vendredi 11 février 2011

Grèce : améliorer les conditions de détention des migrants à Evros

Chaque jour, des hommes, des femmes enceintes et des mineurs non accompagnés subissent des conditions de détention particulièrement difficiles dans certains postes de police frontaliers avec la Turquie qui ont des conséquences graves sur leur santé physique et mentale.

Chaque jour, des hommes, des femmes enceintes et des mineurs non accompagnés subissent des conditions de détention particulièrement difficiles dans certains postes de police frontaliers avec la Turquie qui ont des conséquences graves sur leur santé physique et mentale.

Un coordinateur MSF visite les cellules d'un poste de police à Tychero, région d'Evros  Décembre 2010 © Julia Kourafa / MSF

Ces deux derniers mois, les équipes MSF ont apporté leur aide aux migrants et chercheurs d'asile détenus dans trois commissariats de police frontaliers avec la Turquie et un centre de rétention dans la région d'Evros, au nord de la Grèce. Ces équipes sont témoins d'une situation qui ne peut être décrite que d'insupportable et d'inhumaine.

« Aucun être humain ne devrait subir un tel traitement », a déclaré Ioanna Pertsinidou, coordinateur d'urgence pour MSF. « Chaque jour, nous voyons des personnes qui se retrouvent dans l'obligation de rester des semaines, voire même des mois, dans des cellules surpeuplées et extrêmement sordides, sans même avoir le droit d'aller dans la cour. Les détenus sont tellement nombreux qu'ils n'ont même pas la place de s'allonger dans leur cellule. De surcroît, il arrive souvent que le chauffage ne fonctionne pas, et les migrants se retrouvent livrés à eux même à des températures inférieures à zéro degré. Dans l'un des centres de détention, les toilettes sont souvent hors d'usage et les excréments inondent certaines parties de la cellule où les migrants vivent et dorment ».

Cette situation a des graves répercussions sur la santé physique et mentale des migrants. Dans les commissariats de police frontaliers de Soufli et Tychero, les médecins MSF ont soigné plus de 850 migrants qui souffraient principalement d'infections respiratoires et cutanées et de problèmes gastro-intestinaux, des affections dues à leurs conditions de vie déplorables. Les températures inférieures à zéro à Evros ne font qu'aggraver la situation. Ces dernières semaines, plusieurs personnes sont mortes à cause du froid en tentant de franchir la frontière. D'autres sont arrivées dans un état de santé grave. Pendant la première semaine de 2011, les médecins MSF ont prodigué des soins à 15 migrants qui avaient réussi à traverser la frontière et qui souffraient de gelures. Quatre d'entre eux étaient gravement atteints.

« Le gouvernement grec doit immédiatement intervenir pour améliorer les conditions de vie et d'hygiène des migrants et des demandeurs d'asile dans les commissariats de police frontaliers et les centres de rétention de la région d'Evros »

MSF appelle à une action immédiate et exhorte les autorités grecques à répondre aux besoins médicaux et humanitaires urgents des migrants et chercheurs d'asile détenus à Evros. « La situation dont nous sommes témoins soulève d'importantes questions humanitaires. Le gouvernement grec doit immédiatement mettre en place une intervention d'urgence coordonnée pour améliorer les conditions d'accueil à la frontière et les conditions de vie dans les centres de rétention », affirme Ioanna Pertsinidou.

Les mesures de renforcement des contrôles frontaliers, telles que l'édification d'une clôture à la frontière et le déploiement d'équipes FRONTEX, ne sont pas considérées comme des mesures viables. Les migrants et les demandeurs d'asile qui fuient les conflits, la violence, des privations ou des violations de leurs droits humains, continueront à essayer d'entrer en Europe.

Les mesures restrictives ne serviront qu'à les obliger à risquer leur vie lors de périples plus longs et plus dangereux, et les rendront plus vulnérables aux réseaux de trafic et de contrebande. Les politiques en matière de droit d'asile et de migration de l'Union européenne sont de plus en plus restrictives et mettent en danger la vie et le bien-être des migrants, en particulier des groupes les plus fragiles, comme les femmes, les enfants et les mineurs non accompagnés.



Depuis 2008, MSF offre un soutien médical et psychosocial aux migrants et chercheurs d'asile en Grèce. Depuis le début du mois de décembre 2010, les équipes MSF délivrent des soins et travaillent pour améliorer les conditions de vie et d'hygiène dans les commissariats de police frontaliers de Tychero, Soufli et Feres, ainsi que dans le centre de rétention de Filakio. Les médecins MSF ont soigné plus de 850 patients, référé 15 patients vers des hôpitaux locaux et distribué 3 500 sacs de couchage et 2 500 kits d'hygiène personnelle.

