vendredi 27 mars 2009

Les députés priés d'assouplir l'aide d'urgence

Lu dans les pages Genève du Courrier
La Coordination asile.ge a déposé mercredi une pétition au Grand Conseil demandant d'assouplir l'application du régime d'aide d'urgence pour les déboutés de l'asile. Munie de 1519 signatures récoltées en un mois, la pétition demande que les cas dits «vulnérables» bénéficient de l'aide ordinaire. Plus d'un an après la généralisation de l'exclusion de tous les déboutés de l'asile de l'aide sociale, asile.ge, qui regroupe les associations actives dans le domaine, tord le cou à l'idée reçue que Genève se distinguerait par sa générosité en la matière. «La loi fédérale n'impose pas l'exclusion de l'aide sociale de tous les déboutés mais se contente de dire qu'ils `peuvent' l'être, explique Lucine Miserez Bouleau, du Centre social protestant. Genève aurait donc toute latitude pour maintenir les cas vulnérables (mineurs, familles, femmes seules, malades) dans l'aide ordinaire, comme cela se pratique à Neuchâtel, Zoug et Schwyz.» Privés d'aide sociale, les déboutés sont hébergés en foyer et reçoivent 10 francs par jour  six francs par membre d'une famille de cinq personnes. «Cette aide censée couvrir les besoins vitaux minimums ne suffit pas, comme le démontrent les 120 demandes individuelles d'aide financière adressées à la Croix-Rouge en 2008», affirme Mme Miserez Bouleau. La moitié des requêtes concernaient des frais dentaires et 17% des appuis scolaires. Des demandes pour acheter du lait en poudre ou des couches ont aussi été formulées. Il s'agit d'un transfert d'assistance vers les associations caritatives, s'énerve Mme Miserez Bouleau. Le deuxième volet de la pétition demande la fin de la différence que Genève opère  se distinguant dans toute la Suisse  entre les déboutés par décision ordinaire et ceux par non-entrée en matière (NEM). Pour ces derniers, l'aide d'urgence est, la première année, uniquement en nature (repas précuisinés, carte de bus et hébergement). Sans prise sur leur quotidien, beaucoup se sentent de la sorte infantilisés, note la pétition. Mme Miserez Bouleau est satisfaite du nombre de paraphes récoltés pour une cause qui, selon elle, n'émeut pas beaucoup la population... et pas non plus le parlement, reconnaît-elle. I
Hier, nous n'avons pu joindre l'Office cantonal de la population.

Plus personne ne veut défendre les Roms

Pourquoi le requérant Fahad K. sera finalement renvoyé par la Suisse


ASILE | L’arrestation surprise du héros du film «La Forteresse» a indigné ses défenseurs. L’Irakien sera probablement renvoyé en Irak. Mais des interrogations subsistent.



Le réalisateur de «La Forteresse» Fernand Melgar (à gauche avec Fahad K.)
© KEYSTONE/13 mars 2009 | Le réalisateur de «La Forteresse» Fernand Melgar (à gauche avec Fahad K.) gardait espoir après son entrevue avec Eveline Widmer-Schlumpf le 13 mars. Aujourd’hui, il se sent trahi.
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MARTINE CLERC | 25.03.2009 | 00:01

Fahad K. est incarcéré depuis lundi à Zurich. L’arrestation surprise du requérant d’asile irakien alors qu’il se rendait à l’Office cantonal des migrations a provoqué la stupeur de ses défenseurs. Fahad K. a en effet été interpellé avant même que son avocate ne soit mise au courant de la décision négative du Tribunal administratif fédéral (TAF).

Une chose est sûre: dans trois jours, peut-être plus, le jeune homme, que le cinéaste lausannois Fernand Melgar a filmé dans son documentaire La Forteresse, devrait être renvoyé en Suède. De là, il serait exposé à l’expulsion vers Bagdad où il risque la mort.

