mercredi 28 mai 2008

Salariés, sans-papiers et en grève

Genève: Un encart xénophobe indigne le délégué à l'intégration

Lu dans le Courrier
VOTATIONS - La publicité du comité Sécurité pour tous porte atteinte aux liens sociaux, dénonce André Castella.
En découvrant l'annonce du comité Sécurité pour tous (Sicherheit für alle, SIFA), le sang du délégué genevois à l'Intégration n'a fait qu'un tour. «Je me suis mis dans la peau d'un jeune étranger. C'est vraiment une incitation à la haine et à la vengeance», lâche André Castella. Intitulé «La violence des jeunes étrangers naturalisés», cet encart publicitaire paraît ces jours dans la presse romande pour appeler les Suisses à accepter l'initiative de l'UDC sur les «naturalisations démocratiques». Dans un communiqué au ton inhabituel diffusé hier, le Bureau de l'intégration des étrangers s'élève avec force contre des propos portant «gravement atteinte aux liens qui unissent les différentes composantes de notre société». Publiée sur une demi-page, l'annonce de SIFA évoque sept faits divers (meurtres, escroquerie à l'assurance-invalidité, etc.) attribués à des étrangers naturalisés. En guise d'illustration, la photo d'un jeune homme, capuche sur la tête et poings menaçants, qui fixe le lecteur d'un regard censé être inquiétant. «Conséquence des naturalisations en masse: de plus en plus d'étrangers criminels et violents deviennent suisses. Et quand ils ont le passeport suisse en poche, plus moyen de les expulser du pays», écrit le comité.
Ce dernier est en réalité une annexe de l'UDC. Notamment dirigé par l'ancien conseiller national zurichois Ulrich Schlüer et le Neuchâtelois Yvan Perrin, vice-président de la formation d'extrême droite, SIFA compte parmi ses faits d'armes le lancement de l'initiative pour l'interdiction des minarets en Suisse.


Risque de banalisation

Si le Bureau de l'intégration se défend de prendre position sur l'initiative pour des naturalisations démocratiques, il affirme en revanche avoir le «devoir d'attirer l'attention du public sur les dangers d'une telle publication». Par ses amalgames «aux relents populistes», SIFA livre «à la vindicte populaire l'ensemble des jeunes étrangers (...)», poursuit le communiqué du délégué à l'Intégration. Et de mettre en garde: «Ces propos poussent le jeune étranger au repli sur soi et au rejet d'une société d'accueil qu'il pourrait juger inhospitalière, raciste et xénophobe.»
«Après les moutons de l'UDC, une affiche que nous avions déjà dénoncée, ça commence à faire beaucoup. Là, nous sommes à la limite de la liberté d'expression», fulmine André Castella, qui déclare avoir reçu le soutien du conseiller d'Etat Laurent Moutinot, chef du Département des institutions. Le délégué à l'Intégration redoute ainsi une banalisation de ce genre de propagande. «A la longue, il y a le risque de ne plus être choqué.» Très en colère – «si j'avais trente ans de moins, ça me donnerait envie de jeter un pavé dans une vitrine» –, le haut fonctionnaire invite toutefois les «victimes à ne pas répondre violemment à cette provocation». Mais au contraire à «redoubler de solidarité» en guise de réponse à cette «indigne publication»

A Barcelone, l'Hospitalet rime avec modèle d'intégration réussi

ESPAGNE. Celestino Corbacho, maire de la banlieue sud de la capitale catalane, a si bien réussi à intégrer les étrangers qu'il a été nommé ministre de l'Immigration par José Luis Zapatero.

Lire l'article de François Musseau, Barcelone, dans le Temps



Sans charme et anonyme, la cité-dortoir de l'Hospitalet se réjouit d'avoir été récemment estampillée «modèle d'intégration» pour ses nombreux immigrés. Coincée en banlieue sud de Barcelone, cette ville de 260000 habitants (la deuxième la plus peuplée de Catalogne) est citée en exemple. Le déclic, ce fut la nomination en avril du nouveau ministre de l'Immigration, Celestino Corbacho, maire socialiste de l'Hospitalet depuis quatorze ans. Il y a peu, le premier ministre José Luis Zapatero a été impressionné par la capacité municipale d'«encadrer et intégrer» sa forte immigration. Au point, donc, de nommer le maire à la tête de ce portefeuille ultra-sensible. Ministre tonitruant qui revendique le «parler-vrai», Celestino Corbacho déconcerte: il parle de «serrer la vis» face aux «sans-papiers» et se méfie du regroupement familial, tout en militant pour «une plus grande humanité» envers les immigrés - 10% de la population espagnole.

Amnesty épingle la Suisse et la Belgique

Amnesty International (AI) déplore l'absence de mesures gouvernementales «efficaces» contre la montée du racisme en Suisse. Dans son rapport annuel, l'organisation de défense des droits de l'homme pointe particulièrement du doigt la droite nationaliste.