MSF

« Je vis en enfer, et ma vie entière est un cauchemar »

migrants grèce msfA travers un courrier adressé à l'équipe de psychologues MSF, un migrant détenu dans un commissariat de police, à Evros en Grèce, témoigne de ses conditions de détention épouvantables.

Cela fait maintenant 64 jours que je suis détenu dans ce commissariat de police frontalier et les conditions sont inimaginables.
Nous sommes actuellement 124 dans ma cellule. Cette dernière est extrêmement petite et devrait normalement accueillir 35 personnes. Il n'y pas de place pour s'allonger et dormir. Lors des distributions de nourriture, il faut deux heures pour que tout le monde soit servi. Les gens se battent entre eux. Nous sommes tellement nombreux que nous ne pouvons pas bouger, nous ne pouvons pas « respirer ». Quelles seront les conséquences physiques et mentales de telles conditions de détention ? Nous avons peur de devenir fous.
Nous sommes traités comme des animaux, pire que des animaux. Un être humain possède normalement deux mètres d'espace pour marcher, il peut sortir dans la cour. Je sais que je suis arrivé ici sans papiers, mais dois-je ainsi en payer le prix, d'une manière aussi inhumaine ?

Personne ne nous parle, ne nous donne d'information sur la date à laquelle nous pourrons sortir, à laquelle nous serons libérés. Ils se contentent de nous dire : « Je ne sais pas, peut-être aujourd'hui, peut-être demain... »

« J'ai perdu tout espoir »

Il y a quelques mois, je rêvais de quitter mon pays parce que je vivais dans une situation extrêmement difficile. Je rêvais d'aller en France pour rejoindre ma famille. J'espérais être à leurs côtés, mais aujourd'hui, j'ai perdu tout espoir. Je ne voulais pas venir en Grèce, encore moins y rester. C'était juste un point de passage pour atteindre la France. Dans mon pays, j'ai demandé un visa pour différents pays européens, mais je n'en ai obtenu aucun. J'ai pourtant dû payer plusieurs milliers d'euros. Puis j'ai entendu dire que certaines personnes se rendaient en Europe en passant par la Grèce, et qu'ils ne mettaient que deux jours à entrer dans le pays. J'ai donc décidé de faire ce voyage. Mais je n'aurais jamais imaginé que les conditions seraient aussi ignobles ici.

Maintenant, à chaque fois que j'appelle ma famille en France, je n'arrive pas à leur raconter ce que je traverse, ce qui se passe ici. Que devrais-je leur dire ? Que je vis en enfer ? Et quand je raccroche, j'aimerais oublier que j'ai une famille, j'aimerais tout oublier, car lorsque je pense au passé et à ma famille, j'ai peur de devenir fou, de perdre la raison. Je vis en enfer, et ma vie entière est un cauchemar. Les choses doivent changer maintenant, car je ne peux plus supporter cette situation. Je n'arrive pas à me projeter dans le futur, je veux juste être auprès de ma famille.

« Je ne trouvais plus mes mots »

La seule chose qui nous redonne espoir, c'est la présence de Médecins Sans Frontières (MSF). Si MSF n'était pas là, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Le psychologue de MSF m'a beaucoup aidé à supporter cette situation. C'est pourquoi j'ai écrit cette lettre à MSF, pour remercier le psychologue et l'équipe et pour leur montrer que j'apprécie leur travail ici.  Mais j'ai mis quatre heures à écrire cette lettre. Je ne trouvais plus mes mots, j'avais tout oublié. Lorsque vous êtes enfermé ici, vous ne savez plus qui vous êtes, vous avez perdu toute notion de vous-même, vous ne trouvez plus les mots. Et les premiers qui me sont venus à l'esprit étaient les suivants : aidez-nous, aidez-nous, aidez-nous...

L'Arizona poursuit le gouvernement des États-Unis

L'Arizona attaque en justice le gouvernement des États-Unis, qu'il accuse de ne pas l'avoir protégé contre l'arrivée massive d'immigrants clandestins. L'État du sud-ouest riposte aux recours pris par l'administration Obama pour contrer sa controversée loi sur l'immigration illégale.

arizona mexique frontière

La plainte a été déposée jeudi par la gouverneure de l'Arizona, Jan Brewer. « Nos citoyens ont vécu trop longtemps sous cette menace. Il est temps que l'État fédéral fasse son travail et sécurise la frontière », a déclaré la gouverneure devant le tribunal fédéral de Phoenix, pendant qu'une bruyante foule d'opposants tentait d'étouffer ses paroles.

