vendredi 4 septembre 2009

Les demandeurs d'asile enfin dans des locaux décents


Cela reste rudimentaire, mais il y a des fenêtres et des lits. Après avoir suscité la polémique en raison de sa vétusté, la structure accueillant les requérants à l'aéroport de Genève a été entièrement reconstruite.

S.P. - le 03 septembre 2009, 21h17
Le Matin Bleu


Depuis le mois de mai, une cuisine, deux dortoirs, une chambre pour les familles et une salle de séjour peuvent accueillir 33 personnes.

Les conditions de «vie» des demandeurs d'asile dans la zone de transit de Cointrin avaient suscité de vives critiques: pas d'accès à l'air libre, locaux borgnes... Les associations d'aide aux réfugiés étaient montées au créneau. Même si l'on est loin de l'hôtel quatre étoiles, la salle de séjour ainsi que les chambres ont des fenêtres. Qui ne s'ouvrent pas. Les requérants ont également un accès permanent à une terrasse grillagée.

«Les conditions matérielles sont meilleures, commente Michel Ottet, qui s'occupe des procédures d'asile à l'aéroport pour l'association Elisa. En revanche, l'espace de liberté a été restreint. En ce moment, les requérants se comptent sur les doigts d'une main. Mais je ne suis pas sûr que ce soit vivable pour trente personnes en même temps.» Un cas de figure peu probable depuis l'entrée en vigueur des Accords de Schengen, qui ont fait diminuer fortement le nombre de requérants arrivant par les airs.

Demandes d'asile à l'aéroport: la vie en zone de transit

OLIVIER CHAVAZ

GenèveREPORTAGE - Entre galerie marchande de luxe et terrasse grillagée, des requérants d'asile peuvent attendre jusqu'à deux mois que la Suisse statue sur leur sort. Visite des locaux.
«Il est interdit de s'entretenir avec les requérants d'asile afin de respecter leur sphère privée.» Hier matin, l'Office fédéral des migrations (ODM) a organisé une visite de presse du nouveau centre d'hébergement de l'aéroport de Genève, aménagé dans la partie «hors Schengen» du site. Une visite très encadrée, consistant à présenter les locaux – flambant neuf – et l'organisation des lieux – tip-top. Les principaux intéressés, eux, étaient tenus à l'écart, malgré l'intérêt que cette présence massive de journalistes semblait susciter chez certains.

Lumière «naturelle»

Avec l'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen, la zone de transit de l'aéroport – celle où les contrôles d'identité ont subsisté – est devenue une véritable forteresse étanche. «Même pour nous, c'est un peu plus lourd administrativement, car les accès sont strictement contrôlés», indique Rolf Götschmann, chef de la procédure asile aéroports à l'ODM. C'est là où se trouve le centre d'hébergement où sont logés les quatre requérants d'asile actuellement en attente d'une décision (lire ci-dessous).


Luxueuses promenades

A leur disposition, deux dortoirs (dix places pour les femmes, vingt pour les hommes) et une chambre destinée aux familles ou aux mineurs non accompagnés. Contrairement aux locaux provisoires utilisés jusqu'en mars dernier, les chambres disposent de lumière naturelle... légèrement entravée par un grillage. Mais pas d'air frais. «Les fenêtres ne s'ouvrent pas... Question de sécurité: on est quand même dans un aéroport!», précise le sergent-major Jean-Pierre Chaudet, de la police de sécurité internationale.
Au bout d'un couloir se trouvent les sanitaires, une cuisine, ainsi qu'une salle de séjour spartiate bien qu'équipée d'un téléviseur et d'un baby-foot. Une petite bibliothèque contient des livres, des jeux de société et quelques jouets. Un bureau de l'ODM et un autre dévolu aux collaborateurs d'ORS Service SA, l'entreprise mandatée pour l'encadrement des requérants, complètent le tableau. Au sous-sol, l'association d'aide juridique Elisa possède désormais elle aussi un espace de travail. Ses animateurs guident les réfugiés durant la procédure et les aident à communiquer avec l'extérieur.