AI se réfère aux conclusions du rapporteur de l'ONU sur le racisme Doudou Diène. Ce dernier concluait «que l'absence, au niveau national, de législation complète et de politique cohérente contre le racisme et la xénophobie constitue un obstacle majeur à l'efficacité du combat contre le racisme».

Amnesty pointe du doigt l'Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) et la campagne que le parti a menée lors des élections fédérales de 2007. L'organisation revient sur les affiches sur lesquelles figuraient des moutons blancs dont un chassait d'une ruade un mouton noir hors du drapeau helvétique.

AI fait aussi état de «violations des droits humains» commises par la police et les forces de sécurité, sans citer toutefois d'exemples précis. Concernant les requérants d'asile, AI déplore que de nombreuses personnes se sont vu refuser la possibilité de déposer une demande d'asile au motif qu'elles n'avaient pas de papiers d'identité.

Enfin, l'organisation critique le recours à des pistolets paralysants (tasers) et à des chiens policiers dans le cadre des renvois forcés d'étrangers.

Racisme: Amnesty critique le gouvernement suisse dans Le Matin

Amnesty International déplore l'absence de mesures gouvernementales "efficaces" contre la montée du racisme en Suisse. Son rapport annuel coïncide avec le 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme. Suite



Et la Belgique...

Amnesty dénonce la politique d'asile de la Belgique

28/05/2008 07:38

La nouvelle politique d'asile de la Belgique entrée en vigueur en juin 2007 est pointée du doigt par Amnesty International dans son rapport 2008.

Les recours en appel doivent par exemple être formés par écrit dans un délai de 15 jours, ce qui rend encore plus aigu le besoin d'assistance juridique spécialisés, pourtant difficile à obtenir en centre fermé. "La nouvelle législation a également élargi l'éventail de motifs justifiant le maintien en détention des demandeurs d'asile", pointe aussi ce rapport. Enfin, Amnesty dénonce le fait que des personnes souffrant de problèmes de santé mentale soient couramment placées dans des centres fermés, où les possibilités d'accès à des soins adaptés risquent d'être insuffisants. Parmi les avancées positives en Belgique, le rapport met en avant la condamnation de Hans Van Themsche pour assassinats avec -pour la première fois- la circonstance aggravante de racisme.

Aux Tattes, les conditions de vie des déboutés de l’asile se dégradent

Lire dans la Tribune de Genève

INSALUBRITÉ | 00h05 Les ex-requérants sont désormais tous regroupés à Vernier. Visite des lieux.

© pascal FRAUTSCHI | Le centre des Tattes, à Vernier.

ERIC BUDRY ET MARC GUÉNIAT | 28 Mai 2008 | 00h05

Comme ailleurs à Genève, le soleil brille ce matin-là au centre des Tattes de Vernier. Au milieu des onze immeubles, la cour semble plongée dans une torpeur très méridionale. Des Africaines en pagne vaquent à leurs occupations.
Malgré ce calme apparent, les Tattes sont en pleine mutation. Responsable de l’asile, l’Hospice général réorganise l’affectation de ses centres afin de s’adapter à la nouvelle Loi sur l’asile, approuvée en votation fédérale le 24 septembre 2006. Depuis le 1er janvier s’opère le transfert de tous les déboutés vers les Tattes, tandis que ceux qui conservent un espoir de rester en Suisse se dispersent dans le canton. Le processus de concentration arrive à son terme.
Cent quarante-neuf personnes sont arrivées sur les lieux, près de cent quatre-vingt les ont quittés. Déjà fort délabrée lors de notre première visite en août, une partie des immeubles frise l’insalubrité. Notamment parce que, censés nettoyer les lieux communs (cuisine et sanitaires), les déboutés, composés à 70% d’hommes seuls, délaissent ces tâches. C’est le cercle vicieux: face à des douches parfois moisies d’où ne sort que de l’eau bouillante et des cuisines repoussantes, les nouveaux arrivants aux Tattes se demandent pourquoi ils entretiendraient un tel endroit.
Travaux délaissés
Depuis que s’y concentrent les seuls déboutés, le défaitisme ambiant forge les esprits. Effet de la nouvelle loi, ils ne reçoivent plus que l’aide d’urgence: dix francs par jour. «Ils doivent pointer tous les quinze jours pour obtenir cette aide», explique François Barranco, responsable de l’unité des Tattes. Et participer aux tâches de nettoyage est encore moins lucratif qu’auparavant (lire ci-dessous). «Seuls quatre d’entre eux travaillent encore. C’est illusoire, mais je dois faire avec», poursuit le cadre de l’Hospice.
L’homme ne cache pas les problèmes qu’il rencontre et prie pour que les 460 places du centre ne soient pas toutes occupées. Surtout que son personnel a été réduit à sa plus simple expression. «La gestion est très complexe. Mon travail consiste à faire comprendre aux déboutés qu’ils n’ont plus aucune chance de résider en Suisse», relève François Barranco. Rares sont pourtant ceux qui usent de l’aide au départ, 4000 francs répartis entre le canton et l’Office des migrations. «Sachant que leur renvoi est imminent, la plupart préfèrent entrer dans la clandestinité», souligne François Barranco.
Selon lui, depuis le 1er janvier, un tiers des résidants a disparu des statistiques! Mais certains de ces nouveaux clandestins ne quittent pas définitivement les lieux. «De nombreux squatters, d’ici ou d’ailleurs, dorment ici», déplore le responsable. Ce phénomène engendre, selon un résidant, quatre à cinq interventions de la police par semaine.
Conscient de l’état alarmant des infrastructures, l’Hospice a sollicité l’Etat pour réparer stores et tuyauterie: «La réponse tarde à venir», reconnaît Jean-Luc Galetto, directeur de l’Aide aux requérants d’asile. Au Département des constructions, Laetitia Guinand affirme que la réfection des stores attendra «au moins» 2009. «Les travaux sont planifiés en fonction de l’urgence et il n’y pas le budget pour le moment», explique-t-elle. De plus, la convention déterminant qui paie quoi entre le DCTI, l’Hospice et son département de tutelle est échue.
Concernant les difficultés à entretenir les locaux communs, Jean-Luc Galetto admet être désemparé. «Nous songeons à supprimer l’aide en argent à ceux qui ne coopèrent pas, conclut-il. Ils ne recevraient plus alors que des plateaux-repas.»

