samedi 12 juin 2010
jeudi 11 mars 2010
Le “gentil organisateur” du centre de Vallorbe aurait exercé du mobbing
Le chef de l'assistance, Pierre-Alain Lunardi, a été licencié suite à une lettre corsée du personnel. Il est aussi visé par une plainte pénale de son ancien adjoint. Un article de Mickaël Rodriguez dans le Courrier.
Des accusations de mobbing ont poussé vers la porte Pierre-Alain Lunardi, l'ancien chef de l'assistance au Centre d'enregistrement de requérants d'asile à Vallorbe. L'homme qui endossait le rôle du chef à visage humain dans «La Forteresse», le documentaire de Fernand Melgar, aurait fait régner un climat de terreur afin d'asseoir son pouvoir. Un de ses anciens adjoints, Khalid Aqezdaou, a déposé une plainte pénale contre lui.
Une lettre accablante
En décembre dernier, huit employés ont écrit à la direction d'ORS, l'entreprise qui gère le centre, pour se plaindre de l'attitude de leur chef. Cette lettre, dont le quotidien «24 heures» a publié récemment des extraits, fait état de mobbing et de propos à caractère raciste. «Cela a été un point parmi beaucoup d'autres» dans la décision de licencier Pierre-Alain Lunardi, confirme le directeur d'ORS, Eric Jaun. «Nous avons eu un entretien avec M. Lunardi au mois de janvier et nous avons décidé de le libérer tout de suite de son travail», précise-t-il.
Dans nos colonnes, l'ancien chef affirmait qu'il avait été poussé à la démission pour avoir pris la défense d'un de ses adjoints, licencié au mois d'octobre (notre édition du 11 février). Il critiquait aussi le manque de moyens à disposition du centre et les bas salaires des employés d'ORS.
Certains employés font un récit radicalement différent. Après ses premiers mois à Vallorbe, durant lesquels il se serait montré très présent et prévenant, Pierre-Alain Lunardi se serait rapidement comporté comme un chef intouchable. «Beaucoup ont été surpris, voire fâchés, de voir la place que M. Lunardi prenait dans «La Forteresse», alors qu'en dehors de la période du tournage, on ne le voyait que rarement dans le centre», relate un ancien membre de l'équipe du centre sous couvert de l'anonymat.
«Un tournus effarant»
«Il y avait un tournus effarant au sein du personnel, poursuit notre interlocuteur. La plupart des personnes qui étaient là depuis longtemps sont parties, et celles qui étaient nouvellement engagées restaient peu de temps. Certaines employées étaient privilégiées, d'autres au contraire harcelées, voire même renvoyées pour un mot de travers.»
Car la stratégie de l'ancien chef consistait apparemment à diviser pour mieux régner. «Quand un employé le dérangeait, M. Lunardi montait parfois de toutes pièces une chasse aux sorcières pour le renvoyer, relate Illan Acher, un ancien stagiaire bénévole. Il s'arrangeait pour faire témoigner contre cette personne d'autres employés en les menaçant de licenciement s'ils refusaient.»
Selon une partie du personnel, une mésaventure similaire serait arrivée à Khalid Aqezdaou. Bien loin de prendre sa défense, Pierre-Alain Lunardi aurait été à l'origine de son licenciement. «Le plus probable est que M. Lunardi, voulant se débarrasser de son adjoint, ait fait en sorte d'obtenir son licenciement en le faisant accuser de harcèlement», relate notre source anonyme. Reste que le personnel est divisé. Une partie des employés soutient en effet Pierre-Alain Lunardi contre son adjoint.
La justice saisie
Le conflit qui a opposé les deux hommes se poursuivra devant la justice. Khalid Aqezdaou a déposé une plainte pénale visant plusieurs personnes, dont Pierre-Alain Lunardi. «Nous sommes au courant de cette plainte, mais c'est une affaire entre M. Lunardi et M. Aqezdaou», indique Eric Jaun. La direction d'ORS n'est pas en cause, affirme le directeur de la firme.
Le motif de la plainte serait-il la diffamation, voire la calomnie? La question reste pour l'heure sans réponse, Khalid Aqezdaou n'ayant pas donné suite à nos demandes d'entretien. Pierre-Alain Lunardi se refuse également à tout commentaire.