L'Arizona partage une frontière internationale avec le Mexique, plaque tournante du trafic de drogue et d'êtres humains. Le tiers des 6,6 millions d'habitants de l'Arizona ne sont pas nés aux États-Unis, selon l'AFP, et environ 460 000 d'entre eux sont en situation irrégulière.

L'Arizona réclame notamment au gouvernement fédéral le remboursement de quelque 760 millions de dollars pour compenser les coûts engendrés par l'incarcération des clandestins et la protection de la frontière.

Réaction de Washington

Un porte-parole du département américain de la Sécurité intérieure, Matt Chandler, a qualifié la poursuite de « sans mérite », ajoutant qu'elle ne faisait rien pour « sécuriser la frontière », prônant plutôt des « partenariats stratégiques » entre les différents paliers de gouvernement.

Radio Canada avec AFP et Reuters

A San Diego, la spirale sans fin de l'immigration clandestine

Les Etats-Unis n'ont cessé de renforcer leur frontière au sud du pays, mais c'est la récession qui a fait chuter l'immigration illégale. Reportage à San Diego, l'un des hauts lieux du passage clandestin entre le Mexique et la Californie.

C'est une zone de collines arides, faites de caillasse et de sable, parsemée de courts arbustes, et où les scorpions et les serpents sont légion. D'un côté la Californie, de l'autre le Mexique. Entre les deux, un mur de métal marque la frontière. La route n'est pas très loin : à quelques centaines de mètres se trouve le village de Jacumba, réputé pour ses sources d'eau chaude, à 70 kilomètres de San Diego. Le vent refroidit la tiède journée d'hiver. Enrique Morones, avec l'aide d'un jeune lycéen, Angel, dispose des bidons d'eau dans les rares endroits ombragés. Ils sont destinés aux clandestins qui, la nuit venue, vont sauter le mur. Seul signe tangible de leur passage, les étoffes de laine dont ces derniers entourent leurs chaussures pour éviter de laisser des empreintes dans le sable et qu'Isolde, la patronne suisse d'un café du village, a récupérées et suspendues à un arbre dans sa cour.

Une voiture de la patrouille des frontières apparaît, mais laisse faire. Enrique Morones leur est connu. Il est le fondateur de « Border Angels », une association qui cherche à apporter de l'aide à ceux qui traversent la ligne de démarcation serpentant dans ces montagnes désertiques.

Plus de 20.000 agents patrouilleurs

Pendant des années, près de 45 % des immigrants venus du Sud sont passés par San Diego, une ville aujourd'hui cossue, qui fait face à Tijuana la dangereuse, au Mexique. Mais depuis la signature de l'accord de libre-échange nord-américain, en 1994, les Etats-Unis ont entrepris de sceller une partie de la frontière avec le Mexique. En récupérant des plaques de métal sur lesquelles se posaient des hélicoptères pendant la guerre du Vietnam puis lors de l'opération « Desert Storm » (première guerre en Iraq), un premier mur a été construit. Pas très élevé, franchi en quelques secondes à l'aide d'une échelle à corde, il est plus symbolique qu'efficace sur les 65 kilomètres où il a été édifié. L'administration de George W. Bush a entrepris de consolider la frontière en faisant ériger à quelques mètres du premier mur une seconde barrière métallique, plus moderne et plus élevée, parfois couronnée de fils électriques et qui s'étend sur 20 kilomètres. Ca ne l'empêche pas d'être régulièrement cisaillée -des rectangles juste assez larges pour faire passer quelqu'un... Pour être aussitôt raccommodée par une équipe spécialisée de la patrouille des frontières. « Ils nous surveillent en permanence, ils ont des éclaireurs, ils se guident à l'aide de points lumineux », constate Jerry Conlin, un agent de la « Border Patrol ». Il faut aussi compter avec les tunnels, creusés sous les deux murs et le plus souvent financés par les narcotrafiquants qui cherchent à écouler discrètement cannabis et cocaïne. Depuis 1990, une quarantaine de tunnels ont été repérés, dont deux en novembre dernier.

Les moyens des patrouilles des frontières ont pourtant été considérablement renforcés - y compris sous l'administration Obama -avec 20.500 agents (contre 10.000 en 2004) et un budget annuel d'environ 11 milliards de dollars. Dans la région de San Diego, ils étaient 1.500 patrouilleurs en 2005 et sont 2.600 aujourd'hui, qui se déplacent en 4 x 4, en quad, à cheval, en hélicoptère ou même à vélo. « Notre objectif l'an dernier était d'avoir un contrôle opérationnel de la frontière sur 82 kilomètres, cette année nous voulons maîtriser l'environnement maritime », explique Jerry Conlin.

