mardi 21 août 2012

Benjamin Marx, le bon berger des Roms berlinois

En un an, il a entièrement retapé un immeuble pour y donner un refuge décent à des centaines de Roms.

benjamin marx berlin roms

En un peu plus d’un an, Benjamin Marx a entièrement rénové un immeuble berlinois abandonné et squatté pour en faire un exemple d’intégration des Roms. Cet employé d’une organisation caritative a en effet été profondément choqué lorsqu’il a découvert, au printemps 2011, la réalité d’un édifice laissé à l’abandon dans un quartier défavorisé de la capitale allemande. Plusieurs centaines de Roms avaient trouvé refuge dans la bâtisse de 7500 m2, mais y vivaient dans des conditions très précaires.

«Les enfants jouaient dans la cour au milieu de montagnes de déchets où les rats grouillaient. Toutes les portes étaient ouvertes, les fenêtres cassées et remplacées par des cartons. Dans les escaliers: des câbles électriques non isolés à portée de main. Dans la cour: 150 m3 de déchets, en partie déversés par les habitants des immeubles voisins», raconte celui qui est devenu manager de l’immeuble après que son organisation l’a racheté en août 2011. Et aujourd’hui, la réalité est tout autre. Une inauguration officielle aura d’ailleurs lieu le 14 septembre prochain, avec une messe de l’évêque de Berlin et en présence du maire de la capitale allemande.

Une fois le contrat de rachat signé, l’été dernier, tout va en effet très vite. Les fenêtres sont remplacées, l’électricité refaite, les façades rénovées, les espaces intérieurs recouverts de gravier, bientôt fleuris, les poubelles placées dans un espace fermé à clé. Sur le plan financier, Marx garde les pieds sur terre: le prix de la maison était très bas, elle rapporte un bénéfice de 4%.

Si les choses ont si bien tourné, et cela en un temps record, c’est également parce que Marx a trié le bon grain de l’ivraie, coûte que coûte. Dans la paroisse pentecôtiste où se rendent de nombreux locataires, il assiste à leur messe et gagne leur confiance. Ainsi, il est au courant des problèmes. Il résilie alors les contrats de ceux qui entassent et exploitent des sous-locataires. Ses méthodes ne luivalent pas que des amis, il reçoit des menaces de mort et doit se placer sous la protection de la police.

«Tout le monde me demande pourquoi je fais cela», raconte Benjamin Marx, un peu agacé. «En réalité, ils se demandent pourquoi je fais cela pour des Zigeuner (ndlr : en Allemagne, ce terme porte la trace indélébile de l’anti-tsiganisme du IIIe Reich) . Et pourquoi pas? N’est-il pas normal de réagir face à la misère?» La maison sera appelée Haus Arnold Fortuin, à la mémoire de ce prêtre catholique qui, en 1939, a permis à plusieurs familles de Roms de fuir vers la France et d’échapper aux chambres à gaz, alors que l’on estime que 500 000 Roms ont été assassinés par les nazis.

Eviter un ghetto

Aujourd’hui, la maison berlinoise est un centre culturel en pleine effervescence. Les garages, rénovés, sont occupés par un artiste, Gerhard Bär. Il veut apprendre aux enfants à créer des œuvres d’art à base de déchets. Tous les jeudis, dans un bureau au premier étage, cinq employés répondent aux questions des 800 habitants, les aident à remplir leurs formulaires, à traduire ou à lire leur courrier. Des cours d’allemand y ont lieu deux fois par semaine. Dans les caves rénovées, les femmes cousent des patchworks, les hommes jouent de la musique, les enfants font leurs devoirs. Le but de Marx: louer la moitié des 137 appartements à des non-Gitans afin d’éviter un ghetto.

Marx répète sans relâche qu’au moins 80% de ses locataires travaillent, en tant qu’éboueurs, jardiniers, gardiens, dans le nettoyage, la restauration. Que les pentecôtistes sont très pieux, qu’ils ne boivent pas, ne volent pas, ne mendient pas. En moyenne, ils sont moins nombreux à toucher les allocations sociales que les Allemands, alors qu’ils y ont droit, en tant que membres de l’Union européenne. Le grand pari du bon berger de Neukölln, c’est de démonter les clichés qui nuisent à ses protégés: «Bien sûr, ce ne sont pas tous des anges, mais il y a du bien et du mal partout!»

