lundi 31 janvier 2011

Stop à l'acharnement contre les étrangers

«Contre le racisme, la politique d'immigration du gouvernement et pour la régularisation des sans-papiers : mobilisons-nous !»: Olivier Le Cour Grandmaison lance un appel en vue d'une mobilisation «unitaire et nationale» en mai prochain. A la veille de l'examen du projet de loi Besson-Hortefeux par le Sénat, il analyse pour Mediapart quatre ans de stigmatisation des étrangers.

« Bien sûr, nous savons tous qu'une immigration maîtrisée est un enrichissement pour la vie de la cité (...). Mais il y a aussi le pire, produit en grande partie par trente années d'une immigration non gérée : les cités ghettos, les squats, les phénomènes de bandes, les violences urbaines, comme celles que la France a connues il y a deux ans, lors de l'automne 2005. Pour beaucoup de nos compatriotes, l'immigration est une source d'inquiétudes. Ils y voient une menace pour leur sécurité, pour leur emploi, leur mode de vie. » B. Hortefeux. 18 septembre 2007. Assemblée nationale.
« Si on ne maîtrise pas les flux migratoires, on organise le collapse de notre système d'intégration, les ghettos aux portes de nos villes. » N. Sarkozy. Intervention télévisée du 17 novembre 2010.

Cette semaine, Brice Hortefeux défendra au Sénat le projet loi de l'ancien ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, Eric Besson, appelé à exercer d'autres responsabilités ministérielles après avoir servi la politique souhaitée par le chef de l'Etat avec un zèle remarquable mais sinistre. Ce projet vise, entre autres, à étendre la déchéance de la nationalité pour les Français naturalisés depuis moins de dix ans condamnés pour meurtre d'agents dépositaires de l'autorité publique, conformément aux injonctions démagogiques de Nicolas Sarkozy exposées lors du discours de Grenoble, qui fut le prélude à une nouvelle offensive sécuritaire et à la chasse aux Roms. Peu après ces mâles propos présidentiels, rappelons à ceux qui ont la mémoire courte et par trop hexagonale que le Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) s'est officiellement inquiété de ces orientations. De même, le rapporteur de la session, l'Américain P-R. Prosper, qui constatait « une recrudescence » des actes racistes en France et l'absence d'une « vraie volonté politique » pour les combattre. Admirable bilan !

A cela s'ajoute le durcissement des conditions d'entrée et de séjour des étrangers puisque le projet Besson-Hortefeux a pour objectif de limiter une fois encore leurs prérogatives. De plus, prenant prétexte de l'adoption par le Parlement de Strasbourg de la directive « Retour », aussi appelée « directive de la honte », votée le 12 juin 2008 et condamnée par plusieurs chancelleries –Argentine, Chili, Brésil notamment– et chefs d'Etats étrangers comme le président bolivien Evo Morales, le gouvernement s'apprête à porter la rétention à quarante-cinq jours et à autoriser les préfets à prononcer à l'encontre des expulsés une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans ce qui revient à établir une sorte de double peine. Enfin, ce projet doit permettre la création de « zone d'attente flottante » où les étrangers concernés seront soumis à des procédures accélérées et dérogatoires au droit commun.

L'ensemble de ces dispositions prouve ceci : la disparition du ministère de l'immigration et de l'identité nationale, contrairement à ce qui fut dit ici et là par des commentateurs pressés, ne change strictement rien aux orientations de ce gouvernement qui persévère dans la stigmatisation des étrangers et des sans-papiers, et ne cesse de proposer des mesures toujours plus restrictives à l'encontre des allochtones qui résident en France ou cherchent à s'y installer. A preuve, au lendemain du dernier remaniement ministériel, un conseiller de l'Elysée affirmait que le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, allait utiliser les « mêmes locaux » et les « mêmes services », et, pour être sûr de bien se faire comprendre, le premier ajoutait : « Il n'y aura aucun changement de la politique » en matière d'immigration. Quant à l'actuel occupant de la Place Beauvau, il déclarait vouloir mettre « ses pas » dans ceux d'Eric Besson en saluant son action passée lorsqu'il dirigeait le ministère aujourd'hui supprimé. Bref, quelques changements de façade alors que rien ne change sur le fond cependant que le rattachement de l'immigration au ministère de l'intérieur contribue à entretenir sans fin le préjugé selon lequel « la gestion des flux migratoires » est d'abord et avant tout une affaire de police en raison des nombreux troubles à l'ordre public que ces « flux » sont supposés engendrer. Et c'est ainsi que perdure, sous une autre forme, une administration ad hoc chargée d'appliquer les orientations que l'on sait.

Continuité donc de la politique mise en œuvre antérieurement qui, « grâce » aux efforts des ministres, préfets, policiers et gendarmes, s'est traduite par 29.796 expulsions en 2008, 27.000 en 2009 et près de 28.000 en 2010. Formidables résultats en effet qu'illustre aussi le fait qu'en 2009 plus de 300 enfants –deux fois plus qu'en 2004 selon un rapport accablant et circonstancié de la Cimade publié au mois d'octobre de l'année dernière– ont été placés en centre de rétention au mépris de la Convention internationale sur les droits de l'enfant pourtant ratifiée par la France. Le plus jeune des retenus dans la douce France présidée par Nicolas Sarkozy et gouvernée par François Fillon ? Un nourrisson de sept mois et ses parents, heureusement remis en liberté par un juge messin qui a estimé que cette situation était constitutive d'un « traitement inhumain et dégradant » contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. De son côté, le commissaire européen des droits de l'homme, Thomas Hammarberg, a écrit à l'ancien ministre de l'Immigration, Eric Besson, pour s'élever contre ces pratiques et lui rappeler que « la place d'un enfant n'est pas en rétention ». Réponse de ce dernier : « l'accueil des familles avec des mineurs se fait dans des centres adaptés » !

Sachant que pour parvenir aux résultats précités, les services de police et de gendarmerie doivent procéder à un nombre d'arrestations au moins trois fois plus élevé, cela signifie que depuis 2007 près de 280 000 étrangers ont été interpellés soit 250 par jour. Chaque heure qui passe, 10 personnes sont visées par les contrôles des forces de l'ordre. Un tel acharnement est inédit sous la Cinquième République ; il ravale les quelques charters organisés par Charles Pasqua, lorsqu'il sévissait place Beauvau, au rang de gesticulation sans lendemain. Aux bricolages populistes, xénophobes et déjà racoleurs de cet ancien ministre, a succédé un véritable dispositif politique, juridique, administratif et policier impitoyable, conçu et organisé pour traquer, rafler et expulser ceux qui sont désignés comme de nouveaux ennemis intérieurs jugés responsables de nombreux maux sécuritaires et sociaux qu'il faut conjurer au plus vite pour sauver la France des périls supposés menacer sa cohésion, sa tranquillité et son identité.

Relativement à l'immigration, les gouvernements qui se sont succédé depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, en 2007, sont trop longtemps demeurés forts de la faible riposte et des initiatives nécessaires mais trop souvent dispersées des gauches parlementaires et radicales, des syndicats de salariés, d'étudiants et de lycéens, et des associations diverses. Les uns demandent la régularisation des travailleurs en situation irrégulière, les autres celle de jeunes « clandestins » inscrits dans des établissements scolaires et universitaires alors que tous sont victimes d'un même acharnement et d'un même arbitraire. Contre cette politique gouvernementale, qui porte atteinte à des droits fondamentaux, menace gravement le droit d'asile et ruine l'existence des étrangers visés, ces actions demeurent insuffisantes. La résistance doit désormais s'organiser dans toute la France. Tel est le sens de l'Appel pour une mobilisation nationale et unitaire contre le racisme, la politique d'immigration du gouvernement et pour la régularisation des sans-papiers.

MediaPart


Olivier Le Cour Grandmaison (universitaire) a notamment publié sous sa direction Douce France. Rafles. Rétentions .Expulsions, Seuil/Resf, 2009.

Pour signer l'Appel et prendre connaissance de l'ensemble des signatures collectives et individuelles: http://www.reseau-terra.info/wordpress/?p=641

Etats-Unis: 779'000 sans-papiers reconduits à la frontière, un record

Les autorités américaines ont expulsé le chiffre record de 779 000 immigrés clandestins au cours des exercices budgétaires courant d'octobre 2008 à septembre 2010, a annoncé lundi Janet Napolitano, la secrétaire américaine à la Sécurité intérieure.

«Au cours des exercices budgétaires 2009 et 2010, les services de l'immigration et des douanes (ICE, selon son sigle en anglais) ont expulsé de notre pays plus de migrants illégaux qu'au cours de nulle autre période», a indiqué Mme Napolitano lors d'un discours. Elle a ajouté que, durant l'exercice budgétaire 2010 qui s'est terminé en septembre de l'an dernier, 195 000 sans-papiers ayant commis des infractions ont été expulsés, ce qui constitue un autre record, selon elle. Janet Napolitano a souligné que l'une des priorités du président Barack Obama était d'expulser «les sans-papiers criminels et ceux qui représentent une menace» pour la population.

Aux États-Unis, la plupart des sans-papiers, qui seraient environ 12 millions, viennent d'Amérique latine. Toujours au cours des exercices budgétaires couvrant 2009 et une bonne partie de 2010, les autorités américaines ont saisi 282 millions de dollars, soit 35% de plus que par rapport aux deux exercices budgétaires précédents, et 6800 armes destinées au crime organisé au Mexique, a ajouté Mme Napolitano.

La secrétaire à la Sécurité intérieure a présenté ces chiffres à El Paso, une ville du Texas située à la frontière avec le Mexique, d'où provient la majeure partie de la drogue qui entre aux États-Unis.

AFP

Des migrants exploités et brutalisés dans le désert du Sinaï: mobilisation à Rome

Une retraite aux flambeaux aura lieu dans la soirée du mardi 1er février devant le Capitole à Rome pour demander la libération des réfugiés retenus en otage depuis deux mois par des bandes de bédouins dans le désert du Sinaï, à la frontière israélienne.

La manifestation est organisée par un groupe d’ONG, dont le Centre Astalli, la branche italienne de Jesuit refugee service et l’agence Habescia pour la coopération au développement. Elles dénoncent le silence des pays européens et réclament un véritable plan d'aide et d'intervention. Hélène Destombes.

