samedi 14 août 2010

L’atelier des Bricolos intègre les enfants migrants à Genève

Cet été, cela fera dix ans que cet atelier accueille les enfants de tous horizons pour leur apprendre la richesse de la différence, à travers le jeu et la création.
Qui n'a jamais rêvé de fabriquer un aspirateur à insectes ou d'écouter parler les arbres? C'est chose possible à l'Atelier des bricolos, où les enfants concrétisent autant de projets farfelus qu'ils se réinventent une famille. Ils sont une vingtaine à rigoler, scotcher, courir, planter, et... nourrir Christophe et Laurent, les deux lapins de la maison. Petite particularité: ici, les rois de la bricole sont autant migrants que genevois. Ce petit monde est orchestré par Yoann Shaller et Robin Jossen, épaulés par leur petite troupe de «bricoliens», animateurs ou stagi-aires, friands d'expériences un peu différentes.
Un garage merveilleux
Et pour cause, la structure de jour rattachée à l'association Païdos (lire ci-contre) mélange bambins de tous horizons socio-économiques. Objectif: améliorer l'intégration des enfants migrants ou marginalisés dans le tissu genevois.
Pour l'heure, c'est le goûter. Mehdi, 6 ans, se réjouit d'aller «choper les animaux» avec sa paille à insectes et une épuisette décorée par ses soins. Et Lucie de rétorquer: «Les Bricolos, c'est trop bien, parce que j'apprends des inventions. A l'école, je sais déjà tout faire.» Et puis, entre un carré de chocolat et du sirop «rouge», c'est le jeu du roi du silence. Ouf, deux minutes de répit.
Aux Bricolos, chacun ramène son verre, et c'est tournus vaisselle. Bientôt les parents vont arriver, vite, place aux dernières activités. Foot ou lapins? Ces derniers sont derrière, à côté du potager, un peu brouillon. L'atelier, lui, ressemble à un garage merveilleux. Les caisses y regorgent de matériel divers. Traversant l'espace, des guirlandes exposent des années de créations maison. Au fond, un joli bout de cuisine bidouillée.
Tout au long de l'année, Robin Jossen et Yoann Shaller vont chercher eux-mêmes les enfants de trois foyers de migrants1, en partenariat avec le Service de l'aide aux requérants d'asile de l'Hospice général. Mais pas seulement, puisque viennent aussi bricoler des enfants en situation de précarité sociale, dont s'occupent les Centres d'action sociale du canton. Et tous les autres, des Pâquis à Cologny. Résultat: un brouhaha multicolore dans la cour.
«L'idée est de leur apprendre que la différence est une richesse, en mélangeant tous les niveaux sociaux ainsi que les cultures», déclare Yoann Shaller. Du coup, tous les mercredis de l'année, certains samedis et pendant les vacances scolaires, l'atelier accueille les petits de 5 à 12 ans, et payent ceux qui peuvent. Pour les autres, c'est l'Hospice qui s'en charge.
Si chacun est encouragé à s'exprimer librement, pas question de faire n'importe quoi pour autant. «Pendant les vacances, nous organisons des camps à thème, cette semaine c'est spécial nature. On suit un programme d'activités, élaboré à l'avance avec les 'bricoliens'», raconte M. Schaller. Le but est de susciter chez eux la créativité et de les sensibiliser aux valeurs du «vivre ensemble». «Pendant l'année, poursuit-il, nous participons à des évènements comme la prochaine journée des droits de l'enfant, la Semaine contre le racisme et dernièrement la Nuit de la science.» Enfin, il y a les sorties culturelles du samedi, réservées aux enfants en difficulté.
Ainsi, les bricoleurs en herbe fabriquent banderoles, petits films ou puzzle géant, et récemment une exposition interactive qu'ils ont montrée à leurs camarades du Groupement intercommunal pour l'animation parascolaire.
Réel suivi des enfants
Un des objectifs de l'Atelier est aussi de dépister les difficultés chez certains enfants et de les orienter vers les structures adaptées, tâche dont s'occupe Robin Jossen. Il fait le lien avec les familles migrantes et organise un suivi.
Les deux responsables reconnaissent avoir parfois quelques difficultés à en faire venir certains des centres de requérants: «C'est un public instable. Certains matins, on arrive et personne n'est levé. La responsabilisation des parents est aussi importante. D'ailleurs à la fin de chaque semaine, il y a un moment de partage. Un spectacle ou une petite exposition.» De plus, pendant l'accueil annuel, toutes les familles, migrantes et genevoises, sont également invitées à la fête de Noël.
«Ce qui est touchant, confie Sylvia Serafin, c'est quand les enfants commencent à se confier, à dévoiler des soucis très personnels. Il y a un lien de confiance très fort ici.» En tant que fondatrice des Bricolos et vice-présidente de Païdos, elle dit avec émotion combien cette structure compte. Pour les petits, et les grands.

Pauline Cancela dans le Courrier


Note : www.paidos.org
1 Centre de Saconnex, Contrat-social 12 et Centre de Simonet.

Un avocat défend Nijiati Abudureyimu

L’ex-policier chinois fait recours contre son renvoi de Suisse. Nijiati Abudureyimu bénéficie depuis le début du mois des services de l’avocat genevois Philippe Currat, spécialiste des droits de l’homme et de droit international public.

L’homme de loi, qui se refuse à tout commentaire, a contacté l’Office fédéral des migrations (ODM) et contesté la décision du Tribunal administratif fédéral, qui avait rejeté en juin dernier le recours de son client contre la décision de non-entrée en matière de l’ODM concernant sa demande d’asile.

L’ex-policier chinois qui dénonce un trafic d’organes à grande échelle prélevés sur les condamnés à mort dans sa province d’origine, le Xinjiang (nord-ouest du pays, lire LT du 28 juillet), avait évité in extremis un renvoi de Suisse suite à son refus de se rendre en Italie. L’ODM compte solliciter Rome pour discuter d’un nouveau délai de transfert selon les accords de Dublin qui régissent la gestion des réfugiés dans l’espace Shengen.

«Déportation en chaîne»

Berne estime que Nijiati Abudureyimu doit retourner en Italie, son premier port d’entrée en Europe. L’homme, qui se dit menacé par des espions chinois, a pourtant déposé sa première demande d’asile en Norvège. Il risque ainsi d’être expédié d’un pays à l’autre dans une logique de «déportation en chaîne», selon les termes du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui dénonce ce travers du système Dublin. Le sort du requérant dépendra en définitive de la volonté politique -ou non- de le protéger.

«Je sais que je dois déranger, que les relations avec la Chine sont importantes, explique Nijiati Abudureyimu de retour dans un centre d’accueil de réfugiés du canton de Neuchâtel. Mais si on me fait taire, il y aura encore plus de morts demain à cause de ce trafic. Le jour où le parti communiste disparaîtra, il ne faudrait pas que l’on découvre que la Suisse à aider la Chine.» L’ancien policier d’Urumqi -qui menait les condamnés à mort aux champs d’exécution- estime que le secrétaire du parti communiste du Xinjiang durant ces seize dernières années, Wang Lequan (qui vient d’être muté à Pékin), devrait être jugé pour crimes contre l’humanité.

Frédéric Koller dans le Temps

En marge de cet article, lire également Appel à clarifier les prélèvements d’organes sur des prisonniers en Chine, article et édito de Frédéric Koller toujours dans le Temps