EUROPE | Espagne, terre d'asile des Latino-américains | |
29/04/09 | Charlotte Loisy | |
À Séville, c'est sur fond de merengue et de reggaeton que le poulet se prépare et que les machines sont filtrées. Un fast food situé à la sortie de la « Macarena », le quartier latino-américain de la ville, voit défiler Péruviens, Chiliens et Vénézuéliens tout au long de l'année. Même le personnel est issu de ce continent. | |
Lenin, un Péruvien rencontré dans la file d'attente du bureau des étrangers, ne cache pas sa déception vis-à-vis de l'Europe. Le NIE, numéro indispensable à tout étranger souhaitant travailler en Espagne, n'est pas délivré de façon égalitaire. Lenin a dû revenir plus de quatre fois avant de l'obtenir, alors que l'Européenne que je suis n'a eu besoin que d'un seul rendez-vous. Payé 900 € par mois pour 40 heures hebdomadaires d'un travail harassant, il a été frappé par la misère. Ironique quand on pense à la situation de son pays, où près de la moitié de la population vit dans la pauvreté. Sur vingt-sept millions de Péruviens, cinq millions vivent avec moins d’un dollar par jour. Pourtant, il ne pensait pas voir en Europe des mendiants ou des adolescents fouiller dans les poubelles la nuit venue. Yadhira, une danseuse brésilienne venue étudier le flamenco, se met à rire des clichés offerts par l'Europe sur son pays. Les strings sur la plage ou encore le vol à l’arraché. « La première fois que je me suis faite voler c'était à Séville! On m'a pris mon sac à mains. » Ironique toujours.
Certains espèrent trouver en Espagne une situation plus confortable. Au fast food, Marcela, dix-neuf ans, s'est installée à Séville avec ses parents dans l'espoir d'échapper à la pauvreté dans laquelle ils vivaient en Colombie. Mais bon nombre souhaitent repartir dans leur pays. Nostalgie de l'exilé pour certains, manque de la famille pour d'autres. Eidi venue tout droit du Pérou, regrette le calme qui règne dans son pays et la simplicité des gens. Dur de parler de tranquillité lorsqu'on travaille dans un fastfood. Mais n'est-ce dû qu'à cela? « Ici les gens sont toujours pressés ». La culture latine se ressent chez les Sévillans, pourtant les Latino-américains se sentent dépaysés en Andalousie. Tous les moyens sont bons pour se sentir un peu chez soi. La semaine, on cuisine des plats typiquement équatoriens : le fameux « yuca » toujours accompagné de riz. Et on suit le nouvel épisode de la « telenovela » mexicaine, les « Feux de l'amour » d’Amérique du Sud. Le samedi, on court à la boîte de nuit du quartier latino pour y danser la salsa, le merengue ou le reggaeton.
Beaucoup ne savent même pas expliquer pourquoi ils sont venus en Europe. Comme s'il s'agissait là d'une étape naturelle. Deuxième évidence : l'Espagne, qui partage leur langue. Bercés par des images idylliques d’un continent riche, presque opulent, ils ne trouvent ici que la nostalgie. Certes, leur situation s’est améliorée mais beaucoup de chefs d’entreprise profitent de leur « crédulité » pour baisser les revenus. Ce n’est pas un hasard si les fast food fourmillent d’étrangers. Certains sont loin de regretter leur choix. Fair, lui, se plaît en Europe qu’il trouve plus calme, plus sûr que son pays d’origine. De plus, il regrette que ses compatriotes ne laissent aucune possibilité d’ascension sociale : « En Colombie, si l’on s’achète une nouvelle voiture, on se la fait voler le lendemain. Alors à quoi bon ? ». Il dénonce tout de même le racisme des Espagnols envers les Latino-américains. Certains ont des préjugés à leurs égards, les trouvent exubérants, voire vulgaires. Pourtant, le caractère latin bien trempé des Espagnols se retrouve quelque peu dans la joie de vivre des Sud-américains. L'Espagne, c'est sûr, est la première terre d’asile des Latino-américains. Et même si elle ne les accueille pas toujours à bras ouverts, ils reviendront. Et continueront à mettre autant de couleurs dans ce continent qui est le nôtre, à coup de salsa et de yuca.
Rédacteur : Charlotte Loisy, Sevilla Espagne