❚ Fahad K. est-il tombé dans un guet-apens? C’est l’accusation lancée par Fernand Melgar. «Lundi, Fahad, à la demande de l’Office fédéral des migrations (ODM), s’est rendu confiant à l’Office des migrations de Zurich pour s’y inscrire, car il avait été attribué à ce canton. C’était un piège. Il y a été immédiatement arrêté.» Elise Shubs, mandataire juridique de l’Irakien, dénonce: «La décision du TAF ne m’est parvenue que lundi après-midi, au moment même de l’arrestation, alors que l’arrêt était daté du 19 mars. C’est incompréhensible!»

«Il ne s’agit pas d’un piège, mais d’un hasard», corrige-t-on à l’ODM. La police zurichoise aurait-elle été prévenue avant même la mandataire de l’Irakien? «Absolument pas. La mandataire a bien été la première informée lundi, puis l’ODM et enfin l’Office des migrations du canton de Zurich», assure Magnus Hoffmann, porte-parole du TAF. La police aurait été avertie par l’Office cantonal des migrations.

❚ Pourquoi le renvoi? Le TAF se base principalement sur l’application des accords de Dublin: le requérant d’asile est renvoyé dans le premier pays de l’espace Dublin où il a déposé une demande, en l’occurrence la Suède. L’arrêt précise que l’Etat scandinave respecte les conventions internationales sur l’asile.

❚ La Suisse avait-elle le choix? En clair, les juges fédéraux auraient-ils pu appliquer la clause de souveraineté permettant le traitement de la demande de Fahad K. par la Confédération? «En principe oui, estime Francesco Maiani, professeur à l’Institut des Hautes Etudes en administration publique. Mais en l’espèce, le TAF a fait preuve d’une très grande retenue vis-à-vis de la décision de l’ODM de ne pas appliquer cette clause.» En aucun cas Fahad K. ne pouvait être considéré comme un «cas de rigueur», la durée de sa présence en Suisse n’étant pas suffisante.

❚ Sera-t-il renvoyé en Irak? Possible, via la Suède qui a déjà refusé sa demande d’asile. Mais les juges du TAF assurent avoir des garanties de l’Etat scandinave que Fahad K. pourra déposer un recours dès son arrivée à Stockholm. Il pourra ainsi demeurer en Suède jusqu’à l’issue de la procédure. «Il s’agit de garanties claires dont le tribunal ne voit aucune raison de mettre en doute la fiabilité», tranche le TAF. Elise Shubs nourrit des doutes. L’an dernier, l’Irakien n’avait pas pu faire valoir ses droits dans le temps imparti. Elle rappelle la politique d’asile restrictive de la Suède, qui a mis en place des procédures accélérées pour renvoyer chez eux les migrants irakiens. Précisons que la Suisse, la France et Amnesty International (AI) sont à l’heure actuelle opposés à tout renvoi forcé vers l’Irak. La section suisse d’AI a déjà pris contact avec son homologue suédoise pour garantir un soutien à Fahad K. dès son renvoi.

❚ Que répond Eveline Widmer-Schlumpf? Mi-mars, la conseillère fédérale avait reçu Fernand Melgar à Berne pour évoquer le sort de l’Irakien. Le réalisateur s’était dit touché par son «écoute bienveillante». Aujour d’hui, il se sent «profondément trahi». Invitée hier à Genève par le Club suisse de la presse, la ministre a estimé que même si le cas de Fahad K. a été médiatisé et que le sujet est émotionnel, il n’y a pas de raison de le traiter différemment des autres requérants. Elle a soutenu la décision de non-entrée en matière de ses services, rappelant que l’Irakien dispose encore en Suède d’une possibilité de recours. Sur l’arrestation à Zurich: «Il n’y a pas eu de piège. Si la décision du TAF est tombée au moment où Monsieur K. était à Zurich, c’était un hasard. La loi a été appliquée.»


La loterie des cas de rigueur est dénoncée

Pour obtenir un permis B humanitaire (cas de rigueur), mieux vaut se trouver sur territoire vaudois ou genevois qu’à Zurich ou à Zoug. Entre 2007 et 2008, Vaud, champion toutes catégories, a délivré plus de 500 permis humanitaires, suivi de Genève, avec 200. Les lanternes rouges Zurich et Zoug ont distribué moins de 20 permis chacun. Cette inégalité de traitement est vivement dénoncée par
l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), qui souhaite que Berne donne des instructions claires aux cantons.