Le nombre de réfugiés aux mains des pillards n’a cessé d’augmenter. Ils proviennent essentiellement de la Corne de l’Afrique, pour la plupart d’Erythrée et d’Ethiopie. Depuis au moins 2007, des bandes de trafiquants d’êtres humains sévissent dans la région. Ils rançonnent et brutalisent les migrants tombés en leur pouvoir. Les témoignages font état de viols, tortures, chantage, trafic d’organes : les ONG s’efforcent d’attirer l’attention de l’opinion publique sur l’horreur vécue par ces réfugiés. « Il est temps que l’Europe se réveille » ! lance un des promoteurs, Christopher Hein, directeur du Conseil italien pour les Réfugiés. Il pointe du doigt l’attitude des Etats européens qui ferment leurs frontières.
Selon EveryOne Group, les trafiquants seraient liés au Hamas, et la police égyptienne a choisi de ne pas intervenir. La frontière de 240 kilomètres de l'Égypte dans le Sinaï est une zone militaire réglementée accessible seulement au personnel autorisé. Au cours des dernières années, les forces de sécurité égyptiennes ont arrêté le long de la frontière des milliers de demandeurs d'asile et de migrants et beaucoup d'entre eux ont été déférés devant des tribunaux militaires. L’instabilité qui règne actuellement en Egypte risque d’entraver tout effort visant à obtenir la libération des otages. A Rome, mardi soir, des manifestants vont défiler en silence, à la lumière des flambeaux, pour dénoncer et témoigner.

Radio Vatican


Ecouter le sujet d'Hélène Destombes

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RealAudio

L'odyssée des réfugiés iraniens

Devant un parterre d'irréductibles défenseurs des droits humains, Sylvia Festel, militante d'Amnesty International, a présenté, au Forum, le film Pour un instant la liberté.

Le long-métrage de Arash T.Riahi, sorti sans bruit sur les écrans en 2009, tire sa force de son authenticité, inspiré de faits réels et en partie autobiographique. Il croise les parcours de trois groupes d'Iraniens, hommes, femmes et enfants, qui fuient leur pays au prix des pires épreuves, humiliations et sévices, réfugiés en Turquie en attente du statut de réfugiés, qui aboutit parfois au bout de plusieurs années et échoue souvent. Ce film jette un autre regard sur le sort des clandestins, qui ne tiennent que par l'espoir de liberté.
Indignée par les graves atteintes aux droits humains et les expulsions en violation des obligations de la Turquie en vertu de la Convention européenne des Droits de l'Homme, Amnesty lance une campagne de pétitions pour le respect du droit d'asile en Turquie. Une campagne qui devrait trouver écho dans d'autres régions du monde, voire même en France, comme le souligne l'organisation indépendante.

Trouvé dans l'Union Champagne/Ardenne/Picardie


Vers la bande-annonce du film

samedi 29 janvier 2011

La traversée la plus dangereuse au monde

L’année passée, 20.000 clandestins venus d’Amérique centrale ont été enlevés par des narcotrafiquants tandis qu’ils traversaient le Mexique.

Ils l'appellent "la Bête". Ces dernières années, ce train de marchandises qui parcourt le Mexique terrorise les candidats à l’immigration clandestine aux Etats-Unis. Au bout du trajet, pour les uns, le rêve américain. Pour les autres, un cauchemar. Tout au long du voyage, les migrants sont la cible du crime organisé mexicain… et des autorités. Ils sont attaqués, frappés, dépouillés, enlevés en masse, torturés, violés… Avec toujours le même objectif : leur soutirer un numéro de téléphone pour rançonner les familles restées au pays. "Ils se sont rendu compte que les pauvres aussi pouvaient rapporter gros", explique le prêtre Alejandro Solalinde, fondateur d’une auberge qui accueille les migrants dans l’Etat d’Oaxaca. Avec une rançon de 2.000 euros en moyenne, le bénéfice peut atteindre 40 millions d’euros par an.

"Le train a été arrêté par des hommes armés. Ils ont enlevé une quarantaine d’hommes et de femmes." Ce témoignage d’un jeune migrant centraméricain date du 16 décembre dernier. Comme des milliers d’autres, il tentait d’entrer aux Etats-Unis par le Mexique, effectuant ce qu’Amnesty International appelle "la traversée la plus dangereuse du monde".

"Ils nous frappaient avec un morceau de bois très lourd"

Selon l’ONG britannique, 20.000 enlèvements de migrants surviennent chaque année, soit plus de cinquante par jour. Le trafic est d’autant plus juteux qu’il jouit d’une impunité absolue. "Ils sont illégaux et craignent d’être renvoyés dans leur pays d’origine, ils ne portent donc pas plainte, précise le prêtre. Personne ne s’en préoccupe." Tout au moins jusqu’à ces derniers mois: deux scandales ont obligé le gouvernement mexicain à reconnaître, du bout des lèvres, la gravité de la situation. Le 23 août 2010, dans un ranch de San Fernando, près de la frontière avec les Etats-Unis, l’armée découvre les corps de 72 migrants, la plupart originaires d’Amérique centrale. D’après le témoignage d’un survivant, le groupe aurait été enlevé par les Zetas, un des cartels les plus violents du Mexique, et ses membres exécutés après avoir refusé de s’enrôler comme passeurs de drogue ou tueurs.

En décembre dernier, dans le sud du Mexique, c’est un groupe de 40 migrants qui est à son tour enlevé par des hommes armés. Les gouvernements du Salvador, du Guatemala et du Honduras tapent enfin du poing sur la table. Ils dénoncent les constantes violations des droits de l’homme dont les migrants sont victimes et exigent du Mexique une enquête. Un mois plus tard, toujours aucune nouvelle des 40 migrants. La hautcommissaire des Nations unies aux droits de l’homme Navi Pillay s’est dite, la semaine dernière, "profondément préoccupée" par leur sort ainsi que "par les menaces de mort reçues par un éminent défenseur des droits de l’homme mexicain", le père Solalinde. Elle exhorte les autorités mexicaines à "une enquête approfondie et transparente sur les circonstances entourant l’enlèvement et sur les allégations de mauvais traitements et d’abus de la part de la police et des agents de migration".

Pour le père Solalinde, comme pour plusieurs associations de défense des droits de l’homme, les responsabilités sont évidentes: "Il s’agit des Zetas et de fonctionnaires corrompus." L’équipe de l’auberge a précieusement archivé des centaines de témoignages filmés. Les méthodes, les lieux, les agresseurs… sont les mêmes dans des dizaines de récits. "Ils me demandaient le numéro de mes parents. Comme je n’ai pas voulu le leur donner, ils ont dit qu’ils allaient s’amuser avec moi…", raconte Daniel, un adolescent de 15 ans. Guillermo porte, lui, les marques de son long passage à tabac, le bas de son dos, ses fesses et ses cuisses ne sont qu’un énorme hématome. "On avait les mains et les pieds attachés, ils nous laissaient sans manger, sans boire, sans dormir. Ils nous frappaient avec un morceau de bois très lourd." Membres des cartels ou policiers, les criminels sont identifiés. Mais le discours officiel tente de reléguer ces enlèvements à un problème entre migrants centraméricains. "Ils cherchent à cacher que les chefs de ce négoce sont mexicains et que ce sont des hauts fonctionnaires", dénonce le prêtre qui, la semaine dernière, a rencontré le ministre de la Sécurité publique. "Il a beaucoup parlé, pour exposer des chiffres qui n’ont rien à voir avec la réalité. Je suis sorti de l’entretien en me demandant de quel côté il était."

Léonore Mahieux, correspondante à Mexico pour Le Journal du Dimanche

Un Ticket pour se glisser dans la peau d'un clandestin

Avec Ticket, le public est invité à vivre une expérience théâtrale hors du commun. Le spectateur se retrouve au coeur de la réalité des migrants clandestins qui cherchent à fuir leur pays. Déconseillé aux personnes cardiaques, aux femmes enceintes et aux moins de 16 ans, Ticket embarque 80 spectateurs pour un voyage à hauts risques dont ils ne ressortiront pas indemnes, le regard radicalement changé sur ces hommes et ces femmes qu'on nomme les clandestins.

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Ticket raconte de manière hyperréaliste le calvaire des migrants clandestins. Ouest-France

Quatre séances sont organisées, les 9 et 10 février. La première, à 20 h le mercredi, affiche déjà complet. Le public a rendez-vous à l'Embarcadère, avant de suivre les comédiens de la compagnie Intérieur Brut vers un endroit tenu secret où ils embarqueront pour 45 minutes de docu-fiction théâtral. Une expérience inédite où le spectateur devient acteur d'une réalité le plus souvent inhumaine. Entassés, dans le noir, la peur au ventre, telle est la réalité des migrants clandestins, prêts à tout pour rejoindre cette vieille Europe qu'ils considèrent comme leur Eldorado. Passeur, hommes en armes et supplications de ceux qui n'ont plus ni papiers ni identité, rendent l'atmosphère irrespirable.

Présenté au festival d'Avignon en 2009, côté off, Ticket n'a laissé indifférent ni le public ni les critiques. « Expérience à vivre d'urgence », « électrochoc », « acte citoyen », la presse s'est largement fait l'écho de ce moment unique où la réalité se vit l'espace d'une petite heure.

Pour mettre au point Ticket, Jack Souvent, le metteur en scène, a longuement enquêté à Calais auprès de personnes venues clandestinement d'Afrique. Il est aussi allé à la rencontre de ceux qui ont échoué et a travaillé avec un sociologue. Il en a tiré plusieurs heures de sons radiophoniques dont des extraits seront diffusés lors du spectacle. « On n'a qu'un seul but, dit-il : Provoquer une prise de conscience. » Alors, oserez-vous le voyage ?

Mercredi 9 et jeudi 10 février, à 20 h et à 21 h, à l'Embarcadère. Réservations au service culturel (tél. 02 40 80 86 05) ou sur le site de la ville (www.saintsebastien.fr).

Les incohérences de la politique d'asile en ligne de mire

La conseillère fédérale veut que la Suisse renoue avec sa tradition humanitaire et promet une plus grande collaboration avec le HCR. Mais elle juge aussi nécessaire de raccourcir les procédures et de faciliter les renvois.

Elle veut travailler plus étroitement avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et serait prête à renouer avec la tradition des contingents, abandonnée en 1996. Mais Simonetta Sommaruga entend aussi raccourcir les procédures d’asile, faciliter les renvois et remédier au fait que seuls 20% des réfugiés reconnus ont un travail, ce qui dénote un problème d’intégration. «Car la Suisse a besoin d’une politique d’asile crédible», dit-elle.

