jeudi 17 janvier 2008

Améliorer l'accès aux soins des migrants

Article paru dans Le Courrier
La Chaux-de-Fonds a vu l'ouverture en juin d'une permanence santé pour les sans-papiers des Montagnes neuchâteloises, née d'une initiative conjointe de l'Entraide protestante Suisse (EPER) et de Médecins du monde (MdM): le Réseau santé migrations. Président de MdM-Suisse, Nago Humbert sera ce soir au Club 44, au coeur de la ville du Haut, où se tiendra un débat sur l'accès aux soins des migrants sans statut légal1.


Quel bilan tirez-vous des premiers mois d'existence du Réseau?


Nago Humbert: Cette initiative est malheureusement un succès! Notre permanence est régulièrement sollicitée, ce qui nous conforte dans notre démarche. Certes, notre objectif à terme est que l'on n'ait plus besoin de nous, car nous ne voulons pas nous substituer à l'Etat. Mais le soutien financier que nous accordent les Villes de La Chaux-de-Fonds, du Locle et l'Etat de Neuchâtel représente un geste politique fort. En effet, nous sommes parfois accusés de subventionner l'illégalité.


En Suisse, que peut faire Médecins du monde pour venir en aide aux migrants?

Notre rôle est de soigner et de témoigner. Dans le cadre du Réseau santé migrations, nous faisons bénéficier des populations vulnérables de notre expérience en matière d'amélioration de l'accès aux soins. Par ailleurs, nous devons témoigner de la situation de ces migrants afin d'inciter les pouvoirs publics à intervenir. Mais aussi pour prévenir l'adoption de lois créant des exclus, comme les nouvelles lois sur l'asile et les étrangers, qui fabriquent des clandestins.


Quelles sont ces populations précarisées?

Ces migrants clandestins ont des profils divers: certains travaillent, d'autres sont des NEM (non-entrée en matière) ou des requérants déboutés. Mais tous se situent à la marge du filet de la sécurité sociale. Ils craignent de se rendre à l'hôpital par peur d'être dénoncés aux autorités. De plus, leur situation précaire les expose particulièrement aux maladies. Ils souffrent en outre d'un déficit d'information: seule une minorité d'entre eux connaissent leurs droits.

Vallorbe et sa gare interdits au x requérans: face-à-face

En décembre dernier, le groupe radical du Conseil communal de Vallorbe déposait une motion, visant à interdire la gare et ses alentours aux requérants d'asile. La presse en a fait l'écho, que l'on retrouve dans deux articles du blog:
Aujourd'hui, la rubrique Réflexions du 24 Heures revient sur ce sujet et laisse la parole à deux intervenants de même appartenance politique et pourtant aux points de vue opposé:
Deux opinions à lire ci-dessous.

Discrimination! Inique et illégale

«S’engager contre toutes les initiatives racistes, comme celle de l’UDC, mensongèrement intitulée Pour des naturalisations démocratiques»

Mazyar Yosefi, conseiller communal socialiste, SOS Racisme, Epalinges


Il n’y a pas longtemps, sur d’autres continents, il y avait des bus et des quartiers in­terdits aux Noirs. Heureuse­ment, les esprits ont évolué et les lois racistes ont été abolies en Afrique du Sud comme aux Etats-Unis. Les autorités de Val­lorbe regrettent-elles cette évolu­tion des consciences?

Les faits: la présence des re­quérants d’asile à la gare gêne certains Vallorbiers. Les conseil­lers communaux volent au se­cours de ces personnes en dépo­sant une motion, Rétablir l’image de marque de Vallorbe, qui propose d’interdire aux re­quérants d’asile l’accès à la gare et à ses environs.
La fraction radicale du Conseil l’a proposée et ce sont des élus socialistes de Vallorbe qui lui ont apporté leurs voix, la faisant ainsi passer avec un meilleur score! Belle intervention huma­niste de la part des radicaux alliés pour l’occasion avec les socialistes afin d’évincer quel­ques malheureux requérants!
Cette proposition n’est pas sans rappeler l’affaire de l’élu de Bex qui couvrit les murs de sa ville des inscriptions «Nègres go home», geste qui a conduit à sa condamnation par la justice. Ici, on va plus loin, puisqu’il ne s’agit pas d’un acte isolé, mais bien d’une décision officielle d’un Conseil communal.
Ont-ils songé une seconde, lesdits élus, à la signification de leur acte? Seuls deux socialistes ont refusé de rejoindre cette ma­jorité de la honte et ont choisi l’éthique politique plutôt que la manipulation des émotions. Leur attitude conséquente doit être relevée. Elu socialiste moi aussi, j’estime qu’en tant qu’être humain nous n’avons en aucun cas le droit de procéder à une telle discrimination et d’inter­dire un endroit à un groupe de personnes! L’histoire ne nous a donc pas appris comment on appelle ce genre d’actions?
Ont-ils songé, ces élus locaux, qu’ils violent la Constitution suisse, qui interdit la discrimina­tion, et la Convention internatio­nale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination ra­ciale, qui interdit la ségrégation? Bien sûr que non! Voilà l’effet des plates-formes politiques au langage xénophobe, l’effet de l’horrible affiche des moutons!
Une proposition inique, inhu­maine, illégale plonge une fois de plus Vallorbe au centre des débats, au moment où les nou­velles lois* votées en septembre 2006 entrent en vigueur, laissant les cantons agir à leur guise; ces durcissements vont créer de ter­ribles injustices entre les immi­grés de chaque canton.
La situation des immigrés se dégrade tous les jours en Suisse, c’est en passe de devenir une banalité.
Le 3 octobre dernier, le Conseil national a introduit l’uti­lisation du pistolet à électro­chocs (Taser) dans le cadre d’un refoulement de migrants, même s’il s’agit d’un enfant! Le Conseil des Etats a refusé deux fois ces mesures criminelles, en ren­voyant le projet devant le Natio­nal qui doit encore se prononcer. L’année 2008 sera marquée de combats tout aussi durs que les précédents. Le moment est plus que jamais opportun de s’enga­ger contre toutes les initiatives racistes, à commencer par celle de l’UDC, mensongèrement inti­tulée Pour des naturalisations démocratiques.
* La nouvelle loi sur les étrangers et la nouvelle révision de la loi sur l’asile