Quant aux propos à caractère raciste, nos interlocuteurs n'en ont pas été témoins. Illan Acher dit par ailleurs avoir été frappé par une déclaration de l'ancien chef: «Il a dit qu'il était contre la notion même d'asile, parce que c'était aux pays du tiers-monde d'œuvrer eux-mêmes à leur développement».
jeudi 5 novembre 2009
Fernand Melgar à l’Odéon
Le Théâtre de l’Odéon à Villeneuve plonge dans les entrailles du centre de requérants d’asile de Vallorbe, avec la projection du film La Forteresse. Celle-ci à lieu aujourd’hui à 20H. Le réalisateur Fernand Melgar sera présent et répondra aux questions du public.
mardi 3 novembre 2009
«La Forteresse» de Fernand Melgar en DVD
ATS | 02.11.2009 | 15:44
Une dizaines de scènes inédites figurent en bonus mais le documentaire ne s'accompagne d'aucun commentaire direct du cinéaste lausannois.
«Je trouve que les réalisateurs sont souvent trop bavards», a déclaré Fernand Melgard. «J'ai préféré accompagner le DVD d'un livret de 16 pages pour expliquer mes motivations et montrer des photos des repérages.»
«La Forteresse» montre le quotidien du centre de requérants d'asile de Vallorbe (VD). L'ouvrage a moissonné les récompenses depuis sa présentation en août 2008, raflant par exemple un Léopard d'or au Festival de Locarno et des prix en Allemagne, en Argentine ou même en Chine. Il a enregistré 45 000 entrées dans les cinémas helvétiques, principalement en suisse romande.
Fernand Melgar s'est déplacé pour le présenter dans une quinzaine de pays cette année. Il répondra aux questions du public lors de projections organisées ces jours à Monthey (VS), Villeneuve (VD) ou Delémont.
«Le film a touché toutes les couches de la population», raconte le cinéaste. «Il n'a pas seulement intéressé les seuls défenseurs des requérants d'asile et n'a que très rarement suscité des réactions négatives. J'ai constaté que les enfants découvrent par exemple que les requérants ne sont pas tous des trafiquants de drogue.»
L'un des protagonistes du film, l'Irakien Fahad Khammas a été expulsé de Suisse en avril. L'homme de 24 ans se trouve toujours en Suède, pays compétent pour traiter son dossier. Son sort a été largement médiatisé ce printemps en raison de sa participation au documentaire. Sur place, il a été accueilli par la section suédoise d'Amnesty International.
Prochain film
«Certains des requérants filmés ont obtenu l'asile, d'autres non. Quelques-uns bénéficident d'une admission provisoire», explique Fernand Melgar.
Le réalisateur travaille actuellement au scénario de son prochain long métrage intitulé «Loin derrière la montagne». L'action de cette fiction se déroulera à Lausanne. Le tournage est prévu «si tout va bien» l'année prochaine. Le film abordera la question des travailleurs clandestins en Suisse.
NOTE: Site: www.laforteresse.ch. Le DVD sort le 19 novembre en Suisse alémanique
vendredi 27 mars 2009
Fahad K. risque-t-i sa vie en Irak ?
Le requérant d’asile apparu dans un film de Fernand Melgar a évité jeudi de justesse son renvoi. Malaise sur son ex-employeur à Bagdad.
Fahad jure que sa vie est gravement en danger dans son pays. Des milices islamistes l’auraient déjà menacé, car il a travaillé «comme interprète» pour l’armée américaine en Irak. Pas assez crédible pour la Suède. Selon nos sources, Fahad a travaillé pour Titan Corp. Comme simple interprète? Cette société américaine a déjà été épinglée pour ses activités litigieuses dans des pays. Dont l’Irak, où elle fournissait des traducteurs et des «interrogateurs» à l’armée, notamment pour la prison d’Abou Ghraib, où la torture était pratiquée...
Un nouveau rebondissement est intervenu dans le dossier-feuilleton de Fahad. Les acteurs? Son assistante juridique, le réalisateur lausannois Fernand Melgar, Denise Graf, d’Amnesty International, ainsi que le conseiller personnel de la ministre Eveline Widmer-Schlumpf et sa porte-parole.
L’entourage de la conseillère fédérale avait accepté de recevoir les défenseurs du demandeur d’asile irakien jeudi après-midi. Mais ce rendez-vous n’avait pas été porté à la connaissance de la police zurichoise.
Appliquant une décision de l’Office fédéral des migrations (ODM), confirmée par le Tribunal fédéral, elle a conduit jeudi matin Fahad à l’aéroport pour le renvoyer par avion en Suède. Et ce conformément aux Accords de Dublin, «plébiscités par le peuple en votation», a rappelé mercredi le conseiller d’Etat vaudois Jean-Philippe Leuba: un requérant d’asile ne peut plus déposer plusieurs demandes dans divers pays européens. Il est alors renvoyé là où il a fait sa première requête. La Suède pour Fahad.