C ’est ce qu’elle a souligné, très clairement, le 20 janvier à Berne, à l’occasion du quatrième symposium sur l’asile. La responsable du Département de justice et police (DFJP) donnera mardi une conférence de presse sur ses 100 premiers jours au Conseil fédéral. Mais elle n’a pas attendu cet évènement pour dévoiler ses premières impulsions en matière de politique d’asile et des étrangers.

Elle devra aussi rapidement empoigner le dossier des sans-papiers, casse-tête fédéral depuis des années. Lors de sa séance du 22 décembre, le Conseil fédéral a évoqué l’idée d’obliger les maîtres d’école à dénoncer les enfants sans papiers. L’idée a très vite provoqué une levée de boucliers. Un groupe de travail, chargé de réfléchir à toute une série de mesures pour régler le problème des clandestins, est censé se pencher sur la question. Il livrera ses conclusions avant la fin de l’année. Il compte aussi s’attaquer au problème des personnes sans statut légal qui cotisent à l’AVS, situation qu’Eveline Widmer-Schlumpf avait qualifiée d’«intolérable» devant le National en mars 2010.

A la marge

Simonetta Sommaruga aurait-elle pu elle-même mettre sur le tapis la chasse aux enfants clandestins? Certains le pensent. Très pragmatique, elle s’est souvent démarquée sur ces questions du courant majoritaire du PS. Au parlement, elle a approuvé le contre-projet sur le renvoi des étrangers criminels, une fois le chapitre sur l’intégration ajouté, et après avoir tenté d’invalider l’initiative de l’UDC, en l’assumant. Alors que la plupart de ses collègues socialistes l’ont fait en se pinçant le nez.

C’est aussi elle qui, dans ses thèses consignées dans le livre Für eine moderne Schweiz, rédigé en 2005 avec Rudolf Strahm, relevait que le PS a réagi avec dix ans de retard sur les questions migratoires. Et qu’il a trop longtemps ignoré la problématique des étrangers mal intégrés. En 2001, elle avait, dans le provocant Manifeste du Gurten, été jusqu’à prôner une «limitation de l’immigration».

Simonetta Sommaruga, résolue à résoudre les incohérences de l’asile pour éviter que la droite dure n’en profite pour se profiler, ose donc aborder des questions jugées iconoclastes dans son parti. Et se montrer dure avec les étrangers qui ne devraient pas rester en Suisse. Mais des proches assurent que la Bernoise est tout à fait contre l’idée de s’en prendre aux enfants sans papiers. Et qu’elle ne croit pas qu’elle puisse être applicable. Voilà qui rassure son camp. Selon nos informations, c’est Ueli Maurer qui a demandé au DFJP d’étudier cette option controversée.

Les contingents de réfugiés? Ces dernières années, le HCR a régulièrement demandé à la Suisse d’accueillir des groupes de réfugiés qui ne peuvent ni rentrer chez eux ni trouver la protection nécessaire dans le premier pays d’accueil. Sans succès. En 2009, l’instance onusienne a même publié un livre-plaidoyer (LT du 16.02.2009), envoyé aux conseillers fédéraux et aux parlementaires. La porte semble désormais se rouvrir avec Simonetta Sommaruga. «Même si aucune promesse n’a été formulée, nous avons senti une certaine ouverture de sa part», confirme Susin Park, la responsable du Bureau suisse du HCR.

Fermeture progressive

Lors des événements de Hongrie en 1956 ou ceux de Tchécoslovaquie en 1968 par exemple, le Conseil fédéral avait accepté des groupes importants de réfugiés, sans les faire passer par la case «procédure individuelle». Puis la hausse des demandes d’asile individuelles en provenance des Balkans a mis fin à la pratique. Depuis 2005, la Suisse accepte des petits groupes de réfugiés proposés par le HCR. Mais en 2005 par exemple, il ne s’agissait que de dix Ouzbeks.

En 2007, Micheline Calmy-Rey, alors présidente, avait défendu au Conseil fédéral l’idée d’accueillir 500 Irakiens. En vain. Malgré cela, la Commission fédérale pour les questions de migration continue d’exiger que la Suisse accueille 200 à 300 réfugiés du HCR par an.

Ce sera un test pour Simonetta Sommaruga. Saura-t-elle se montrer convaincante? Si elle veut éviter une claque devant le Conseil fédéral, elle pourra toujours décider d’accueillir un groupe inférieur à 100 individus. Car en dessous de ce seuil, elle peut agir sans l’aval de ses collègues.

Valérie de Graffenried dans le Temps

«Le racisme est désolant de connerie humaine»

Dany Boon (à droite) et Benoît Poelvoorde, sur le tournage;  le premier a écrit le film en pensant au second. PATHEDany Boon a vécu l'exclusion dans son enfance. Il en fait le sujet de sa nouvelle comédie, «Rien à déclarer».

Depuis le triomphal «Bienvenue chez les Ch'tis», tout le monde se l'arrache. Chaque média en veut une miette, chaque région réclame son avant-première «en présence de». C'est donc un véritable marathon promotionnel que Dany Boon a engagé pour «Rien à déclarer», son nouveau et très attendu long métrage.

Le jour de son passage à Genève, il s'est endormi entre deux interviews. Epuisé, certes, mais, une fois réveillé, attentif et disponible. Prêt à déclarer plein de choses sur ce film, très proche des «Ch'tis» dans la mesure où il y est à nouveau question de préjugés, de racisme plus précisément.

Son enfance explique pourquoi ces questions le préoccupent tant. «Mon père venait de Kabylie, ma mère était du Nord. Quand ils se sont connus, ma mère était mineure, elle est tombée enceinte de moi à 18 ans. Ç'a fait toute une histoire et une partie de ma famille, dont mon grand-père, a rejeté ma mère - entre autres à cause des origines de mon père - puis les enfants.»

Souvenir de mariage

Dany a vu son grand-père une seule fois, le temps de se faire claquer la porte au nez. Il se souvient d'une scène marquante. «Je devais avoir 6 ans et mon frère 3. J'étais bien habillé, mon frère aussi, ma mère aussi. On allait au mariage du jeune frère de ma mère et on n'avait pas le droit de rentrer dans l'église. On était en face, sur le parking. J'ai cette image très précise dans ma tête, on regardait ma famille jeter le riz à la sortie de l'église, nous, on était de l'autre côté de la rue. Je tenais la main de ma mère et elle pleurait? Elle était exclue, paria.»

La maman de Dany Boon vit le succès comme «une réparation». Aujourd'hui, comme par hasard, certains membres de la famille sont revenus vers celui qu'ils avaient rejeté. «Je ne suis pas dupe», sourit-il. Dany n'en veut pas à ce grand-père, cet «étranger» aujourd'hui décédé. «Ce qui est dommage, c'est que chaque moment de vie est précieux et qu'il est gâché par la névrose et par le fait que mon grand-père, totalement buté, est victime de sa propre connerie. Même s'il a fait du mal à ma mère et à ses petits-enfants, je le vois comme une victime.»

Clandestins suisses

Le réalisateur, qui lui-même a «accepté des étrangers dans (sa) propre famille, des clandestins suisses (n.d.l.r.: son épouse Yaël est suissesse, leurs enfants binationaux)», s'inquiète des replis communautaires actuellement constatés un peu partout. «C'est important de revendiquer son identité, ses origines, sa culture, mais dans un but d'échange avec l'autre; j'ai grandi dans cette idée-là. Aujourd'hui, on se radicalise?»

Parce que le rire est son arme, Dany Boon l'utilise pour démontrer l'absurdité du rejet de l'autre. Mais le clown ne se fait pas d'illusions. «Sur le côté pratique, le raciste peut changer; sur le plan théorique, il ne change jamais. C'est ça le grand drame.» Alors essayons d'en rire pour ne pas en pleurer.

Manuela Giroud dans le Nouvelliste

Un grain de sable dans la machine à renvois

Il aura fallu la menace d'une condamnation en justice pour que la Suisse obtempère. Mercredi, les autorités fédérales ont annoncé le gel partiel des renvois de requérants d'asile en Grèce.

Un Afghan transféré de force vers Athènes par la Belgique venait d'obtenir gain de cause auprès de la Cour européenne des droits de l'homme. Un arrêt qui introduit un grain de sable dans le système Dublin. Désormais, les Etats sont tenus d'examiner les demandes d'asile de migrants arrivés par la Grèce. Ils ne peuvent plus se reposer sur la règle selon laquelle c'est au premier pays d'arrivée de s'en charger. En Grèce, les requérants d'asile sont placés en détention, parfois dans des conditions inhumaines. Y déposer une demande d'asile relève du parcours d'obstacles. En décembre 2009 déjà, le Haut commissariat aux réfugiés réclamait la suspension des renvois vers ce pays. Mais la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf avait rétorqué qu'il n'y avait «aucun indice concret permettant de conclure que la Grèce ne respecte pas ses obligations de droit international». Seules les personnes considérées comme vulnérables ont échappé à l'expulsion. Cette attitude à la Ponce Pilate a permis aux autorités fédérales de jeter encore cinquante personnes dans l'enfer grec en 2010. Tardive, la décision suisse est aussi insuffisante. Les requérants qui ont eu accès à la procédure d'asile en Grèce et y disposaient d'un hébergement pourront toujours être renvoyés. Une dérobade inacceptable, sachant que moins de 0,1% des demandes d'asile y trouvent grâce. Mais la République hellénique n'est pas seule en cause. L'Italie pratique des refoulements en série vers la Libye, et laisse nombre de migrants – y compris avec le statut de réfugié – dans la rue. A Malte, les requérants sont emprisonnés durant la procédure d'asile. C'est donc la machine Dublin qu'il s'agit de mettre hors-service. Un système inique, puisqu'il permet aux Etats du Nord et de l'Ouest de l'Europe – souvent les plus prospères – de sous-traiter l'application du droit d'asile aux pays du Sud et de l'Est. Ces derniers se retrouvent dépassés par l'ampleur de la tâche. Et réagissent par des mesures brutales, comme l'édification d'un mur à la frontière turque par la Grèce et le refoulement des boat people vers la Libye par les garde-côtes italiens. Là encore, il s'agit d'une systématique: avec l'agence Frontex, l'Union européenne s'est dotée d'un dispositif de lutte anti-immigration déployé jusque sur le continent africain. C'est le droit d'asile lui-même que l'Europe met à la porte.

Editorial de Michaël Rodriguez dans le Courrier

jeudi 27 janvier 2011

La France approuve le projet de mur entre la Grèce et la Turquie

La France soutient la construction d'une clôture à la frontière gréco-turque afin de contrer l'immigration clandestine, a déclaré jeudi à Athènes le ministre français de l'Intérieur Brice Hortefeux.

