vendredi 10 décembre 2010

Le HCR inquiet des politiques contre l'immigration de l'UE

Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s'est dit préoccupé vendredi des politiques de lutte contre l'immigration clandestine en Europe qui menacent le droit d'asile de personnes réellement en danger dans leur pays.

Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) s'est dit préoccupé vendredi des politiques de lutte contre l'immigration clandestine en Europe qui menacent le droit d'asile de personnes réellement en danger dans leur pays. L'Union européenne, dans sa tentative de lutter contre l'immigration clandestine, "ne doit pas oublier que parmi ces personnes qui cherchent à entrer (sur son territoire), il y en a qui ont besoin d'une protection internationale et dont les vies sont en danger", a expliqué un porte-parole du HCR, Andrej Mahecic, lors d'un point de presse.

Selon l'agence onusienne, l'évolution des chiffres sur le nombre d'arrivées par mer parlent d'eux-mêmes des difficultés pour trouver l'asile sur le continent européen. "L'Italie, la Grèce, Chypre et Malte (principaux pays d'arrivée de ces migrants) ont tous constaté une réduction drastique des arrivées par mer" cette année, a poursuivi le porte-parole.

Ainsi d'après les estimations du HCR, 8.800 personnes sont arrivées par mer au cours des dix premiers mois de l'année contre 32.000 durant la même période en 2009, soit une chute de 72,5%. Il est "pratiquement certain que cela résulte d'un renforcement des contrôles aux frontières, des patrouilles conjointes et des renvois sur la mer" d'embarcations avant qu'elles n'atteignent les eaux territoriales de ces pays, estime le HCR. Il appelle ainsi les membres de l'UE à faire en sorte que le droit d'asile en Europe ne soit pas menacé par les politiques visant à renforcer les frontières du continent.

L'agence onusienne se dit également préoccupée de la situation en Grèce où se retrouvent près des deux tiers des migrants arrivés par la mer. "Empêcher les arrivées par la mer ne résoud pas le problème et le fait juste déplacer ailleurs", comme le montre l'afflux de migrants dans la région de la frontière terrestre gréco-turque d'Evros qui a vu 38.992 candidats à l'immigration arriver entre janvier et octobre contre 7.574 sur la même période en 2009. Le HCR, qui s'est montré à de nombreuses reprises inquiet de la situation humanitaire de ces migrants en Grèce, a enjoint une nouvelle fois l'UE à venir en aide au pays pour faire face à une situation de plus en plus problématique.

AFP et Tribune de Genève

Israël: le rabbin à l'origine d'un appel discriminatoire persiste et signe

Le rabbin Shmuel Eliahu, à l'origine d'un appel contre la cohabitation avec les non-juifs, a promis de poursuivre sa campagne en dépit des accusations de racisme et de la polémique provoquée en Israël, rapporte vendredi un site internet religieux.

"Les attaques de la gauche et de ses suppôts (contre l'appel) ont eu pour effet contraire de renforcer le mouvement", a écrit le principal rabbin de la ville Safed dans le nord d'Israël, selon "Kikar Shabbat", un site orthodoxe. "Nous espérons recueillir des centaines de signatures supplémentaires la semaine prochaine", a-t-il dit à l'adresse des co-signataires de l'appel.

Toutefois, quelques rabbins sur la liste -sur plusieurs centaines- sont revenus sur leur signature à la suite de la tempête de protestations et des critiques de dirigeants spirituels du judaïsme orthodoxe. Le rabbin Eliahu avait déjà défrayé la chronique en octobre en appelant les habitants de Safed à ne pas louer ou vendre des appartements à des Arabes. Il avait été inculpé il y a six ans pour "incitation au racisme" à la suite d'appels identiques qu'il avait lancés, mais en fin de compte les poursuites avaient été abandonnées. Quelque 300 rabbins israéliens sont signé la lettre publique dans laquelle ils exhortent à interdire la vente ou la location de maisons ou de terrains à des non-juifs, ce qui vise particulièrement la minorité arabe en Israël.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le président Shimon Peres et le président du Parlement Reouven Rivlin ont condamné ce manifeste, qualifié de "raciste" par des représentants de la communauté arabe israélienne et des associations de défense des droits de l'Homme. Les médias se sont aussi indignés de l'appel. Le principal dirigeant spirituel du judaïsme ultra-orthodoxe, le rabbin Yosef Shalom Elyashiv, s'est dissocié de l'initiative de son coreligionnaire de Safed, estimant qu'il "serait bon de confisquer les stylos de certains rabbins".

Pour l'heure, aucune sanction n'a été prise à l'encontre des signataires de l'appel --des fonctionnaires de l'Etat assurant les services religieux (dont les mariages) dans les municipalités, ou des directeurs de yéchivot (séminaires talmudiques) en Israël ou dans les colonies de la Cisjordanie occupée.

