vendredi 29 juillet 2005

Le Conseil fédéral écartelé entre Calmy-Rey et Blocher


Réflexion de Vincent Bourquin dans 24heures :

Plus que jamais, le Conseil fédéral est divisé, voire carrément déchiré entre deux extrêmes. L’un prône l’ouverture et est incarné par Micheline Calmy-Rey. L’autre, représenté par Christoph Blocher, célèbre le repli sur soi. Conséquences: la politique helvétique est devenue schizophrénique. Les événements survenus ces derniers jours le prouvent.

Dimanche, le chef du Département fédéral de justice et police a en effet scandé un hymne à l’isolement lors des 65 ans du rapport du général Guisan sur la plaine du Grütli. Le titre de son intervention était sans équivoque: «Où va la Suisse? Retrouver la liberté d’antan.» Le magistrat UDC a alors résumé sa vision de la politique étrangère: la neutralité armée. Il a ainsi rejeté clairement la politique menée par la ministre des Affaires étrangères: «La neutralité ne saurait signifier se mêler activement de tout et prendre position. Atout majeur en politique extérieure, elle permet, sur l’échiquier des forces internationales, de savoir à quoi s’en tenir.»

Le Zurichois ne goûte pas à la politique hyperactive de la socialiste genevoise. Et cette poussée d’urticaire n’est pas près de s’arrêter. La conseillère fédérale se rend en effet, ce week-end, au Kosovo.

Certes, il ne faut pas surestimer le poids de la Confédération dans cette région. Mais tout de même, elle est le troisième bailleur de fonds après les Etats-Unis et l’Union européenne. Et surtout, la Suisse, par le biais de son ambassadeur à New York, Peter Maurer, a été la première à défendre publiquement l’indépendance du Kosovo. En termes plus diplomatiques, Micheline Calmy Rey persiste et signe.

Le Kosovo n’est pas le seul terrain de chasse de la magistrate «rose». Depuis plusieurs mois, son département multiplie les propositions pour réformer la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme et le Conseil de sécurité. Lesquelles? Notamment la création d’un conseil permanent des droits de l’homme et la mise sur pied d’un pool d’observateurs prêts à être envoyés dans les régions en crise. Pour la réforme du Conseil de sécurité, la Confédération a, par exemple, proposé que le droit de veto ne soit plus admis en cas de génocide ou de purification ethnique.

Cette mobilisation n’est d’ailleurs pas passée inaperçue. Récemment, le journal américain International Herald Tribune écrivait que la Suisse jouait un rôle «étonnamment important» dans la réforme de l’ONU. Prudence tout de même. Beaucoup de bruit avait été fait autour de l’Initiative de Genève qui s’était finalement soldée par un échec.

Cet engagement international sera-t-il encore longtemps crédible? Pas sûr. Les médias étrangers commencent à sérieusement s’intéresser au durcissement de la politique d’asile en Suisse. Et dans ce dossier, le respect des droits humains et des traités internationaux n’est absolument plus une priorité. Cela déplaît, bien sûr, à Micheline Calmy-Rey, mais publiquement elle reste en retrait. Certes, elle a déclaré dans nos colonnes: «Je ne crois pas qu’une loi sur l’asile, aussi restrictive soitelle, puisse apporter une solution durable.» Mais ces propos sont bien timides en comparaison de ceux de Christoph Blocher.

Le Conseil fédéral n’est-il pas composé de sept membres? C’est là le plus surprenant. Micheline Calmy-Rey et Christoph Blocher peuvent mener leur politique d’ouverture et de fermeture avec la bénédiction de leurs collègues. La preuve que le Gouvernement suisse n’a plus de ligne et est plus schizophrène que jamais.