lundi 18 juillet 2011

Renvoi de requérants vers l'Italie: l'OSAR demande de la retenue

L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés demande aux autorités helvétiques de faire preuve de retenue avec le renvoi des "requérants d'asile vulnérables, des familles avec enfants et des femmes seules" vers l'Italie. L'OSAR souligne les faiblesses criantes des capacités d'accueil dans ce pays.

En Italie, des réfugiés et des requérants d'asile vivent, et parfois en famille, dans la rue, relève l'OSAR dans un rapport diffusé lundi après une mission dans la Botte avec l'ONG norvégienne Juss-Buss.

La situation s'est particulièrement aggravée cette année. Depuis janvier, 50'000 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes suite aux bouleversements politiques en Afrique du nord. Un afflux qui "a encore dégradé les conditions d'hébergement et d'accueil, par ailleurs déjà très précaires", ajoute l'OSAR.

Durant sa mission, l'organisation d'aide a pu constater que "jusqu'à l'enregistrement formel de leur demande, les requérants d'asile en Italie n'ont pas accès à un hébergement". De plus, les délais d'attente dans les villes importantes s'étendent jusqu'à deux mois, laps de temps durant lequel ils sont livrés à eux-mêmes sans moyens d'existence.

"Vie misérable"

Par rapport au nombre élevé de demandes, l'Italie a une capacité d'accueil totalement insuffisante. Au niveau national, le pays dispose de près de 5000 places plus quelques hébergements communaux dans certaines régions alors que les requérants d'asile et réfugiés sont des dizaines de milliers.

En Italie, ceux qui parviennent à se loger se voient expulsés de leur hébergement au maximum après six mois, car il ont en principe le droit de travailler et la capacité de se prendre en charge. En perdant leur hébergement, ils perdent donc tout soutien, se retrouvent dans la rue, et commence pour eux "une vie misérable", ajoute l'OSAR.

De janvier à fin juin, la Suisse a procédé à un millier de renvois de réfugiés vers l'Italie, et 2000 cas sont encore pendants.

ATS

Madame Intégration, deux cultures, un credo

amina benkaisAmina Benkais, Franco-Marocaine, prend la tête du Bureau vaudois de l’intégration.

Elle est toujours l’étrangère de quelqu’un. En Suisse, où cette Franco-Marocaine détentrice d’un permis C a débarqué en 1999. En France, où elle avait migré pour ses études. Et Amina Benkais est doublement étrangère au Maroc, où ses origines aisées la mettaient déjà à l’écart. Ces expériences ne sont peut-être pas pour rien dans les choix professionnels de la future responsable du Bureau vaudois de l’intégration. Mais cette quadragénaire attribue davantage son engagement à sa sensibilité face aux injustices sociales, héritée de ses parents, qu’à ses origines. Qu’elle vit très bien. «Je navigue sans malaise et sans déchirement d’une culture à l’autre.»

Un plus, pas un alibi

Sa spécialisation dans les migrations s’est en fait tissée de fil en aiguille. De Bordeaux, elle a suivi à Neuchâtel son mari engagé chez Swatch. Docteure en droit, elle est alors engagée pour mener une recherche à l’Université sur le droit des musulmans. Un pas de côté et la voici au Service de la cohésion multiculturelle de Neuchâtel de 2002 à 2010, où elle remplit des mandats intercantonaux sur les violences faites aux femmes, du mariage forcé à la prostitution. Cet intérêt la conduit à lancer un projet de coordination romande sur ce thème au sein de l’organisation Terre des femmes Suisse. C’est au terme de ce parcours que l’annonce pour le poste de déléguée vaudoise à l’Intégration lui tombe dessus. Alors, non. L’étiquette d’étrangère ne justifie pas son job. «C’est un plus, et j’en suis heureuse. Mais il y a d’abord une bonne formation et une addition de compétences», affirme-t-elle.

Amina Benkais est toute petite, mais elle n’a pas l’air du genre à s’aplatir. Energétique. Déterminée. Mais aussi souriante, joyeusement volubile. Cette amoureuse de la création – elle écrit, invente en cuisine et «peinturlure» – craque pour les jobs qui lui permettent d’innover et d’être utile. D’ailleurs, à quoi sert un Bureau de l’intégration? Pour elle, le titre relève un peu d’un idéal. Avant de parler d’intégration, elle constate des problèmes «plus aigus»: l’accès des étrangers à la formation, au marché du travail et, pour les femmes, à une socialisation.

Et quelles innovations imagine-t-elle? La déléguée à l’Integration, qui entre en fonctions en septembre, aimerait initier de nouvelles synergies, en particulier avec le domaine privé. Elle est convaincue par une collaboration qu’elle a établie avec le groupe Swatch: «Une entreprise a souvent des appréhensions vis-à-vis des étrangers, hésitant à engager des gens dotés d’un permis F, parce que c’est trop compliqué ou qu’elle craint qu’ils ne partent rapidement. On pourrait lui faciliter la tâche.» En matière de synergies, elle pense aussi aux communes, actives sur le front de l’intégration. «Il faut faire attention aux doublons, éviter les pertes de temps, d’énergie et le gaspillage d’information.»

