vendredi 13 juin 2008

Quand un ministre légaliste récolte les fruits de la désobéissance civile

Lire l'article de MICHAËL RODRIGUEZ dans le Courrier

ASILE - Philippe Leuba vante la politique «humaine et responsable» du canton de Vaud en la matière. Mais on n'en serait pas là, si tous avaient été aussi intransigeants que lui.

«C'est autant de gens qui retrouvent le sourire, le goût à la vie, et qui ne vivent plus dans la peur.» Le ministre vaudois de l'Asile Philippe Leuba est ravi de l'octroi de permis B par l'administration fédérale à 469 requérants déboutés vivant dans le canton. Il l'a dit hier au moment de faire, comme chaque six mois, le point sur ce dossier. C'est à Vallorbe, aux côtés du syndic de la localité Laurent Francfort, que le conseiller d'Etat libéral tenait conférence de presse. Car il s'agissait aussi d'annoncer les mesures prises pour améliorer la cohabitation entre la population vallorbière et les requérants hébergés au centre d'enregistrement. La population du centre sera plafonnée à 180 personnes et elle se verra offrir de nouvelles possibilités d'occupation.

Vaud en tête

Il ressort des chiffres présentés hier que le canton de Vaud est celui qui a le plus utilisé la marge de manoeuvre ménagée par la nouvelle loi sur l'asile. A lui seul, il est à l'origine de près de 43% des demandes de régularisation humanitaire déposées dans tout le pays. Et les résultats sont concluants: sur 598 dossiers présentés à l'Office fédéral des migrations, seuls 15 ont été rejetés à ce jour, alors que 114 sont encore en cours d'instruction. Le Service vaudois de la population a toutefois refusé de transmettre à Berne 155 demandes, l'intégration des candidats étant jugée insuffisante.

Philippe Leuba s'est félicité hier de la «politique humaine» menée par le Conseil d'Etat. Mais cette politique est aussi «responsable», car désormais «le canton de Vaud applique les décisions fédérales», a souligné le ministre. Bref, «il n'y a plus d'exception vaudoise».

Esprit de résistance

C'est un peu vite dit. Car si le conseiller d'Etat libéral peut se targuer aujourd'hui de l'aspect «humain» de la politique d'asile vaudoise, c'est d'abord grâce au formidable mouvement de résistance né dans le canton à partir de la seconde moitié des années 1990. Donc bien malgré lui, si l'on se souvient de la ligne légaliste qu'il prônait en tant que député au Grand Conseil. Sans les actes de désobéissance civile accomplis avec l'ouverture de refuges pour les requérants menacés de renvoi, sans le refus des autorités vaudoises – sous l'ère du du popiste Josef Zisyadis et du libéral Claude Ruey – d'appliquer aveuglément les diktats fédéraux, sans la vaste mobilisation en faveur des «523» requérants déboutés, nul doute que la possibilité pour les cantons d'obtenir des régularisations humanitaires n'existerait tout simplement pas.

La brèche ouverte par la nouvelle loi sur l'asile ne sort en effet pas de nulle part. Cette disposition, qui se trouve au milieu d'un arsenal de mesures de durcissement, est quasiment un copier-coller de feu la «circulaire Metzler». Un document sans véritable statut juridique que l'ancienne ministre démocrate-chrétienne avait édicté en décembre 2001. Il s'agissait alors de régler le sort de requérants originaires d'ex-Yougoslavie qui n'avaient pas obtenu le statut de réfugiés, mais séjournaient en Suisse de longue date. Certains cantons – Vaud le plus frontalement – rechignaient à les renvoyer.

L'«exception» perdure

«L'exception vaudoise» n'est donc pas reléguée aux oubliettes; elle s'est plutôt institutionnalisée, avec l'inscription dans la loi fédérale d'une marge de manoeuvre cantonale, aussi modeste soit-elle. La même politique que Philippe Leuba défend aujourd'hui fièrement aurait été, il y a à peine une décennie, illégale à ses yeux.

Lors des débats parlementaires sur la crise des «523», le libéral s'était en effet illustré par sa conception étroite de l'application des lois et du fédéralisme. Pour Philippe Leuba, il n'y avait plus rien à tenter pour les requérants déboutés, car le canton n'avait aucune marge de manoeuvre. Et pourtant, la plupart des «523» ont finalement pu être régularisés à l'issue de nouvelles négociations avec les autorités fédérales – une démarche à laquelle Philippe Leuba s'était rallié in extremis.

