mercredi 23 août 2006

La caravane passera par Vallorbe

C'est 24 Heures qui l'annonce: la caravane du comité " 2 x NON " passera bel et bien par Vallorbe le 1er septembre, malgré les réticences de la municipalité, au nom du droit à l'information. Un article de Viviane Menétrey.

Le périple du Comité vaudois «2 x NON aux lois contre l’asile et les étrangers» commence dimanche.
Halte prévue à la Cité du fer, malgré les réticences des autorités. La caravane s’arrêtera bel et bien à Vallorbe le 1er septembre, n’en déplaise à ses autorités. Le Comité vaudois «2 X NON aux lois contre l’asile» n’en démord pas: face aux réticences de la Cité du fer d’ac­cueillir des opposants aux nouvel­les lois sur l’asile et les étrangers – en raison des tensions que leur venue pourrait susciter dans cette commune qui abrite un Centre d’enregistrement de procédure pour requérants d’asile (24 heures du 14 juillet) –, il a bien l’intention d’user du «droit élémentaire d’in­former la population».
Et il possède un argument de taille: le 9 août dernier, le Conseil d’Etat a adressé une lettre à la Municipalité, lui rappelant que «notre système démocratique ga­rantit à chacun les libertés d’opi­nion et d’information». Le gou­vernement précise également que si «le souci de la Municipalité est compréhensible», il appartient à la commune «de prendre les me­sures nécessaires afin d’assurer l’ordre public».
«Il s’agit d’un véritable rappel à l’ordre», se félicite Jean-Michel Dolivo, représentant du comité. L’interprétation diffère quelque peu du côté vallorbier: «Nous avons pris acte de la lettre du Conseil d’Etat. Le gouvernement comprend nos craintes. Il a sim­plement fait son travail», estime le syndic Laurent Francfort.

Spectacles et débats
Mais avant de faire halte à Val­lorbe, la caravane sillonnera le canton direction Renens, Morges ou encore Nyon (seule commune à s’être officiellement positionnée contre les nouvelles lois). Elle poursuivra sa route à Yverdon, Château-d’OEx ou Bex, pour termi­ner son périple, le 10 septembre, à Lausanne. A ses côtés, la Compa­gnie T-âtre jouera Aube noire sur la plaine des merles, l’histoire d’un réfugié politique inspirée de la vie de Seladjin Doli, coauteur de la pièce avec Anne-Lise Thur­ler.

Engagé Lova Golovtchiner sera présent, samedi, au Théâtre de Vidy
en compagnie d’autres artistes et de politiciens pour dire «NON et NON»

Quant au premier coup d’envoi, il sera donné samedi au Théâtre de Vidy, à Lausanne, par Lova Golovtchiner. Au programme: ar­tistes, humoristes et personnalités politiques se succéderont «pour dire NON et NON».

Détail complet des diverses manifestations sur

La soeur de Blocher fait campagne pour le non

Présidente du comité biennois «2xNON», Judith Giovannelli-Blocher critique les révisions préconisées par son frère, Christoph Blocher.

Judith Giovannelli-Blocher estime que la révision des lois sur l’asile et les étrangers
doit exprimer en premier lieu le souci de protection (Keystone/Engeler)



«Comme tra­vailleuse sociale, qui a consacré sa vie aux réfugiés, je ne peux pas me taire: cette loi menace la substance sociale de notre pays», s’exclame Judith Giovan­nelli- Blocher qui préside le co­mité biennois pour le non. Elle s’oppose à son frère en quali­fiant d’exagérés les abus repro­chés aux requérants. Entretien.

«Ces lois mineraient nos droits démocratiques fonda­mentaux! » Ainsi parle la soeur de Christophe Blocher, Judith Giovannelli-Blocher, 74 ans, présidente du comité biennois «2xNON» aux lois sur l’asile et sur les étrangers soumises au vote populaire du 24 septem­bre. Dès vendredi, elle mènera campagne dans la région où elle réside.
Très décidée, la soeur du mi­nistre helvétique de la justice et de la police souhaite rester so­bre et objective à l’égard de Christoph Blocher. «Je me con­centre sur le contenu et je trouve qu’actuellement, la foca­lisation sur sa personne n’est pas utile. Pourtant, c’est assez pesant de représenter l’exact opposé politique de mon frère.» Judith Giovannelli-Blocher critique d’abord la révision de la loi sur l’asile: on n’entrera plus en matière sur les requêtes de personnes n’ayant pas de papiers. «Il y a un énorme dan­ger que des gens réellement persécutés ne puissent pas être reconnus. Souvent, de telles personnes n’ont aucun docu­ment. Et les victimes de tortu­res relatent fréquemment leurs tribulations de manière décou­sue. »

