgré la chute des arrivées de réfugiés ce week-end, il est trop tôt pour parler d'une stabilisation de la situation à la frontière tuniso-libyenne. "La situation est tellement (...) volatile que tout peut arriver", prévient-il. "Nous devons nous assurer", ajoute-t-il, que tout le monde reste mobilisé "pour pouvoir répondre" à tout nouvel afflux de réfugiés.

AP et le Nouvel Observateur