"Les mesures qui sont engagées, dès lors qu'il ne s'agit pas de restaurer le Mur de Berlin, vont dans le bon sens et nous les soutenons", a indiqué M. Hortefeux après une rencontre avec Christos Papoutsis, ministre grec de la protection des citoyens, chargé de l'immigration.
Fin 2010, les autorités grecques ont annoncé leur intention de construire un mur frontalier long de 12,5 km entre la Grèce et la Turquie pour endiguer l'afflux d'immigrés, un geste critiqué par plusieurs associations et organisations de défense des droits de l'homme. Chaque année, des centaines de milliers de clandestins cherchent à pénétrer sur le territoire grec, entre 100 à 150.000 étant interpelés.

RiaNovosti

Le dialogue est rompu entre les Eglises et les défenseurs des requérants déboutés

Le collectif Droit de rester s'oppose aux restrictions d'accès au refuge voulues par les autorités ecclésiastiques. Il les accuse de vouloir complaire aux autorités.

Le dialogue est désormais rompu entre les Eglises et les défenseurs des migrants. Le collectif Droit de rester l'a fait savoir hier, annonçant son retrait des discussions sur l'avenir du refuge pour les requérants menacés de renvoi. Il s'oppose à une restriction des conditions d'accès, qui reviendrait à exclure l'une des deux personnes actuellement hébergées dans la paroisse du Saint-Esprit à Lausanne. Le refuge ferme donc ses portes sans qu'aucune solution de repli n'ait pu être convenue.

«Ce fut une décision difficile à prendre. Se couper des Eglises signifie que les occupants du refuge se retrouvent à la rue», déplore Graziella de Coulon. Mais pour le collectif, membre de la Coordination asile, les exigences des Eglises réformée et catholique pour l'ouverture d'un nouveau refuge sont inacceptables.
Ces dernières veulent notamment limiter l'utilisation de l'abri aux requérants pour qui des voies de recours sont encore envisageables. Ce qui, de fait, exclut l'un des deux occupants, Teka, dont la dernière demande de régularisation avait été rejetée en juin dernier. C'est l'exigence de trop pour Droit de rester, qui s'est plié jusqu'ici aux conditions fixées, notamment quant à la durée d'occupation des lieux et à l'interdiction d'y organiser des manifestations de soutien.
Cette position des Eglises, le collectif l'interprète comme une volonté de complaire aux autorités. «Ce qu'on leur reproche, c'est d'obéir aveuglément à l'Etat», dit Graziella de Coulon. Dans son communiqué, Droit de rester accuse ainsi les responsables ecclésiastiques d'avoir demandé la fermeture du refuge, ceci dans le but de répondre aux attentes de Philippe Leuba, conseiller d'Etat en charge de l'asile.

«Un choix douloureux»
Vice-président du Conseil synodal de l'Eglise réformée, Xavier Paillard rejette ces accusations. Il parle d'un «moment d'hésitation»: si les Eglises ont souhaité dans un premier temps fermer l'abri, affirme-t-il, c'est parce qu'elles ignoraient que l'autre occupant, Diallo, avait demandé la réouverture de son dossier auprès de l'Office fédéral des migrations. Elles se seraient ravisées après avoir reconsidéré son cas.
Xavier Paillard estime que les Eglises ont agi dans l'intérêt des personnes, tout en évoquant un choix «extrêmement douloureux». «Il n'y a pas lieu d'accueillir dans des refuges des gens pour qui il n'y a aucun espoir de rouvrir le dossier», continue le pasteur. «Nous ne sommes pas prêts à prendre le risque d'instrumentaliser des situations personnelles pour des causes politiques», ajoute-t-il.
Droit de rester, tout en saluant l'engagement des paroisses qui ont ouvert leurs locaux ces derniers mois, relève pourtant que plusieurs d'entre elles s'étaient dites prêtes à accueillir les deux occupants. Quoi qu'il en soit à présent, l'urgence pour le collectif est de trouver une alternative pour les deux requérants. «Nous ne voulons surtout pas les cacher. Il faut maintenant trouver d'autres partenaires pour apporter un soutien à ces gens», précise Graziella de Coulon.

Arnaud Crevoisier dans le Courrier


Vers le communiqué de presse de Droit de rester

Renvois: l'UDC ne fera pas de concessions

Au sein du groupe de travail chargé de traduire dans la législation l’intiative de l’UDC sur le renvoi, les représentants du parti veillent à une traduction aussi fidèle que possible du texte accepté en votation populaire en novembre dernier.

L’UDC n’est pas arrivée les mains vides mercredi à Berne, lors de la première séance du groupe de travail chargé de traduire dans la législation l’initiative du parti pour le renvoi des délinquants étrangers acceptée en novembre dernier.

Le parti – qui avait hésité tout d’abord à participer au groupe de travail – n’entend pas faire de concessions. Ses deux représentants au sein du groupe, l’ancien secrétaire général Gregor Rutz ainsi que Manuel Brandenberg, ont livré à leurs collègues un projet entièrement rédigé dont les dispositions reprennent, en les précisant, les termes de l’initiative soumise au vote populaire.

L’UDC veut ainsi que l’expulsion des délinquants étrangers soit à nouveau l’affaire des tribunaux pénaux et non plus de l’administration. Le parti exige par ailleurs que les ressortissants étrangers s’étant rendus coupables de certains délits énumérés dans une liste soient renvoyés sans égard à la peine effectivement prononcée, et donc à la gravité de la faute commise.

«Une base de discussion»

A cette aune, la proportionnalité d’une mesure d’expulsion, pourtant exigée par divers accords internationaux auxquels la Suisse est partie, ne pourra que difficilement être examinée et prise en compte. De fait, le groupe de travail risque de se diviser assez rapidement sur la question du respect intégral ou non du droit international, l’UDC n’étant disposée, comme l’a précisé Gregor Rutz mercredi devant les médias, à reconnaître la suprématie que du droit international dit impératif. Concrètement, seul le principe du non-refoulement pourra justifier, aux yeux des initiants, de surseoir au renvoi d’un délinquant étranger. Ce principe, qui compte au nombre des règles auxquelles aucun Etat ne peut se soustraire, prohibe le renvoi d’un étranger dans un pays où sa vie ou son intégrité physique seraient en danger. A contrario, l’UDC ne paraît pas disposée à assouplir son texte pour tenir compte ni de la Convention européenne des droits de l’homme ni de l’accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes qui restreignent, tous deux, les possibilités de la Suisse d’expulser un délinquant étranger dans une mesure allant bien au-delà de la règle du non-refoulement.

Les propositions de l’UDC, à ce stade, ne sont pas davantage qu’une «base de discussion», a relevé Heinrich Koller, le président du groupe de travail, devant les médias. L’ancien directeur de l’Office fédéral de la justice s’est montré optimiste sur les chances d’aboutir. Mais il ne cherchera pas à obtenir l’unanimité à tout prix. Il a au contraire opté pour une démarche ouverte laissant place à des propositions de minorité.

Les travaux du groupe de travail devraient s’achever au mois d’avril déjà, non comprise la rédaction du rapport final. Les propositions seront ensuite transmises au Conseil fédéral et suivront ensuite le processus législatif ordinaire. Mais le chemin risque, pour ce projet, d’être particulièrement tortueux.

Denis Masmejan dans le Temps


Sur le même sujet, lire cet article du Matin: "Moutons noirs: L’UDC garde la main"

Le renvoi d'une sans-papiers émeut la Norvège

«Maria Amelie» a conquis son pays d’adoption et a révélé les lacunes du droit norvégien. Une femme aussi bien intégrée mérite d’être régularisée. Oslo s’engage à créer un droit d’exception qui permettra à la jeune Russe de revenir légalement vivre en Norvège à brève échéance.

Elle a redouté ce moment pendant des années. Elle a longtemps cru pouvoir y échapper, surtout après avoir été désignée «Norvégienne de l’année 2010». Mais rien n’y a fait. Lundi, une unité de la police norvégienne est venue la chercher à son domicile et l’a conduite à l’aéroport d’Oslo, où elle a dû embarquer dans un avion à destination de la Russie.

Madina Salamova, c’est son nom, est arrivée mardi à Moscou le jour même où un kamikaze se faisait sauter à l’aéroport international de la capitale russe. Retour à la case départ et confrontation brutale, immédiate, avec la terreur que ses parents avaient décidé de fuir, il y a onze ans, en tournant le dos à la Russie. L’émigration pour se sauver: la famille alors établie en Ossétie du Nord ne supportait plus un quotidien pourri par les mafias locales.

Madina Salamova a été expulsée de Norvège car elle y vivait sans titre de séjour valable. Elle était une «sans-papiers» depuis que sa demande d’asile avait été définitivement refusée par les autorités norvégiennes, en 2004. Avant de tenter sa chance à Oslo, la famille avait essuyé une première non-entrée en matière de la Finlande.

Une vague de solidarité sans précédent a cherché, jusqu’au dernier jour, à empêcher l’expulsion de la jeune femme, âgée de 25 ans. Une lettre ouverte signée par des évêques, le président de l’association nationale des avocats, ainsi que les présidents de plusieurs ONG humanitaires a encore été adressée au gouvernement la semaine précédant le renvoi. Le sort de cette femme a même menacé d’éclatement la coalition au pouvoir, emmenée par le travailliste Jens Stoltenberg. Le premier ministre ainsi que le ministre de la Justice ont été jusqu’à prendre part à la discussion publique qui s’est emballée au sujet de cette femme dont la trajectoire a ému les Norvégiens.

Un modèle

Alors qu’elle vivait clandestinement, Madina Salamova a publié le récit de sa vie dans l’illégalité. Le livre, paru sous le pseudonyme Maria Amelie, a triomphé en librairie. Adolescente – elle avait 16 ans à son arrivée à Oslo –, elle a appris le norvégien en un temps record, a bluffé tous ses maîtres par ses compétences scolaires remarquables, puis elle a obtenu un master à l’Université technique de Trondheim. Bref, un modèle d’intégration qui a fait s’interroger la Norvège sur sa politique vis-à-vis des étrangers. Alors que la concurrence pour les cerveaux est mondiale, il est apparu insensé de ne pas pouvoir lui accorder un permis.