«Que peut-on faire avec 10 fr.?»

L’homme qui nous reçoit a le désespoir souriant. Cet Africain explique sans détour, mais sans emphase, que sa situation a nettement empiré depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l’asile. Logé aux Tattes depuis deux ans, il fait pourtant partie de la toute petite minorité des déboutés qui accepte encore de participer aux travaux de nettoyage. Pourquoi? «Pour ne pas devenir fou.»
Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis le regroupement des déboutés aux Tattes?
Tout a changé. Nous sommes dans une situation très pénible. L’ambiance est devenue plus lourde. Je constate même une certaine froideur entre les déboutés. Les gens sont tristes.
Qu’est-ce qui vous manque par exemple?
Il n’y a plus d’infirmiers et moins d’assistants sociaux. Maintenant, quand on est malade, on doit se rendre aux Charmilles le lundi ou le vendredi. Avant, ils étaient ici.
Et l’argent?
L’aide pour se nourrir est de 10 francs par jour. Que peut-on faire avec 10 francs? Je ne mange presque plus de viande. Avant, nous recevions 400 francs par mois, et nous pouvions gagner 300 francs de plus en travaillant.
Un petit supplément est toujours possible, non?
Oui, on nous offre 50 francs de plus par mois pour vingt heures de travail, soit le même nombre d’heures qu’auparavant. La plupart des gens renoncent à effectuer ces travaux pour une telle somme. Moi, je le fais quand même, pour m’occuper. Si on ne fait rien, on se détruit. Je travaille pour ne pas devenir fou.
Mais comme vous êtes très peu à effectuer les tâches collectives, la saleté s’installe.
C’est vrai, presque plus personne n’effectue les nettoyages. Pour 50 francs par mois, les gens ne le font plus. Même s’il y a une liste avec le nom des personnes qui en sont chargées. Avant, lorsque le travail n’était pas fait, quelque chose était retranché de l’aide. Aujourd’hui, que voulez-vous qu’ils enlèvent?
Cela ne vous donne-t-il pas envie de retourner au pays?
Pas au prix de ma vie. Un de mes compatriotes est rentré. Il a immédiatement disparu et personne ne l’a jamais revu. J’ai souvent expliqué tout cela, mais les autorités suisses ne veulent pas comprendre.
Que faites-vous pour vous occuper?
De temps en temps je vais en ville. J’essaie aussi de faire un peu de sport. Et puis, je parle avec les gens de l’Agora (ndlr: la permanence installée par les Eglises à côté du centre). On discute, on partage un repas. Ils sont vraiment devenus ma seconde famille.
Propos recueillis par E.By et M.Gt

L’aide d’urgence
Elle se résume à 10 francs par jour ou à des plateaux-repas; elle concerne les déboutés, regroupés aux Tattes, et les NEM (non-entrée en matière), logés au centre du Lagnon. L’asile à Genève
A mi-mai 2008, 3257 personnes relèvent du droit d’asile dans le canton. Parmi elles:
- 957 sont des requérants;
- 1787 sont en admission provisoire;
- 358 sont des déboutés;
- 155 sont en attente du réexamen de leur situation. En plus, 55 personnes se sont vues signifier une non-entrée en matière (NEM). Des gagnants
En 2007, Genève a demandé la régularisation de 233 requérants, déboutés pour la plupart. Berne n’en a refusé que deux.