dimanche 16 décembre 2007

Une bonne nouvelle pour l'image de la Suisse à l'étranger

Lire ce passionnant interview de Roger de Weck sur Swissinfo

Les changements survenus cette semaine dans la politique suisse seront salutaires pour l'image du pays et pour ses relations avec l'Union européenne, affirme Roger de Weck.

Editorialiste pour plusieurs journaux suisses, français et allemands, il estime que le Parlement a saisi l'occasion de corriger l'image d'une Suisse populiste inquiétante aux yeux des médias étrangers.

«Séisme», «tempête», «tremblement de terre». Les termes utilisés par la presse européenne pour qualifier la non-réélection mercredi du ministre démocrate du centre (UDC, droite nationaliste) Christoph Blocher à son poste trahissaient l'ampleur de la surprise à l'étranger également.

Lire une revue de presse de ces réactions

Mais pour Roger de Weck, les commentateurs se trompent lorsqu'ils prédisent la fin du système politique suisse et de son modèle de consensus.

...swissinfo: Plusieurs médias européens mais aussi américains se sont inquiétés du contexte politique et du ton de la campagne électorale. L'éviction de Christoph Blocher améliorera-t-elle l'image de la Suisse à l'étranger?

R.d.W.: La non-réélection du ministre UDC est une très bonne nouvelle pour la Suisse, et également pour son image à l'étranger car la Suisse a laissé aller les populistes très très loin. Beaucoup plus loin que dans d'autres pays.

A la faveur de ce que le Parlement vient de décider, je pense que cette image se corrigera. On réalisera que la Suisse est capable de remettre les pendules à l'heure. Cela sera perçu positivement à l'étranger.


Roger de Weck

Roger de Weck (Keystone)

...

swissinfo: En Europe, le populisme semble plutôt s'affaiblir politiquement. Cette tendance se fait-elle aussi sentir en Suisse?

R.d.W: Le populisme a certainement dépassé son zénith en Suisse aussi. Bien sûr on parlera encore longtemps et beaucoup de Blocher, mais il ne sera plus le pivot de la politique suisse. Je pense que nous aurons désormais affaire à un 'demi-Blocher' – comme les partisans de la ligne dure de l'UDC qualifiaient de façon totalement déplacée Samuel Schmid - dont le poids ira en diminuant.

Par rapport à l'Autriche et à Jörg Haider, la situation est tout à fait comparable, mais d'une manière complètement différente. Le populisme, qui était extrêmement puissant en Autriche, est aujourd'hui marginalisé. On est encore loin de cela en Suisse, mais un certain retour à la normale prévaudra dans les années à venir.

Les dossiers ou l'UDC peut faire mal

Le Matin offre sa une à Christoph Blocher afin qu'il puisse traiter la nouvelle élue du parlement de menteuse et de traîtresse et formule son sondage d'une manière originale "Regrettez vous la défaite de Christoph Blocher".

Ludovic Rocchi de son côté énumère les dossiers sur lesquels l'UDC va durcir le ton:

Moutons noirs étrangers, minarets, libre circulation avec l'Union européenne et pression médiatique: voilà les cibles privilégiées pour venger Christoph Blocher. But: faire un maximum de dégâts à défaut de tout gagner devant le peuple

Ludovic Rocchi - 15/12/2007
Le Matin Dimanche

Une fois n'est pas coutume, l'UDC part en guerre sans plan très précis. Pris de court par l'éviction du Conseil fédéral de son leader Christoph Blocher, le premier parti de Suisse crie sur tous les toits qu'il va mettre ses menaces à exécution et livrer une opposition sans merci à la politique gouvernementale. Le président Ueli Maurer parle d'une vingtaine d'idées d'initiatives et de référendum, Christoph Blocher promet de tout déballer contre les institutions et l'administration. Dans la cohue d'une contre-attaque encore balbutiante, «Le Matin Dimanche» a repéré les quatre cibles les plus évidentes que l'UDC peut viser.

Les minarets

Le père spirituel de l'initiative anti-minarets, l'UDC zurichois non réélu, Ulrich Schlüer n'est plus au Parlement, mais son projet est toujours sur les rails. Soutenu par un comité composé de démocrates du centre, de démocrates suisses et d'évangéliques, le texte vise à interdire la construction de ces «symboles religieux» en Suisse.

L'UDC n'a pas encore pris officiellement position sur le sujet. Les délégués devraient se prononcer dans le courant de l'année prochaine. L'initiative n'était pas une priorité pour le parti jusqu'ici, mais pourrait le devenir car les chances de succès devant le peuple sont loin d'être minces et une bonne partie du travail est déjà sous toit. Près de 75 000 signatures auraient déjà été récoltées, et il n'en reste plus que 25 000 à aller pêcher d'ici à la fin novembre 2008.

En bons parias du groupe UDC, la nouvelle conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf et Samuel Schmid ont tous d'eux d'ores et déjà annoncé qu'ils ne soutiendraient pas ce texte de loi.

Libre circulation

Le terrain d'attaque le plus explosif pour Christoph Blocher, c'est bien sûr les relations de la Suisse avec l'Union européenne. Evincé du Conseil fédéral, il n'a plus aucune raison de retenir un tant soit peu ses troupes dans le saccage des accords bilatéraux péniblement négociés et votés par la Suisse jusqu'ici.

Les milieux économiques vont bien sûr exercer une terrible pression pour que Blocher ne bloque pas tout. Mais comment imaginer que le tribun UDC ne sera pas tenté de se mettre en travers de la route de Micheline Calmy-Rey et de tout le reste de la classe politique en contestant l'élargissement de la libre circulation des personnes avec la Bulgarie et la Roumanie.

La polémique sur les Roms s'étend en Europe et elle n'épargne pas la Suisse. Blocher le sait et il tient prête l'arme du référendum qui pourrait être lancé en 2008 déjà. Puis viendra l'heure de revoter ou non sur l'ensemble des accords de libre circulation passés avec l'UE en 2009. Etc., etc.

Les étrangers

On n'a pas fini d'entendre parler des moutons noirs de l'affiche de l'UDC. Lancée en pleine campagne électorale, l'initiative «pour le renvoi des criminels étrangers» connaît un succès éclair. Grâce aux envois tous-ménages, 210 000 signatures auraient déjà été récoltées, soit deux fois plus que nécessaire. L'UDC va pouvoir capitaliser ce succès, en attendant que le Parlement décide si elle est recevable ou non, puisque certains contestent sa constitutionnalité. Une votation populaire pourrait avoir lieu dans deux à trois ans. Autre fonds de commerce de l'UDC qui va refaire surface: les naturalisations par le peuple. Une initiative du parti de Blocher a déjà abouti et le peuple sera amené à se prononcer le 1er juin 2008.

Sur ces thèmes, il sera intéressant de voir comment la nouvelle conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf se positionne. Elle songerait d'ores et déjà à opposer un contre-projet à l'initiative des moutons. Quant aux naturalisations, on sait qu'une majorité du Conseil fédéral est opposée à s'en remettre aux assemblées communales sans voie de recours pour les étrangers refusés.

Enfin, l'UDC va reprendre de plus belle ses campagnes contre les étrangers qui abusent de l'AI ou de l'aide sociale, sans toute la problématique de la violence des jeunes...