mardi 16 septembre 2008
Redonner un visage à l'asile»
«LA FORTERESSE»Immergé deux mois dans le centre de requérants de Vallorbe, Fernand Melgar en est ressorti avec un film fort et sensible.
«Je n'invente rien en disant qu'il est impossible de faire des films sans aimer la personne qui est en face de soi.» Sans éprouver ce sentiment, peut-on se lancer dans cette aventure: passer deux mois, plus six de pré-enquête, dans le Centre d'accueil des requérants d'asile de Vallorbe? Fernand Melgar l'a fait. En résulte un documentaire exemplaire, «La forteresse», qui a valu à son auteur le Léopard d'or de Locarno, catégorie Cinéastes du présent.
«Ça fait plaisir à ma maman», plaisante le cinéaste vaudois, pour qui le succès du film constitue avant tout «une reconnaissance des gens que j'ai filmés, aussi bien les requérants que les gens qui travaillent au Centre».
Jamais encore l'Office fédéral des migrations n'avait accordé pareille autorisation. La démarche de Melgar les a «un peu déconcertés», mais la durée même de cette immersion les a convaincus du sérieux de l'entreprise. L'équipe de tournage a eu carte blanche, les autorités n'ont demandé aucun droit de regard.
Loin des extrêmes
Avec «La forteresse», le cinéaste se pose en observateur et non en donneur de leçons. Son but, recentrer le débat sur l'asile, «une notion complètement galvaudée en Suisse depuis plusieurs années». Lui, le gamin arrivé clandestinement en Suisse, le Confédéré de fraîche date, est très sensible à l'idée de terre d'asile. «C'est une invention suisse; c'est Henri Dunant, c'est la Croix-Rouge... Je trouve que la Suisse doit en être fière, ça fait partie de son savoir-faire au même titre que l'horlogerie ou les banques.»
Entre ceux pour qui les requérants sont tous des profiteurs et ceux qui veulent ouvrir la porte à tout le monde, les discours sont devenus extrémistes. Pour le cinéaste, il importe de «redonner un visage à l'asile, un visage humain, non seulement aux requérants mais à ceux qui appliquent une loi votée par le peuple, mais qui est l'une des plus restrictives d'Europe.»
Les reportages montrant des requérants de dos, visage flouté, ont sans doute contribué à donner d'eux une image négative, les associant consciemment ou non à des trafiquants de drogue. «On avait oublié une chose fondamentale: dans l'asile, il y a des familles, des enfants, des jeunes, des moins jeunes, des gens âgés, des handicapés...»
Une réalité si complexe
Le film montre des employés et des surveillants respectueux, à l'écoute, presque des assistants sociaux. Pas de dérapages non plus entre les requérants. De quoi se faire taxer d'angélisme par les mauvais esprits? «Ce sont les choses telles que je les ai vues là-bas», rétorque le cinéaste. «Et il ne faut pas oublier qu'à la fin du film on voit une dame, très gentille au demeurant, dire avec un sourire: vous avez 24 heures pour quitter le territoire suisse.»
Cette scène, parmi d'autres, dit la réalité infiniment complexe de l'asile et des migrations en général. «Je ne dis pas que j'ai une solution ou qu'il faut accepter tout le monde. Mais je dis qu'on ne peut pas uniquement faire de la Suisse et de l'Europe une forteresse, à savoir un endroit où l'on protège ceux qui sont à l'intérieur et où l'on rejette ceux qui sont à l'extérieur.» Sur cent personnes qui passent par Vallorbe, une seule obtiendra l'asile. Les fonctionnaires passent donc leur temps à dire non et, d'un autre côté, ils expliquent aux gens déboutés comment faire recours. «C'est très suisse.»
Fiction en préparation
Fernand Melgar n'est pas ressorti émotionnellement indemne de son séjour à Vallorbe. «C'était éprouvant mais, comme les auditeurs qui y travaillent, on apprend à se protéger. C'est dur mais ça vous amène beaucoup. Ces rencontres humaines sont à un tel degré d'intensité que ça résonne encore longtemps après.»
Il évoque avec beaucoup de tendresse ceux qu'il a croisés. Le jeune Africain qui veut juste «revoir son papa et sa maman» - qui ne le voudrait pas? La mère Rom qui essaie maladroitement de rouler son auditrice - «elle fait ça juste pour sauver ses enfants». L'Erythréen dont le récit n'est peut-être exact à 100%, mais dont la souffrance se lit sur le visage. Et tant d'autres miséreux.