Vivre sur place

Amina Benkais a un autre défi à relever, plus terre à terre: trouver un logement dans le canton de Vaud. «Il faut sentir les frémissements de la société. Plein de choses nous échappent si on n’est pas sur place. Lorsque je me promène à Neuchâtel, il n’y a pas un jour où je ne suis pas arrêtée par quelqu’un.» Au point que ses filles – 7, 12 et 16 ans – en ont ras-le-bol de sortir avec elle, sourit-elle.

En attendant d’éplucher les petites annonces, elle va assouvir sa passion des voyages. «Plus c’est loin, plus il y a de risque, plus j’aime.» Mais le Maroc reste le seul endroit où elle se ressource, vêtue de ses habits traditionnels: «Une façon de déposer mon étiquette visible d’étrangère. »

Laure Pingoud dans 24 Heures

Renvois vers l’Italie: faire preuve de retenue

italie osar

Manque prononcé de structures d’hébergement pour les requérant-e-s d’asile en Italie: les réfugié-e-s et les requérant-e-s d’asile, dont de nombreuses familles avec des enfants, des femmes seules, des malades psychiques et des personnes traumatisé-e-s, vivent dans la rue. Dans son dernier rapport, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR conclut que les transferts vers l’Italie sont hautement problématiques.

Depuis le début de l’année, 50’000 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes suite aux bouleversements politiques en Afrique du Nord, ce qui a encore dégradé les conditions d’hébergement et d’accueil, par ailleurs déjà très précaires. L’Allemagne a déjà réagi: plus d’une douzaine de tribunaux administratifs dans les Länder ont stoppé les renvois des requérant-e-s d’asile vers l’Italie au motif que les normes minimales pour les réfugié-e-s en Italie «ne sont en grande partie plus respectées». Une délégation de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR et de l’organisation d’entraide juridique norvégienne, Juss-Buss, est parvenue à la même conclusion dans son rapport final de mission, désormais disponible: jusqu’à l’enregistrement formel de leur demande, les requérant-e-s d’asile en Italie n’ont pas accès à un hébergement et les délais d’attente dans les villes importantes s’étendent jusqu’à deux mois. Pendant ce temps, les personnes concernées vivent dans la rue – même celles extrêmement vulnérables comme les familles avec enfants.

Par rapport au nombre élevé de demandes, l’Italie a une capacité d’accueil totale-ment insuffisante. Près de 5000 places au plan national plus quelques héberge-ments communaux dans certaines régions ne permettent pas d’offrir une place à des dizaines de milliers de requérante-s d’asile et de refugié-e-s. Sans hébergement, les personnes concernées ne peuvent guère couvrir leurs besoins de base tels que la nourriture ou l’hygiène personnelle. Les mesures d’intégration, notamment les cours de langue – qui, au contraire du système suisse, sont en règle générale proposées uniquement lorsque la procédure d’asile est en cours – sont indissociables d’un hébergement. L’aide à l’intégration est dépendante de l’hébergement!

Celles et ceux qui parviennent malgré tout à trouver un lieu se voient expulsé-e-s de leur hébergement au maximum après six mois. Car après ce délai, les requérant-e-s d’asile ont le droit de travailler. Le système italien part du principe que dès ce moment là, les personnes concernées peuvent se prendre en charge elles-mêmes. Il en va de même des personnes qui sont reconnues comme réfugiées ou qui obtiennent une protection en Italie. Cette reconnaissance entraîne la perte de l’hébergement. Les personnes vulnérables bénéficient parfois d’un report, mais elles doivent quitter leur hébergement après douze mois tout au plus.

En perdant leur hébergement, les requérant-e-s d’asile et les réfugié-e-s perdent tout soutien. Les personnes se retrouvent dans la rue, totalement dépendant-e-s de l’aide minime proposées par les institutions ecclésiastiques et les ONG. Une vie misérable: les personnes passent leur journée à essayer de couvrir leurs besoins de base. Elles s’efforcent de trouver un abri pour la nuit, soit dans des centres d’urgence ou dans des maisons occupées, font la queue pour obtenir de la nourriture. Dans ces circonstances difficiles, apprendre l’italien et plus encore trouver un travail relève de l’impossible. A partir de ce moment, si ce n’était pas déjà le cas, les personnes concernées vivent dans des conditions pitoyables, sans espoir de pouvoir changer quoi que ce soit à leur situation de vie.

L’Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR demande donc aux autorités suisses de faire preuve de retenue avec le renvoi des requérant-e-s d’asile vulnérables, des familles avec enfants et des femmes seules. Les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié ou un statut de protection en Italie ne devraient plus être refoulées vers ce pays. Et ce également en signe de solidarité et d’engagement à partager la charge avec les Etats membres de l’accord de Dublin.