mardi 19 juillet 2011

Tolossa Chengere peut courir hors de Suisse

L’Ethiopien du Lausanne-Sports est désormais titulaire d’un permis de séjour B.

Meilleur coureur sur route basé en Suisse depuis plusieurs années, Tolossa Chengere peut donc «enfin» sortir du territoire helvétique et aller exercer son métier de coureur dans des compétitions à son niveau. «C’est un soulagement, le résultat d’un long combat», relève l’entraîneur de Chengere, Jean-François Pahud. Arrivé en Suisse il y a sept ans comme réfugié, Chengere, admis provisoirement, n’avait pas le droit de quitter le pays tant qu’il ne possédait pas de permis de séjour B. Il a écumé les courses sur route de Suisse, s’imposant presque partout, y compris à Morat-Fribourg (deux fois) et à la Course de l’Escalade à Genève, parfois en signant de nouveaux records du parcours.

Plus d’une fois, il a été frustré de ne pas pouvoir aller se mesurer aux tout meilleurs hors des frontières. Tous ses records (13’37’’26 sur 5000 m, 28’12 sur 10 km route notamment) ont ainsi été obtenus en Suisse. Chengere peut désormais voyager, mais le temps presse pour lui. Arrivé au seuil de la trentaine ou déjà bien au-delà (36 ans selon la Fédération internationale, 28 d’après son club du Lausanne-Sports), il devrait enfin se lancer sur marathon. «C’est là qu’est son avenir. Nous cherchons un marathon pour l’automne, pas trop important car j’aimerais l’accompagner à vélo sur le parcours», précise Jean-François Pahud.

Le coach préfère être là car Chengere n’est pas des plus autonomes. Si Pahud ne surveille pas son entraînement, il a tendance à se dissiper.

24 Heures

L’art de se boucher les oreilles

Une vie misérable», dans des «conditions pitoyables»: de retour de mission en Italie, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) tire la sonnette d’alarme sur le sort qui y est réservé aux requérants d’asile et aux réfugiés.

Elle demande aux autorités fédérales de faire preuve de retenue avec le renvoi en Italie des migrants au nom de la directive Dublin, qui permet de refouler ces personnes dans leur premier pays d’accueil. Du moins, la Confédération doit-elle mettre la pédale douce en ce qui concerne les personnes vulnérables, les familles avec enfant et les femmes seules. L’OSAR souligne l’iniquité du système d’accueil de l’Italie, qui laisse ces migrants sans aucun filet social. Mais aussi son cruel manque de capacités d’accueil, aggravé depuis les révolutions arabes. De janvier à fin juin, 50 000 personnes ont débarqué sur ses côtes. L’OSAR en appelle à la solidarité avec les Etats membres de l’accord de Dublin. Le voisin transalpin, lui, avait averti l’Europe: seul, il ne s’en sortira pas.

Ce constat alarmiste contraste avec l’attitude helvétique. La fin de non-recevoir très technocratique communiquée hier par l’Office fédéral des migrations (ODM) – aucun besoin d’agir, car l’Italie a reconnu les lignes directrices européennes sur les réfugiés –, fait écho à la récente montée aux barricades des cantons exigeant de la Confédération qu’elle accélère les renvois au nom de l’accord Dublin. Cette année, la Suisse a procédé à 1000 renvois vers l’Italie et 2000 cas sont encore pendants.

Décidément, l’art des autorités helvétiques de se déresponsabiliser en se défaussant sur ses voisins n’a d’équivalent que leur capacité à se boucher les oreilles et les yeux. Car la situation italienne était connue bien avant les révolutions arabes. En novembre 2009, le cas d’un mineur somalien de 17 ans avait défrayé la chronique. Selon des témoignages, l’adolescent s’était retrouvé livré à lui-même en Italie, où il était considéré comme majeur.

Surtout, le précédent grec a montré que la Suisse ne se plie au bon sens que si elle a le pistolet de la justice sur la tempe. Ce n’est qu’à la suite d’un jugement de la Cour européenne des droits de l’homme que l’ODM a suspendu tout renvoi vers ce pays où l’accueil a été qualifié de catastrophique. Jusque-là, Berne avait épargné seulement les personnes vulnérables, s’asseyant sur un rapport d’Amnesty international, mais aussi sur les recommandations du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés.

Faudra-t-il que le lac Léman devienne la Méditerranée pour que la riche Helvétie fasse cas de la détresse des réfugiés?

Rachad Armanios dans le Courrier