Fernand Melgar travaille actuellement à son premier film de fiction. Il se déroulera dans le milieu des travailleurs clandestins.
On ne se refait pas.
Destination Guinée-Conakry sans passer par la case mariage
OLIVIER CHAVAZ - Mardi 16 septembre 2008
Destination Guinée-Conakry sans passer par la case mariage
EXPULSION • Sur le point d'épouser une Suissesse avec qui il a eu un
enfant, un requérant débouté devrait être renvoyé de force la nuit
prochaine.
Cette nuit, un énième vol spécial à destination de l'Afrique de l'Ouest
devrait expulser un groupe de réfugiés jugés indésirables en Suisse. Sur
la liste des passagers, le cas d'Abdoulaye Camara, ressortissant de
Guinée-Conakry âgé de 35 ans, suscite une indignation particulière à la
Ligue suisse des droits de l'homme. Incarcéré à la prison pour étrangers
de Frambois, à Genève, cet ex-requérant d'asile établi dans le canton de
Vaud laissera en effet derrière lui un enfant en bas âge, fruit de sa
relation avec une Suissesse qu'il est sur le point d'épouser. N'ayant
pas respecté son premier délai de départ, l'homme n'obtiendra
vraisemblablement pas de sursis.
Abdoulaye Camara est arrivé en Suisse en 2002. Deux ans plus tard, sa
demande d'asile est rejetée. Susceptible d'être expulsé dès le mois de
mai 2004, il est néanmoins au bénéfice d'une autorisation temporaire
(permis N). En 2005, le Guinéen rencontre et se met en ménage avec sa
compagne actuelle. Un petit garçon naît en avril 2006. Comme les choses
ne sont jamais simples, Abdoulaye Camara n'est alors pas en mesure de
reconnaître son enfant, sa fiancée n'ayant pas encore divorcé à
l'époque. Les concubins se lancent dans une procédure de désaveu en
paternité, dont l'issue, attendue prochainement, ouvrira la voie à la
reconnaissance légale du petit garçon par son véritable père.
Tout se complique pourtant l'automne dernier, lorsque le couple entame
les démarches en vue du mariage. Dans la foulée, en effet, le Service
vaudois de la population le convoque et tente de le convaincre de
s'embarquer sur un vol à la fin du mois d'octobre. «Il n'a bien sûr pas
pris cet avion. On lui donnait quinze jours pour quitter le territoire,
sa future femme et son enfant », indique Florence Rouiller, conseil
juridique d'Abdoulaye Camara. Malgré les obstacles, la procédure de
mariage suit son cours. «Ils n'attendent plus que l'authentification des
documents guinéens», précise Florence Rouiller.
Mais la machine administrative n'a pas tardé à se remettre en marche. Le
3 septembre dernier, la police se présente au domicile du couple et
arrête le Guinéen «devant son fils». Il est depuis emprisonné à
Frambois. L'espoir de ressortir libre est désormais ténu: le recours
contre cette détention administrative, assorti d'une demande urgente de
suspension du renvoi, a été rejeté le lendemain de son dépôt par la
justice vaudoise. «J'attends la décision du Tribunal fédéral. De son
côté, l'Office fédéral des migrations n'est pas entré en matière sur ma
demande de tolérance. Le fait qu'il soit séparé de son fils n'a jamais
été pris en compte», se désole Florence Rouiller.
Pour Orlane Varesano, de la Ligue suisse des droits de l'homme, ce genre
d'affaire tend à se multiplier: «Nous avons déjà eu connaissance de huit
cas similaires depuis le début de l'année, qui sont essentiellement le
fait du canton de Vaud. Cela ressemble à de l'acharnement: M. Camara est
intégré, il a des attaches familiales et n'a jamais eu à faire à la
justice pénale. C'est une entrave au droit au mariage. » «Après le dépôt
d'une demande de mariage, il semblerait que le Service de la population
accélère les procédures de renvoi», confirme Florence Rouiller. Histoire
de décourager les candidats?
Pas du tout, rétorque Denis Pittet, chargé de communication au
Département vaudois de l'intérieur, qui avoue par ailleurs ne pas
connaître les détails du dossier. «C'est relativement clair. Ce monsieur
a refusé de quitter le territoire à temps et il s'est fait arrêter.
