vendredi 12 novembre 2010

Droits humains: la Libye n'accepte pas les recommandations de la Suisse

La Libye a réagi vendredi aux recommandations faites mardi lors de l'examen de son rapport par le Conseil des droits de l'homme. Elle a rejeté la plupart des demandes des pays occidentaux, dont la Suisse, tout en réservant sa décision sur d'autres.

"Nous ne pouvons pas accepter les demandes contraires à notre religion, à notre culture et à nos traditions", a déclaré à Genève le chef de la délégation libyenne, le vice-ministre des Affaires étrangères Abdelati el-Obeidi.

Moratoire sur les exécutions

Parmi les 29 demandes sur lesquelles Tripoli réserve sa décision jusqu'en mars, se trouvent les recommandations de la Suisse d'autoriser la visite du groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire et de lui donner accès à tous les lieux de détention; ainsi que d'adopter un moratoire sur les exécutions en vue d'abolir la peine de mort et de supprimer les châtiments corporels dans la loi et la pratique.

La Libye a, par contre, refusé d'emblée une autre demande de la Suisse de libérer les personnes en détention administrative et de mettre fin à la détention arbitraire et à la torture. Elle a cependant accepté la demande helvétique "d'abroger tous les articles criminalisant la liberté d'expression" - tout en rejetant par la suite "toute mesure destinée à protéger les droits aux libertés d'expression et d'association".

Tripoli a refusé une enquête sur tous les cas de disparition forcée, demandée par la France. Il a également rejeté l'adoption d'une législation sur l'asile, la signature d'un accord avec le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) pour formaliser sa présence en Libye et lui donner un plus grand accès aux migrants et demandeurs d'asile, exigées par les Etats-Unis.

Au total, la Libye a accepté 66 recommandations, a repoussé sa décision à la prochaine session de mars 2011 sur 29 et a rejeté 25 autres propositions.

Les 66 recommandations acceptées viennent avant tout des pays amis, arabes et africains, et portent sur l'amélioration des droits de la femme, la lutte contre le trafic des êtres humains, l'éducation et la santé.

ATS

Les chrétiens d'Irak entre espoir et tragédie

Arrivés en France, les rescapés de l'attentat de la cathédrale de Bagdad sortent peu à peu des hôpitaux.

chrétien veillée béthléem

Nour ne s'est pas rendu à Saint-Antoine cet après-midi. Il n'a pas voulu sentir à nouveau l'odeur de l'hôpital, ni voir son épouse, blessée aux deux jambes dans l'attentat meurtrier du 31 octobre de la cathédrale syriaque catholique de Bagdad, entourée de perfusions - «pour son fils», dit-il. Dans le hall du centre d'hébergement de France Terre d'asile à Créteil, le jeune ingénieur irakien longiligne, arrivé lundi soir avec une cinquantaine de rescapés dans un avion médicalisé spécialement affrété par la France, tente de tuer le temps.

Un petit garçon aux grands yeux noirs s'accroche à ses jambes, grimpe dans ses bras, descend jouer avec une boîte de bonbons, puis escalade à nouveau la haute silhouette paternelle. L'homme raconte: «La messe n'avait pas commencé depuis 20 minutes quand les bruits des tirs ont commencé. Plus tard, la porte a explosé. Un prêtre a tenté de nous rassembler au fond de l'église. Ils l'ont abattu.»

Nour, sa femme et leur petit garçon âgé de 3 ans sont restés plusieurs heures étalés sur le sol de l'église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, au milieu des corps. Sous les rafales de tirs qui ont blessé Lydia - ou bien était-ce des éclats de grenade? -, ils ont fait semblant d'être morts. «J'ai mis ma main dans la bouche du petit, raconte Nour, pour qu'on ne l'entende pas. Il mordait mes doigts.» Puis des policiers sont arrivés. Les explosions et les tirs ont redoublé. Enfin, on a tenté d'évacuer les rescapés. «À ce moment-là, les terroristes sont devenus kamikazes, poursuit Nour. L'un d'eux s'est jeté sur moi, quand sa ceinture d'explosifs l'a fait sauter… Il a été comme coupé en deux, et la moitié inférieure de son corps s'est écrasée sur ma femme…» Nour raconte en boucle, d'une voix creuse; les images tournent dans sa tête.

Grenade dégoupillée

Dans celle de Georges règne le même chaos. Une femme est morte dans ses bras au milieu des explosions, alors qu'il était enfermé avec plusieurs dizaines de personnes dans la sacristie; elle hante son esprit. La peau encore rougie par le soleil, une grosse écharpe nouée autour du cou, le jeune homme a posé sur ses genoux les énormes moufles qu'il a emportées par précaution dans ce pays inconnu, pour mimer le geste d'une grenade dégoupillée. Ingénieur méca­nicien, trentenaire, il vivait jusqu'alors une vie à laquelle il s'était finalement accoutumé à Bagdad, au sein d'une communauté syriaque soudée et souvent plus aisée que la moyenne des habitants, jusqu'à ce dimanche 31 octobre où, comme tous les week-ends, il s'est rendu en famille à l'église.