On compte environ 33 millions d'immigrés aux Etats-Unis, dont 12 millions seraient sans papiers. Près d'un million auraient quitté le pays entre 2008 et 2009, sous l'effet de la crise économique et du durcissement des contrôles, ce qui ramène leur nombre à 10,8 millions en 2010, selon un récent rapport du Homeland Security.

Sur la totalité de la population immigrée, une personne sur quatre vient du Mexique et une sur deux d'Amérique latine. L'instabilité économique dans leur pays, la volonté de mieux subvenir aux besoins de leurs proches (25 milliards de dollars sont envoyés au Mexique chaque année) ou le désir de se rapprocher de leur famille déjà exilée sont autant de raisons de franchir le pas. Environ 60 % des immigrants illégaux sont arrivés aux Etats-Unis avec un visa qui a ensuite expiré. Les autres ont le plus souvent tenté le passage de la frontière avec un « coyote », un passeur qui leur prend au minimum 4.000 dollars pour trois tentatives. « Les murs ont eu pour effet de rediriger les flux de clandestins vers la partie la plus à l'est du comté de San Diego et vers l'Arizona », constate David Shirk, professeur de sciences politiques à l'université de San Diego. Les immigrants ont dû prendre des risques plus importants dans ces régions désertiques, et le nombre de décès sur la frontière Sud a augmenté pour atteindre 400 personnes par an depuis cinq ans, principalement en raison de leur exposition au climat (déshydratation, hypothermie), ou parce qu'ils meurent étouffés dans des compartiments à bestiaux, ou sont renversés sur la route par des voitures... D'où les actions d'associations comme « Border Angels » qui créent des postes de ravitaillement, ou comme celle qui vient ramasser et incinérer les corps de ceux qui sont décédés.

Le tournant de 2010

2010 a toutefois marqué un changement. Pour la première fois l'an dernier, plus de Mexicains sont retournés au Mexique qu'ils ne l'ont quitté. Davantage un effet de la récession économique aux Etats-Unis que du meilleur contrôle des frontières. Car les travailleurs illégaux sont un formidable réservoir de main-d'œuvre à bas coût pour les entreprises du cru, qui les exploitent sans vergogne. En particulier dans les services (restauration, hôtellerie), l'agriculture, mais surtout dans le bâtiment. La crise du marché de l'immobilier a d'ailleurs eu un effet dramatique sur les travailleurs immigrés (clandestins ou pas), qui ne trouvent plus d'emploi. Depuis la récession, beaucoup sont condamnés à chercher de l'ouvrage au jour le jour. Dans la banlieue de San Diego, un groupe d'hommes fait le pied de grue tous les jours à l'entrée du parking d'un grand magasin de bricolage. « On peut gagner 100 dollars par jour, ça ira jusqu'à 250 si c'est du travail de spécialiste », explique Manuel. Ils espèrent qu'on les embauchera pour la journée - travaux de terrassement, carrelage, peinture... tout est bon. Parfois des « minute men » (une sorte de milice qui s'oppose à l'immigration clandestine) viennent les harceler et prendre en photo ceux qui chercheraient à les employer.

« La plupart ne veulent pas devenir citoyens, raconte Enrique Morones, ils veulent juste des papiers pour pouvoir légalement travailler. » Pour Miguel, un ouvrier du bâtiment qui vit avec sa femme et ses deux petits enfants en Californie, « il n'y a tout simplement pas de travail au Mexique, trop de crimes, trop d'inégalités et un gouvernement et une police corrompus ». Dans chaque famille d'immigrés établie aux Etats-Unis, on trouve autant de statuts que d'individus. Des citoyens, des personnes avec des documents de travail ou des visas, des sans-papiers. Ils cohabitent dans un pays où la carte d'identité n'existe pas. Pedro Navarro, le patron d'une entreprise d'entretien de jardins à San Diego, estime que l'Etat impose injustement à l'employeur de faire son travail en l'obligeant à vérifier le statut du salarié. Plutôt que de voir renforcer la frontière, il préfèrerait que les travailleurs immigrés puissent être légalisés car il a besoin de cette main-d'œuvre dure à la tâche et peu chère.

« L'immigration clandestine est devenue une sorte de subvention directe pour les entreprises tandis que les contribuables paient pour l'éducation, le système judiciaire et la santé », se scandalise Ira Mehlman, le porte-parole de la Federation for American Immigration Reform (FAIR), une association résolue à fermer les frontières, et qui ne tolère qu'une immigration très sélective. Elle veut s'en prendre directement aux employeurs peu scrupuleux, éliminer les services non essentiels, obliger les gouvernements locaux à coopérer davantage avec les services d'immigration.