Ensuite, la justice a considéré que la question du mariage n'était pas
un argument probant pour éviter l'expulsion. Comme il possède un
passeport valable, il peut tout à fait se marier dans son pays et
revenir ensuite légalement en Suisse.» C'est pourtant simple, non? I
Vingt ans d'humanité dans la machine implacable de l'asile
Vingt ans d'humanité dans la machine implacable de l'asile
LE COURRIER - Paru le Mardi 16 Septembre 2008AUMÔNERIE - L'Aumônerie genevoise oecuménique auprès des requérants d'asile (AGORA) célèbre deux décennies de résistance contre la dégradation de la politique de l'asile.
Septembre 1988: au seuil du système froid et implacable de l'asile suisse, face aux barbelés du Centre d'enregistrement des requérants d'asile de la Confédération (CERA) derrière l'aéroport de Cointrin, les Eglises genevoises installent un bus pour apporter de la chaleur humaine aux exilés. Le véhicule de l'Aumônerie genevoise oecuménique auprès des requérants d'asile (AGORA) laisse bientôt la place à un mobile home. Lorsque le CERA déménage à La Praille, un autre bus, une roulotte et un conteneur sont successivement posés devant l'immeuble. Quand le CERA déménage à Vallorbe, fin 2000, l'aumônerie intègre une maison à Vernier et s'occupe désormais des requérants attribués au canton de Genève. Mais voilà qu'à l'heure de souffler ses vingt bougies, l'AGORA, formée de trois aumôniers payés par les Eglises et d'une trentaine de bénévoles, doit quitter ses murs pour permettre la construction d'un centre commercial Ikea.
Michel Bavarel, journaliste et président du Conseil de l'AGORA, nous reçoit dans les locaux de l'aumônerie où se décollent déjà les nombreuses coupures de presse affichées aux parois, témoins d'une histoire riche en rebondissements qui s'écrira désormais dans d'autres lieux. Le scénario, lui, ne changera pas: depuis sa genèse, l'AGORA accompagne des requérants que l'Etat tente de dissuader de rester. Les politiques se durcissent, mais l'attitude fondamentale reste la même, témoigne Michel Bavarel, coauteur d'un livre[1] qui évoque ces «années de résistance».
Comment l'AGORA est-elle née?
Michel Bavarel: En 1983, alors que je préparais pour La Liberté et Le Courrier une série d'articles sur les «nouveaux réfugiés» (Chiliens, Zaïrois...), j'ai rencontré dans un baraquement de Pré-Bois un jeune requérant. Il m'a confié qu'il lisait beaucoup la Bible, mais qu'il n'avait pas eu de contact avec les Eglises en Suisse. J'ai parlé de cette lacune à André Fol, alors responsable de la Commission tiers monde de l'Eglise catholique. Avec le pasteur Rudolf Renfer, ils ont alerté leurs Eglises pour les rendre attentives à la situation des demandeurs d'asile. De son côté, Maurice Gardiol avait déjà créé le secteur réfugiés du Centre social protestant. C'est grâce à lui qu'est née l'AGORA en 1988. Dès le début, la volonté était que la démarche soit oecuménique.
Quelle a été la tâche première?
En 1988, le CERA se situait derrière l'aéroport. Les requérants étaient accueillis par des barbelés et un interphone. Ils pouvaient attendre dehors des heures avant d'être pris en charge, par n'importe quel temps. L'AGORA a alors mis en place un bus pour faire office de salle d'attente, en offrant du thé, du café, des habits, et surtout de l'humanité. L'accueil et l'écoute, c'est le métier de base de l'AGORA, sur lequel se sont greffées toutes les autres activités. Les aumôniers rendaient visite aux requérants à l'intérieur du CERA, en donnant des informations sur leurs droits ou en faisant le lien avec des mandataires comme le CSP, ELISA, l'EPER ou Caritas.
Une action bien vue?
Tant le CERA que des chrétiens ont reproché à l'AGORA de ne pas limiter son travail à l'assistance spirituelle. Mais le quotidien d'une personne ne peut être séparé du spirituel. En 1985, les trois Eglises (catholique, protestante et catholique chrétienne) ont publié un mémorandum précisant: «Dans la suivance de Jésus-Christ, les Eglises ne pourront se situer qu'aux côtés de ceux qui ont dû fuir, aux côtés des humiliés et des persécutés.»
En vingt ans, comment la situation de l'asile en Suisse a-t-elle évolué?