Le premier ministre a expliqué ne pas pouvoir faire d’exception dans le cadre de la loi actuelle. Contrairement à la Suisse, la Norvège n’a pas prévu la régularisation de sans-papiers considérés comme des cas de rigueur. Mal à l’aise, le gouvernement a reconnu qu’il allait réviser en urgence la loi pour ouvrir cette possibilité. Il a explicitement assuré que Madina Salamova pourra revenir s’installer légalement en Norvège à brève échéance. La future loi définira les conditions d’un régime d’exception, et il ne fait pas de doute que la jeune femme russe les remplira. L’odyssée de «Maria Amelie» n’aura pas été vaine.

François Modoux dans le Temps

Coup de frein au renvoi en Grèce des requérants d'asile

L'Office fédéral des migrations suspend la procédure Dublin avec Athènes. Un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme explique cette décision.

La situation des requérants d'asile en Grèce est dramatique. Les procédures ne sont pas respectées et les requérants ne bénéficient d'aucune protection. Après une période de détention, ils vivent généralement dans la rue. Le problème est reconnu par la Commission européenne qui avait proposé de suspendre les renvois en Grèce relevant de la procédure Dublin. Les Etats membres de l'UE ont longtemps fait la sourde oreille, mais le vent est en train de tourner. Cette brise a aussi atteint la Suisse. L'Office fédéral des migrations a annoncé hier la suspension des renvois en Grèce. La nouvelle réjouit les ?uvres d'entraide qui exigent depuis longtemps cette mesure.

Ce retournement de situation n'a rien à voir avec l'arrivée de Simonetta Sommaruga à la tête du Département de justice et police. Il est dû à l'arrêt prononcé vendredi dernier par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Les juges ont condamné la Belgique qui avait renvoyé en Grèce un requérant d'asile afghan. Ils estiment que ce renvoi l'a exposé à un traitement dégradant au sens de la Convention européenne des droits de l'homme. A l'avenir, tous les demandeurs d'asile renvoyés en Grèce sont assurés d'avoir gain de cause s'ils en appellent à la justice.

Pour rappel, l'accord Dublin - auquel la Suisse est associée - a pour but d'empêcher le dépôt de demandes d'asile multiples. L'Etat où a été déposée la première demande est responsable de la procédure. Le requérant qui a tenté sa chance ailleurs peut être renvoyé dans ce pays dit «de premier asile». En raison de sa situation géographique, le système profite à la Suisse. Selon une information donnée par le Conseil fédéral l'automne dernier, la Suisse a pu, en l'espace de 18 mois, transférer 3177 personnes dans un autre Etat alors que seules 447 personnes ont été transférées en Suisse.

Pire qu'en Italie

Il en va différemment de la Grèce qui est la principale porte d'entrée en Europe des ressortissants étrangers. Complètement débordée par la situation, elle a baissé les bras. Tant l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) qu'Amnesty estiment que la situation est bien pire qu'en Italie où la société civile compense partiellement le désengagement de l'Etat. «L'absence de solidarité des pays européens a provoqué la faillite du système, estime Denise Graf, juriste à la section suisse d'Amnesty International. La décision de la CEDH permet à la Grèce de respirer et elle contraindra les Etats membres à agir». La Suisse est disposée à fournir son écot. «Nous allons offrir à la Grèce notre savoir-faire en matière de procédure», indique Eveline Gugger Bruckdorfer, sous-directrice de l'ODM.

Les renvois seront suspendus pendant au moins une année. Font exception les personnes qui avaient accès à la procédure d'asile en Grèce et qui y disposaient d'un logement.

Pendant ce gel, la Suisse appliquera la procédure ordinaire. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord Dublin, le 12 décembre 2008, Berne a renvoyé 150 personnes en Grèce. 940 personnes pour lesquelles une procédure Dublin a été entamée se trouvent encore en Suisse. Par ailleurs, l'ODM avait déjà renoncé à appliquer la procédure à quelque 400 personnes considérées com-me particulièrement vulnérables, par exemple des familles ou des personnes nécessitant des soins médicaux.

Retour au Sri Lanka

L'Office a aussi revu sa pratique concernant le Sri Lanka. Il estime que le retour des requérants d'asile déboutés est désormais possible dans le nord et l'est du pays. Font exception les personnes dont le dernier domicile était dans la région de Vanni et qui ne disposent pas d'un réseau social en dehors de cette région.

Christian Imsand dans le Nouvelliste

Un Turc de 32 ans expulsé de Suisse

expulsion turc agression

24 Heures

mercredi 26 janvier 2011

"Quel triste retournement d'intention"

Courrier de lecteur à propos de l'article intitulé "Nyon veut que le canton ferme l'abri des réfugiés" dans l'édition du 18 janvier de 24 Heures.

Bien étrange volonté pour cette Municipalité qui a proposé la construction d’un nouveau bâtiment pour «désengorger» l’abri précité. Il est bien dommage que ces réactions soient la conséquence immédiate des récents débordements, bien malheureux et inacceptables il est vrai, mais pourtant prévisibles par l’entassement de trop nombreux migrants d’origines diverses et ne s’entendant souvent pas entre eux. Des personnes dont la présence est non seulement en sursis dans notre pays, mais en plus largement dépréciée par certains qui ne voient pas plus loin que leur cadre de fenêtre.

Pourtant, il ne faut pas oublier non plus le travail exemplaire des veilleurs de nuit, nos concitoyens, qui œuvrent auprès des migrants et qui tentent bravement au-delà de la seule gestion de ces structures d’apporter un semblant de lien social à ces personnes en situation fort précaire. Et la ville de Nyon est la seule dans le canton à s’être dotée d’une structure d’accueil de jour pour accueillir, occuper et animer quelque peu ces personnes. Quel bien triste retournement d’intention pour une commune qui a eu la volonté et le courage de se doter d’un dispositif conséquent en la matière qui vise autre chose que la seule gestion de «personnes indésirables».

Les médias seraient bien inspirés de porter parfois de l’intérêt à ces éléments positifs et de ne pas uniquement relater ces scoops renforçant la crainte et la suspicion des citoyens. J’en serais presque à regretter de ne pas avoir mon fusil d’assaut à la cave, je crois qu’il y a un Noir qui habite en face de chez moi.

Kim Carrasco, Lausanne

Le bois de Sauvabelin au coeur d'une nouvelle affaire policière

Un agent lausannois a abandonné un homme de nuit et dans le froid à Sauvabelin en février 2010. Il ne nie pas les faits.

Les tempêtes s’enchaînent au sein de la police lausannoise. On se souvient encore de la récente affaire K. L’histoire de ce jeune Erythréen qui prétendait que des policiers l’avaient abandonné dans le bois de Sauvabelin et l’avaient sprayé. En décembre dernier, le tribunal avait blanchi les agents tout en retenant que le jeune avait été déposé à un arrêt de bus.

Cette fois-ci, pas de spray. Mais bien trois policiers qui larguent un étranger au bois de Sauvabelin. De nuit et en plein hiver. Une affaire révélée par un arrêt du Tribunal cantonal administratif. Seul le chef de patrouille est poursuivi pour abus d’autorité. Contactée hier, l’avocate du policier lausannois accusé, Me Odile Pelet, confirme que son client ne nie pas les faits.

L’histoire se passe le 8 février 2010. Il est 2 h 15 du matin, trois policiers motorisés sont en patrouille. Les agents demandent à «un suspect d’origine étrangère» de s’arrêter, mais celui-ci se met à courir.

Après autorisation de leur supérieur, les trois policiers lausannois l’arrêtent et le conduisent à l’Hôtel de police. Une fouille complète est effectuée. Mais rien ne peut être reproché à cet anglophone. Le brigadier accusé dans cette affaire lui demande alors la raison de sa fuite. Avec le sourire, celui-ci lui répond qu’il aime courir. Le policier lui propose alors de l’emmener «dans un endroit où il pourra s’adonner à ce sport». L’homme accepte, toujours en souriant. C’est là que les trois policiers l’abandonnent à la place des fêtes de Sauvabelin. Ils lui indiquent la direction du centre-ville et la piste finlandaise du bois…

Perdu dans les bois

Il est plus de 3 heures du matin quand l’homme appelle le 117 car il est perdu. Sur les ondes radio de la police, on demande quels collègues ont laissé un individu seul dans les bois. Le brigadier s’annonce et repart sur les lieux avec ses deux comparses. Mais avant leur arrivée, l’homme a retrouvé sa route. Rapidement, les policiers seront entendus par un supérieur qui a «surpris» ce message sur les ondes. Le commandant de la police, Gérald Hagenlocher, est mis au courant. Il transmet alors le dossier au juge d’instruction cantonal.

Le policier engagé en 2002 à la police lausannoise admet les faits. «Il reconnaît qu’il a eu une attitude stupide et qu’il a manqué de réflexion. Toutefois, nous réfutons l’accusation d’abus d’autorité», précise Me Odile Pelet.

«Grave faute»

Abandonner ainsi un suspect, une faute grave? Un tribunal devra en juger prochainement au niveau pénal. Les deux collègues, eux, ont bénéficié d’un non-lieu. Ils ne parlaient pas l’anglais; au bénéfice du doute, ils n’auraient donc pas compris qu’il n’y avait pas de «consentement réel». Reste que, pour la Cour cantonale administrative, le policier a commis «une grave faute», qui relève même d’une «mesure de rétorsion.» L’agent n’a pas respecté le règlement ni le code de déontologie, et a «violé ses devoirs de fonction».

En octobre 2010, le brigadier a été licencié par la Municipalité. Un renvoi qui s’est avéré justifié quant aux motifs, mais pas avec les délais légaux. Techniquement, il pourrait ainsi réintégrer le corps de police .

Pascale Burnier dans 24 Heures


lausanne police chef interview

L’affaire K. coule en cassation

affaire k TFLe Tribunal cantonal vient de confirmer l’acquittement des cinq policiers lausannois impliqués dans l’affaire K., du nom du jeune homme qui les accusait de l’avoir emmené au petit matin du 1er janvier 2006 à Sauvabelin et de l’y avoir abandonné après l’avoir aspergé de spray au poivre de forte puissance.

C’est la troisième fois que la justice, faute de preuves, aboutit à un acquittement dans cette procédure qui aura duré plus de cinq ans. D’abord au Tribunal de police, puis, en décembre dernier, à Nyon suite à un premier recours ayant débouché sur un nouveau procès. Enfin aujourd’hui, en Cour de cassation cantonale. Haut en couleur, le procès de Nyon avait jugé non seulement l’auteur présumé du jet de spray, mais quatre autres policiers accusés de faux témoignage. Selon eux, non seulement K. n’avait pas été conduit à Sauvabelin mais laissé à un arrêt de bus en haut de l’avenue de la Borde, et jamais il n’avait reçu le coup de spray dont il se plaignait. Le procureur ne les avait pas crus. Il avait demandé la condamnation de tous ces agents, sans être suivi par le tribunal. Finalement, seul K., par la voix de son avocate, Aline Bonard, avait recouru auprès de la Cour cantonale. Celle-ci a rendu sa décision à huis clos et sans entendre les parties. «Nous attendons de connaître ses considérants pour porter éventuellement l’affaire devant le Tribunal fédéral», commente Me Bonard.