Mais la TSR a dévoilé jeudi que son vol a été suspendu au dernier moment. «Temporairement, précise Denise Graf. Les services de la conseillère fédérale ne souhaitaient pas qu’on expulse Fahad pendant un entretien accordé.»
Un simple sursis donc, car il a alors clairement été signifié aux défenseurs de Fahad que la décision d’expulser l’Irakien en Suède était irrévocable. Les autorités suisses considèrent que ce pays est garant d’une procédure équitable. La demande d’asile de Fahad y a déjà été refusée, mais il y a encore au moins deux possibilités de recours contre cette décision.
Eveline Widmer-Schlumpf repousse l’expulsion de Fahad K.
La ministre est intervenue alors que Fahad était déjà sur le tarmac de l’aéroport. Pour respecter des engagements pris envers le cinéaste et l’avocate du traducteur irakien
Coup de théâtre jeudi matin à l’aéroport de Zurich. Fahad K., protagoniste du documentaire La Forteresse de Fernand Melgar, a échappé une nouvelle fois à son expulsion. A la dernière minute et grâce à l’intervention en personne d’Eveline Widmer-Schlumpf, a révélé la TSR.
La TSR s’apprêtait à filmer la dernière rencontre entre le requérant d’asile irakien, son assistante juridique, Elise Shubs, et Fernand Melgar. Le cinéaste et l’avocate de vaient le rencontrer en prison à 10 heures. Or, alors que tous deux étaient encore dans le train, la police zurichoise les a appelés pour leur dire que le rendez-vous avait été annulé. Parce que Fahad avait déjà été transféré à l’aéroport pour être renvoyé en Suède via un vol spécial. «A peine arrivés à l’aéroport, nouveau rebondissement», raconte Fernand Melgar, qui se bat pour que le traducteur irakien ayant officié pour l’armée américaine ne soit pas renvoyé au final dans son pays. «Deux policiers nous ont dit que l’expulsion avait été suspendue sur décision d’Eveline Widmer-Schlumpf.»
Explications de Brigitte Hauser-Süess, porte-parole du Département fédéral de justice et police (DFJP): «Eveline Widmer-Schlumpf est intervenue car elle avait promis à Elise Shubs et Fernand Melgar une nouvelle rencontre avec un de ses collaborateurs et moi-même dans l’après-midi. Le DFJP n’a appris l’organisation du vol spécial que le matin même, raison pour laquelle l’expulsion a été stoppée au dernier moment.»
Respecter ses engagements
En d’autres termes: Eveline Widmer-Schlumpf a voulu respecter les engagements pris. Lundi, Elise Shubs et Fernand Melgar s’étaient déclarés «piégés» par l’Office fédéral des migrations (ODM). Car Fahad a été arrêté à Zurich alors qu’il était convoqué à l’Office cantonal des migrations pour s’y inscrire. Et son avocate n’a reçu la décision, négative, du Tribunal administratif fédéral (TAF), qui confirmait celle de l’ODM, qu’au moment où il se faisait arrêter. Mercredi, l’ODM a prononcé une interdiction de séjour en Suisse de trois ans contre Fahad. Et l’avocate affirme ne pas avoir été directement mise au courant de la décision. La ministre aurait donc voulu éviter de nouveaux «couacs». «La police zurichoise s’est montrée trop zélée; elle a voulu agir bien trop vite. La ministre a en fait voulu nous laisser voir Fahad une dernière fois correctement», commente pour sa part Fernand Melgar. Après ces émotions, le cinéaste, Elise Shubs et Denise Graf, d’Amnesty International, se sont entretenus durant une heure et demie avec deux collaborateurs du DFJP. «Nous leur avons notamment expliqué quelles étaient les possibilités que Fahad K. aurait en Suède», souligne Brigitte Hauser-Süess.
A l’heure qu’il est, difficile de savoir où se trouve Fahad. Dans les airs? Déjà en Suède? Encore à Zurich? Si elle n’a pas déjà été exécutée, son expulsion devrait être imminente. Le TAF a confirmé lundi une deuxième fois la décision de le renvoyer en Suède, où l’Irakien avait déposé une première demande d’asile. Et aucune nouvelle voie de recours n’est possible en Suisse.
mercredi 25 mars 2009
Pétition pour Fahad Khammas
Pour signer cette pétition, copier le texte ci-dessous dans votre messagerie électronique, compléter vos données et envoyez le à
lundi 16 mars 2009
La Suisse peut examiner la demande de Fahad K.»
