mercredi 14 mai 2008

Les nouveaux faiseurs de Suisse

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Vous avez dit intégration

Moutier met au ban les affiches de l'UDC

JURA BERNOIS. La municipalité déclare son opposition à l'initiative pour des naturalisations démocratiques.

Lire l'article de Marco Danesi dans Le Temps



L'exécutif de Moutier, et surtout son maire Maxime Zuber refusent de voir les affiches de l'UDC proliférer sur les murs de la ville du Jura bernois. Dans un courrier adressé hier à la Société générale d'affichage (SGA), le Conseil municipal s'oppose à la diffusion du support de l'initiative pour des naturalisations démocratiques soumise au vote le 1er juin qui montre «des mains de couleur s'emparant de passeports suisses».

D'autre part le parlement vaudois vote une résolution contre l'initiative de l'UDC

Batailles de chiffres sur les naturalisations

Le nombre de personnes recevant chaque année un passeport suisse a beaucoup augmenté au cours des quinze dernières années. Un argument mis en avant par l’UDC. Mais chacun lit les statistiques à sa manière. Un article de Lucia Sillig dans 24 Heures.

«Halte aux natu­ralisations en masse!» C’est le titre de l’argumentaire de l’UDC sur la votation du 1er juin. Pour soutenir son initiative, le parti produit force chiffres et graphi­ques. «Le nombre de naturalisa­tions a presque octuplé entre 1991 et 2007!» font valoir les démocrates du centre. Une pro­gression confirmée par l’Office fédéral des migrations (ODM). Mais l’interprétation de ces chif­fres diffère.
«Politique
laxiste»
Pour l’UDC, l’augmentation du nombre de naturalisations par année est «une conséquence directe de la politique migra­toire laxiste menée ces dernières décennies». C’est le résultat d’une baisse des exigences dues aux effets «des pressions de la gauche et des décisions judiciai­res aberrantes». Elle cite en exemple la limitation des émolu­ments aux seuls frais adminis­tratifs depuis 2006, ou encore l’introduction, en 1996, de la naturalisation facilitée pour les conjoints de citoyens suisses.
Les chiffres de l’ODM (qui ne prennent pas en compte les re­naturalisations d’enfants de Suisses à l’étranger, 1773 person­nes en 2007) montrent en effet une importante progression ces quinze dernières années (voir ci-contre). Avec toutefois un re­cul entre 2006 et 2007. «Il y a plusieurs causes à cette progres­sion », observe Jonas Montani, porte-parole de l’ODM. Il cite, effectivement, la limitation des coûts mais évoque aussi la re­connaissance, en 1992, de la dou­ble nationalité par la Suisse et l’Italie. De quoi influencer signi­ficativement les statistiques en raison de l’importance de la communauté transalpine. En 2006, quand l’Allemagne a fait de même, le nombre de naturali­sations d’Allemands a presque doublé.
Chiffres pas si importants

«Avant 1992, les personnes qui se mariaient n’entraient pas dans la statistique parce qu’elles deve­naient automatiquement Suisses, ajoute Jonas Montani. Après, il fallait être marié depuis 3 ans et être en Suisse depuis 5 ans.» De plus, suite au refus de la naturali­sation facilitée pour les étrangers des 2e et 3e générations en 2004, plusieurs cantons ont assoupli leur procédure. Jonas Montani rappelle aussi que la population étrangère a augmenté de 30% entre 1991 et 2007 et qu’il y a donc beaucoup plus de person­nes qui remplissent les critères pour déposer une demande. Il souligne qu’actuellement le nom­bre de candidats potentiels s’élève à 774 000. En comparai­son, il trouve les quelque 43 000 naturalisations de l’année der­nière peu nombreuses.
«L’augmentation des naturali­sations n’est pas la principale motivation de notre initiative», commente le conseiller national UDC Guy Parmelin. Pourtant, elle tient une bonne place dans l’argumentaire. «En ramenant la naturalisation au niveau d’une simple procédure administra­tive, le Tribunal fédéral (ndlr: qui a interdit les naturalisations par les urnes en 2003) a encore plus ouvert les vannes, répond le Vaudois. Le plus important, c’est qu’on retourne à une décision politique.» Pour la socialiste Ada Marra, coprésidente du comité «Non aux naturalisations arbitraires», le fait que peu des candidats potentiels déposent une de­mande montre qu’il ne s’agit pas d’une démarche purement ad­ministrative. «Sinon, tout le monde le ferait. Ce n’est ni un acte administratif ni, heureuse­ment, politique: il ne faudrait pas que des personnes puissent être prises en otage par la majo­rité du moment. Pour moi, c’est avant tout un acte symbolique, pour ceux qui demandent la naturalisation, comme pour ceux qui la donnent.» Elle rappelle que seuls 3,1% de la population étrangère en Suisse entreprend de telles dé­marches, un taux très faible en comparaison internationale. «Si on regarde en pourcentage de la population, la Confédération na­turalise bien plus que d’autres pays dits très ouverts, comme la Suède», rétorque Guy Parmelin. Difficile de sortir de la guerre des chiffres.

Belgique : Des expulsions d’étrangers désespérantes



Date de parution : mardi 13 mai 2008.