Il ne retournera plus à Bagdad et compte demander l'asile en France. Blessé dans le bas du dos, il a pu sortir de son lit d'hôpital et est immédiatement parti en quête d'un moyen de retrouver sa fiancée, hospitalisée à Villeneuve-Saint-Georges (94). Tous les jours, depuis le début de la semaine, des volontaires de l'association d'entraide aux minorités d'Orient (AEMO), le plus souvent d'origine irakienne, se retrouvent au centre d'hébergement de Créteil pour accompagner les rescapés rendant visite à leurs proches dans les différents hôpitaux - ils les véhiculent et jouent les interprètes. À travers ces anciens arrivants, les déracinés d'aujourd'hui tentent d'imaginer leur nouvel avenir.

«Est-ce qu'on peut vivre en France en sécurité?» interroge Nadia. Les cheveux bruns tirés en arrière, simplement couverte de la blouse blanche nouée dans le dos des personnes hospitalisées, son sac à main serré contre elle, elle ne cache pas son émotion à l'arrivée d'un de ses fils, un grand gaillard de 19 ans, dans la chambre qu'elle partage avec la fiancée de Georges. Elle le serre, transpirant de joie, puis s'évente avec la carte d'accès à bord qu'elle a conservée près d'elle.

Le 31 octobre, ses deux neveux ont été abattus devant elle. Ses deux autres enfants, âgés de 17 et 21 ans, sont soignés dans un autre établissement parisien. Peut-être son mari les rejoindra-t-il. Pour l'heure, il n'a pas quitté ses affaires. Mais elle n'a pas hésité, elle, la semaine dernière, quand un responsable de l'AEMO leur a proposé de partir.

Assis sur le lit voisin, Georges et sa gracieuse fiancée retrouvée se sourient. Eux aussi n'ont disposé que de quelques heures pour remplir de larges valises noires de tout leur passé. Ils n'ont pas encombré leurs bagages de photos ni d'objets souvenirs. De l'utile uniquement. Dans sa poche droite, Georges garde sur lui tout ce qu'il possède de précieux - quelques liasses de dollars, ses papiers. Demain? «Pas après pas» répond-il. D'abord apprendre le français. L'association leur a dressé les grandes lignes du parcours à suivre: un foyer d'hébergement, puis un logement, ensuite la quête d'un travail… Franchiront-ils encore le seuil d'une église? «Au moins pour le mariage!» lâche Georges.

Laurence de Charette dans le Figaro


A lire également "L'appel au secours des chrétiens d'Irak", également dans le Figaro

Le dérangeant défenseur des Tziganes de Suisse

Infatigable représentant des gens du voyage, May Bittel est aussi pasteur, musicien et brocanteur. Cette année, il a multiplié les interventions en faveur des siens.

may bittel

Il a joué avec le violoniste Yehudi Menuhin, et avec Stéphane Grappelli. Et puis au club new-yorkais Blue Note en janvier dernier, alors qu’il y donnait des cours. Mais la casquette de musicien n’est de loin pas la première que porte le guitariste manouche May Bittel. Ce Tzigane qui va sur ses 60 ans se bat pour que les 35 000 nomades suisses de sa communauté soient reconnus comme une minorité ethnique. Les gadjos – soit les non-Gitans pour les Tziganes – aiment leur musique? Ils n’acceptent pas pour autant leur mode de vie. «La manière de vivre des gens du voyage est pourtant à l’image de leur musique: pour la comprendre, il faut écouter», souligne May Bittel.

Président de la Mission tzigane suisse et expert auprès du Conseil de l’Europe, où il a fondé le Forum européen des Roms et des Gens du voyage, notre homme ne cesse de voyager pour défendre les intérêts de sa communauté. Il vient de rentrer de Pologne et repart à la fin du mois à Bruxelles à l’invitation d’une commission européenne. «Mais auparavant, je vais à Strasbourg pour la mission», glisse-t-il. Véritable porte-parole des gens du voyage, May Bittel, marié à Hipla et père de 4 enfants, est en effet aussi pasteur. Au bénéfice d’une formation théologique évangélique de cinq ans à Paris, il prêche régulièrement dans sa communauté, comme à l’invitation de différentes paroisses.

Rencontré aux puces sur la plaine de Plainpalais à Genève avec cette fois son chapeau de brocanteur, May Bittel salue et discute avec les badauds comme dans son salon. Confortablement installé d’ailleurs dans un fauteuil de velours vert, le teint hâlé, les lunettes teintées, il se dévoile à petites doses. «Qu’est-ce que vous voulez savoir? J’ai tellement de choses à dire…»

Tout au long de l’année, les Gitans ont fait les gros titres des médias, en France surtout, mais aussi en Suisse. «Les autorités locales utilisent les méfaits de Tziganes étrangers pour incriminer les Tziganes suisses, commente-t-il. Je n’arrive pas à comprendre que la population s’y laisse prendre et qu’elle ne fasse pas la différence: mettre tout le monde dans le même sac et nous imposer des camps, c’est discriminatoire et ressemble un peu trop aux pratiques nazies. Regardez en France: renvoyer tout un peuple hors de ses frontières, à quoi cela vous fait-il penser?» May Bittel lève le bras en signe de protestation, puis ajoute: «On doit plus que jamais nous entendre et trouver des solutions négociées», martèle-t-il.