MARTINE CLERC dans 24heures
Le renvoi en Suède de Fahad K., requérant irakien, a été suspendu de justesse par le Tribunal administratif fédéral (TAF) le 2 mars. Si la Suisse voulait l’expulser sans examiner sa demande d’asile, c’est en vertu de l’Accord de Dublin – qui empêche des demandes d’asile successives dans plusieurs pays d’Europe. Un entretien du réalisateur Fernand Melgar, réalisateur de La Forteresse, vendredi dernier avec Eveline Widmer-Schlumpf, n’a pas permis de débloquer la situation. La Suisse peut-elle légalement accorder l’asile à Fahad K.? Le point avec Francesco Maiani, professeur, expert en droit européen de l’asile à l’IDHEAP (Institut des hautes études en administration publique).
– La Confédération est-elle contrainte» de renvoyer Fahad K. en Suède en vertu de l’Accord de Dublin? Quelle est sa marge de manœuvre?
– L’Accord de Dublin ne comporte pas de telles contraintes. Selon la «clause de souveraineté» contenue dans son règlement, tout Etat est libre d’entrer en matière sur toute demande d’asile lui étant adressée, même si celle-ci a été déjà rejetée par un Etat de l’UE. Cette clause de souveraineté revêt une importance primordiale: elle permet à un Etat membre de l’Espace Dublin de «débrancher» le système et de ne pas commettre ce qui constituerait, selon sa propre interprétation des standards en matière d’asile, une grave violation du droit international. Les pays sont libres de recourir à cette clause. Mais la Suisse, dans sa loi sur l’asile, s’est fixé des règles d’application assez strictes.
– Existe-t-il des cas où le recours à cette clause de souveraineté est obligatoire?
– Tout à fait. Un Etat ne saurait effectuer un renvoi qui, bien que prévu par l’Accord de Dublin, serait contraire à la Convention de Genève sur le statut des réfugiés.
- Le Tribunal administratif fédéral a donc les bases juridiques pour accepter le recours de Fahad K. qui demande à la Confédération d’entrer en matière sur son dossier?
– Oui. L’entrée en matière serait un simple cas d’exercice de la clause de souveraineté. En droit suisse, le Tribunal administratif fédéral pourrait se fonder sur l’article 32 de la loi sur l’asile. Selon cette disposition, telle qu’interprétée par la jurisprudence, la décision négative d’un Etat de l’UE permet certes de présumer que la personne concernée n’est pas un réfugié, et donc de ne pas entrer en matière. Mais l’entrée en matière est obligatoire en cas d’indices de persécution suffisamment forts pour renverser cette présomption.
mardi 10 mars 2009
SAUVEUR DE TÊTE(S)
SAUVEUR DE TÊTE(S) dans le nouvelliste
PIERRE KELLER directeur ECAL, professeur EPFL
Aéroport de Kloten, 5 h 55. Alors qu'il fait encore nuit, un homme distribue des messages de sensibilisation aux passagers d'un vol pour Stockholm. Il s'agit de Fernand Melgar, metteur en scène du documentaire «La Forteresse», qui narre le destin de requérants regroupés au centre d'enregistrement de Vallorbe (VD) en attendant que la Confédération décide de leur sort. Un sort scellé depuis pour Fahad Khammas, «héros malgré lui» de ce film, qui devait être expulsé lundi dernier.
Ne connaissant pas assez bien le dossier, je ne me prononcerai pas sur les motifs ni sur la procédure d'expulsion de ce ressortissant irakien. Mais ce qui m'a profondément touché, c'est la générosité d'une personnalité comme Fernand Melgar, qui n'a pas hésité à monter au front pour défendre et peut-être sauver la peau de l'un des protagonistes de son long métrage. Une fidélité et une amitié qui ne se limitent pas à l'instant où le moteur de la caméra tourne, mais qui perdurent bien au-delà. Ce qui n'est pas toujours le cas dans le milieu du cinéma.
Le réalisateur lausannois s'est donc rendu dans le froid zurichois pour faire pression afin que Fahad Khammas soit (re)débarqué de l'avion sur sol helvétique au lieu d'être renvoyé vers la Suède. En effet, les autorités de la patrie d'Ingmar Bergman et d'Alfred Nobel auraient sans doute transféré l'ancien interprète vers Bagdad où il aurait risqué sa vie, menacé par les Islamistes, pour avoir collaboré avec les troupes américaines. A l'heure actuelle, le renvoi de Fahad Khammas est provisoirement suspendu, le temps d'examiner un recours reposant désormais entre les mains des juges.