Abus surestimés
Selon elle, une loi sur l’asile doit exprimer en première li­gne le souci de protection – en y incluant la présomption d’in­nocence des immigrants. Or les deux projets sur l’asile et les étrangers sont marqués par la méfiance et la dissuasion.
«Des abus, il y en a bien sûr, mais on les surestime», affirme la travailleuse sociale qui a vu défiler des milliers d’étrangers. Alors que le nombre des requé­rants et des réfugiés admis est en baisse, il n’y a aucune raison, s’insurge-t-elle, d’endurcir les mesures de contraintes et de biffer complètement l’aide so­ciale aux requérants déboutés. «Lorsque des gens sont vulné­rables, ou lorsque les relations familiales ont été brisées, cette aide doit pouvoir être mainte­nue. » Des solutions? La soeur aînée du conseiller fédéral préconise d’un côté davantage de projets cohérents pour aider les requé­rants à retourner vivre chez eux. Et de l’autre une meilleure intégration en Suisse, notam­ment en les autorisant à tra­vailler. «En fin de compte, c’est la pauvreté au Sud qu’il faut combattre», préconise Judith Giovannelli-Blocher.
«La révision de la loi sur l’asile et la nouvelle loi sur les étrangers se heurtent à la subs­tance sociale de notre pays», avertit l’opposante. Ainsi, ceux qui accueillent des requérants déboutés peuvent être punis de leur acte altruiste. «Par exem­ple des pasteurs, des prêtres ou des gens qui s’engagent active­ment dans leur commune pour soutenir des réfugiés.» Elle se réjouit du soutien tou­jours plus large qui se déve­loppe en faveur de la campagne contre les deux projets. «Si ces lois sont refusées, ce sera un signal positif pour d’autres en­jeux sociaux, actuellement me­nacés par des mesures d’écono­mie – comme les soins aux per­sonnes âgées et aux handica­pés. » Auteur de deux livres, Judith Giovannelli-Blocher a dirigé un département à la Haute école pour le travail social de Berne. Sa conclusion se veut optimiste: «La Suisse est malgré tout un pays capable d’intégrer!»

DOMINIQUE SCHÄRER, INFOSUD

Une tradition "traumatisante"

Dans le courrier des lecteurs de 24 Heures, la lettre de Mme Monique Gisel, avocate à Lausanne, qui parle de son expérience personnelle au contact des demandeurs d'asile:



Les partisans des lois sur les étrangers et sur l’asile soumises à référendum le 24 septembre affirment souvent qu’elles ne modifieront en rien notre tradition humanitaire. Peut-être ont-ils une autre définition du mot «humanitaire»? Ou est-ce là l’aveu qu’ils ne connaissent pas vraiment le sujet?
J’évoquerai deux situations tirées de ma pratique quotidienne. Un jeune homme a fait des premières crises d’épilepsie quelques mois avant de recevoir une décision ordonnant son renvoi au Cameroun. Il apprend que son médicament n’est pas vendu dans son pays. Nous demandons un délai supplémentaire pour trouver parmi les rares médicaments disponibles celui qui lui convient et éventuellement adopter un traitement qui réduise les effets secondaires.
«Il pourra s’occuper de cela au Cameroun» répond-on pour rejeter sa demande. Bien sûr, avec quatre neurologues pour l’ensemble du pays! Un ou deux mois supplémentaires en Suisse auraient-ils vraiment été un drame?
Gravement traumatisé par ce qu’il a vécu comme enfant, un jeune Sri Lankais fait deux tentatives de suicide à quelques semaines d’intervalle lorsque son renvoi devient imminent. Cela n’empêche pas le Service de la population d’envoyer la semaine suivante des courriers menaçants: s’il ne se présente pas pour préparer son départ, les mesures de contrainte seront applicables. La détention à Frambois est-elle vraiment préférable à un hôpital psychiatrique pour accueillir un jeune suicidaire?
Ce sont les personnes en contact direct avec les étrangers qui essaient de maintenir la tradition humanitaire si malmenée par nos autorités. Quand une jeune Marocaine m’a accusée d’être raciste, j’ai bien été obligée de lui dire que ce n’était pas moi, mais les lois suisses qui l’étaient. J’avais honte.