lundi 25 octobre 2010

Les musulmans de Suisse se mobilisent pour unir leurs voix

Une vingtaine de représentants de la communauté musulmane en Suisse se sont réunis ce week-end à Berne pour à terme unir leurs voix au sein d'une organisation plus tangible, dans un pays dont les habitants se sont prononcés en 2009 en faveur de l'interdiction de la construction de minarets.

"La réunion a été une première", a expliqué lundi à l'AFP la directrice de la Commission fédérale contre le racisme, Doris Angst, une des personnes à l'origine du projet. 400.000 des 7,6 millions d'habitants de la Suisse sont musulmans et, parmi eux, 50.000 sont des "musulmans pratiquants" selon les autorités. La plupart viennent des Balkans, de Turquie, d'Afrique et du Moyen-Orient. Mme Angst a souligné leur grande diversité "ethnique", relevant en outre qu'"il y a un certain degré de concurrence entre certaines institutions" les représentant. "Les musulmans ne se sentent pas acceptés en tant que communauté religieuse", a indiqué de son côté Farhad Afshar, de la Coordination des organisations islamiques en Suisse.

Un sentiment renforcé par le vote sur l'interdiction des minarets.

C'est à la suite de ce vote que la Commission fédérale contre le racisme et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont décidé de discuter de mesures pour offrir une "plate-forme" à la communauté musulmane en vue de discuter de la forme légale et du mandat que devrait avoir une organisation nationale. "Cette organisation (...) simplifierait le dialogue entre les communautés musulmanes et les autorités politiques, tout en permettant aux musulmans et aux musulmanes qui vivent en Suisse de participer plus facilement à des débats publics, acte qui revêt de l'importance pour toute minorité", écrivent les organisations dans un communiqué. "En même temps, une institution de ce genre répondrait au besoin des autorités d'avoir en face d'elles des interlocuteurs dotés d'une représentativité démocratique", poursuivent-elles. Des délégués d'organisations représentatives de la communauté musulmane de Grande-Bretagne, de Belgique et d'Allemagne se sont également rendus à Berne pour partager leur expérience.

AFP

Les musulmans se réunissent

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24 Heures

Les cantons réfutent l'accusation de laxisme

La Suisse est-elle trop «coulante» envers les criminels étrangers? Balivernes, estiment les cantons, qui rejettent tout laxisme en matière de renvois. Pourtant, de grands écarts existent d’un canton à l’autre. «Aujourd’hui, un délit valant l’expulsion à Saint-Gall ne produit pas les mêmes effets à Neuchâtel. C’est choquant», estime le conseiller national UDC Yvan Perrin. L’UDC et le Conseil fédéral veulent tous deux harmoniser la pratique, mais chacun à sa manière. Verdict le 28novembre.

La Suisse estelle trop «coulante » envers les criminels étrangers? L’UDC en est convaincue et réclame, dans son initiative dite des moutons noirs, le renvoi automatique des étrangers auteurs de certains délits. Opposés à cette systématique, le Conseil fédéral et le parlement ont opposé un contre-projet au texte UDC. Les deux versions sont soumises au vote le 28 novembre. Depuis 2007, ce sont les autorités cantonales qui sont seules habilitées à prononcer le retrait d’une autorisation de séjour. A elles de faire la pesée d’intérêts entre la sécurité publique – le criminel présente-t-il un danger pour la société suisse? Quel est le risque qu’il récidive? – et l’intérêt de la personne condamnée – est-elle intégrée en Suisse? Y a-t-elle une famille? «Mais dès que vous confiez cette décision à l’administration, vous ouvrez la voie à des considérations politiques, dénonce le conseiller national Yvan Perrin (udc/NE). Aujourd’hui, un délit valant l’expulsion à Saint-Gall ne produit pas les mêmes effets à Neuchâtel. C’est choquant.»

Les barrières du droit
Certains cantons sont-ils donc trop laxistes? «C’est un jugement à l’emporte-pièce, réplique Patrick Pochon, chef du Service fribourgeois de la population et des migrants. Je comprends que certains citoyens trouvent anormal que des criminels étrangers puissent rester en Suisse. Mais c’est méconnaître les exigences du droit.» Pas facile par exemple d’expulser un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, explique Serge Gamma, chef du Service neuchâtelois des migrations. L’accord sur la libre circulation des personnes n’autorise en effet le renvoi que si la personne présente un danger grave pour la sécurité de la Suisse. Aux obstacles juridiques s’ajoutent des difficultés pratiques, renchérit son homologue valaisan Jacques de Lavallaz: «Parfois, le renvoi ne peut être exécuté parce que la personne n’a pas de passeport valable ou parce que son pays d’origine refuse de la reprendre. Parfois, le Tribunal fédéral met le holà parce qu’il juge le criminel intégré en Suisse ou que son état de santé ne permet pas son renvoi.»

Fribourg moins sévère
«En pratique, écrit le Conseil fédéral pour défendre son contre-projet, les cas d’infractions pénales graves donnent lieu à la révocation des autorisations et au renvoi des personnes concernées. Les cantons n’y sont cependant pas tenus. La marge d’appréciation importante dont ils disposent conduit à des pratiques disparates.» Ainsi, Saint-Gall (72 renvois depuis le début de l’année), Zurich et Vaud (respectivement 113 et 103 criminels expulsés en 2009) peuvent se targuer de sévérité. De leur côté, Neuchâtel (6 renvois en 2009), le Valais (entre 10 et 15 en moyenne par année, selon Jacques de Lavallaz) et Fribourg (cinq renvois par an, estime Patrick Pochon) ont la dent moins dure. Toutefois, selon la Commission fédérale pour les questions de migration, qui a enquêté sur le sujet, «il existe des indices que la pratique des cantons s’harmonise pour des raisons de jurisprudence nationale et internationale et surtout aussi à cause des débats politiques des dernières années.» Le Neuchâtelois Serge Gamma réfute ce dernier argument: «Nous ne ressentons aucune pression politique, et n’avons donc pas changé de pratique. » Une pratique qui, selon les responsables cantonaux des migrations, ne devrait pas non plus sensiblement changer à l’avenir, quel que soit le résultat des votations. «Sans doute serons- nous amenés à prononcer davantage de renvois, mais cela ne signifie pas forcément que plus de renvois seront exécutés, prédit Serge Gamma. Tant que nous n’aurons pas d’accord de réadmission avec tel ou tel Etat, nous n’y renverrons personne.»