Surveillance policière

Pour humer l'air humide de cette fin d'été, il faut monter sur le toit du bâtiment. Une terrasse d'une trentaine de mètres carrés avec vue (presque) imprenable sur le tarmac est à disposition. Il y des tables et des chaises. Seuls les parasols n'ont pas été livrés à temps. «Ce lieu n'est pas très utilisé», précise Pierre-Alain Lunardi, directeur de l'assistance à ORS Service SA. Peut-être parce que le grillage intégral qui recouvre la terrasse rappelle des mauvais souvenirs carcéraux à certains, qui sait? En guise d'échappatoire, il leur reste toujours la galerie marchande du terminal, ses bars et ses boutiques de luxe, où les réfugiés peuvent déambuler comme bon leur semble. Mais avec 21 francs par semaine d'argent de poche versés par la Confédération, difficile toutefois de dépasser le stade du lèche-vitrines.
«Leur journée est rythmée par les repas», entame Alexandra van Lanschot, employée d'ORS Service SA. Cette jeune femme licenciée en ethnologie assure l'intendance de 8 h à 17 h. La nourriture est préparée par une firme qui livre les plateaux aux compagnies aériennes. «La viande est toujours halal et des plats végétariens sont disponibles», précise-t-elle. Elle tente d'apporter un peu de chaleur humaine aux requérants d'asile: «Nous discutons, faisons des jeux de société, je donne des cours de français à ceux qui le désirent. Depuis quelque temps, j'organise parfois la préparation de spécialités culinaires du pays d'origine de l'un des pensionnaires.»
Durant la journée, les réfugiés peuvent encore rencontrer les membres d'Agora, l'aumônerie genevoise oecuménique auprès des requérants d'asile. Ou, sur demande, le personnel infirmier de Cointrin, relais médical direct pour les personnes souffrantes. La nuit, en revanche, seuls les hommes du service asile et rapatriement de la police de sécurité internationale accèdent aux locaux lors de rondes de surveillance. C'est probablement dans ces moments que la réalité de l'enfermement est la plus vive. I



article

Baisse des arrivées par avion

OLIVIER CHAVAZ

Depuis le 1er janvier 2008, les réfugiés arrivés en Suisse par voie aérienne peuvent être retenus jusqu'à soixante jours aux aéroports de Genève et Zurich. «En règle générale, leur séjour ici ne dépasse pas trente jours», affirme Rolf Götschmann, de l'Office fédéral des migrations (ODM). Les requérants sont auditionnés deux fois par les fonctionnaires avant de recevoir la première décision, au bout de deux semaines en moyenne. Ils disposent ensuite de cinq jours pour recourir contre une décision négative ou une non-entrée en matière (NEM). Puis, la justice administrative fédérale statue dans les mêmes délais.
Selon les statistiques de janvier à juillet 2009, 64 demandes ont été déposées à Cointrin (208 de janvier à décembre dernier). Le Sri Lanka, le Nigeria et la Côte-d'Ivoire sont les pays les plus représentés. Selon les projections de l'ODM, les demandes déposées aux deux aéroports devraient constituer entre 2 et 3% de l'ensemble des requêtes en Suisse en 2009 (contre 4% en 2008).
Sur les 64 demandes de cette année, la moitié environ a débouché sur une admission, qui n'est bien souvent que provisoire. Les personnes concernées sont alors transférées vers le centre d'enregistrement et de procédure de Vallorbe, l'un des trois que compte le pays. Les recalés, eux, sont pris en charge par le canton de Genève en vue d'un rapatriement si les documents de retour sont délivrés par leur pays d'origine. Parmi eux, certains passeront par le centre de détention administrative de Frambois.
OCZ

Immigration : Silvio Berlusconi s'en prend à la Commission européenne


LE MONDE | 03.09.09 | 15h21 • Mis à jour le 03.09.09 | 15h21
Bruxelles Correspondant

e torchon brûle à nouveau entre le gouvernement italien et les autorités européennes. Et, une fois encore, la politique d'immigration en est la cause. Mardi 1er septembre, le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, s'en est pris très vivement à la Commission européenne, lui reprochant de s'immiscer dans une affaire nationale et de faire le jeu de son opposition. M. Berlusconi a menacé de bloquer le Conseil européen, voire de demander la démission des commissaires qui ne contrôleraient pas leur porte-parole.

La communication d'un porte-parole anglais de la Commission, lundi, est à l'origine de l'incident. Denis Abbott avait évoqué une lettre adressée par Bruxelles à Rome au sujet du refoulement de clandestins. Dimanche, un bateau provenant de Libye et transportant 75 clandestins avait été renvoyé par la police italienne.