Marge d’appréciation

Aujourd’hui, la question des cas de rigueur est abandonnée largement à l’appréciation des cantons. De passage à Genève hier, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf a défendu l’autonomie des cantons tout en admettant la critique. «Nous travaillons à l’harmonisation des critères, mais ceux-ci ne seront jamais complètement identiques: les cantons bénéficient d’une marge de manœuvre importante et c’est normal.»

Dans la Loi sur l’asile, les requérants déboutés, ceux qui sont en cours de procédure ou ceux au bénéfice d’admission provisoire peuvent être considérés comme «cas de rigueur» à certaines conditions. 

En danger de mort ou risque de torture

La première est clairement formulée dans la loi: cinq ans de séjour au minimum sur le territoire suisse. Deuxièmement, le requérant doit être dans l’impossibilité de réintégrer son pays d’origine. Eveline Widmer-Schlumpf a donné hier son interprétation: «Cela signifie que le requérant est en danger de mort ou qu’il risque la torture en cas de retour.»

Viennent ensuite les critères qui permettent d’évaluer le degré d’intégration du requérant dans la société suisse: maîtrise de la langue du canton d’accueil, situation économique, présence d’une famille avec des enfants scolarisés, respect des lois. 

Pas de droit au permis humanitaire

Ces éléments sont laissés à l’appréciation des cantons. Ce qui explique une partie des disparités. Pour le reste, les différences découlent du fait qu’il n’y a pas de droit au permis humanitaire. Chaque canton est libre d’octroyer ou non ces permis à ceux qui en font la demande. Formellement, c’est Berne qui octroie le permis, mais il est assez rare, pour les cas de rigueur, que l’Office des migrations (ODM) ne suive pas les cantons. Si Zurich ou Zoug ne délivrent presque pas de permis, c’est donc simplement parce qu’ils ne les demandent pas. Au nom d’une politique migratoire plus restrictive.

Cédric Waelti

Fahad K. risque-t-i sa vie en Irak ?


par Frédéric Nejad

Le requérant d’asile apparu dans un film de Fernand Melgar a évité jeudi de justesse son renvoi. Malaise sur son ex-employeur à Bagdad.


L'Irakien Fahad Khammas (à droite) se trouve en compagnie de Fernand Melgar, réalisateur du documentaire «La Forteresse». (Photo: Keystone)
Info-Box
Interprète de l’armée US 

Fahad jure que sa vie est gravement en danger dans son pays. Des milices islamistes l’auraient déjà menacé, car il a travaillé «comme interprète» pour l’armée américaine en Irak. Pas assez crédible pour la Suède. Selon nos sources, Fahad a travaillé pour Titan Corp. Comme simple interprète? Cette société américaine a déjà été épinglée pour ses activités litigieuses dans des pays. Dont l’Irak, où elle fournissait des traducteurs et des «interrogateurs» à l’armée, notamment pour la prison d’Abou Ghraib, où la torture était pratiquée...

Un nouveau rebondissement est intervenu dans le dossier-feuilleton de Fahad. Les acteurs? Son assistante juridique, le réalisateur lausannois Fernand Melgar, Denise Graf, d’Amnesty International, ainsi que le conseiller personnel de la ministre Eveline Widmer-Schlumpf et sa porte-parole.

L’entourage de la conseillère fédérale avait accepté de recevoir les défenseurs du demandeur d’asile irakien jeudi après-midi. Mais ce rendez-vous n’avait pas été porté à la connaissance de la police zurichoise.

Appliquant une décision de l’Office fédéral des migrations (ODM), confirmée par le Tribunal fédéral, elle a conduit jeudi matin Fahad à l’aéroport pour le renvoyer par avion en Suède. Et ce conformément aux Accords de Dublin, «plébiscités par le peuple en votation», a rappelé mercredi le conseiller d’Etat vaudois Jean-Philippe Leuba: un requérant d’asile ne peut plus déposer plusieurs demandes dans divers pays européens. Il est alors renvoyé là où il a fait sa première requête. La Suède pour Fahad.