Le Tribunal cantonal vient de confirmer l’acquittement des cinq policiers impliqués dans l’affaire K.. Le jeune homme les accusait de l’avoir emmené au petit matin du 1er janvier 2006 à Sauvabelin et de l’y avoir abandonné après l’avoir aspergé de spray au poivre de forte puissance. K. avait finalement recouru seul, avec son avocate Aline Bonnard, contre l’acquittement général prononcé en décembre dernier.

Le Tribunal cantonal vient de confirmer l’acquittement des cinq policiers impliqués dans l’affaire K., du prénom du jeune homme qui les accuse de l’avoir emmené au petit matin du 1er janvier 2006 à Sauvabelin et de l’y avoir abandonné après l’avoir aspergé de spray au poivre de forte puissance.

24 Heures

Des musulmans genevois enterrés en direction de La Mecque

Les musulmans du Grand-Saconnex (GE) pourront y être enterrés selon leurs rites. Le conseil municipal a accepté lundi soir que les tombes du cimetière soient orientées vers le sud-est, en direction de la Mecque. L’idée de créer un carré confessionnel a été écartée.

«Les pétitionnaires ont renoncé eux-mêmes à un carré confessionnel au cimetière du Blanché», a indiqué mardi à l’ATS Véronique Catillaz, secrétaire du Conseil municipal. Présenté lundi soir, le rapport de la commission préconise d’orienter à l’avenir les tombes vers la Mecque.

La commune profitera de l’extension du cimetière dans quatre ou cinq ans pour le faire. La géographie du terrain le permet, «les nouvelles tombes seront alignées dans la même direction», a précisé la conseillère administrative Elisabeth Böhler-Goodship.

La loi genevoise sur les cimetières interdit la création de carrés confessionnels délimités et clôturés. A Genève, le cimetière de Saint-Georges dispose depuis novembre 2007 d’un emplacement pour les sépultures musulmanes, réservé aux défunts qui habitaient la Ville de Genève ou Lancy. Complet, le carré musulman du cimetière du Petit-Saconnex était jusqu’alors le seul du canton.

ATS et le Temps

La Suisse stoppe les renvois de requérants vers la Grèce

L’Office fédéral des migrations (ODM) ne renverra plus de requérants vers Athènes, comme c’est la pratique dans le cadre des accords européens de Dublin. En revanche, elle renvoie à nouveau des demandeurs d’asile au Sri Lanka.

Vu la situation toujours insatisfaisante dans le domaine de l’asile en Grèce, l’ODM renonce dans une majorité de cas à appliquer la procédure Dublin et examine lui-même les demandes, a-t-il indiqué mercredi. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ainsi que d’autres organismes indépendants dénoncent depuis des mois la situation catastrophique des requérants en Grèce.

Dans le sillage de la majorité des Etats partie à Dublin, la Suisse a suspendu en février 2009 déjà le transfert vers la Grèce des mineurs non-accompagnés, des familles avec jeunes enfants, des personnes âgées ou malades. Elle a renoncé à renvoyer 400 personnes entre décembre 2008 et fin 2010. Dans l’ensemble, seules 150 personnes ont été transférées en Grèce durant cette période.

Pour le Sri Lanka, l’ODM constate que la situation s’est nettement améliorée, permettant à nouveau le retour des requérants déboutés dans le nord et l’est du pays. Font exception les personnes dont le dernier domicile était dans la région de Vanni, auparavant contrôlée par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), et qui ne disposent pas d’un réseau social en dehors de cette région.

A la fin 2010, près de 1800 ressortissants sri-lankais dont la procédure d’asile était en cours en première instance et près de 300 autres dont la procédure de recours était en suspens séjournaient en Suisse. Près de 2200 personnes admises à titre provisoire et 25 autres se trouvaient en phase d’exécution du renvoi. Enfin, 50 requérants sont retournés au Sri Lanka en 2010.

ATS et le Temps


asile grèce situation amnesty extrait

 

Déclaration d'Amnesty International sur la situation des demandeurs d'asile en Grèce

Septembre 2010   (format .pdf)

Renvois d'étrangers: des exceptions envisagées pour les délits mineurs

Le groupe de travail chargé de l'applicabilité de l’initiative de l’UDC sur le renvoi des criminels étrangers envisage d'introduire une clause d'exception pour les délits mineurs.

criminels bien de chez nous

Les étrangers ayant commis des délits de moindre gravité pourraient échapper à l’expulsion malgré le catalogue prévu dans l’initiative de l’UDC sur le renvoi. Une clause d’exception est en discussion au sein du groupe de travail chargé de mettre en oeuvre le texte. Mais les esprits divergent.

Lors de sa première séance, le groupe de travail est parvenu à prendre des décisions notamment d’ordre organisationnel, s’est réjoui son président Heinrich Koller mercredi devant la presse. Les représentants de l’UDC et du comité d’initiative sont venus avec des propositions concrètes et dans un esprit constructif. Leur projet constitue une bonne base de discussion, selon lui.

Catalogue controversé

Le catalogue des délits menant au renvoi risque néanmoins de faire encore beaucoup discuter. Qualifié d’»incomplet et incohérent» par Heinrich Koller, il devra être complété par d’autres délits graves. Les délits de nature économique ne figurent ainsi pas dans la liste.

Certains membres du groupe de travail prônent par ailleurs l’introduction d’une clause d’exception permettant d’éviter l’expulsion lors de délits mineurs de moindre gravité qui figurent dans le catalogue, par exemple dans le domaine des stupéfiants ou des abus à l’aide sociale.

Dans certains cas, il faut tenir compte de la proportionnalité, a souligné Roger Schneeberger, le représentant de la Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police. Pour ce faire, a précisé Heinrich Koller, on pourrait prendre en considération la lourdeur de la peine prononcée indépendamment de la nature du délit en tant que tel.

Principe du non-refoulement

Se pose également la question du renvoi automatique et de sa conformité avec le droit international. Selon Gregor Rutz, représentant du comité d’initiative et de l’UDC au sein du groupe de travail, la seule situation où l’on doit appliquer le principe du non-refoulement, c’est lorsqu’il y a une violation du droit international impératif.

M. Rutz a rappelé que pour l’UDC, l’objectif est de faire appliquer fidèlement l’initiative. Celle-ci vise à lier automatiquement l’expulsion à certains délits - peu importe l’ampleur de la peine -, à unifier la pratique entre les cantons, à accélérer les procédures et à obtenir un certain effet préventif, a relevé M. Rutz.

Le projet de l’UDC présente des aspects positifs, mais il y a des points de divergence, a résumé M. Koller. C’est le cas notamment concernant la prise en compte du droit international non impératif. Optimiste, le président du groupe de travail estime que le projet offre une marge de manoeuvre et se rapproche sur certains points du contre-projet rejeté par le peuple.

Rapport en mai

Le groupe, qui réunit sept personnes, a décidé de se voir deux fois par mois en moyenne et espère avoir terminé ses travaux d’ici fin avril, afin que le rapport final puisse être présenté en mai. Il a par ailleurs nommé Roger Schneeberger à sa vice-présidence.

Les décisions seront adoptées consensuellement et non par votes. Le rapport final comprendra également la présentation des éventuelles divergences de vues. Ces dispositions permettront ainsi au groupe de travail de fournir au Parlement des informations exhaustives.

L’initiative pour le renvoi des criminels étrangers a été acceptée le 28 novembre 2010 par 52,9% des votants.

ATS et 24 Heures

Quand les mendiants se font gardiens de parking

Il n’est plus rare de croiser des Roms qui font la circulation sur les parkings lausannois, contre une petite pièce. Et ça marche.

Des automobilistes souriants et presque aimables, une circulation fluide: il y a quelque chose de changé sur la place Centrale à Lausanne au moment de trouver une place de parc. Même en pleine heure de pointe. La nouveauté, c’est la présence épisodique d’un gardien de parking… rom. Bonnet vissé sur la tête, sac à dos en bandoulière, l’homme virevolte d’une place soudain libre à l’autre qu’il signale et réserve au premier automobiliste en attente. En contrepartie, il demande une petite pièce.

«Cet homme nous rend service. Dans ces conditions, cela ne me gêne pas de lui donner une pièce.» Ce conducteur sourit. Il a dégoté une place de parc sans avoir à jouer du pare-chocs. Il est donc content de la prestation de l’apprenti voiturier.

Nicola* l’est aussi. Le gardien de parking, c’est lui. «On ne reste pas plus d’une heure sur le même parking. On doit bouger pour éviter la police.» En parlant, il garde un œil sur les places de parc, réagissant au moindre feu de recul qui s’enclenche, synonyme de place qui se libère.

Combien gagne-t-il en une heure de gardiennage? Nicola entrouvre ses mains pour exhiber son «salaire»: une vingtaine de francs en pièces de monnaie. «L’essentiel pour moi est d’avoir 5 francs pour dormir à la Vallée de la Jeunesse. Le reste, c’est tout bonus.»

A la police de Lausanne, on est au courant de la pratique, notamment du côté de la place de la Gare et de la rue Centrale. «C’est surtout le fait de nouveaux venus. Un contact avec eux suffit en général à les faire renoncer, parce qu’ils ne peuvent décemment pas réserver des places qui ne leur appartiennent pas, et parce qu’on pourrait leur reprocher une sorte d’entrave à la circulation», explique Jean-Philippe Pittet, porte-parole de la police municipale.

Laurent Antonoff dans 24 Heures

* Prénom fictif

Mendiants toujours dans les rues malgré l'interdiction

A Genève, des associations et des politiques dénoncent l'inconséquence des autorités.

TSR info

ODM: adaptations de pratique concernant la procédure d'asile

L'Office fédéral des migrations (ODM) évalue en permanence la situation dans les pays de provenance des requérants d'asile et dans les Etats Dublin. Ainsi, il est actuellement en train d'adapter sa pratique pour deux cas.