Un enjeu politique énorme

Le débat, dans le pays, est extrêmement tendu, d'autant que l'immigration clandestine progresse hors du sud-ouest des Etats-Unis vers des Etats comme l'Idaho, la Pennsylvanie ou le Kansas. Entre ceux qui pensent « qu'il faut créer une voie vers la citoyenneté pour ceux qui vivent aux Etats-Unis », comme Jon Rodney, porte-parole du California Immigrant Policy Center (CIPC), et ceux qui, comme FAIR, sont hostiles à toute idée d'amnistie et militent ouvertement pour le rapatriement des sans-papiers, le fossé est immense. La dernière tentative au Congrès faite avant Noël - le passage d'un texte dénommé « Dream Act » qui aurait donné aux enfants entrés illégalement aux Etats-Unis la possibilité d'étudier à l'université ou de s'enrôler dans l'armée et d'accéder à la citoyenneté -a avorté. Mais pour Barack Obama, la question de l'immigration illégale reste une priorité. Le 26 janvier dernier, à l'occasion de son discours annuel sur l'Etat de l'Union, il a affirmé être « préparé à travailler avec les républicains et les démocrates pour protéger nos frontières, appliquer nos lois et attaquer la question des millions de travailleurs sans papiers qui vivent aujourd'hui dans l'ombre ». Les plus optimistes veulent bien y croire pour son éventuel deuxième mandat, mais les démocrates n'ont tout simplement pas les voix pour y parvenir avant 2012. « Le sujet est trop polémique pour qu'Obama puisse engager une réforme maintenant », observe David Shirk.

L'enjeu politique est énorme et explique en partie la paralysie du Congrès. « Les démocrates désirent fortement ajouter les nouveaux immigrés à leur base, mais les républicains voient d'un très mauvais œil 12 millions d'immigrés obtenir la citoyenneté et voter pour le clan opposé ! » résume le professeur. Du coup, les républicains préfèrent focaliser leur discours sur la protection de la frontière. « Ils ont tort. Les "latinos" sont catholiques, socialement conservateurs, et il y a toutes les chances pour que leurs votes se partagent équitablement entre les deux partis », estime-t-il.

L'incapacité à gérer cette question au niveau fédéral a poussé certains Etats à essayer d'agir à leur niveau. L'Arizona est chef de file dans cette démarche car, après San Diego, la seconde porte d'entrée pour l'immigration illégale se trouve dans la région de Tucson. L'Etat du Grand Canyon a suscité un tollé l'an passé quand son assemblée a voté une loi demandant à la police de contrôler le statut de tout individu qui suscitait une « suspicion raisonnable ». Il vient de faire plus fort en introduisant, fin janvier, un texte qui veut interdire d'accorder la citoyenneté américaine à un enfant né en Arizona de parents sans papiers. C'est une remise en cause directe du 14e amendement de la Constitution, écrit spécialement en 1868 pour que les esclaves nés en Amérique obtiennent la citoyenneté américaine.

L'Arizona pourrait faire des émules. D'autres Etats, comme le Nebraska, le Texas, le Missouri, l'Idaho et la Pennsylvanie ont adopté des législations qui punissent les employeurs, les loueurs d'habitations résidentielles ou encore les écoles qui acceptent des travailleurs illégaux ou leurs enfants. Finalement, plus que l'activisme d'associations des droits de l'homme, ce genre d'initiatives - qui sont combattues par les associations et parfois même le Département de la Justice -finiront peut-être par contraindre, par ricochet, le Congrès à agir... car les tribunaux ne manqueront pas de rappeler que l'immigration est d'abord une affaire fédérale.

Virginie Robert, San Diego, pour Les Echos

Italie: près de 650 clandestins ont débarqué sur l'île de Lampedusa

Près de 650 immigrés clandestins déclarant venir de Tunisie ont débarqué depuis jeudi soir sur l'île italienne de Lampedusa, située au sud de la Sicile, ce qui a conduit vendredi les autorités italiennes à exprimer leur préoccupation.

Parmi ces candidats à l'immigration clandestine, 181 personnes, dont 16 mineurs, ont été secourues sur une embarcation vendredi à l'aube par les garde-côtes italiens. "Tous ont déclaré venir de Tunisie", a déclaré à l'AFP un porte-parole des garde-côtes. "Au total, 641 personnes sont arrivées depuis jeudi soir à bord de six bateaux", a-t-il ajouté. "Ils semblaient tous en bonne santé et ils sont en cours d'examen par des médecins", a-t-il précisé. La plupart ont été transportés dans des centres de rétention notamment en Sicile près d'Agrigente.