Le droit de vivre en paix

«Le droit d’asile, certes; et celui du peuple de disposer de soi-même et de vivre en paix? Et la défense des transports publics?»

Jacques Favre, conseiller communal socialiste, Vallorbe

Soutenir une motion qui dénonce une situation devenue intolérable à la gare de Vallorbe, ce n’est pas faire preuve de racisme, mais uniquement donner un signal clair aux autorités compétentes pour qu’une solution satisfai­sante soit enfin trouvée. Espé­rons que l’exaspération des Val­lorbiers sera entendue. Il faut souligner d’emblée que tous les socialistes n’ont pas voté la mo­tion. Plusieurs se sont abstenus et deux l’ont refusée, trouvant sa formulation excessive.

Aux grands principes sur les­quels repose le droit d’asile, il faut opposer un autre principe du droit international, à savoir celui des peuples à disposer d’eux-mêmes et à vivre en paix. Le «peuple de Vallorbe» aspire à vivre en toute quiétude. La présence de requérants dans nos murs dérange la population pour plusieurs raisons déjà évo­quées dans les médias. Au­jourd’hui, c’est surtout le nom­bre qui fait problème: 9% de la population quand le centre est plein, ce qui est de plus en plus le cas. Par ailleurs, notre popu­lation est exaspérée par la mau­vaise image que les médias don­nent de notre localité. Les jour­nalistes sont souvent influencés par des groupuscules qui utili­sent les réfugiés à des fins poli­tiques. Si beaucoup de socialis­tes sont sensibles à la misère du monde qui arrive chez nous, ils doivent aussi tenir compte des préoccupations des citoyens qui les ont élus.
L’envahissement de la gare de Vallorbe par des requérants qui cherchent un endroit chauffé représente une telle préoccupa­tion. En raison du brouhaha qui règne dans le hall exigu, il est difficile de se faire entendre au guichet, et il faut souvent en­jamber les requérants qui dor­ment dans l’escalier menant au quai des trains régionaux!
Ce genre d’entrave à l’acti­vité des chemins de fer – à l’image d’une voiture qui serait stationnée sur un passage à niveau – n’est pas sans consé­quences. Face à cet environne­ment peu favorable, de nom­breuses personnes disent ne plus vouloir prendre le train en gare de Vallorbe: certaines prennent la voiture, des pa­rents conduisent leurs gymna­siens à la gare du Day et un cas de changement de domicile a été signalé.
En cas de baisse significative du nombre de voyageurs, la desserte de la gare de Vallorbe pourrait être abandonnée au profit du rebroussement des trains régionaux au Day en vue d’assurer une liaison directe en­tre Lausanne et la Vallée de Joux, comme cela a déjà été envisagé. Vu que les trains de Lausanne sont déjà presque vi­des dès La Sarraz ou Croy, on peut aussi craindre un rempla­cement par des bus dès ces localités, du moins au milieu de la journée.
Victime de plusieurs rationa­lisations ces dernières années, la gare de Vallorbe risque d’être totalement abandonnée par les CFF. Il est donc compréhensible que les socialistes de Vallorbe s’émeuvent de l’entrave au bon fonctionnement du trafic cau­sée par la présence massive de requérants. Des transports pu­blics performants font partie des objectifs du Parti socialiste suisse. En défendant la gare de Vallorbe comme lieu où on prend un train dans des condi­tions normales, les socialistes locaux s’inscrivent dans la ligne du parti.

Tragédie en trois actes

Lire cet article de Federica Sossi, professeure à l'université de Bergame, sur la politique migratoire européenne, paru en 2007 dans "Migrare. Spazi di confinamento e strategie di esistenza" (Emigrer. Espaces de confinement et stratégies de vie)