1. La situation régnant en Grèce nécessite de modifier l'application de la procédure Dublin. Jusqu'à nouvel ordre et dans une majorité des cas, l'ODM renonce à appliquer la procédure Dublin aux cas relevant de la Grèce et examine lui-même les demandes d'asile des personnes concernées.
2. La situation s'est améliorée au Sri Lanka, si bien que l'ODM va modifier sa pratique à l'égard des requérants d'asile sri-lankais déboutés. Les personnes dont la demande est rejetée doivent en principe quitter la Suisse
. Quant aux personnes admises à titre provisoire, l'ODM réexaminera si leur renvoi est possible. Enfin, cette adaptation de la pratique n'a pas d'effet sur les réfugiés reconnus originaires du Sri Lanka. Ces derniers peuvent rester en Suisse.

Grèce : pas de procédure Dublin dans une majorité des cas

La Suisse a mis en oeuvre l'accord d'association à Dublin le 12 décembre 2008. Cet accord réglemente la compétence de chaque Etat Dublin en matière de procédure d'asile et de renvoi, étant précisé que la législation nationale de l'Etat concerné reste applicable. Lorsqu'une demande d'asile est déposée en Suisse, l'ODM examine si un autre Etat Dublin est compétent pour le traitement de cette demande et entame, le cas échéant, la procédure Dublin et le transfert à l'Etat compétent.

Compte tenu de la situation toujours insatisfaisante dans le domaine de l'asile en Grèce - un constat confirmé par de nombreuses organisations indépendantes - l'ODM a décidé d'adapter sa pratique en renonçant dans une majorité des cas à appliquer la procédure Dublin aux cas relevant de la Grèce et en examinant lui-même les demandes d'asile et ce, jusqu'à ce que la Grèce soit en mesure de remplir ses obligations en tant qu'Etat Dublin (exécution de procédures ordinaires, hébergement). Cette adaptation de la pratique prend effet immédiatement.

L'ODM évaluera prochainement avec la Grèce les moyens d'aider cette dernière à améliorer la situation dans le domaine de l'asile et de satisfaire à nouveau à ses obligations en la matière.

D'ici là, l'ODM tiendra compte de la situation difficile à laquelle sont soumis les requérants d'asile, notamment dans le domaine de la prise en charge. Cependant, la procédure Dublin est maintenue à l'égard des personnes qui avaient accès à la procédure d'asile en Grèce et qui y disposaient d'un hébergement.

Dès février 2009, l'ODM avait décidé de ne plus appliquer la procédure Dublin aux cas de personnes particulièrement vulnérables relevant de la Grèce. De même, la majorité des Etats Dublin n'appliquent plus la procédure Dublin à l'encontre de la Grèce, ou ne l'appliquent plus que dans des cas restreints.

Entre le 12 décembre 2008 et fin 2010, une procédure Dublin a été entamée pour près de 940 personnes. L'ODM a renoncé à appliquer la procédure Dublin dans près de 400 cas concernant des personnes particulièrement vulnérables. Dans l'ensemble, environ 150 personnes ont été transférées en Grèce.

Sri Lanka : adaptation partielle de la pratique en matière de renvoi

L'ODM observe en permanence l'évolution de la situation au Sri Lanka. Après un examen approfondi, l'ODM a conclu que la situation sécuritaire au Sri Lanka s'est nettement améliorée et permet à nouveau le retour des requérants d'asile déboutés dans le nord et l'est du pays. Font exception les personnes dont le dernier domicile était dans la région de Vanni, auparavant contrôlée par les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE), et qui ne disposent pas d'un réseau social en dehors de cette région. La situation personnelle de chacun est prise en considération dans le cadre d'un examen individuel du dossier.

La pratique à l'égard des réfugiés reconnus reste inchangée : ils peuvent rester en Suisse.

La nouvelle pratique en matière de renvois sera mise en œuvre de manière échelonnée. A partir du 1er mars 2011, les demandes d'asile rejetées seront traitées conformément à la nouvelle pratique. L'ODM commencera à examiner le statut des personnes admises à titre provisoire en juin 2011. Là encore, l'ODM procèdera à un examen individuel des dossiers en tenant compte du degré d'intégration en Suisse des intéressés. Les personnes souhaitant rentrer volontairement au Sri Lanka recevront une aide financière et logistique.

A la fin de l'année 2010, près de 1800 ressortissants sri-lankais dont la procédure d'asile était en cours en première instance et près de 300 autres dont la procédure de recours était en suspens séjournaient en Suisse. Par ailleurs, on comptait près de 2200 personnes admises à titre provisoire et 25 personnes se trouvaient en phase d'exécution du renvoi. Enfin, 50 personnes sont retournées au Sri Lanka en 2010.

ODM, communiqué de presse

mardi 25 janvier 2011

Des passagers d'un avion filment et contestent l'expulsion brutale d'un étranger

Le 20 janvier à Roissy, un homme de nationalité malienne doit être expulsé. Monté de force dans un avion de ligne d’Air France, l’homme se débat et crie. Des passagers protestent, d’autres filment la scène… Résultat : deux escouades de la police aux frontières (Paf) débarquent et interpellent quatorze voyageurs, onze d’entre eux finissent en garde à vue et sont désormais passibles de poursuites judiciaires. En exclusivité, les Inrocks se sont procuré trois vidéos de la scène.

l est environ 16h, jeudi dernier à Roissy. Les passagers du vol AF 3096 à destination de Bamako ont quasiment tous embarqué. Muni d’un fin brassard orange, un fonctionnaire de l’Unité nationale d’escorte, de soutien et d’intervention (Unesi) de la police aux frontières (Paf) passe alors dans les rangs des voyageurs. Dans ses mains, des tracts qu’il distribue aux passagers en guise d’avertissement. S’ensuit un petit laïus quelque peu différent de celui habituellement récité par les hôtesses de l’air.

"Un expulsé va entrer dans l’avion, il risque de crier pendant cinq minutes mais tout ira bien après. Ne faites rien, car vous encourez l’expulsion de l’avion (et des sanctions pénales précisées dans le tract)."

Quelques minutes passent. Tout à coup, la porte arrière gauche de l’appareil s’ouvre. Entourée de trois autres policiers, une personne de nationalité malienne arrive en hurlant. "Lâchez-moi ! Lâchez-moi ! Laissez-moi descendre !" Un quatrième agent de la Paf filme la scène sans interruption. Cette disposition est devenue obligatoire depuis la mort successive –dans des conditions similaires– de deux expulsés en décembre 2002 et janvier 2003.

"Good afternoon ladies and gentlemen…"

Tandis que le commandant de bord entame un "Good afternoon ladies and gentlemen…", les policiers attachent l’homme qui se débat de toutes ses forces sous le regard médusés des voyageurs. Certains sortent leurs téléphones portables ou appareils photos et commencent à filmer la scène. Un steward puis l’un des agents de la Paf leur affirment que c’est interdit. Peine perdue.


Un passager d'un vol Air France filme une expulsion 1/3
envoyé par lesinrocks. - L'info internationale vidéo.


Expulsion (2) : arrivée dans l'avion suite
envoyé par lesinrocks. - L'actualité du moment en vidéo.


Expulsion (3) : des passagers se lèvent et protestent
envoyé par lesinrocks. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

A-t-on le droit de filmer ce genre de scène dans un avion ? Comme le rappelle un article de Slate, filmer des policiers dans l’exercice de leurs fonctions –à quelques exceptions près– n’est pas interdit.

Un membre de la Paf de Roissy nous a assuré que filmer dans un avion sans l’autorisation du commandant de bord était prohibé. Une chargée de communication d’Air France nuance, pour ne pas dire dément, cette affirmation.

"Si nous refusons les demandes de vidéos dans le cadre de tournages, nous n’intervenons pas dès lors que c’est l’œuvre de privés (passagers lambdas). Et même en cas de diffusion, la politique de la maison est claire : nous nous abstenons de porter un jugement."

Seul maître à bord, le commandant peut en revanche demander l’interdiction de filmer s’il estime que cela peut nuire à la sécurité du vol. D’après les passagers interrogés par les Inrocks, il ne l’a pas fait.

Quelques passagers debout

Comme si l’annonce initiale du policier devait se changer en prophétie, quelques passagers se lèvent, notamment un groupe composé d’une dizaine d’Allemands.

L’ambiance est tendue, le personnel naviguant ne parvient même pas à compter les passagers. "Qu’a fait cet homme ?", demande un voyageur. On lui répond : "C’est un criminel"

Une source policière jointe hier semble contredire ce propos. L’expulsé serait sous le coup d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) de la préfecture de Haute-Garonne. Comprendre : une décision administrative et non judiciaire.

Un à un, les Allemands sont évacués

Alors que certains passagers sont toujours debout, l’avion commence à rouler sur le tarmac. Quelques instants plus tard, le commandant de bord décide d’immobiliser l’avion. Vers 17h, toujours par la porte arrière de l’avion, ce sont cette fois deux groupes de cinq policiers qui entrent avec des casques et des boucliers, chacun une main posée sur l’épaule du collègue de devant. Un passager décrit la scène :

"Au début, un tel déploiement de policiers surarmés a fait rigoler tout le monde. Puis, un par un, les membres du groupe d’Allemands sont évacués. Ensuite, l’un des policiers en civil désigne trois autres personnes qui ont filmé la scène, elles sont également débarquées."

Bilan : quatorze personnes interpellées, dont onze placées en garde à vue jusqu’à 22h. Un policier, en contact avec des collègues de la Paf de Roissy indique les motifs juridiques des interpellations de ces "passagers qui –selon eux– étaient agressifs et outrageants" : entrave à la circulation aérienne, outrage et rébellion.

"La vidéo réalisée par les policiers est désormais sous scellés, entre les mains du procureur du tribunal de grande instance de Bobigny en charge de l’affaire. C’est à lui de décider des poursuites à engager."

Le seul membre du parquet de Bobigny qui a accepté de s’exprimer –anonymement– a précisé que ce genre de cas était rare. Selon lui, si les expulsions sont monnaie courante, "dans la majorité des cas, les passagers n’interviennent pas".

Geoffrey Le Guilcher dans les Inrocks


Sur Rue89, des Maliens réagissent aux images de leur compatriote expulsé par la France: "C'est humiliant !" (26 / 01 / 2011)

Günter Wallraff expérimente le racisme au quotidien

Dans Noir sur blanc, le journaliste Günter Wallraff, déguisé en Somalien, éprouve la xénophobie des Allemands. Un documentaire édifiant à découvrir sur Arte.

