mercredi 17 janvier 2007

Accueillir et encourager ou imposer un contrat unilatéral?

Lire l'opinion de JACQUES DEPALLENS, Municipal, président de la CISE (Commission d’Intégration Suisses Etrangers) Renens parue dans 24heures
Danger! Confusions en cours! Les mêmes mots n’ont plus le même sens… Tenez! La notion d’inté­gration, en train d’être grossière­ment dérobée à une vision hu­maniste, active et respectueuse des différences, par une armada de responsables politiques allant de l’UDC à la droite du Parti socialiste suisse (hélas domi­nante en Suisse alémanique), en passant par les hauts fonction­naires de l’Office fédéral des mi­grations, d’obédience bloché­rienne.
Après les votations du 24 sep­tembre, voici, sous couvert d’un plan d’intégration, le retour en force d’une politique musclée d’assimilation. Elle prétend dé­terminer «le degré d’intégra­tion » des étran­gers vivant en Suisse, mesurer leur maîtrise linguistique, dans le but avoué de sta­tuer sur l’octroi ou la prolonga­tion d’un permis B, C, ou une naturalisation.
Il y aura, si on n’arrête pas ces «cerveaux», un label fédéral de compétences linguistiques «suf­fisantes ou insuffisantes», de connaissances civiques accepta­bles ou trop lacunaires. L’admi­nistration prétend pouvoir trier entre les bons étrangers intégra­bles et les migrants jetables, inaptes à la vie en Suisse. Bon­jour les dégâts, les frais d’exper­tise et de recours. Avec des tests inapplicables, portant sur un do­maine trop complexe pour être mesuré.
Chacun de nous connaît au moins deux ou trois exemples d’immigrés (ou d’Alémaniques), des aigles dans leur profession, mais qui parlent toujours notre langue de façon sympathique et approximative. Le plus renommé des entraîneurs de juniors du FC Renens, ouvrier d’usine apprécié, a reçu, avec d’autres «coaches», le mérite de l’intégration à Re­nens. Pour leur belle réussite hu­maine et sportive dans l’encadre­ment de jeunes footballeurs ve­nus de quatre continents. Cet Espagnol parlait aux joueurs à peu près ainsi: «Mustafa! Si tou tchoute’el ballonne del pié gotch, tou marqué ounn’gol souperbe!» Avec les règles absurdes qui se préparent et s’appliquent déjà dans certaines communes, ce ci­toyen méritant pourrait, malgré sa médaille, mettre une croix sur le renouvellement de son permis C ou sa demande de naturalisa­tion, à cause de ses lacunes en français écrit, voire oral! D’ac­cord pour des cours de français vivants, des subventions aux as­sociations bénévoles, leaders dans le domaine linguistique (Français en Jeu, Lire et Écrire, Franc Parler, à Renens). Des asso­ciations qui dosent subtilement apprentissage du français et inté­gration au quotidien (leçons sur le travail, la santé, le logement, l’école, les assurances, les impôts, le syndicat, la culture, les sports, etc.) Oui à des incitations aux cours: subsides aux élèves, amé­nagement du temps de travail.
Mais, de grâce, pas de thermo­mètre fédéral de l’intégration, in­troduit par un Département qui «excelle» plutôt dans la multipli­cation des discriminations entre populations d’origine euro­péenne et du reste du monde*. Un vrai poison pour tout proces­sus soucieux d’intégration!
Vivre ensemble, connaître les autres, aller à leur rencontre, en­courager les non-francophones à aimer, à apprendre notre langue et à nous connaître dans nos us et coutumes respectifs, voilà la politique d’intégration à mener.
Et ce ne sont pas des pratiques excluantes de contrats et de con­traintes sommaires qui mettront en harmonie les différents sec­teurs formant notre précieux tissu social!
* M. Mario Gattiker, premier responsable de l’intégration au sein de l’OFM, parle volontiers, à propos de simples questions de clientèle-cible pour les cours de langue, de «groupes à risque», comme s’il s’agissait de sida ou de grippe aviaire… («Terra Cognita», 9-2006)