AFP

Vols spéciaux: toujours pas d'experts indépendants

L’Office fédéral des migrations cherche toujours des experts neutres pour surveiller le renvoi d’étrangers sous la contrainte. L’OSAR postule malgré le fait qu’elle ne réponde pas aux critères. Précisions sur les coûts de ces vols controversés.

Alard du Bois-Reymond, le patron de l’Office fédéral des migrations (ODM), tiendra-t-il ses engagements? Dès le 1er janvier, nouvelle directive liée à Schengen oblige, un ou des observateurs indépendants feront partie des vols spéciaux chargés d’expulser de force des requérants déboutés, a-t-il assuré à plusieurs reprises. Mais voilà: alors que le temps presse, l’ODM cherche toujours la perle rare. Et vient de le faire savoir via une offre d’emploi parue la semaine dernière dans la presse.

Contactées, plusieurs organisations, dont la Croix-Rouge, ont répondu négativement. Par crainte de devoir cautionner ces vols controversés. L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), interrogée par Le Temps, avait, elle, montré son intérêt (LT du 13.10.2010). Alors pourquoi l’ODM cherche-t-il encore une ou des personnes pour participer à «au moins 25 vols spéciaux par an» et «veiller à ce que les interventions de l’Etat soient conformes au droit»?

L’OSAR persiste

L’offre précise que le prestataire de services ne doit pas avoir d’autres mandats «émis par des services fédéraux ou cantonaux dans le domaine de la migration». «Nous ne répondons effectivement pas à ce critère car nous travaillons avec l’ODM lors des auditions de requérants d’asile», répond Beat Meiner, secrétaire général de l’OSAR. «Mais nous allons malgré tout postuler, sans lâcher nos autres mandats. Comme organisation faîtière qui revendique depuis des années la présence d’observateurs neutres sur ces vols (l’OSAR travaille avec Caritas Suisse, l’Entraide protestante, l’OSEO, l’Union suisse des comités d’entraide juive et la section suisse d’Amnesty International, ndlr), nous sommes prêts à endosser cette responsabilité. Le fait que nous travaillons pour la Confédération ne nous empêche pas de rester indépendants.»

Drôle de situation. L’ODM risque bien de ne pas trouver de structure répondant à ses critères en si peu de temps. La solution provisoire? Recourir à des collaborateurs de la Commission de prévention de la torture, comme nous l’affirmait jeudi l’ODM? «Nous participons déjà à certains vols, mais, avec nos douze bénévoles, nous ne sommes pas en mesure de les assurer tous, même pour une période transitoire», réagit son président, Jean-Pierre Restellini. «L’ODM ne nous a d’ailleurs jamais demandé de remplir ce rôle en attendant de trouver quelqu’un capable d’assurer le mandat…»

29 millions en 2009

Concernant les coûts de ces vols, l’ODM vient d’apporter des précisions. Dans sa réponse à une interpellation d’Antonio Hodgers (Verts/GE), le Conseil fédéral dit ne pas être en mesure de calculer le coût exhaustif d’une procédure de renvoi entre le moment de la décision et son exécution effective. Mais il souligne qu’en 2009, 360 personnes ont été rapatriées par vol spécial et que ces coûts se sont élevés à environ 3 millions de francs (9470 en moyenne par personne). Il précise que sur l’ensemble des renvois, la part des rapatriements par vols spéciaux est assez faible. «En 2009, le total des versements accordés aux titres des frais d’exécution des renvois s’est élevé à 29,2 millions de francs», dont 16 millions versés aux cantons pour les mesures de contrainte, ajoute-t-il.

Le gouvernement explique surtout que renoncer aux vols spéciaux permettrait des économies de 9470 francs par personne, auxquelles s’ajouteraient les 140 francs par jour de détention. Mais sans renvoi sous contrainte, les cantons auraient à escompter des coûts d’aide d’urgence «beaucoup plus importants», alors qu’ils ont déjà dépensé 57,3 millions de francs en faveur de ses bénéficiaires en 2009. Une manière de dire que Berne n’est pas prête à renoncer à ces vols, aussi controversés soient-ils.

Valérie de Graffenried dans le Temps

Les étranges pratiques de policiers lausannois

Un jeune Erythréen affirme avoir été embarqué dans un fourgon et abandonné dans un endroit désert après avoir reçu une dose de spray au poivre. Les agents jugés contestent.

C’est sa parole contre celle de cinq policiers lausannois. Ali, de son deuxième prénom, un jeune Erythréen toujours aussi révolté par le traitement qui lui a été réservé alors qu’il n’avait que 16 ans, tente depuis jeudi de convaincre le tribunal qu’il a bien été emmené manu militari dans un bois et abandonné dans cet endroit désert après avoir reçu une bonne dose de spray au poivre. Le plaignant a trouvé un allié improbable en la personne d’un ancien inspecteur pour qui «ces pratiques n’ont rien d’invraisemblable».