Geneviève Hesse, Berlin, dans 24 Heures

Les politiques prêts à entrer en matière sur la collecte de l’ADN

L’ADN ne va pas résoudre les problèmes de l’asile. Mais l’accueil réservé à cette mesure est assez nuancé.

Bombe ou pétard mouillé? La proposition d’Olivier Guéniat, le chef de la police jurassienne, de recueillir les profils ADN des requérants d’asile dès leur arrivée en Suisse ( lire 24 heures d’hier) suscite plus de scepticisme que d’indignation ou d’enthousiasme. «Une telle mesure permettrait certes de faciliter la tâche de la police et de la justice, estime Philippe Leuba, directeur du Département vaudois de l’économie et des sports, en charge des questions de migration. Dans le domaine de l’asile proprement dit, elle aurait un effet très limité.»

leuba adn asile Pour le ministre vaudois, le vrai problème se situe au niveau des expulsions. «Il faut des accords de réadmission pour pouvoir renvoyer, même contre leur gré, les requérants déboutés. C’est le message transmis il y a deux ans au Conseil fédéral par les cantons.» Dans les négociations, Philippe Leuba se déclare partisan d’un lien entre l’aide au développement et la conclusion de tels accords. «Actuellement, la politique de l’asile n’est pas crédible puisque des personnes déboutées restent en Suisse pendant deux ou trois ans après la notification du refus.»

Un cercle bien défini

Dans une perspective policière, Philippe Leuba n’est pas opposé au prélèvement des profils ADN «d’un cercle bien circonscrit de personnes». Une telle modification nécessiterait une modification de la loi. «Ce serait l’occasion pour les Chambres de déterminer ce qu’elles en attendent. Il n’est pas possible de ficher tous les requérants sans distinction.»

Une opinion partagée par la conseillère aux Etats Christine Egerszegi (PLR/AG), qui est amenée actuellement à se pencher sur la révision de la loi sur l’asile au sein de la Commission des institutions politiques (CIP-E). «J’ai une certaine compréhension pour l’idée de M. Guéniat. Mais je ne peux pas imaginer qu’une telle mesure puisse être généralisée à tous les demandeurs.» L’Argovienne estime qu’un recours à l’ADN est justifié uniquement pour des délinquants présumés. La question ne devrait pas figurer à l’ordre du jour de la CIP-E qui se réunira la semaine prochaine. Comme le ministre vaudois, Christine Egerszegi estime que la priorité doit aller à la conclusion d’accords de réadmission: «La plupart des requérants ne sont pas des criminels. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont très peu de chances d’obtenir l’asile. Ils ont droit à une procédure juste et rapide.»

Prêt à entrer en matière

Autre membre de la CIP-E, Urs Schwaller (PDC/FR) se déclare ouvert. «J’ai toujours défendu l’idée que la Suisse doit rester une terre d’accueil où chacun peut déposer une demande d’asile. En contrepartie, les requérants doivent respecter notre ordre juridique.» La difficulté vient des 2 à 3% qui ne jouent pas le jeu, «qui font du tort à tout le monde et qui, au final, torpillent la politique d’asile». Le Fribourgeois attend maintenant des polices cantonales qu’elles précisent leur demande et comment elles entendent la mettre en œuvre. «Je serai prêt alors à entrer en matière à la CIP-E.»

Interrogée, la police genevoise juge toute déclaration prématurée. De son côté, le porte-parole de la police vaudoise Jean-Christophe Sauterel ne croit pas à l’effet dissuasif de l’ADN. «Dans les vols à l’arraché ou à la tire commis par ces requérants, il y a très peu de contact et donc peu de chances que des traces d’ADN puissent être prélevées.» Il en va de même pour les vols dans une voiture, à moins que le délinquant se coupe sur les éclats de verre. «En revanche, l’ADN est énormément utilisé lors de cambriolages. Il permet de relier des délits commis par les mêmes auteurs.»

Alors que les empreintes digitales des requérants sont relevées systématiquement dès leur inscription, l’ADN peut être récolté sur un individu – demandeur d’asile ou pas – «uniquement si la police le soupçonne d’avoir commis un délit répertorié par la loi», ajoute Jean-Christophe Sauterel. La loi sur l’utilisation des profils ADN fixe aussi les conditions de prélèvement et de conservation de ces données.

Laurent Aubert dans 24 Heures