L'île de Lampedusa doit faire face à une nouvelle recrudescence d'arrivants depuis la révolution tunisienne. Cet afflux de clandestins inquiète les autorités italiennes, tant locales que nationales, au premier rang desquelles le maire de Lampedusa, Bernardino De Rubeis. "Un millier d'immigrés en seulement trois jours, cela nous inquiète vraiment", a-t-il dit. "Il y a un risque de véritable crise humanitaire (...) La crise grave du Maghreb, en particulier en Tunisie et en Egypte, entraîne une fuite en masse vers l'Italie", a déclaré de son côté à Venise le ministre italien de l'Intérieur Roberto Maroni. "Des centaines de personnes arrivent sur les côtes italiennes et nous mettons en oeuvre toutes nos ressources pour affronter une véritable crise humanitaire", a-t-il ajouté.

Mercredi, M. Maroni avait déjà déclaré que l'Italie craignait l'infiltration en Europe de "terroristes" échappés des prisons tunisiennes après le changement de régime dans ce pays. "La fuite de criminels des prisons tunisiennes nous inquiète beaucoup, en raison du risque d'infiltrations terroristes parmi les Tunisiens qui veulent venir en Europe, sous le déguisement de réfugiés politiques", avait affirmé le ministre.

Selon M. Maroni, l'Italie a besoin de l'aide de l'Union européenne et a demandé au conseil européen pour la justice et les affaires intérieures, qui doit se réunir les 24 et 25 février, d'aborder "la crise en Afrique du Nord et ses effets sur l'immigration et la sécurité intérieure en Europe". "Le problème est que l'accord bilatéral que nous avons avec la Tunisie, qui permettait jusqu'à présent de gérer efficacement l'immigration illégale, n'est pas appliqué en raison de la situation de crise" que vit ce pays, a-t-il dit vendredi. "Nous devons faire face à une véritable crise de l'immigration et nous ne pouvons pas concevoir que l'Italie soit l'endroit où tout le monde arrive et reste", a renchéri son collègue des Affaires étrangères Franco Frattini. "Nous avions une excellente collaboration avec la Tunisie", a noté le ministre qui a précisé que son homologue tunisien devrait venir en Italie la semaine prochaine "pour reconfirmer les accords de coopération" entre les deux pays. Selon le site internet du ministère italien des Affaires étrangères, cette visite devrait avoir lieu jeudi.

AFP

«L'initiative antimendicité vise à stigmatiser les Roms»

Pour Opre Rroms, l'initiative du PLR sert avant tout à agiter les peurs à des fins électorales. Les initiants réfutent que leur texte soit inapplicable.

Opre Rrom, un groupe lausannois d'action et de solidarité avec les Roms, a réuni hier la presse en compagnie d'une dizaine de membres de la communauté pour dénoncer la stigmatisation dont sont victimes les mendiants roms. Récente cible de leur colère, l'initiative populaire communale intitulée «Stop à la mendicité par métier!» lancée le 3 février dernier par le PLR lausannois. «On a affaire à un coup électoral de la droite, qui tend à stigmatiser les Roms. C'est d'autant plus inquiétant que cette surenchère sécuritaire s'inscrit dans un contexte clairement xénophobe et une course de vitesse entre l'UDC et le PLR», explique Hadrien Buclin, candidat à la Municipalité pour Solidarités, qui a réclamé l'ouverture à Lausanne d'un centre d'accueil pour les migrants roms.

Des villages sans eau ni électricité
«Nous voulons changer le regard que les gens portent sur les Roms, explique Véra Tchérémissinoff, présidente du groupe Opre Rrom. Or les médias, qui parlent souvent des Roms depuis leur bureau, ne font que renforcer les préjugés et les peurs.» Pour elle, la mendicité par métier, telle que définie dans l'initiative du PLR, sous-entend clairement mendicité organisée, voire mafieuse, une allégation qu'elle réfute: «A ma connaissance, pratiquement tous les Roms qui mendient à Lausanne ne viennent d'aucune mafia et la police, qui a enquêté à ce sujet, n'a pas de preuves de l'existence de groupes criminels organisés.»
Les Roms de la région lausannoise viennent de villages roumains, bulgares et slovaques sans eau courante, ni électricité, ni chauffage, explique le photographe lausannois Yves Leresche, qui suit la communauté rom depuis de nombreuses années. Avec son aide, les Roms présents ont expliqué leur condition de vie difficile (lire ci-contre). «Depuis la chute du régime de Ceausescu, en 1989, précise le photographe, de nombreuses industries ont fermé et beaucoup de Roms ont perdu leur travail. Depuis, ils sont journaliers et louent leur force de travail pour 10 francs par jour. Une fois la saison finie, ils viennent ici pour survivre deux ou trois mois chez eux.»