Un appel sur son téléphone portable l’interrompt. Il s’entretient en manouche avec son interlocuteur – l’une des 8 langues qu’il pratique – puis reprend: «Le problème cette année en Suisse est né avec les requérants d’asile économiques. Ils sont venus pour chercher du travail, n’en ont pas trouvé et ont mendié. Puis l’arrivée de Roms qui ont laissé derrièr­e eux des places sales a provoqué des réactions et des amalgames inacceptables. Je suis intervenu jusqu’à trois fois par semaine de façon officielle pour répondre à ces attaques.» Un client potentiel s’approche de son étalage de montres et de téléphones portables qu’il vend sur sa table de marché, dans des présentoirs vitrés. Une poignée de main et un «Bonjour, chef, comment ça va?» plus loin, May Bittel lui dit de revenir samedi: «Je te ferai un prix, reviens, va, ce ne sera pas cher.»

Les affaires marchent? Le brocanteur hausse les épaules: «Ça va, ça va… Je suis libre, vous comprenez? J’aurais pu faire des tournées musicales, mais ça ne m’intéresse pas. Il n’y a pas que l’argent.» Et May Bittel d’expliquer que le propre d’un Gitan, c’est d’avoir ses racines partout. «Où que je sois, je suis chez moi dès que j’ai ma caravane de 6,50 mètres avec moi. Je vis de brocantes, de missions, de cours de théologie que je donne aussi. Et puis je m’adapte facilement: avec les miens, on nettoie des toits, on repeint des façades… L’eau chaude n’est pas toujours là, mais on vit dehors, et ça n’a pas de prix.»

L’hiver arrivant, May Bittel et ses proches ont pris leurs quartiers dans un terrain de 7000 m2 qu’ils ont acheté à Céligny (GE) il y a une dizaine d’années. Il y est considéré comme un hors-la-loi, notamment par l’ancien maire de la commune, pour y avoir construit, sans autorisation, une route goudronnée plantée de réverbères. «C’est assez typique, estime May Bittel. On tolère les gens du voyage qui voyagent, pas ceux qui s’arrêtent.»

May Bittel a connu la fuite. Une épine douloureuse qu’il confie là, au détour de la conversation: «J’avais 8 ans. Après mon premier mois d’école en Valais, nous avons plié bagage avec mes parents du jour au lendemain. Pourquoi? Pour échapper au kidnapping des enfants tziganes mené par le gouvernement suisse sous l’égide de Pro Juventute.» Cette action, menée de 1926 à 1973, visait à lutter contre le vagabondage et à scolariser les enfants des nomades. «Depuis là, ajoute-t-il, j’ai vécu de fuite en fuite, avec mes parents qui avaient peur.»

C’est plus tard, dans la foi ­chrétienne, que May Bittel dit avoir retrouvé confiance. «Et c’est en tant que chrétien que je prends la défense des gens du voyage: ils se retrouvent dans les valeurs que je défends, qui sont la liberté et la dignité.» Le carrousel tenu par un Manouche fait rêver… mais le Tzigane fait peur? «Nous sommes appelés à tisser des ponts avec la population. Mais à elle de venir aussi à notre rencontre.»

Par Gabrielle Desarzens dans le Temps

Renvoi de requérants: manque d'accompagnants

Les vols de renvoi de requérants d'asile déboutés devront être accompagnés par des observateurs indépendants dès 2011. Mais la Suisse peine à remplir ces conditions stipulées par l'accord de Schengen. L'Office fédéral des migrations (ODM) n'a encore pu recruter aucun observateur.

La Suisse ne pourra pas remplir les conditions de Schengen avant la mi-2011, a indiqué jeudi Eveline Gugger, vice-directrice de l'ODM, confirmant une information de la radio publique alémanique DRS.  Elle explique ce retard par le fait que les organisations internationales sollicitées par l'office ont communiqué leur refus "relativement tard".

Mise au concours

Parmi ces organisations figure la Croix-Rouge suisse (CRS), qui a fait part de son renoncement à la mi-octobre. "Nous empruntons maintenant une autre voie et procédons à une mise au concours publique", précise Eveline Gugger. En cas d'urgence, la future organisation partenaire pourrait accompagner des vols dès janvier déjà.

La Suisse organise une cinquantaine de vols de renvois forcés par année, selon Eveline Gugger. La majeure partie d'entre eux ont des destinations à l'extérieur de l'espace Schengen. Pour ces vols, une nouvelle directive de l'accord de Schengen prescrit la présence d'accompagnateurs neutres dès janvier 2011.

En mars 2010, un Nigérian était décédé à l'aéroport avant un vol de renvoi. L'ODM avait alors suspendu momentanément ces vols. Ils ont repris en juin et sont désormais toujours accompagnés par un médecin.  L'ODM avait en outre assuré qu'ils seraient aussi surveillés par un observateur indépendant dès janvier 2011.

ATS sur le site de la RSR