Le droit n'est pas une matière inerte qu'il suffit d'appliquer machinalement pour avoir le sentiment du devoir accompli. On le voit avec le dossier de l'asile dans le canton de Vaud. C'est parfois en mettant à l'épreuve les limites de la légalité que l'on parvient à faire avancer le droit vers plus d'humanité.

Festival multiculturel à Tolochenaz

Ce samedi : Portes ouvertes du centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe

Berne-Wabern, 11.06.2008 - L'Office fédéral des migrations (ODM) possède plusieurs centres d'enregistrement et de procédure (CEP) sur le territoire suisse. Ces derniers prennent en charge des requérants dès le début de la procédure d'asile. Afin de laisser au public la possiblité de se familiariser avec ses centres, l'ODM ouvre les portes de son CEP de Vallorbe le samedi 14 juin 2008 de 10h00 à 17h00.

Cette journée permettra au grand public de découvrir les infrastructures du CEP et de cerner la diversité des tâches que les collaborateurs de l'ODM et leurs partenaires se doivent de mener à bien non seulement sur le plan de la procédure d'asile, mais également dans le cadre du quotidien des requérants d'asile logés momentanément dans le CEP.

L'ouverture des portes se fera à 10h00 et la partie officielle débutera à 10h30. Des visites guidées du bâtiment hébergement, des stands d'informations et des activités pour les enfants seront mis à disposition.

Les représentants des médias qui souhaitent participer à la partie officielle sont priés de s'annoncer auprès du service de presse de l'ODM chez la personne de contact mentionnée ci-dessous jusqu'au jeudi 12 juin 2008.

Les USA accordent l'asile à un présumé génocidaire

WASHINGTON - Carlos Sanchez Berzain, ancien ministre bolivien de la Défense, inculpé dans son pays pour génocide, a obtenu l'an dernier l'asile politique aux Etats-Unis, selon des documents publiés mardi à Washington.

Le gouvernement bolivien a fait part de son "mécontentement" à l'issue d'une réunion entre l'ambassadeur des Etats Unis Philip Goldberg et le ministre des Affaires étrangères David Choquehuanca.

"Nous ne sommes pas contents des explications de l'ambassadeur", a affirmé lors d'une conférence de presse le ministre des Affaires étrangères.

M. Sanchez Berzain s'est vu octroyer l'asile politique en avril 2007 après avoir dit aux autorités américaines qu'il craignait d'être "persécuté et torturé" par le gouvernement du président Evo Morales, selon ces documents rendus publics par l'ambassade de Bolivie à Washington.

"J'ai subi de nombreuses allégations sans fondement, dirigées contre moi par Morales dans le passé, et aujourd'hui j'ai peur que ses nouveaux pouvoirs en tant que président lui permettent de me réduire au silence une fois pour toutes", écrivait l'ancien ministre dans sa lettre de demande d'asile.

L'ancien ministre de la Défense y ajoute qu'Evo Morales était particulièrement opposé à ses efforts pour combattre le trafic de drogue.

Le gouvernement bolivien actuel souhaiterait faire extrader Sanchez Berzain, inculpé pour son rôle dans la répression de manifestations par l'armée, qui avait fait une soixantaine de morts parmi les civils en 2003, à la fin du second mandat du président bolivien destitué Gonzalo Sanchez de Lozada.

L'ambassadeur de Bolivie à Washington, Gustavo Guzman, a qualifié d'"irritante" la nouvelle de l'octroi de l'asile à Carlos Sanchez Berzain, jugeant que "cela compliquait les relations entre la Bolivie et les Etats-Unis".

Il a jugé "très probable" que les Etats-Unis aient également accordé l'asile politique à Gonzalo Sanchez de Lozada, qui vit en exil dans la banlieue de Washington. Ce dernier n'avait pu être joint par l'AFP mardi.

A La Paz, le ministre bolivien des Affaires étrangères David Choquehuanca, a déclaré à l'AFP que l'ambassadeur bolivien à Washington s'efforçait d'obtenir des informations sur M. Sanchez de Lozada afin de savoir si Washington lui a accordé l'asile politique.

Le département d'Etat américain n'avait pas non plus réagi mardi en milieu de journée.