Il s'agit d'"une simple demande d'éclaircissements, d'informations", a affirmé la Commission européenne. M. Abbott soulignait que tout être humain avait le droit d'introduire une demande en vue de se faire reconnaître comme réfugié ou de bénéficier d'une protection internationale. Cette position avait déjà été exprimée, le 15 juillet, par Jacques Barrot. Le commissaire à l'immigration avait alors indiqué qu'un Etat ne pouvait refouler un demandeur d'asile sans examiner son cas au préalable.

M. Berlusconi estime, lui, que seuls le président de la Commission et son propre porte-parole devraient désormais être autorisés à s'exprimer publiquement. Selon certaines sources, le premier ministre aurait aussi conditionné son soutien futur à la réélection du président de la Commission, José Manuel Barroso, à une réforme de la politique de communication de l'exécutif bruxellois. Il compte évoquer le sujet lors du prochain sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, fin octobre à Bruxelles.

"L'Europe est sourde"

L'énervement de M. Berlusconi a été d'autant plus grand que la Commission a déjà critiqué d'autres de ses initiatives, dont le fichage des Roms ou la création d'un délit d'immigration clandestine. En juillet, l'exécutif européen avait aussi indiqué qu'il souhaitait examiner la "compatibilité" de certaines lois italiennes avec le droit communautaire.

En réponse, plusieurs membres du gouvernement Berlusconi ont dénoncé "l'impuissance" des autorités européennes face à l'immigration clandestine et le fait que les Etats riverains de la Méditerranée ne bénéficieraient pas d'un soutien suffisant. "L'Europe nous a laissés seuls (...), elle est restée absente et sourde (...), elle est coupable parce qu'elle a laissé exploser le problème", a déclaré, mercredi, le ministre des affaires européennes, Andrea Ronchi, à Il Corriere della Serra. "L'immigration est un problème européen. L'UE fait beaucoup de déclarations (...) mais elle n'a toujours pas dit ce qui doit se passer quand un groupe de migrants atteint ses frontières", a estimé le ministre des affaires étrangères, Franco Frattini, à l'issue d'une récente discussion avec la présidence suédoise de l'Union.

La Commission européenne a affirmé, mercredi, que les tensions avec l'Italie étaient en voie d'apaisement. M. Barrot a refusé "les commentaires sans objet" et rejeté toute accusation d'immobilisme. Il a cependant admis une partie des critiques italiennes en évoquant "la frilosité" des Etats membres face au nécessaire partage du "fardeau " que constitue, pour les Européens, l'accueil des réfugiés.

La polémique a relancé le débat sur la nécessité de nouvelles mesures communautaires. La Commission entend mieux aider l'Italie, Malte, la Grèce, Chypre et l'Espagne. Elle veut formuler dans quelques semaines des propositions en vue d'harmoniser les procédures d'asile entre les Vingt-Sept, afin de n'accueillir que "ceux qui ont vraiment besoin d'une protection internationale ", selon la formule de M. Barrot. La présidence suédoise de l'Union promet des "critères de distribution des flux d'immigration parmi les Vingt-Sept". Cette répartition interne s'appuiera sur un projet pilote mené à Malte mais qui n'a abouti, pour l'instant, qu'à l'accueil par la France de 90 immigrants.

Enfin, Bruxelles a proposé, mercredi, un programme commun volontaire pour l'accueil de réfugiés particulièrement "fragiles", notamment des personnes qui vivent provisoirement dans des camps au Tchad, en Jordanie ou au Kenya, par exemple.


Jean-Pierre Stroobants

Une arrivée massive

Demandes d'asile En 2008, l'UE en a enregistré 240 000. Sur les 194 000 dossiers traités en première instance, 73 % ont été rejetés. Selon l'ONU, 67 000 personnes ont traversé la Méditerranée en 2008 pour demander l'asile.

Clandestins L'Italie a enregistré l'arrivée de 37 000 clandestins (+ 75 % en un an) en 2008. Selon la Commission européenne, 4 000 candidats à l'asile ont péri en mer depuis 2003.