Serge Gumy dans la Liberté

Les pionnières de l'intégration

Alors que le débat sur l’immigration enflamme l’Allemagne, le projet des «mères de quartier» est une réussite depuis sa création en 2004. Reportage dans un quartier de Berlin où elles facilitent l’intégration par l’apprentissage de la langue et l’éducation.

Yasmin et Perwin sont venues poser devant la lourde silhouette prussienne de la mairie de l’arrondissement berlinois de Neukölln. Une revue féminine s’intéresse à ces nouvelles héroïnes «allemandes» de l’intégration et au projet pour lequel elles travaillent: l’association des «mères de quartier» de Neukölln, un quartier où la moitié des 300 000 habitants est d’origine étrangère et un quart vit de l’aide sociale. Né en 2004, ce réseau forme et emploie des femmes issues de l’immigration. Trente heures par semaine, celles-ci vont aider d’autres femmes migrantes à faire face à leurs problèmes quotidiens.

Difficultés avec la langue
L’impulsion qui a donné naissance aux «Stadtteilmutter » est venue d’une conférence sur les difficultés de l’enfance à Neukölln, organisée en 2000. Bilan: une connaissance insuffisante de l’allemand (un enfant sur six à Berlin et presque 50% des enfants issus de l’immigration turque et arabe) avec les conséquences qu’on imagine sur leur développement psychomoteur et leurs chances de réussite scolaire. Le projet des mères de quartier, qui a déjà permis de former et salarier 180 femmes, a donc été conçu pour améliorer le niveau des connaissances linguistiques et éducatives des familles migrantes «socialement éloignées». Pour accélérer le processus de «désenclavement social», les initiateurs ont misé sur le contact privilégié entre femmes de même langue et de même culture et sur le rôle prescripteur des femmes dans l’espace familial. La zone d’intervention de Yasmin est la «Gropius Stadt», un coin socialement chaud: «Les familles que j’aide ont effectivement des difficultés avec la langue, l’administration et ont du mal à s’orienter dans cette société qui n’est pas la leur. Mais leurs problèmes sont banalement quotidiens: comment améliorer mon allemand, quelle maternelle vais-je choisir pour mes enfants, comment réagir face à l’utilisation de l’Internet, comment dois-je formuler ma lettre à l’Agence pour l’emploi? Rarement, il est question de voile ou de religion», assure la jeune femme, estimant qu’il est urgent que les Allemands et étrangers apprennent enfin à se connaître et à vivre ensemble.

Metropolis Award en 2008
En six ans, les mères de quartier de Neukölln ont pu atteindre près de 3000 familles. Le projet marche tellement bien qu’il a été repris dans d’autres villes d’Allemagne et a reçu le «Metropolis Award 2008», attribué par l’association des grandes métropoles mondiales: «Le maire social-démocrate de Neukölln a été propulsé héros de l’intégration par son parti depuis que le débat fait rage», explique Jean- Philippe Laville, français installé dans le quartier depuis 35 ans et vice-président de la Fondation des citoyens de Neukölln qui finance de petits projets sociaux et artistiques: «En fait, c’est un homme typique de ce quartier ouvrier, qui ne s’est jamais occupé des débats sur la culture dominante ou le multiculturalisme mais qui a su reconnaître les problèmes de son quartier et faire confiance aux initiatives locales.» Jusqu’à la fin des années 1980, l’Allemagne n’a jamais ressenti le besoin de développer une culture de l’intégration. Le premier gouvernement d’Helmut Kohl avait même commencé à offrir, sans grand succès, des primes de retour aux travailleurs venus à la fin des années 1950.

Education politique
Après la chute du Mur de Berlin et la guerre en Yougoslavie, l’Allemagne a connu de forts mouvements migratoires. C’est là que le problème de l’intégration a commencé à se poser. Le gouvernement Schröder, avec une nouvelle loi sur l’immigration et la réforme du code de la nationalité (passage partiel du droit du sang au droit du sol en 1999), a posé les jalons d’une politique d’intégration. Mais celle-ci est encore balbutiante. Ce n’est que depuis peu que des projets d’intégration plus solides, comme les mères de quartier, voient le jour. Bien qu’ayant terminé son contrat de trois ans et demi, Perwin, originaire du Kurdistan irakien, continue à s’engager dans le projet sur une base horaire. Elle travaille aussi pour une association qui organise des visites du quartier. «Il est rare que les mères de quartier retournent au foyer. La plupart reprennent des études», précise-t-elle fièrement. Elle se réjouit de participer au prochain module de formation demandé par les Stadtteilmutter elles-mêmes. Au programme: de l’éducation politique! Car ces migrantes ont redécouvert le pouvoir de la parole et ne veulent plus s’en priver. Perwin et Yasmin, toutes deux de nationalité allemande, sourient à l’idée d’entrer peut-être un jour au Conseil municipal de Neukölln.

Un article signé Thomas Schnee, Berlin, pour la Liberté