vendredi 12 février 2010

Les autorités trop pressées à renvoyer les requérants :: Le Courrier :: Quotidien suisse indépendant

Deux requérants d'asile ont été expulsés, alors même que le TAF exige un délai entre la notification et l'application du renvoi.Un article signé Jean-Marie Banderet dans le Courrier
Quand l'Office des migrations (ODM) et le Tribunal administratif fédéral (TAF) n'arrivent pas à s'entendre, ce sont les requérants d'asile qui en font les frais. C'est aux alentours de six heures hier matin que les policiers de la Brigade des enquêtes administratives ont interpellé quatre requérants dans le foyer de l'Hospice général à Anières. Emmenés au poste de police au boulevard Carl-Vogt, ils se sont vu notifier leur renvoi immédiat au nom des accords de Dublin. L'application de ces accords permet en effet d'expulser les requérants dans le pays de l'espace Schengen où ils ont déposé pour la première fois une demande d'asile. Deux d'entre eux se sont donc envolés pour l'Italie, peu avant midi. L'association Elisa est parvenue à intervenir en faveur des deux autres qui ont été relâchés dans la journée.

Les acteurs se renvoient la balle

Seulement voilà, le TAF a publié la veille un arrêt de principe avec effet suspensif, déclarant illicite ce genre de renvois expéditif. Bien que n'étant pas opposé à toute expulsion, le tribunal s'indigne du délai laissé aux requérants entre la notification de leur renvoi et son application. Il est selon lui trop court pour leur laisser le temps de faire opposition. Une pratique contraire à la fois aux garanties judiciaires ancrées dans la Constitution suisse, à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.
L'arrêt du TAF se serait-il perdu dans les méandres de la hiérarchie? La police déclare par la voix de son porte-parole, Jean-Philippe Brandt, ne pas avoir connaissance des nouvelles dispositions. «Le mandat de procéder à des 'renvois-Dublin' est délivré par l'Office cantonal de la population (OCP)», explique-t-il.
Le chaînon manquant dans la transmission des nouvelles directives ne serait pourtant pas à chercher du côté de l'OCP, à en croire Bernard Ducret, adjoint à la direction. «Il y a effectivement eu quatre interpellations, sur l'ordre de l'ODM», reconnaît-il. Et de s'avouer surpris de ne pas avoir reçu «officiellement» de communiqué en provenance de Berne. Car il aurait ces derniers jours «plusieurs fois contacté l'ODM de façon formelle pour savoir quoi faire. La réponse était: 'On ne change rien'.»
L'ODM aurait-il délibérément fait la sourde oreille aux injonctions du TAF? Interrogé sur ce sujet, l'office fédéral n'a pas trouvé le temps de répondre à nos questions.


Procédures suspendues

D'entente avec la police, l'OCP a décidé de suspendre les procédures de notification en réponse à la décision du TAF. «Nous avons décidé de stopper toute démarche auprès des quelques soixante cas en attente, d'ici à ce que nous ayons reçu de nouvelles instructions de l'ODM», déclare Bernard Ducret. Il se dit soulagé par ce répit et se réjouit de la fin d'une procédure qui «mettait régulièrement l'office cantonal en conflit avec les oeuvres de défense des requérants d'asile». Michel Ottet, permanent de l'association Elisa, se dit pour sa part «inquiet face à des mesures expéditives qui sont devenues la norme». Offrant jusqu'à présent une permanence, il déclare qu'Elisa va dorénavant chercher plus activement à se renseigner sur les requérants d'asile en passe d'être expulsés, pour pouvoir réagir plus efficacement à leur renvoi.

Rassemblement aux flambeaux contre l'expulsion de pères de famille

Un rassemblement aux flambeaux contre l'expulsion de pères de famille. C'est le mode de protestation choisi ce vendredi, à Strasbourg, par les militants du Réseau éducation sans frontières (RESF), qui dénoncent l'arrestation et le placement en rétention, au centre de Geispolsheim, d'un Tchétchène et d'un Turc sympathisant du mouvement kurde PKK.

Le premier est arrivé en France avec sa femme et ses deux enfants, dont l'un gravement handicapé, dans l'espoir d'obtenir l'asile. Son nom "figure sur la liste publiée par Chechenpress des citoyens condamnés par les services secrets russes à des exécutions sommaires", affirme RESF. Arrêté et placé en rétention, il risque d'être renvoyé en Pologne, son pays d'entrée dans l'UE, laissant derrière lui son épouse et ses deux enfants.
Le second est arrivé en France en 2004 avec son épouse. Il est père de trois enfants dont l'un est né en France. Déboutés du droit d'asile, les parents "se sont alors tournés vers la Préfecture du Bas-Rhin pour demander un titre de séjour dans le cadre de la circulaire dite « Sarkozy » mais la préfecture a rejeté leur demande malgré les efforts d’intégration faits par tous les membres de la famille", précise RESF. Sous le coup d'une obligation de quitter le territoire confirmée par la justice administrative, le père de famille a été arrêté lors d'un contrôle d'identité, le 5 février, et placé en rétention. Il y a fait une tentative de suicide, mais ces jours ne seraient pas en danger.

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