jeudi 20 juillet 2006

Asile: compromis pour l'aide d'urgence

Si la révision de la loi sur l'asile est acceptée par le peuple le 24 septembre, la Confédération pourrait verser aux cantons un forfait annuel de 6000 francs par requérant débouté ayant droit à l'aide d'urgence.

La suite sur le site tsr.ch, un dossier complet, ainsi que des archives audio et vidéo, des liens vers les organismes concernés.

Lettre ouverte à Yvan Perrin

De Jacques Neirynck, à lire dans l'Hebdo n°28 du 13 juillet 2006




Monsieur,

Lors de l'émission Forums du 30 juin, nous avons eu une brève explication sur un sujet, qui mérite de plus amples éclaircissements. Il s'agit des pénalités à infliger aux citoyens suisses qui assistent des étrangers en situation illégale. Manifestement, vous ne m'avez pas compris, tandis que je crains de ne vous comprendre que trop bien.
Le 24 septembre, nous serons amenés à voter sur la nouvelle loi sur les étrangers, datant du 16 décembre 2005 et attaquée en référendum. Arrêtons-nous sur le seul article 116. Il prescrit une peine de cinq ans de réclusion et une amende d'un demi-million au plus pour ceux qui facilitent l'entrée ou le séjour illégal d'un étranger, qu'il s'agisse, soit de passeurs qui exploitent la misère des réfugiés, soit de tout groupe de personnes formé afin d'aider ces étrangers.
Personne ne s'offusquera de la lourdeur des pénalités dans le premier cas. Mais dans le second, on vise les organisations d'aide et en particulier les paroisses qui ont déjà servi de refuge à des étrangers menacés d'expulsion. Ainsi, on crée une base légale pour justifier la condamnation de prêtres, de pasteurs ou de militants laïcs. On les mélange avec d'authentiques criminels, selon une méthode déjà utilisée au Golgotha.
Les peines sont exorbitantes, surtout si on les compare avec ce qu'elles étaient auparavant. Ainsi la loi de 1931, celle qui a servi à envoyer à la mort des milliers de Juifs et à condamner Paul Grüninger, ne prévoyait que 10000 francs d'amende et six mois de prison. Et encore, ces pénalités n'étaient pas applicables si les mobiles du citoyen suisse étaient «honorables». Dans la nouvelle loi, cette mention de mobiles honorables a été supprimée. Selon la majorité parlementaire qui a voté cette nouvelle loi,il n'y a plus de motifs honorables. Dès lors, il sera toujours déshonorant d'assister un étranger en situation illégale.
Il s'agit d'un basculement de civilisation. Du reste vous l'avez hardiment pris à votre compte lors de l'émission. Pour vous, une fois qu'une loi est votée, tous les citoyens doivent y obéir sans aucune exception et ceux qui la transgressent méritent les plus lourds châtiments, qu'il faut donc aggraver. Vous ne concevez pas qu'il puisse y avoir des conflits de conscience et que certains obéissent à une loi de Dieu plutôt qu'à celle des hommes. Même hors de tout contexte religieux, ce conflit existe. Il a été mis en scène voici 25 siècles dans la tragédie d'Antigone, qui obéit à une loi non écrite plutôt qu'à celle de sa ville d'Athènes.
Ainsi vous avez tracé une frontière entre deux catégories de citoyens suisses: ceux qui ont une conscience et ceux qui la remplacent par l'obéissance aveugle aux lois. Ceux pour qui la qualité d'être humain prime toute autre considération et ceux qui appartiennent à une tribu en guerre avec le reste du monde. Ceux pour qui l'accueil de l'étranger est inscrit dans la tradition de l'humanité et ceux qui considèrent cette coutume comme débile.
Mais au fond pourquoi s'arrêter à cinq ans de prison? Durant la Seconde Guerre en Europe occupée, ceux qui aidaient les Juifs étaient envoyés dans des camps de concentration. Cette idée vous tenterait-elle? Cependant, même sous cette menace, il y eut des gens pour aider les Juifs, pour accepter de risquer et de perdre leur vie. Il faudrait donc que vous essayiez de comprendre que la conscience existe. Dans ce cas, cette lettre n'aura pas été écrite en vain.
Vous avez tracé une frontière entre deux catégories de citoyens suisses: ceux qui ont une conscience et ceux qui la remplacent par l'obéissance aveugle aux lois. Ceux pour qui la qualité d'être humain prime toute autre considération et ceux qui appartiennent à une tribu en guerre avec le reste du monde.