«Démagogique et inapplicable»
Avocat et membre d'Opre Rroms, Jean-Michel Dolivo place l'initiative dans le cadre de la campagne électorale: «Ce texte est démagogique et inapplicable. On vise à flatter dans le sens du poil le racisme ambiant par rapport aux Roms. Le terme de mendicité par métier introduit une circonstance aggravante de l'infraction et donc de la peine encourue. L'initiative ne prétend pas interdire la mendicité, mais seulement la mendicité par métier. Or, on ne peut pas interdire la mendicité par métier, si la mendicité de base n'est pas interdite.»
Une interprétation que ne partage pas le juriste Mathieu Blanc, candidat PLR à la Municipalité et président du comité d'initiative: «Selon le principe du «qui peut le plus peut le moins» – et non 'doit le moins' –, nous estimons au contraire que si l'initiative récolte le nombre de voix nécessaires et se trouve approuvée en votation, un règlement de police peut tout à fait introduire des critères visant à définir cette forme de mendicité. Ainsi, si nous sanctionnons la forme la plus grave de la mendicité, nous ne sommes pas obligés de réprimer des choses qui sont moins graves.»
Au-delà des querelles d'interprétation juridique, le fait est que la situation des Roms devient toujours plus tendue. L'Union européenne, qui a décrété 2005-2015 la décennie de l'inclusion et mis à disposition des budgets considérables pour l'aide à leur intégration, n'arrive pour l'heure qu'à peu de résultats concrets. «J'espère que l'autre moitié de cette décennie sera plus fructueuse», conclut Véra Tchérémissinoff.

Carole Pirker dans le Courrier


«J'ai honte de mendier»

Arrivé à Lausanne il y a deux semaines avec son beau-fils, Petru Pintea, 44 ans, a quitté en car le village d'Iclod, à 55 km de la ville d'Alba, en Roumanie. Père de cinq enfants âgés de 8 à 22 ans, il est venu chercher du travail pour nourrir ses enfants et soigner sa femme restée au village: «Elle souffre d'asthme et de problème cardiaque. J'essaie d'avoir un peu d'argent pour qu'elle puisse voir un médecin», dit-il. Et la nuit? «Je dors la plupart du temps dans la rue et dans les parcs, et dans un abri, quand j'ai les sous.» Mais pour le travail, Petru a vite déchanté et, comme beaucoup d'autres, il a fini par s'y résoudre: «J'ai honte de mendier, souffle-t-il, mais je ne suis pas un voleur.» Comme Petru est sûr de gagner moins d'argent s'il mendie à visage découvert, il a trouvé une autre façon de tendre la main. Pour cela, il paie une patente 10 fr. par jour, explique-t-il, en montrant les récépissés verts de la police lausannoise: «Je me suis fabriqué une marionnette et je me cache sous le tissu. Je gagne entre 20 et 30 fr. par jour». Et si mendier devenait interdit? «Que puis-je y faire? C'est sûr que ma situation va empirer.»

Témoignage recueilli par Carole Pirker

«Cette initiative est démago et inapplicable»

opre rromL’association Opre Rrom, accompagnée d’une dizaine de Roms, a fustigé l’initiative du PLR pour abolir la mendicité par métier.

«On parle beaucoup des Roms. Mais sans avoir essayé de les rencontrer ou de discuter avec eux.» C’est pour tenter de changer le regard des gens que Véra Tchérémissinoff et d’autres membres d’Opre Rrom ont convoqué la presse, hier matin, en compagnie d’une dizaine de Roms venant de Roumanie et de Slovaquie, et qui mendient à Lausanne.

Barbes fournies, traits fatigués, certains ont raconté des bribes de vie. «Nous ne sommes pas des voleurs, s’empresse de préciser Petru, 44 ans, lorsqu’on lui demande son parcours. Nous avons honte de mendier, nous aimerions travailler.» — «Pour un Rom, trouver du travail est malheureusement très difficile. Les gens craignent de les engager», explique le photographe et ami des Roms Yves Leresche. Selon l’association, les Roms qui mendient à Lausanne ne font partie d’aucune mafia. «Si on peut penser qu’ils sont organisés, c’est qu’ils ont une solidarité familiale au sens large du terme.»

Pour Opre Rrom, l’initiative lancée par les libéraux-radicaux pour interdire la mendicité par métier est «électoraliste» et «juridiquement inapplicable». — «Elle est démago, parce qu’elle flatte dans le sens du poil le racisme ambiant vis-à-vis des Roms, estime Jean-Michel Dolivo, membre de La Gauche et d’Opre Rrom. Elle ne tient pas la route juridiquement, parce qu’elle n’interdit pas l’infraction de base, la mendicité, mais seulement sa circonstance aggravante, la mendicité par métier. Ce qui est absurde.» Joint par téléphone, Mathieu Blanc, président du comité d’initiative et candidat PLR à la Municipalité, reconnaît que les initiants ne se sont pas simplifié la tâche en parlant de «mendicité par métier». «Mais je suis assez convaincu de notre position.»