LIBREVILLE, 13 mai (Infosplusgabon) - Un sans-papiers camerounais s’est suicidé en Belgique. Sa mort relance le débat sur la sévérité des critères et les modalités d’expulsion des étrangers en situation irrégulière. Un débat bientôt porté à l’Union européenne, dont la politique risque de devenir plus stricte encore.

Ebenizer Folefack Sontsa, un ressortissant camerounais, est décédé en Belgique le 1er mai. Un fait banal, si cette mort n’était pas un suicide (selon la version officielle), dans un "centre fermé pour demandeurs d’asile", d’une personne à la veille d’être expulsée vers son pays d’origine.

Et cela, alors que le monde associatif belge et certains milieux politiques réclament un assouplissement des critères de régularisation des personnes d’origine étrangère et, en attendant, un moratoire sur les expulsions.

Les derniers jours d’Ebenizer Folefack Sontsa* ont été agités. Emmené le samedi 26 avril par des policiers dans un avion belge à destination de Douala, il se débat. Un passager, Serge Ngajui Fosso, français d’origine camerounaise qui rentrait en vacances, s’aperçoit de l’agitation et, avec d’autres voyageurs, interpelle l’équipage.

Il filme la scène sur son téléphone portable. Finalement, les policiers débarquent l’homme en voie d’expulsion... et trois autres personnes, dont M. Fosso. Celui-ci est menotté, mis au cachot pendant onze heures et interdit de vol sur la compagnie aérienne en question pendant 6 mois.

Relâché, il constatera que la vidéo a été effacée de son téléphone. Il a porté plainte contre la compagnie. Ebenizer Folefack Sontsa, lui, est ramené dans un centre fermé, où il apprend qu’il sera à nouveau mis dans un avion vers le Cameroun le 5 mai. Ce qui l’aurait conduit à se suicider.

Des enfants enfermés

Ces faits sont révélateurs de deux problèmes. Le premier est celui des "centres fermés" où passent quelque 8 000 personnes par an. Pour les autorités, c’est simplement un lieu de transit où sont placées des personnes en voie d’expulsion ou celles qui demandent l’asile politique en débarquant à l’aéroport. Mais pour les sans-papiers et leurs défenseurs, ces centres sont assimilables à des prisons, à la différence près que les détenus n’ont pas été condamnés.

A plusieurs reprises, des gardiens ont dénoncé à la presse, sous anonymat, les mauvais traitements et pressions psychologiques exercées sur ces sans-papiers. Dans les centres mêmes, il arrive que certains - notamment des malades mentaux - soient mis en cellule d’isolement pendant 2 à 3 mois.

Et lors d’une procédure avortée d’expulsion, certains sans-papiers reviennent avec des traces de coups ou sans les quelques biens qu’ils possédaient. La Belgique a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir détenu des enfants dans ces centres, alors que l’enfermement des mineurs est interdit, sauf exception. En 2002, c’est une petite fille de 5 ans ( !) non accompagnée qui s’y trouvait enfermée.

L’autre débat est celui des critères d’expulsion des étrangers. La tendance générale, en Europe, est de plus en plus restrictive. En Belgique, une vaste opération de régularisation a eu lieu en 1999-2000. Mais depuis, chaque semaine, des personnes sont expulsées alors que, parfois, ce sont des familles bien intégrées dans des quartiers ou des villages qui se mobilisent bien souvent pour que les sans-papiers puissent rester.

Une directive "de la honte"

Depuis près de cinq ans, de très nombreuses manifestations, occupations d’églises, grèves de la faim... ont été menées par des sans-papiers, appuyés par des associations, par la Ligue des droits de l’Homme, des avocats... Dans les meilleurs des cas, elles débouchent sur des ré-examens de dossiers individuels.

Mais ce que demandent les sans-papiers, c’est une modification de la politique globale. Ainsi, dès 2006, l’Union pour la défense des sans-papiers (Udep) réclamait que soient régularisées diverses catégories de personnes, comme celles qui ont en emploi, qui, en gros, peuvent faire état d’une bonne intégration dans le pays. En vain. En Belgique, les décisions de régularisations sont de plus difficiles à obtenir. Selon l’Udep, presque tous les refus sont justifiés par un même argument : "Les éléments évoqués ne constituent pas une circonstance exceptionnelle empêchant ou rendant difficile un retour au pays d’origine."

Le nouveau gouvernement belge, formé en mars, a prévu de revoir les critères de régularisation, mais ne l’a pas encore fait. En attendant, les associations demandent à la ministre de l’Asile et des Migrations un moratoire sur les expulsions, puisque les personnes renvoyées aujourd’hui satisferont peut-être bientôt les nouveaux critères.

Mais la réponse de la ministre, membre d’un parti libéral (droite) opposé aux régularisations, est ne laisse guère augurer plus d’ouverture : "Un moratoire ne donne que de faux espoirs aux gens."

Les expulsions se poursuivent donc. Et le débat sort des frontières belges pour s’étendre à l’Union européenne. Un projet de directive, que certains appellent déjà "de la honte", doit être examiné en juin au Parlement européen en vue d’harmoniser les règles nationales des Etats membres en matière d’expulsion.

Quelque 8 millions de migrants seraient en séjour irrégulier dans les pays de l’UE. Selon les associations et tendances politiques qui y sont opposées, cette harmonisation aboutirait à ce que "les standards [soient] revus à la baisse". Encore...