jeudi 3 janvier 2008

Le réveillon des requérants de Vallorbe

L’équipe du cinéaste Fernand Melgar, qui tourne un documentaire sur le quotidien du Centre d’enregistrement et de procédure (CEP), a tenu à vivre le passage à l’an neuf au cœur de l’institution. Article et photo de Pierre Blanchard pour 24 Heures.


RESPECT Camille Cottagnoud, cameraman,
et Fernand Melgar, réalisateur (à g.),
respectent à la lettre leurs engagements
envers les requérants, le personnel et l’Office
fédéral des migrations. Aucune séquence n’est
volée et aucune image n’est floutée, même s‘ils
doivent renoncer à capter des scènes émouvantes.
VALLORBE, LE 31 DÉCEMBRE 2007

«Depuis le début du tournage, je comprends mieux la parole de l’Apocalypse où Dieu dit «vouloir vomir les tièdes». Ici tout ce vit intensément, l’espoir et le désespoir, le bonheur et le malheur sont portés à leur paroxysme», témoigne Fernand Melgar, qui tourne un film sur le quotidien du Centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe depuis le début du mois de décembre ( 24 heures du 11 décembre).

Une soirée presque semblable aux autres

La soirée du réveillon pour les demandeurs d’asile a ressemblé à celle qu’ils ont l’habitude de vivre chaque jour. A la différence près qu’ils ont pu aller se coucher après les douze coups de minuit, alors qu’en temps normal l’extinction des feux a lieu à 23 heures.
Au rez-de-chaussée, certains résidents utilisaient les téléphones publics, d’autres faisaient les cent pas le long du couloir pendant que la caméra les filmait. A l’étage, les postes de télévision se partageaient l’auditoire entre les amateurs de sport et les mélomanes.
Dans le local des aumôniers, une dizaine d’Africains priaient et dansaient avec ferveur. Un ancien officier de l’armée de Saddam Hussein fraternisait avec des Kurdes. Si elle avait pu passé la soirée à Bogotá, une famille colombienne aurait fait la fête avec ses amis et brûler la poupée?2007 avant de danser dans la rue. A 23 heures, bien des résidents avaient regagné leur chambre. Une trentaine de personnes étaient dans le réfectoire quand 2008 a pointé son nez. Pour les requérants, l’attente de la nouvelle année avait beaucoup moins d’importance que celle de la décision de l’Office des migrations, qui influencera grandement leur avenir.

Riche et fragile

Pour le cinéaste, la réalisation de ce documentaire est à la fois une expérience riche en relations humaines et fragile, par le fait que les personnes passent rapidement et que cela rend difficile le suivi des histoires.
Pour pouvoir filmer les demandeurs d’asile, il faut gagner leur confiance et obtenir leur consentement. La partie n’est pas gagnée d’avance. L’équipe de tournage brise la glace en rendant de petits services aux résidents du CEP. Alice Sala, l’assistante du réalisateur, consacre beaucoup temps à la négociation avec les personnes susceptibles d’être filmées. Ses démarches visent à obtenir une autorisation écrite du demandeur d’asile. En échange de quoi le producteur s’engage à ne pas diffuser le film dans le pays d’origine des personnages apparaissant à l’écran.
«Une fois que la confiance est établie, les langues se délient. Les histoires de vie recueillies sont fortes et certaines vous arrachent le cœur», explique Fernand Melgar. Son équipe doit également faire la part des choses entre la réalité des vécus et les faits rapportés, qui peuvent être enjolivés ou inventés. Pour s’approcher de la vérité, l’équipe mise sur la confiance et la sincérité des interlocuteurs.

Emigration allemande

La forte population allemande résidant notamment à Zürich semble poser problème. Lire cet article du Matin, qui ne manque pas de rappeler qu'au siècle dernier, 70 % des immigrés venaient d'outre-Rhin, dont le grand-père d'un conseiller fédéral déchu.