Pour Hadrien Buclin, candidat de La Gauche aux élections municipales, cette initiative conduirait également à une usine à gaz juridique. «On dépensera des milliers de francs pour un intérêt nul. Cet argent serait beaucoup plus utile pour mettre sur pied un véritable centre d’accueil pour les migrants roms.»

Et si la mendicité était interdite à Lausanne, que feraient les Roms? «Je rentrerais chez moi pour voir mourir mes enfants», lâche un homme. Un autre estime qu’il sera obligé de voler du pain pour pouvoir survivre. Calma, 33 ans, présent à Lausanne depuis six mois, estime que le regard des gens a changé ces derniers temps. Et que les affaires vont moins bien. «Avant, je gagnais 30 à 40 fr. par jour en mendiant. Maintenant, c’est plutôt 20 fr. Une fois, j’ai même gagné seulement 1 fr. en six heures!»

Philipp Müller et ses recettes choc pour freiner la migration

philipp mueller 2L’Argovien aux idées fermes sur les étrangers inspire son parti, qui en débattra demain. Les critiques fusent en Suisse romande.

«Je n’ai aucun problème avec la Suisse romande et ceux qui ne pensent pas comme moi. On va débattre, argumenter, et les délégués trancheront!» lance Philipp Müller. Le conseiller national argovien, connu pour ses positions fermes sur les étrangers, assume parfaitement sa vision utilitariste de l’immigration. Celle qui l’avait motivé à lancer en 1994 son initiative «Maximum 18% d’étrangers». Celle qui vient d’inspirer le controversé papier de position «Immigration pragmatique», que le PLR a présenté en janvier dernier et qui sera débattu ce week-end en congrès à Zurich.

Perçu il y a dix ans comme un électron libre au sein du grand vieux parti, l’ancien pilote instructeur (Ferrari, Porsche) a gagné en influence au sein du PLR. Mais Philipp Müller tient néanmoins à partager les honneurs: «C’est une position du comité directeur et pas seulement de Philipp Müller. D’ailleurs, c’est une voie sur laquelle nous nous sommes engagés il y a longtemps. En décembre 2009, par exemple, nous avions exigé des garde-fous à la libre circulation des personnes. Ce qui a changé, c’est que nous communiquons simplement mieux.»

«Bien sûr que je suis à ma place au PLR», assure Philipp Müller. L’Argovien réfute toute collusion avec l’UDC et toute erreur stratégique en allant chasser sur les terres des démocrates du centre. «L’immigration n’est pas un sujet qui est réservé à l’UDC. Pas plus que la famille au PDC, le social au PS et l’environnement aux Verts. Et d’ailleurs, nous sommes très favorables à la libre circulation des personnes!» lance encore Philipp Müller.

Il n’empêche, pour beaucoup d’élus romands du PLR, il manque passablement de «valeurs humanistes» dans ces douze thèses de politique migratoire. Aussi le Vaudois Claude Ruey et d’autres figures libérales-radicales latines (Dick Marty, Jacques Bourgeois ou Pierre Maudet) ont adressé à la direction du parti un manifeste. Ce dernier, rendu public sur le site liberopenmind.ch, reproche une dérive populiste d’un PLR imitant l’UDC et en contradiction avec la tradition humaniste du libéralisme. Quelque 200 sympathisants l’ont signé.

«J'ai une opinion claire: c’est un autogoal! Lors du congrès, nous ferons tout pour nous montrer unis – année électorale oblige –, mais dans le fond nous faisons le lit de l’UDC.» Cet élu alémanique a, lui aussi, peu goûté la prise de position de son parti. Une quarantaine d’amendements ont été reçus par la direction du PLR, qui les passera au crible aujourd’hui, vendredi, avec les présidents cantonaux, avant l’assemblée des délégués de samedi. Trois sections romandes – Genève, Vaud et Neuchâtel – ont fait connaître leur opposition de principe à ce texte.

La crainte d’un autogoal, d’un positionnement contre-productif en année électorale, est toujours évoquée. «La volonté d’être stricts est partagée par tous. Mais si le papier final «Immigration» reste déséquilibré, nous devrons l’expliquer à notre base. Ce n’est pas là que nous sommes attendus, souligne Christelle Luisier, présidente des radicaux vaudois. Les priorités du PLR ont déjà été fixées: l’emploi, la santé des assurances sociales et l’Etat efficace. C’est là qu’on reconnaît des compétences au PLR.»

Xavier Alonso, Berne, pour 24 Heures


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