Le Noir est un individu de race humaine et de taille agréée par les plus hautes autorités sanitaires, auquel le Blanc rechigne à louer une place de camping. Normal : le Noir ne se déplace qu'en tribu avec des sacs bourrés de tam-tam, pour faire des ribouldingues infernales. Et de chèvres vivantes pour ripailler au petit déj'. Que des embarras tout ça. Alors qu'il serait si bien dans une case. En Afrique. 

C'est ce qui ressort de Noir sur blanc, le documentaire choc de Pagonis Pagonakis et Susanne Jäger. Le journaliste blanc Günter Wallraff s'y est grimé en Somalien, peinture noire et perruque crépue, et a écumé l'Allemagne pendant un an. En caméra cachée. Pour dresser un état des lieux du racisme dans son pays. Il est accablant. Effarant. Entre humiliations, insultes et coups. "Dans un train, entouré de 600 fans de foot ivres morts, j'ai cru mourir, se souvient Wallraff. C'est une policière qui m'a sauvé. Mais il n'y a qu'en me déguisant en Noir que je peux comprendre ce qu'il subit. Mon but est de dénoncer une certaine réalité et de faire changer les choses." 

Outre-Rhin, lors de sa sortie en salles, en 2009, Noir sur blanc a fait scandale. Xénophobes, les Allemands ? Allons donc. Et puis tourner ça en douce... "C'est la polémique habituelle, mais, en caméra ouverte, Wallraff n'aurait jamais obtenu ces réactions. Pour ce sujet, sa méthode d'investigation est justifiée", estime le producteur Hervé Chabalier. Qui en connaît un rayon sur la question : il s'est fait allumer comme un réverbère dès la première diffusion des Infiltrés, sur France 2. "L'infiltration est parfois la seule manière de révéler la vérité, poursuit-il. Mais elle ne doit pas devenir systématique et il ne faut pas que le journaliste crée une mise en scène. Son rôle est de chercher des dysfonctionnements, pas de les provoquer." 

Au pire, un psychopathe ; au mieux, un loufiat

En l'occurrence, Wallraff n'a qu'à apparaître pour susciter le rejet. Il s'assied sur un banc près de deux vieux, ils se barrent. Il se pose dans une barque, les passagers lui commandent des bières. Le Noir est, au pire, un psychopathe, au mieux, un loufiat. "Rien ne me surprend : c'est ce que les Noirs vivent chaque jour en France, aujourd'hui, commente Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran). Le racisme bestial, comme la xénophobie banale." Lozès avoue quand même avoir serré les poings en regardant Noir sur blanc. Il trouve nécessaire de montrer aussi ce racisme "de petite intensité" que nul ne voit à moins d'être "de l'autre côté de la barrière". Il dit que les politiques ne font aucune proposition constructive pour lutter contre la discrimination et que les Français sont "dans le déni". Et de conclure : "Il faut une prise de conscience. Elle passe aussi par ce genre de film". Après le tournage, Wallraff a eu des cauchemars pendant six mois. Pour les Noirs, le cauchemar ne cesse jamais. 

Sandra Benedetti dans l'Express

Demandeurs d'asile: l'UE contrainte de revoir ses règles

Finlande, Danemark, Allemagne : les uns après les autres, les Etats européens suspendent les renvois de réfugiés vers la Grèce à la suite d'une décision de justice qui contraint l'UE à reconsidérer ses règles en matière de traitement des demandes d'asile.

La Cour européenne des droits de l'homme a fait souffler un vent de panique en condamnant vendredi la Belgique à verser 20.000 euros à titre de dédommagement à un demandeur d'asile afghan renvoyé en Grèce conformément à une règlementation de l'Union européenne, dite "Dublin II" : celle-ci prévoit que toute demande d'asile soit examinée dans le premier pays d'accueil dans l'Union européenne. La Cour a fondé sa décision sur le fait que les demandeurs d'asile sont systématiquement placés en détention en Grèce et sont souvent brutalisés par la police. En outre, très peu de demandes aboutissent. La décision fait désormais jurisprudence et tous les demandeurs d'asile renvoyés en Grèce par d'autres pays européens en vertu de la règlementation sont pratiquement assurés d'avoir gain de cause s'ils saisissent la justice.

En ordre dispersé, les Etats de l'UE décident en conséquence de traiter les demandes incombant normalement à la Grèce. "Les gouvernements ont la trouille, car des milliers de plaintes pourraient être déposées", a commenté lundi un responsable européen sous couvert de l'anonymat. Après le Danemark dimanche, la Finlande a renoncé lundi à renvoyer les demandeurs d'asile arrivés sur son territoire via la Grèce. La Suède avait pris les devants en novembre 2010. L'Allemagne avait suivi, en décidant de suspendre les renvois pendant un an. L'Autriche a pour sa part vu sa marge de manoeuvre en matière de renvois limitée par la Cour Constitutionnelle. "Beaucoup d'autres pays devraient suivre", a prédit le responsable européen.

La Grèce se frotte les mains d'être ainsi soulagée. La secrétaire d'Etat chargée de l'Immigration, Anna Dalaras, a salué lundi l'"approche positive" des partenaires européens sur "la question de la levée de Dublin II". Avec des dizaines de milliers d'Afghans ou d'Irakiens entrés ces dernières années par la Turquie voisine, le pays s'estime exposé à une charge disproportionnée en matière d'asile et veut remettre en cause la règle actuelle.

La Commission européenne voit ce mouvement conforter aussi sa position. Depuis des mois, elle propose en effet aux gouvernements de réviser les accords de Dublin, mais se heurte au refus de la majorité des Etats, conduits par l'Allemagne et la France. "La Commission a proposé un mécanisme d'urgence" permettant de suspendre les renvois de demandeurs d'asile dans le pays où ils sont entrés dans l'UE lorsque ce pays est confronté à des difficultés, notamment des afflux massifs, a estimé Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée du dossier.

Selon l'Agence européenne de surveillance des frontières extérieures (Frontex), plus des trois quarts des 40.977 personnes interceptées au cours du premier semestre 2010 sont entrées via la Grèce en provenance de Turquie. Le refus de toute dérogation à la règle du traitement des demandes dans le premier pays de passage bloque aussi depuis un an l'ambitieux projet de doter l'UE d'un régime commun pour le droit d'asile à l'horizon 2012. "On va voir ce que les Etats vont décider. Maintenant ils ne peuvent plus s'en laver les mains en renvoyant les demandeurs arrivés par la Grèce", a souligné le responsable européen.

L'UE a enregistré près de 250.000 demandes d'asile entre juillet 2009 et septembre 2010. Plus de la moitié -183.000- ont été déposées dans six pays : Allemagne, France, Suède, Belgique, Royaume-Uni et Pays-Bas.

Christian Spillman, Bruxelles, AFP

La "Norvégienne de l'année" non grata en Norvège

Une jeune demandeuse d'asile russe, désignée "Norvégienne de l'année" après avoir écrit un livre sur sa vie de sans-papiers, a été expulsée de Norvège lundi, à l'issue d'une saga qui a tiraillé le gouvernement et ému l'opinion publique pendant deux semaines.

Agée de 25 ans, Maria Amelie, le pseudonyme sous lequel elle a écrit son ouvrage "Norvégienne illégale", vivait en situation irrégulière en Norvège depuis que sa famille originaire d'Ossétie du Nord avait été définitivement déboutée de sa demande d'asile en 2004. Elle a été arrêtée lundi matin quand elle s'est présentée à un commissariat d'Oslo conformément à ses obligations imposées par son régime de contrôle judiciaire. "Je suis fatiguée et j'ai peur", a dit la jeune femme brune en descendant de voiture, munie d'une petite valise rouge, à la cohorte de journalistes qui l'attendaient. Arrêtée sans opposer de résistance, Maria Amelie a été placée dans un vol Aeroflot pour Moscou, accompagnée de son petit ami norvégien.

Madina Salamova --son vrai nom-- avait été désignée "Norvégienne de l'année" en décembre par l'hebdomadaire Ny Tid. Le jury estimait qu'elle avait "donné un visage à ceux qui n'en ont pas" en acceptant de mettre sa situation en péril avec la parution de son ouvrage censé sensibiliser les lecteurs aux conditions des sans papiers.

Arrivée en 2002 en tant que mineure en Norvège où elle a passé plus d'un tiers de son existence, Maria Amelie est considérée comme un exemple d'intégration réussie --elle a décroché un master sous une fausse identité-- même si elle était contrainte de vivre dans la clandestinité. "La plupart des gens pensent que je suis norvégienne. Je parle norvégien, je pense norvégien et je rêve en norvégien", a-t-elle dit aux médias locaux. La jeune femme a été arrêtée par la police le 12 janvier alors qu'elle venait de faire une intervention dans une école. Libérée après quelques jours, elle était depuis sous contrôle judiciaire.

Son cas a mobilisé les Norvégiens qui ont manifesté par milliers pour qu'elle puisse rester dans le pays, fait la Une des journaux et déchiré la coalition de gauche au pouvoir. Formation dominante du gouvernement, le parti travailliste a refusé de faire une exception, pour ne pas être accusé de faiblesse par la droite populiste, principale force d'opposition qui prône une politique d'immigration ultra-restrictive. Membre de la coalition, la Gauche socialiste plaidait, elle, pour que Maria Amelie reste, faisant valoir le manque persistant de personnes hautement qualifiées dans un pays où le taux de chômage tourne autour de 3,5%. "Il ne faut pas récompenser les personnes qui choisissent la clandestinité et qui vivent illégalement depuis longtemps dans ce pays", a tranché le Premier ministre travailliste Jens Stoltenberg. "Chacun est égal devant la loi", a-t-il dit la semaine dernière devant le Parlement.

Sous la pression de l'opinion, le gouvernement a cependant accepté d'entrouvrir la porte du territoire: il a annoncé qu'il allait changer la loi pour permettre aux demandeurs d'asile déboutés, une fois revenus dans leur pays, de postuler pour un permis de travail en Norvège sans avoir à passer par une période de quarantaine. Mais un retour en Norvège, où l'attend un poste de journaliste, ne devrait pas être possible avant plusieurs semaines, le temps pour le gouvernement d'amender la loi et pour la jeune femme de réunir les papiers nécessaires. En attendant, son entourage nourrit des craintes pour sa sécurité en Russie.

Les parents de Maria Amelie avaient fui l'Ossétie du Nord, une petite république du Caucase russe, après avoir fait l'objet de menaces de la mafia locale en vue d'obtenir le remboursement d'une dette, selon les médias norvégiens.

Pierre-Henry Deshayes, Oslo, AFP