Mais la TSR a dévoilé jeudi que son vol a été suspendu au dernier moment. «Temporairement, précise Denise Graf. Les services de la conseillère fédérale ne souhaitaient pas qu’on expulse Fahad pendant un entretien accordé.»

Un simple sursis donc, car il a alors clairement été signifié aux défenseurs de Fahad que la décision d’expulser l’Irakien en Suède était irrévocable. Les autorités suisses considèrent que ce pays est garant d’une procédure équitable. La demande d’asile de Fahad y a déjà été refusée, mais il y a encore au moins deux possibilités de recours contre cette décision.

Eveline Widmer-Schlumpf repousse l’expulsion de Fahad K.

PAR VALÉRIE DE GRAFFENRIED
La ministre est intervenue alors que Fahad était déjà sur le tarmac de l’aéroport. Pour respecter des engagements pris envers le cinéaste et l’avocate du traducteur irakien
Coup de théâtre jeudi matin à l’aéroport de Zurich. Fahad K., protagoniste du documentaire La Forteresse de Fernand Melgar, a échappé une nouvelle fois à son expulsion. A la dernière minute et grâce à l’intervention en personne d’Eveline Widmer-Schlumpf, a révélé la TSR.

La TSR s’apprêtait à filmer la dernière rencontre entre le requérant d’asile irakien, son assistante juridique, Elise Shubs, et Fernand Melgar. Le cinéaste et l’avocate de vaient le rencontrer en prison à 10 heures. Or, alors que tous deux étaient encore dans le train, la police zurichoise les a appelés pour leur dire que le rendez-vous avait été annulé. Parce que Fahad avait déjà été transféré à l’aéroport pour être renvoyé en Suède via un vol spécial. «A peine arrivés à l’aéroport, nouveau rebondissement», raconte Fernand Melgar, qui se bat pour que le traducteur irakien ayant officié pour l’armée américaine ne soit pas renvoyé au final dans son pays. «Deux policiers nous ont dit que l’expulsion avait été suspendue sur décision d’Eveline Widmer-Schlumpf.»

Explications de Brigitte Hauser-Süess, porte-parole du Département fédéral de justice et police (DFJP): «Eveline Widmer-Schlumpf est intervenue car elle avait promis à Elise Shubs et Fernand Melgar une nouvelle rencontre avec un de ses collaborateurs et moi-même dans l’après-midi. Le DFJP n’a appris l’organisation du vol spécial que le matin même, raison pour laquelle l’expulsion a été stoppée au dernier moment.»

Respecter ses engagements

En d’autres termes: Eveline Widmer-Schlumpf a voulu respecter les engagements pris. Lundi, Elise Shubs et Fernand Melgar s’étaient déclarés «piégés» par l’Office fédéral des migrations (ODM). Car Fahad a été arrêté à Zurich alors qu’il était convoqué à l’Office cantonal des migrations pour s’y inscrire. Et son avocate n’a reçu la décision, négative, du Tribunal administratif fédéral (TAF), qui confirmait celle de l’ODM, qu’au moment où il se faisait arrêter. Mercredi, l’ODM a prononcé une interdiction de séjour en Suisse de trois ans contre Fahad. Et l’avocate affirme ne pas avoir été directement mise au courant de la décision. La ministre aurait donc voulu éviter de nouveaux «couacs». «La police zurichoise s’est montrée trop zélée; elle a voulu agir bien trop vite. La ministre a en fait voulu nous laisser voir Fahad une dernière fois correctement», commente pour sa part Fernand Melgar. Après ces émotions, le cinéaste, Elise Shubs et Denise Graf, d’Amnesty International, se sont entretenus durant une heure et demie avec deux collaborateurs du DFJP. «Nous leur avons notamment expliqué quelles étaient les possibilités que Fahad K. aurait en Suède», souligne Brigitte Hauser-Süess.

A l’heure qu’il est, difficile de savoir où se trouve Fahad. Dans les airs? Déjà en Suède? Encore à Zurich? Si elle n’a pas déjà été exécutée, son expulsion devrait être imminente. Le TAF a confirmé lundi une deuxième fois la décision de le renvoyer en Suède, où l’Irakien avait déposé une première demande d’asile. Et aucune nouvelle voie de recours n’est possible en Suisse.