Fondamentalement, l'attitude est restée la même, bien qu'elle se soit crispée. On considérait et on continue de considérer les requérants d'asile uniquement comme des fardeaux sans voir l'enrichissement humain et économique qu'ils peuvent apporter. En ne les traitant pas trop bien, on pense les dissuader de rester. C'est vain, car ces gens fuient des situations pires que ce qu'on peut leur réserver ici.
La situation s'est aggravée, dites-vous?
Quand on dénonçait les conditions de vie au CERA, on nous répondait que l'accueil n'y était que de cinq jours. Désormais, les gens restent jusqu'à deux mois. Notre bagarre actuelle concerne la zone de transit de l'aéroport, où les gens, parfois des enfants, ne voient que rarement le soleil durant six, sept semaines. Quant au cadre légal, il s'est encore durci avec la loi sur l'asile votée en 2006. Les requérants frappés d'une non-entrée en matière ou déboutés se trouvent dans des états très précaires. Une partie d'entre eux renoncent à l'aide d'urgence et disparaissent simplement dans la nature. Le système bureaucratique de l'asile est très dur, les gens sont transférés d'un endroit à l'autre sans savoir pourquoi ni pour combien de temps. Notre expérience nous a montré que L'angoisse qu'engendre l'incertitude sur leur sort se double, pour certains, de l'incompréhension de finir en semi-détention pour avoir demandé l'asile. Ceci dit, beaucoup sont reconnaissants envers la Suisse de les avoir nourris, protégés, soignés et, pour certains, délivré un permis.
La notion d'abus est-elle nouvelle?
Non. Mais on parlait auparavant de «réfugiés économiques» pour désigner les «faux réfugiés». On disait déjà qu'ils coûtaient trop cher. Même si Christoph Blocher et l'UDC ont popularisé la notion d'abus, la problématique était la même. Le drame, c'est que la politique de dissuasion de l'Etat ajoute de la souffrance à la souffrance de l'exil et apporte des traumatismes supplémentaires. D'une problématique de l'asile restreinte, on a fait un énorme problème. Après les travailleurs immigrés dans les années 1960 et l'initiative Schwarzenbach, la société s'est cherché de nouveaux boucs émissaires pour conjurer ses peurs.
L'asile, une problématique restreinte? D'autres vous rétorqueront qu'«on ne peut pas accueillir toute la misère du monde»...
Mais on est loin de l'accueillir toute. J'avais par exemple été scandalisé quand le Conseil fédéral avait refusé d'accueillir 500 réfugiés irakiens alors que le Haut-commissariat aux réfugiés demandait à la Suisse d'en prendre beaucoup plus. Pour comparaison, la Syrie a sur son sol près d'un million de réfugiés irakiens! La grande majorité des réfugiés restent dans les pays voisins, comme au Tchad en ce qui concerne le Darfour. Je souhaiterais qu'il n'y ait aucun réfugié et que l'AGORA n'ait plus de raison d'exister. Il y a certes un moyen, utopique: que les privilégiés perdent de leurs richesses. Ce sont les inégalités qui poussent les migrants du Sud à tenter leurs chances au Nord. Mais les politiques néolibérales ne vont pas dans ce sens.
Que répondez-vous à l'accusation d'angélisme?
Est angélique qui est loin des réalités. Or nous la côtoyons tous les jours. Les requérants ne sont pas tous des anges, nous le savons. Comme nous savons que la vérité est relative et rechigne à se laisser enfermer dans les questionnaires des fonctionnaires. Je plains ces derniers de devoir juger de la crédibilité de tant de parcours. Toutefois, les différentes nationalités qui se succèdent à l'AGORA suivent bien les évolutions des crises géopolitiques, ce qui tend à contredire la thèse des «faux réfugiés». Les migrants économiques, eux, se retrouvent comme sans-papiers, souvent dans l'économie domestique. On y trouve beaucoup de Latino-Américaines ou des Philippines.
Ceci dit, face à la réalité de l'asile, la question est de savoir comment agir. Faut-il ajouter de la souffrance à la souffrance par des politiques inhumaines? Ou payer le prix pour l'asile, sachant qu'on en sortira gagnants?
L'AGORA place-t-elle son action aussi sur le terrain politique?