Il a visiblement la langue bien pendue et l’insulte facile à l’égard des forces de l’ordre. «J’ai traité ces agents de tous les noms et je leur ai fait un bras d’honneur», se rappelle Ali. De quoi sidérer le président Pierre Bruttin. «Ce n’est pas des manières de s’en prendre ainsi aux policiers», dit le juge. «Je sais», répond le plaignant. Ce dernier estime toutefois qu’il avait de bonnes raisons d’être hors de lui en cette nuit agitée du réveillon 2006.

Les versions sont bien entendu diamétralement opposées. Ali explique avoir déjà été copieusement bousculé et humilié lors d’une première interpellation plus tôt dans la soirée. De retour au cœur de la vie nocturne lausannoise, l’adolescent a croisé un fourgon et fait comprendre à ses occupants tout le mal qu’il pensait de cette police. «Ils m’ont emmené en direction des bois de Sauvabelin. Je les ai suppliés de ne pas me laisser là. Ils m’ont dit de dégager.» En descendant du véhicule, un des agents, assure-t-il, lui a encore giclé une dose de spray en guise de rétorsion.

Ali explique être revenu en ville, le visage en feu. Deux de ses amis confirment. «Il pleurait et avait les yeux tout rouges.» Les deux garçons l’ont accompagné au poste de police où il voulait porter plainte. A travers la vitre, ils l’ont vu s’énerver encore plus, être emmené un moment à l’arrière, puis ressortir sans avoir pu se faire entendre. «Il s’est calmé en recevant l’appel de sa mère sur son portable», se rappelle cet ami.

Les accusés racontent une tout autre histoire. Le chef de cette patrouille admet avoir embarqué Ali à bord du fourgon. «C’était pour éviter une émeute car il était très agité.» Le véhicule s’est ensuite dirigé en direction du nord de Lausanne. Il s’agissait d’éloigner l’intéressé du centre tout en le rapprochant de chez lui, assure le responsable. Ali ne leur aurait pas donné d’adresse précise, ce que ce dernier conteste. Appelés en urgence sur une autre intervention, ils auraient alors fait descendre le fêtard à un arrêt de bus dans le calme et sans jamais user du méga-spray qui se trouve dans le fourgon.

Les cinq policiers impliqués ont fait front commun durant l’enquête. Seul celui qui conduisait a montré un semblant de mauvaise conscience en se disant «peu fier» de ce qui s’était passé. Au procès de Nyon, l’intéressé nuance. «J’étais au plus bas. Le juge d’instruction me traitait de menteur et me disait que j’allais nuire à l’ensemble de l’institution. C’est comme si le sol s’effondrait sous mes pieds. Dans ce contexte, mes propos ont peut-être été mal interprétés. En fait, je me sentais coupable de l’avoir éloigné du centre, rien d’autre.»

Il y en a un dont les propos ne prêtent à aucune confusion. Cet ancien de police-secours, passé à la brigade des mineurs avant de quitter la profession pour le privé, affirme avoir entendu une protagoniste de cette opération – la seule femme parmi les accusés – dire qu’une version avait été «arrangée» pour faire face à la justice. Une autre inspectrice, présente lors de cette confession, dénoncera ce mensonge organisé plusieurs années plus tard. C’est sa lettre qui va relancer l’enquête et l’élargir à tous les agents présents aux côtés du présumé sprayeur.

Pour l’ancien policier, Ali ne décrit pas des choses impensables. «Quand j’ai débuté dans l’intervention d’urgence, les anciens avaient l’habitude de déposer des personnes dans les bois de Prilly. J’ai bien dû suivre. La commune a fini par s’en plaindre, alors on a opté pour Sauvabelin», se rappelle le témoin. Il explique aussi que les petites vengeances – un coup de spray au poivre par exemple pour se défouler – n’étaient pas exceptionnelles.

La hiérarchie – deux lieutenants ont été appelés à la barre – n’a jamais cautionné, ni entendu parler de tels «raccompagnements forcés». Ces responsables préfèrent parler de conduite de rapprochement au domicile même si l’un d’eux finit par concéder que cette pratique avait peut-être cours dans des temps reculés. Quant aux accusés, ils semblent avoir gardé toute la confiance de leurs supérieurs. Ce n’est pas le cas d’Ali, qui est volontiers présenté comme un affabulateur. «Mais pourquoi mentirait-il? s’est interrogé son copain de virée. Tout le monde sait bien que gagner contre la police, c’est très dur.» Il en aura peut-être une nouvelle démonstration lundi prochain, à l’heure du jugement.

Fati Mansour dans le Temps