A ce titre, je tenais à louer l'implication de Fernand Melgar, qui a toujours manifesté une empathie d'une rare qualité et une ouverture sur le monde sans égale. Son précédent film «Exit: le droit de mourir» évoquait déjà avec une sensibilité hors du commun la problématique de l'assistance au suicide pour les personnes en fin de vie.
Récompensé en 2006 lors des Prix du Cinéma suisse, il pourrait ce samedi à Lucerne repartir une nouvelle fois avec le Quartz du meilleur documentaire.
Mais quoi qu'il arrive, je lui décerne d'ores et déjà la palme de l'humanité!
Le renvoi façon Dublin, c'est pas du cinéma
Le renvoi façon Dublin, c'est pas du cinéma
Le renvoi d'un Irakien qui avait joué son propre rôle dans le documentaire sur l'asile «La Forteresse» a finalement été suspendu. Médiatisé, son cas illustre le jeu de ping-pong auquel sont confrontés certains requérants depuis que Berne applique la procédure de Dublin.
Liant une trentaine d'Etats européens, l'accord de Dublin procède d'une volonté de maîtriser les flux migratoires. L'un de ses objectifs est ainsi d'éviter que des demandes d'asile soient déposées en parallèle dans plusieurs pays différents.
Depuis le 12 décembre dernier, la Suisse collabore à ce système de réadmission. Elle met donc en pratique la règle qui veut que les requérants d'asile soient renvoyés dans le premier pays où ils ont déposé leur requête.
Ce qui se traduit pour un certain nombre d'entre eux par des aller-retour pénibles, dont fait notamment l'expérience Fahad Kammas.
Traducteur-interprète pour les Américains à Bagdad, ce jeune homme de 24 ans a fui l'Irak au cours de l'été 2007, menacé selon ses dires par des miliciens islamistes.
Son périple l'a mené en Syrie, en Turquie, en Grèce, en Suède, en France, puis enfin en Suisse début 2008. C'est là, dans le centre d'enregistrement de Vallorbe où se tourne alors La Forteresse, que son destin est mis en images par Fernand Melgar.
Primé dans plusieurs festivals, dont celui de Locarno, ce documentaire a aussi eu beaucoup de succès dans les salles. A en croire son réalisateur, les quelques requérants qui en sont les protagonistes malgré eux n'ont pas tous connu un parcours administratif aussi difficile que celui de Fahad Kammas.
Action de sensibilisation
Aujourd'hui, le sort du jeune Irakien est toujours en suspens. Il aurait dû être expulsé le 2 mars dernier vers la Suède – qui a déjà refusé de lui accorder l'asile -, mais le Tribunal administratif fédéral (TAF) a finalement suspendu l'exécution de son renvoi.
Présents à l'aéroport de Kloten le 2 mars, Fernand Melgar et d'autres y ont mené une action de sensibilisation autour de Fahad Kammas. «Il a refusé de monter dans l'avion, la police l'a contraint. Des passagers se sont indignés et le commandant de bord a décidé de le faire descendre», raconte le réalisateur.
Suite à cet épisode, la section suisse d'Amnesty International a demandé à la Confédération de réexaminer son cas. En espérant qu'elle reviendra sur la décision de non-entrée en matière prononcée en juillet 2008.
A l'époque, le jeune Irakien avait déjà été embarqué dans un «vol spécial» pour la Suède - un traitement que subissent près de 200 requérants par année dans le cadre de renvois forcés. De là, il aurait été renvoyé en Irak s'il ne s'était pas soustrait aux autorités pour vivre dans la clandestinité. Du côté de ses défenseurs, on estime donc que la décision du TAF est une victoire, mais une victoire d'étape seulement.
Pour un système d'exceptions
«Il faut que ce succès puisse d'abord se concrétiser pour Monsieur Khammas, mais il faut aussi faire en sorte que ce succès individuel devienne un succès institutionnel et que dans le cadre de l'application de Dublin, on ménage une possibilité systématique d'échappatoire réservée aux cas particuliers tels que celui de Fahad Khammas», indique le parlementaire socialiste Carlo Sommaruga.