Solidarité financière Pour aider les pays riverains de la Méditerranée, l'UE a développé plusieurs mécanismes. Un Fonds pour les frontières extérieures allouera 158,8 millions d'euros en 2009 (17,7 à l'Italie). Le Fonds européen pour le retour s'élève à 61,8 millions (6 pour l'Italie). Un Fonds pour les réfugiés alloue 88,9 millions (+ 9,8 millions en vue de mesures d'urgence), dont l'Italie a perçu 14,3 millions en 2008-2009. Un Fonds pour l'intégration doit allouer 822 millions entre 2008 et 2013.




Début de l'opération de régularisation des "badante"

Selon le ministère de l'intérieur italien, l'opération de régularisation des employés de maison ("badante"), en large majorité étrangers, a commencé "en douceur", mardi 1erseptembre, jour de l'ouverture du guichet électronique sur le site du ministère : 5 289 demandes ont été transmises alors que cette mesure, prise pour amortir les effets de la création du "délit d'immigration clandestine", pourrait concerner près de 500 000 personnes. Les premières demandes concernent principalement des personnes moldaves, ukrainiennes et marocaines. Pour prétendre à une régularisation de leur badante, les employeurs doivent avoir un revenu minimal annuel de 20 000 euros, présenter un certificat médical justifiant le besoin d'un emploi domestique et verser 500 euros. Les employés ne doivent pas avoir eu affaire avec la justice. La procédure prend fin le 30 septembre.

Sur le même sujet



Requérants d’asile mieux lotis à l’aéroport de Genève


(Keystone)

(Keystone)

La procédure dans les aéroports peut désormais s’étendre sur soixante jours au lieu de vingt. Les locaux ont dû être adaptés

Elle est là, recroquevillée sur son lit, un peu effrayée de voir une dizaine de journalistes, des micros et des appareils photo, tout d’un coup arriver dans son dortoir. Ava* est Nigériane. C’est la seule femme demandant l’asile retenue aujour d’hui à l’aéroport international de Genève. Jeudi, l’Office fédéral des migrations (ODM) a organisé, pour les médias, une visite du centre d’hébergement pour requérants de Cointrin. Pas pour aller à la rencontre de migrants, comme Ava, désireux de refaire leur vie en Suisse, mais pour montrer les nouvelles infrastructures mises en place depuis mai 2009.

Les anciens locaux faisaient plutôt triste mine. Ils étaient petits; les dortoirs se trouvaient dans des abris PC, sans lumière du jour. Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) ainsi que d’autres ONG ont régulièrement haussé le ton pour dénoncer ces conditions d’hébergement, qu’ils assimilaient à celles d’une détention, l’accès au plein air étant restreint. «Nous essayons dans la mesure du possible de les faire sortir un peu tous les cinq jours environ. Mais plus serait difficile: nous ne sommes pas nombreux et nous avons aussi d’autres tâches à remplir», nous confiait à l’époque un sergent-major de la Police de la sécurité internationale (PSI) de l’aéroport.

Dortoir pour les mineurs

Depuis le 1er janvier 2008, une nouvelle disposition de la loi sur l’asile autorise une rétention des requérants d’asile arrivant par avion jusqu’à 60 jours au lieu des 20 en vigueur précédemment. Cela, pour permettre une procédure d’asile complète dans les aéroports de Genève et de Zurich et soulager les centres d’enregistrement. Il fallait donc impérativement des locaux plus adaptés.

C’est désormais chose faite. Les dortoirs séparés – 20 lits pour les hommes, 10 pour les femmes et une chambre pour mineurs ou couples – sont plus spacieux. Ils ont surtout des fenêtres. La salle de bains est moderne, la cuisine, avec ses deux machines à laver, aussi. Et, grande première, le nouveau bâtiment dispose d’une terrasse, avec vue sur le tarmac. Grillagée bien sûr de toutes parts, pour éviter des disparitions. Les fenêtres des dortoirs sont d’ailleurs condamnées. «Par rapport à ce qu’ils ont vécu, certains migrants qui arrivent ici ont l’impression d’être à l’hôtel quatre étoiles», assure un agent de la PSI. A Genève, 33 requérants peuvent être logés en même temps; la capacité maximale à Zurich-Kloten est de 66. Ces dernier s temps, ils n’étaient en moyenne qu’une petite dizaine à s’y trouver ensemble...lire la suite