jeudi 7 juillet 2005

Le Château fait la sourde oreille

Extraits de l'article de Michaël Rodriguez dans le Courrier :
La réaction du Château au désaveu que lui a infligé le parlement sur le dossier de l'asile, ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué diffusé hier après-midi, le gouvernement a fait savoir qu'il répondrait en principe à la fin du mois d'août à la motion adoptée par le Grand Conseil. Dans l'intervalle, la majorité du Conseil d'Etat n'entend pas que les décisions prises précédemment soient suspendus.

Cela veut dire un maintien des mesures de contrainte pour les requérants déboutés. Le communiqué revient également sur l'incident qui a provoqué la colère du ministre Jean-Claude Mermoud, le refus à la parole, décrétée par la présidente du Grand Conseil Christiane Jaquet-Berger. Elle répond au journaliste du Courrier :

"Je trouve étonnant de voir le Conseil d'Etat trouver inacceptable que l'on applique la loi sur le Grand Conseil. Une dizaine de députés n'ont pas pu s'exprimer, et le Conseil d'Etat le ferait ?" .... "Pour une prise en considération de motion, l'usage a toujours été à une très grande retenue de la part du Conseil d'Etat, pour qui l'incident de mardi n'est pas une première."

Jean-Claude Mermoud ne cède pas: les renvois forcés continuent



Malgré le vote de mardi au Grand Conseil, contre l’application des mesures de contrainte aux requérants déboutés, la majorité du Conseil d’Etat persiste et signe. Elle refuse de suspendre sa politique durant l’été. Et présentera un projet de décret à la rentrée d’août-septembre.


Rien n’est réglé. Les cris de joie, hier au Grand Conseil, auront été de courte durée: c’est la douche froide pour les milieux de défense des requérants d’asile déboutés issus du groupe des «523». Le Parlement a eu beau s’opposer au gouvernement, mardi, en votant une motion contre les renvois forcés (24 heures d’hier): l’Exécutif — ou en tout cas sa majorité de quatre ministres de droite — ne cède pas.

Magistrat de tutelle, Jean-Claude Mermoud confirme: «Nous maintenons les mesures prises ce printemps. Nous encourageons les retours volontaires avec une aide. En dernier recours, nous continuerons à appliquer les mesures de contrainte. Il est logique que nous incitions ces gens à rentrer chez eux maintenant: c’est bien plus approprié qu’en hiver.»

Cette résolution vaut pour cet été. Car fin août ou début septembre, le Conseil d’Etat, comme l’y contraint la motion votée mardi, présentera un projet de décret sur ce dossier. «Mais il est clair qu’une partie des revendications est juridiquement impossible à réaliser, objecte d’emblée Jean-Claude Mermoud. A l’image du renoncement à l’interdiction de travailler. Un certain nombre de gens oublient un peu trop vite un principe juridique fondamental: le respect du droit supérieur, le droit fédéral!»

Ces éléments, et d’autres, le ministre aurait aimé les développer à la tribune du Grand Conseil; mais la présidente popiste Christiane Jaquet-Berger l’en a empêché, s’appuyant sur le règlement. Ce qui a suscité l’énervement de l’intéressé… et de tous ses collègues. Car cette fois, c’est l’ensemble du Conseil d’Etat qui «regrette vivement» que Jean-Claude Mermoud n’ait pas pu s’exprimer. Au point de «solliciter une prochaine rencontre avec le Bureau» du Parlement, ce qui a été signifié à sa présidente.

«C’est un coup d’Etat!»
Après l’enthousiasme du matin (lire encadré), Yves Sancey de la Coordination Asile devait refréner sa joie hier en fin de journée: «En ne tenant pas compte de la motion acceptée par le Grand Conseil, le gouvernement se livre à un coup d’Etat! Et en se plaignant de ne pas avoir pu parler mardi, il fait preuve de fâcherie infantile et se fourvoie dans ses prérogatives monarchistes.»
C’est donc l’impasse, une fois de plus. Le Canton peut d’un jour à l’autre procéder à un renvoi forcé. Et susciter ainsi la colère des défenseurs des requérants qui, même sans cela, ne se priveront pas de multiplier les actions et manifestations. Tout cela en attendant, à la rentrée, une bataille juridique autour des prérogatives cantonales sur l’asile.
Ecoutez les explications de Laurent Bonnard sur la Première

L’espoir déçu de M. Mazreku

Les déboutés peuvent-ils quitter les refuges ?

La question d'hier permettait des lueurs d'epoir, l'intransigeance des membres majoritaires du gouvernement fait office de douche froide aujourd'hui.


Hier matin, il y avait encore 4 familles et 2 jeunes célibataires au refuge mis en place par les milieux de défense de l’asile à la paroisse catholique Saint-Nicolas de Flue à Chailly-Lausanne.

Hier matin aussi, la Coordination asile Vaud commentait sa «victoire» de la veille au Grand Conseil. Et estimait que Jean-Claude Mermoud n’avait pas le choix: il devait changer sa politique parce que le signal politique était trop fort pour l’ignorer. Du coup, les militants laissaient entendre que les requérants déboutés issus des «523» et réfugiés dans les paroisses pouvaient réintégrer leurs foyers en toute sécurité. Un exemple avec la famille Mazreku. Les parents, une fille mariée et un fils de 16 ans en passe de commencer un apprentissage ici. En 1999, ils fuient la guerre au Kosovo et se réfugient en Suisse. «Leur retour est impossible, plaide Graziella de Coulon, de la Coordination. Leur maison a été brûlée, le père ne peut pas reprendre son métier d’instituteur.» Afin de résister à la décision de renvoi de Berne, les Mazreku se sont repliés dans les refuges mis en place par les défenseurs de l’asile à Lausanne.

Hier matin, M. Mazreku avait une lueur dans le regard: «Avec la décision du Grand Conseil, nous allons pouvoir souffler un peu. Moi-même, je vais essayer de retrouver du travail.» Convoquée le 11 juillet au Service cantonal de la population (SPOP), la famille pensait que ce serait pour se voir signifier une nouvelle prolongation de séjour, dans l’attente de prochains développements politiques. Mais voilà, quelques heures plus tard, Jean-Claude Mermoud annonce qu’il ne change rien à ses dispositions. Les Mazreku pourront-ils tout de même retrouver leur appartement? La Coordination s’est-elle réjouie un peu trop vite? Autre membre, Yves Sancey répond: «Nous n’imposons rien à ces personnes. Nous verrons en assemblée jeudi soir ce qu’il convient de faire.»