En décembre 2008, relayant l'inquiétude de l'Observatoire du droit d'asile et des étrangers, il a déposé une interpellation devant le Parlement. Il y demande au gouvernement d'envisager l'introduction «d'un système d'exception à la logique implacable du principe de renvoi au pays précédent.»
Et d'argumenter en dénonçant notamment le fait que «les pays examinent tous avec des lunettes différentes les conditions de recevabilité de l'asile.»
A ses yeux, l'exemple de militants du PKK auxquels l'Allemagne avait par le passé refusé l'asile que la Suisse avait accordé, montre qu'il existe des «dizaines voire des centaines» de cas par année pour lesquels un régime d'exception se justifierait. Un avis qu'est loin de partager le gouvernement.
Dans sa réponse à l'interpellation de Carlo Sommaruga, celui-ci mentionne que la Suisse peut mener elle-même la procédure lorsque l'Etat vers lequel doit être effectué le renvoi n'offre pas les garanties suffisantes. Entendez par là que ledit Etat n'est pas signataire de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Convention relative au statut des réfugiés.
Tendance au durcissement
«Cette réponse est en soi insatisfaisante. En réalité, ces garanties sont de type formel, elles existent dans tous les pays européens. Ce qu'il faut, c'est pouvoir accorder l'asile à une personne si elle en remplit les conditions selon le droit suisse, ceci quand bien même sa demande a été refusée dans un autre Etat», explique le parlementaire socialiste, qui promet de poursuivre le combat.
Reste qu'au niveau gouvernemental, la tendance est plutôt au durcissement en matière d'asile. Dans le catalogue de mesures mis en consultation à la mi-janvier, il est ainsi prévu d'introduire de nouvelles dispositions facilitant le renvoi des requérants dans le pays européen où ils sont arrivés avant de venir en Suisse.
A l'heure où le nombre d'immigrés arrivant d'Afrique et du Proche-Orient par mer ne cesse d'augmenter (+80% en 2008 selon le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU) et que des pays comme l'Italie voient exploser les cas de réadmission, les histoires aussi douloureuses que celle de Fahad Khammas risquent donc de se multiplier
lundi 9 mars 2009
Héros de La forteresse, Fahad retrouve la liberté
Christian Aebi | 09.03.2009 | 00:06
La poignée de main est chaleureuse, le regard plein d’émotion. Fahad K. savourait un moment de répit, ce week-end dans la ferme des Tanner, à Sainte-Croix. «Je suis si heureux d’être là», souffle en anglais le héros du film La forteresse du réalisateur lausannois Fernand Melgar.
Samedi matin, le jeune Irakien, requérant d’asile de 24 ans, était encore dans une cellule zurichoise en attente de son expulsion pour l’Irak, via la Suède. Il a finalement été relâché. Momentanément. Le temps que le Tribunal administratif fédéral (TAF) statue sur son recours. «Il ne savait pas où aller. A Zurich, les autorités l’ont laissé partir dans la nature en lui disant de revenir lundi», explique Elise Schübs, sa représentante juridique. La médiatisation de cette affaire, grâce au film dont Fahad était l’un des protagonistes, a sans doute joué un rôle, avance Fernand Melgar.
Samedi soir, La forteresse était précisément l’un des favoris à la cérémonie de remise des Prix du cinéma suisse samedi soir.
«Il a meilleure mine»
Dès qu’il a appris la nouvelle, Fernand Melgar(Photo en compagnie de Fahad) a fait jouer son réseau pour trouver un toit provisoire à son ami. Il lui a fallu deux coups de fil. Les Tanner, de Sainte-Croix, ont accepté. «Tout naturellement.» Ce ne sont ni des babas, ni des tiers-mondistes. C’est une famille d’agriculteurs. «C’est ça la Suisse que j’aime! s’exclame le réalisateur. Il y a dans ce pays des gens qui ont une vraie idée de l’accueil et de l’asile.»
Lundi, il accompagnera Fahad à Zurich. Le requérant doit y déposer une demande d’aide d’urgence. «Nous allons tout faire pour qu’il puisse rester dans le canton de Vaud, poursuit Fernand Melgar. Nous avons tout pour lui: l’hébergement, un encadrement pour reprendre ses études, des bénévoles disponibles.»
Hier, dans la petite ferme de Sainte-Croix, Fahad enchaînait les interviews sous l’œil bienveillant d’Anne-Lise Tanner. Elle connaît Fahad du temps où il résidait au centre de la Fareas de Sainte-Croix. Elle y œuvre comme bénévole. «Il a meilleure mine que sur les dernières photos que j’ai vues dans le journal» dit-elle. J’ai été le chercher à la gare d’Yverdon, samedi soir. On s’est tombé dans les bras. C’était émouvant.»