Les requérants de Vallorbe iront visiter les grottes

Un programme d’activités meublera les journées des résidents du Centre d’enregistrement et de procédure. Objectif: diminuer leur présence au village. Un article de Céline Charbon dans 24 Heures.


Le syndic, Laurent Francfort (à g.), et le conseiller d’Etat Philippe Leuba souhaitent voir deux fois moins de requérants dans les rues. VALLORBE, LE 12 JUIN 2008 MICHEL DUPERREX


E
n septembre, il n’y aura pas plus de huitante re­quérants d’asile dans les rues de Vallorbe. C’est ce qu’es­pèrent le syndic, Laurent Franc­fort, et le conseiller d’Etat Phi­lippe Leuba. Ils ont présenté, hier, un programme d’occupa­tion de ces hôtes, visant à divi­ser par deux leur nombre dans les rues. Et pour les éloigner de la zone sensible de la gare, l’imagination ne manque pas: chaque jour, quinze à trente d’entre eux pourront, par exem­ple, «se familiariser avec les sites touristiques de la région, tels que les Grottes de Vallorbe, le Mont-d’Orzeires, le Musée du fer et les chemins pédestres.» Ce projet, chapeauté par l’Of­fice fédéral des migrations (ODM), veut aussi associer les requérants à des travaux fores­tiers ou de voirie. «C’est don­nant, donnant, dit le syndic. Des infrastructures sont mises à disposition gratuitement et ils nous aident à les maintenir en état.» Tous volontaires, ils se­ront, par exemple, sollicités pour des travaux de peinture à la patinoire.
Garde forestier, Dominique Favre applaudit ce type d’inté­gration. Depuis octobre, il ac­cueille déjà des requérants dans les équipes forestières: «Ceux qui ont été employés à des travaux d’élagage se sont révé­lés efficaces et motivés.» Le garde dénonce, par contre, la «légèreté» de l’ODM lorsqu’il s’agit de gérer ces collabora­tions: «Il faudrait plus de moyens, de transport notam­ment, pour faciliter aux requé­rants l’accès à ces travaux.» L’Office s’est, depuis, engagé à nommer un coordinateur.
«Les requérants seront des clients comme les autres sur nos sites touristiques», relève pour sa part Olivier Blanc, président de l’Office du tourisme. «La dé­marche a le mérite de les inté­resser à la région autrement.»
Local de la gare fermé

Pour diminuer le climat d’in­sécurité qu’inspire leur pré­sence à la gare, le local que l’Association auprès des requé­rants d’asile de Vallorbe y oc­cupe sera fermé cet été. Une structure d’accueil sera créée, 200 mètres plus à l’écart, dans des Portakabin. Un transfert de­visé à 15 000 fr., payé par le canton. Impatient de voir ces mesures se concrétiser, Laurent Francfort ne crie pas victoire: «On est sur une poudrière: un seul incident avec des requé­rants et elle explosera.»

Moins nombreux dans le canton

La «décrue» observée au niveau suisse se confirme en terre vaudoise: le 31 mai, le nombre de requérants d’asile dans le canton plafonnait à 3983, soit 1000 de moins qu’au 31 décembre 2007. Ce résultat ne tient pas compte des 596 personnes qui doi­vent quitter le territoire et sont au bénéfice de l’aide d’urgence. «Vaud applique désormais à la lettre la Loi sur l’asile, tout en poursui­vant une politique humaine et responsable», a résumé Philippe Leuba, chef du Département de l’intérieur, lors de son bilan semestriel sur l’asile. Selon lui, cette ligne de conduite ferme redonne au canton «du cré­dit auprès des autorités fédé­rales ».
Comme l’an dernier, Vaud remporte la palme du canton enregistrant le plus de de­mandes de régularisation humanitaire. Prévue par l’article 14 de la nouvelle loi sur l’asile, cette procédure donne une deuxième chance aux personnes frappées d’une décision de renvoi, pour autant qu’elles soient bien intégrées, présentes depuis cinq ans sur le territoire, à une adresse connue.
Au 31 mai, 979 demandes ont été reçues, dont 598 transmises à l’ODM. Ce qui correspond aux 42,7% des dossiers déposés dans le pays. «Nous utilisons cette possibilité quatre fois plus que les autres cantons», calcule Philippe Leuba. Il a aussi relevé que 469 permis B avaient été délivrés par les services d’Eveline Widmer­Schlumpf, contre 15 refus et 114 demandes en attente.