Nous sommes souvent intervenus avec des discours très fermes. En avril 1996, quand le Conseil fédéral s'apprêtait à renvoyer près de 200000Bosniaques, nous condamnions la lâcheté des autorités, leur hypocrisie et le mépris des souffrances endurées. Notre lutte, en réseau avec de multiples partenaires, est une résistance permanente pour ralentir la dégradation de la situation de l'asile, qui perd du terrain.I
Note : [1]Chronique d'un accueil controversé à Genève (1988-2008), Michel Bavarel et Jean-Pierre Zurn. L'AGORA publie un autre livre: Dessins d'exil, Anne de Vargas et Pilar De Paoli. Livres disponibles (30 francs les deux) à l'AGORA, CP 315, 1233 Bernex ou agora@agoralacroisette.ch Elle invite également le public à une soirée le 18 septembre à la Maison des Associations (Rue des Savoises 15, 20h.
Quand l'AGORA fait grève et met l'Etat face à ses responsabilités
Quels événements de la vie de l'AGORA vous ont-ils le plus marqué?
Michel Bavarel: Face à l'afflux de réfugiés kosovars en 1998 –43000 nouvelles demandes d'asile cette année-là–, les autorités fédérales ont fait preuve d'un manque de réactivité incroyable alors que la situation était prévisible. A Genève, le CERA a très vite été surpeuplé. De même que l'ancien camp militaire en triste état (150 places) ouvert à côté de l'aéroport face à cette situation. Chaque jour, il y avait des queues interminables devant le CERA pour l'enregistrement des demandes d'asile. Un abri PC a été ouvert, aussitôt débordé. Notre conteneur devant le CERA était envahi. Le canton renvoyait la Confédération à ses responsabilités et Berne disait ne rien pouvoir faire. Il n'était pas normal que nous pallions le devoir de l'Etat. Alors qu'on avait cruellement besoin de nous, nous avons pris la difficile décision de faire grève, pendant une semaine. Sa forte médiatisation a poussé l'Office fédéral des réfugiés à enfin réagir. En 2005, l'Hospice général, qui s'occupe des requérants d'asile à Genève, a rouvert le «camp militaire». En hiver, l'AGORA y a découvert des conditions de vie déplorables. L'eau était gelée, les WC inutilisables et les douches inexistantes. Les requérants avaient grelotté toute une nuit.
Je me souviens aussi du «mur de la honte»: en 1997, vingt-trois habitants d'un immeuble voisin du CERA ont obtenu qu'un mur remplace la clôture de la terrasse. Ils se plaignaient du bruit, des regards indiscrets mais aussi de la confrontation avec la misère des exilés. A la suite de la protestation d'une autre voisine, des citoyens ont démoli ce mur.
Le déménagement du CERA à Vallorbe en 2001 est un autre moment clé de la vie de l'AGORA...
On s'est demandé ce qu'on allait faire. Après avoir passé le témoin aux aumôniers de Vallorbe, nous avons réorienté notre travail sur les requérants attribués à Genève, et sur ceux arrivant dans la zone de transit de l'aéroport et ceux internés à la prison de Frambois.
A cette époque, vous occupez les locaux de la Croisette à Vernier, qu'il vous faut bientôt quitter pour céder la place à Ikea...
C'est un autre deuil à faire. On nous offre des locaux aux Tattes. J'imagine que nous déménagerons à la fin de l'année, mais les négociations ne sont pas encore finalisées. RA
3000 personnes Berne pour une autre politique migratoire
Sans-papiers: environ 2000 personnes ont manifesté à Berne
Quelque 2000 personnes, selon la police, ont manifesté sous la pluie à Berne en faveur des sans-papiers. Les collectifs "Droit de rester pour tou.te.s!" exigent une régularisation collective et un arrêt des expulsions.
Les manifestants, munis de banderoles en plusieurs langues, ont formé un cortège à travers la ville. Des personnes en situations irrégulière avaient aussi fait le déplacement en provenance des quatre coins du pays. Le rassemblement s'est déroulé dans le calme, a précisé la police cantonale bernoise.
"En Suisse, la pratique est en opposition avec celle des pays européens: il y a un an, le Conseil de l'Europe s'est exprimé sur les régularisations collectives et a reconnu que 5 millions de sans-papiers vivent sur le territoire européen", ont fait savoir les organisateurs.
Les Verts suisses, qui ont soutenu la manifestation, rappellent que les sans-papiers sont actuellement indispensables à l'économie suisse mais qu'ils n'ont aucune possibilité d'intégration. "Ils vivent dans la peur d'être expulsés", a ajouté le parti.
Les manifestants revendiquent donc une régularisation collective des clandestins, l'arrêt immédiat des expulsions, la mise en oeuvre des articles sur les cas de rigueur et le droit au regroupement familial.