Condamné à mort
Etudiant en physique à Bagdad, Fahad est considéré comme traître par les milices islamistes pour avoir collaboré en tant qu’interprète pour les forces américaines. «Le renvoyer, c’est une condamnation à mort», soupire Fernand Melgar, qui multiplie les actions et les appels à l’aide. Il a notamment écrit à deux reprises à la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf.
Fahad avait fui l’Irak en 2007, il a traversé l’Europe, de la Grèce à la Suède, rebondissant contre les limites juridiques de l’Accord de Dublin. «C’est une vraie patate chaude!» dénonce Fernand Melgar. Après la Suède, Fahad était arrivé à Vallorbe alors que le réalisateur lausannois entamait son film La forteresse , sur la réalité de l’accueil des requérants. Fahad deviendra l’un des personnages principaux du film. Début mars, l’Office des migrations a refusé d’entrer en matière sur sa deuxième demande d’asile. Fahad devait quitter la Suisse le 2 mars. Le Tribunal administratif a désormais suspendu son renvoi.
dimanche 8 mars 2009
La lettre de Fernand Melgar à Mme Widmer-Schlumpf
Fernand Melgar lance un appel à la conseillère fédérale: «Madame Widmer-Schlumpf, dites quelque chose!»
Image © Christian Bonzon, Patrick Martin
Le réalisateur Fernand Melgar est devenu ami avec le héros de son film, Fahad
Stéphanie Germanier - le 07 mars 2009, 23h14
Le Matin Dimanche
Elle s'était déclarée très émue après avoir découvert le film «La forteresse». Eveline Widmer-Schlumpf le sera-t-elle aussi par le sort réservé au héros du documentaire, Fahad, un requérant d'asile irakien? Dans une lettre envoyée hier à la conseillère fédérale et lue dans la soirée à la cérémonie des Quartz à Lucerne, le réalisateur Fernand Melgar, qui est devenu l'ami du requérant, en appelle à la clémence de la Grisonne. Fahad avait obtenu un sursis de trois mois. En détention préventive jusqu'à hier soir, le jeune homme a été libéré dans l'après-midi. Il regagnait hier dans la soirée une famille d'accueil à Sainte-Croix. S'il n'a pas reçu de prix lors de la cérémonie, Fernand Melgar a tout de même savouré une autre victoire: celle de la relaxation de son protégé, menacé de mort en Irak et dont le sort demeure malgré tout en suspend.
Madame la Conseillère fédérale, Vous m'avez fait l'honneur d'assister à la première de la Forteresse en Vous avez donc vu Fahad, les images de Fahad dans le film. Vous avez vu Vous avez vu qu'il demande asile et protection car il est menacé de J'étais opposé à la guerre américaine en Irak et j'ai manifesté avec Et vous aussi, Madame la Conseillère fédérale, qui êtes une des « Sept C'est à ce titre que j'ose vous poser publiquement une question qui me Cet horrible scénario peut se produire « pour de vrai » dans une Je vous le demande humblement et sincèrement, Madame la Conseillère, je vous en conjure : dites quelque chose. |
mercredi 4 mars 2009
Le héros de la forteresse fait de la résistance
Dans la journée, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a émis une mesure superprovisoire contre son expulsion. Fahad Khammas aurait dû quitter la Suisse avec le vol Zurich-Stockholm de 06h30.
Fernand Melgar a organisé une action de sensibilisation sur son sort lundi matin à l'aéroport. Le jeune homme s'est violemment débattu et le pilote de l'avion a exigé que l'homme sorte de l'appareil, après que les passagers se sont eux-mêmes révoltés, a précisé Fernand Melgar au téléjournal de la TSR.
Reproches à la police
L'avocate de Fahad Khammas a déposé ce week-end un recours auprès du TAF contre la non-entrée en matière de l'Office fédéral des migrations (ODM) sur la demande d'asile, a indiqué Denise Graf, coordinatrice auprès d'Amnesty International.
Le jeune homme ne peut ainsi provisoirement pas être expulsé vers la Suède. Denise Graf s'attend à une décision définitive du TAF d'ici deux semaines.
Sur la base d'indications données par l'avocate de l'Irakien, la section suisse d'Amnesty International a émis lundi de graves accusations envers les policiers chargés du transfert dans l'avion.
