L'association Itinérance dispense des cours de français trois fois par semaine aux sans-papiers demandeurs d'asile. Ils progressent vite pour avancer dans cette nouvelle vie.
Ils ne sont que deux. Un Russe et un Afghan. Vite rejoints par quatre autres hommes, jeunes et élégants. Ils sont passés auparavant à l'accueil de jour se doucher, prendre un café. Se réchauffer. Ils ont à peine 20 ans ou un peu plus et se retrouvent comme sur les bancs de l'école. Pour certains, c'est même la première fois.
« Quel jour sommes-nous ? » demande Christine, l'une des bénévoles, au Russe Mickaël. Ce dernier s'applique. La prononciation est hésitante, les « r » roulent dans sa bouche. Il écrit la date. Se trompe. Se rattrape, l'air grave de celui qui prend son rôle très au sérieux.
« M ». « Ma ». « Maman ». « É ». « École ». Claude, une autre bénévole, a ouvert son livre sur la table. Un ouvrage d'apprentissage du français. Face à elle, Nazar-Ghul, 25 ans, ne se départit pas de son sourire. Il est Afghan et ne parlait pas un mot de français quand il est arrivé ici. Il ne parle pas l'anglais non plus. Difficile de se comprendre alors. Mais on y arrive. « Ils font de vrais efforts, lance Josiane. Ils sont motivés. » Tous ont pris la décision de rester vivre en France et ont fait une demande d'asile. Ils sont aidés dans leurs démarches administratives et dans leurs déplacements par les bénévoles de l'association Itinérance. « Nous leur demandons de vraiment s'investir dans cet apprentissage de la langue française », précise Claudie Rault-Verprey, présidente de l'association. La langue est un sésame dans un pays étranger. Un sésame parmi d'autres. Ces cours ont été mis en place en novembre 2008 et ont lieu trois fois par semaine.
« A cause des Talibans »
Face à nous, il y a ce jeune homme qui semble si confiant. Semble, seulement. Il parle anglais. Dawood Wardak est né voilà 22 ans dans la province de Kaboul. Il accepte de se confier. Sur ce froid glacial qui le trouve sous sa tente dans un camp : « oui, c'est dur de dormir de dehors. Mais nous faisons confiance à Allah. » Claudie Rault-Verprey précise : « Le fait de faire une demande d'asile devrait leur permettre d'être pris en charge avec un accompagnement social et d'avoir un logement. Ce n'est pas le cas. » Dawood Wardak dit que ce cours est « essentiel » pour lui et que ces femmes bénévoles sont comme des « mères ». Pourquoi a-t-il quitté l'Afghanistan ? « A cause des Talibans. » Etait-il persécuté ? Il me regarde et sourit : « Tu sais, même si tu avais trois ou quatre heures pour parler avec moi, je ne pourrais pas te raconter toute mon histoire. C'est très long. Puis-je te faire confiance ? » On devine le long voyage qui l'a mené ici. La méfiance. La peur. Il ajoute : « Nous parlons anglais toi et moi. En Afghanistan, parler anglais est un délit pour les Talibans. Je ne pourrais pas le faire. »
Le matin de ce jour, la France annonçait qu'elle avait renvoyé en charter des réfugiés afghans dans leur pays.
Sabrina Rouillé dans Ouest-France