De son côté, la Plate-forme nationale pour les soins médicaux aux sans-papiers, gérée par la Croix-Rouge suisse, a réclamé vendredi lors d'une conférence à Berne des standards en matière de prise en charge des personnes dépourvues de titre de séjour. La majorité d'entre elles (80 à 90%) n'ont pas contracté d'assurance maladie.
(ats)Manifestation nationale pour le Droit de rester pour tou.te.s - 3000 personnes à Berne!
Berne, le 13 septembre 2008
Manif "Droit de rester pour tou.te.s"!
3000 manifestent à Berne pour une autre politique migratoire
=> Photos sur www.sosf.ch/manif/fotos <=
Les collectifs Droit de rester pour tou.te.s ! Vaud, Fribourg, Berne et Zurich ont appelé à une manifestation nationale à Berne. Nous sommes convaincus qu’un changement radical en matière de politique migratoire suisse est nécessaire et urgent. Huit mois après l’entrée en vigueur des nouvelles LAsi et Letr, les pires prévisions sont devenues une réalité brutale pour des milliers d’immigré.e.s vivant en Suisse. Le racisme d’Etat, la xénophobie et l’utilitarisme ne sont ainsi plus cachés, mais apparaissent au grand jour, confortés par des idéologies populistes et ultralibérales. Notre manifestation veut répondre à la brutalité de cette politique migratoire Suisse.
Nous constatons...
...un manque total de régularisations de statuts de séjourLa Loi fédérale sur le travail au noir prévoit la coordination entre les assurances sociales et la police des étrangers. Ainsi, y est organisée la chasse aux sans-papiers car ceux-ci vont par défaut devenir la cible prioritaire des contrôleurs du travail au noir. Dans un tel contexte la régularisation collective voire même la régularisation de cas individuels d’extrême rigueur est devenue totalement impensable en Suisse.
La pratique de régularisation des "cas de rigueur" issus de l’asile fait l’objet d’un même constat. Les dossiers sont en grandes majorités bloqués et les informations de la part des autorités ne sont pas satisfaisantes. Pour les personnes concernées il en découle des périodes d’attente longues et difficiles à supporter.
En Suisse, la pratique de régularisation est en opposition avec celle des pays européens : Il y a un an, le Conseil de l’Europe s’est exprimé sur les régularisations collectives et reconnaît que plus de 5 millions de sans-papiers vivent sur le territoire européen. L’OCDE estime qu’au cours des années 90, environ 1,5 million de personnes dans cinq pays d’Europe ont vu leur situation régularisée. La Grèce a introduit un programme de régularisation touchant près de 228 000 personnes, alors que le Portugal a régularisé la situation de 170 000 personnes. L’Italie a fait de même pour 634 700 personnes en 2002. En 2005 l’Espagne a adopté un vaste programme de régularisation qui a concerné environ 700 000 immigrés.
... les misérables conditions de vie des requérant.e.s d’asile
Les effets néfastes du transfert de l’aide sociale vers l’aide d’urgence prévu par la nouvelle LAsi et les autres durcissements prévus par la loi, s’ajoutent encore ceux de la privatisation de l’encadrement des requérants. Régulièrement, nous constatons que des personnes n’ont plus accès à suffisamment de nourriture ou aux soins médicaux élémentaires. Ces conditions de vie rendent malade.
... un renforcement du racisme d’Etat et de la xénophobieLes élections nationales de l’automne passé ont marqué le renforcement du pôle bourgeois. En lieu et place de la fausse "polarisation gauche-droite" rabachée par les médias depuis des années, nous assistons à une accélération des attaques contre les immigré.e.s. Aujourd’hui tous les partis gouvernementaux abordent le thème de la "sécurité" en montrant les migrants comme boucs émissaires d’une insécurité sociale grandissante.L'inégalité de traitement à laquelle appellent les partis gouvernementaux implique des discriminations inacceptables. On crée ainsi des divisions arbitraires entre personnes. Les allégations de certains qui voient dans des cultures différentes une propension plus forte au crime en est un exemple. Pour promouvoir la sécurité et éviter d’avantage les dérives xénophobes, il s’agit de recadrer le débat sur les véritables causes des problèmes : c’est-à-dire les inégalités sociales.
- Hashim Sancar (079 753 49 64 / sancars@bluewin.ch)
- Mirjam Brunner (078 759 78 66 / mirjam.brunner@sosf.ch)
- Philippe Blanc (076 577 47 28 / blanc_p@bluemail.ch)