Quand il a commencé à crier, ils auraient exercé une pression dans le bas du dos et, pour le faire taire, lui auraient retenu la mâchoire avec leurs avant-bras et essayé de lui mettre un bout de tissu dans la bouche. Mais Fahad Kamas s'est protégé, a précisé à l'ATS l'avocate, rapportant les déclarations, par mimes, de son client.
La police cantonale zurichoise réfute catégoriquement ces accusations. Son chef de la communication Marcel Strebel les qualifie de totalement infondées. Des clarifications ont montré que l'Irakien n'a été ni frappé ni pincé et que sa bouche n'a nullement été obstruée.
Marcel Strebel confirme en revanche que le jeune homme a crié et qu'il s'est violemment débattu. Sur ce, le pilote a exigé qu'il quitte l'avion.
Amnesty veut une enquête
Amnesty réclame une enquête sur l'incident. Le but est de savoir si les policiers ont agi de manière proportionnée, a relevé un porte-parole de l'organisation de défense des droits de l'homme. Celle-ci met en garde contre le risque que le jeune homme soit directement renvoyé en Irak si la Suisse l'expulse vers la Suède. Le royaume scandinave a en effet rendu une décision négative à son égard.
Dépôt d’une initiative parlementaire pour modifier la loi sur l’asile
Patrick Chuard, Berne | 04.03.2009 | 00:01
– Les autorités ont tenté sans succès d’expulser Fahad Khammas lundi. Ce requérant d’asile est toujours en prison à l’aéroport de Zurich. Allez-vous à nouveau interpeller le Conseil fédéral?
– Il est vrai que j’avais déposé une initiative parlementaire l’an dernier, inspirée par le cas Khammas. Il s’agissait de dénoncer certaines dérives insupportables qu’entraînent les accords de Dublin. Pour ce cas précis nous allons, avec quelques parlementaires dont Claude Ruey, approcher Eveline Widmer-Schlumpf dès son retour des Etats-Unis. Il s’agit de négocier pour tenter de débloquer le dossier et prendre une nouvelle décision. D’autre part j’envisage, sur la base de ce cas, de déposer une nouvelle initiative parlementaire.
– Dans quel but?
– L’intention est de modifier la loi sur l’asile pour agrandir notre marge de manœuvre. La marge des autorités suisses s’est considérablement restreinte avec les accords de Dublin. Le Conseil fédéral le reconnaît lui-même, certains requérants rempliraient les critères pour avoir un permis. Mais la Suisse ne peut pas le leur accorder à cause des règles de Dublin: celles-ci stipulent qu’une personne ne peut demander l’asile que dans un seul pays membre.
– En l’occurrence, Fahad Khammas avait déposé sa demande d’asile en Suède, et la Suisse a logiquement l’intention de le refouler vers la Suède. Allez-vous remettre en question cet accord international?
– Non, mais certains critères doivent être clarifiés. L’un des problèmes apparents, c’est que les pays de l’espace Dublin appliquent tous des règles différentes en matière d’asile. La Grèce a, par exemple, décidé de ne plus du tout entrer en matière pour tous les requérants irakiens, ce qui ne correspond pas aux dispositions d’autres pays. Je dois encore bien examiner le sujet sous l’angle juridique, mais nous allons intervenir d’ici à la fin de cette session parlementaire.
lundi 2 mars 2009
Un des héros de «La Forteresse» a échappé aujourd'hui au renvoi programmé
ATS | 02.03.2009 | 09:39
«Selon des informations de l'avocate, Fahad Khammas ne se trouvait pas dans l'appareil qui a décollé à 6h30 de Zurich à destination de Stockholm», a déclaré à l'ATS un porte-parole de la section suisse d'Amnesty. L'information, donnée initialement par la section suisse d'Amnesty International sur la base d'indications de l'avocate de Fahad Khammas, a été confirmée par l'Office fédéral des migrations (ODM).
On ne sait toutefois pas si M. Khammas a refusé de se présenter ou si son renvoi a été de nouveau repoussé. L'ODM n'a voulu fournir aucun détail.
Des observateurs d'Amnesty, alertée par Fernand Melgar, se sont rendus lundi matin à l'aéroport de Zurich pour sensibiliser les gens au sort de l'Irakien.
Fahad Khammas sera directement renvoyé en Irak si la Suisse l'expulse vers la Suède, selon l'organisation de défense des droits de l'homme.
Le royaume scandinave a en effet rendu une décision négative à son égard. Amnesty demande donc à la Confédération de réexaminer sa demande d'asile.