Pour que le foyer lausannois n’abrite plus de délinquants, l’Etat et l’EVAM songent à en faire un sleep-in.
Mardi à l’aube, la police lausannoise effectuait une descente dans le foyer de Vennes, à Lausanne, tenu par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Et la récolte a été remarquable: drogue, argent, quantité de téléphones portables et divers objets apparemment volés. Mais ce qui surprend, c’est la proportion de requérants d’asile déférés au procureur pour recel ou trafic de drogue. Sur 91 résidents, 44 sont fortement soupçonnés. Presque la moitié.
Comment est-ce possible? Et surtout, comment éviter que le foyer financé par des autorités publiques ne se transforme en lieu de recel et en base arrière pour des voleurs ou des trafiquants?
Le directeur de l’EVAM, Pierre Imhof, planche avec d’autres sur une piste: «On pourrait transformer le foyer de Vennes en une sorte de sleep-in, où les résidents n’auraient ni lit attribué ni armoire. Ils devraient aussi quitter les lieux la journée en emportant tous leurs biens. Mais nous devons étudier si de telles mesures ne se heurtent pas au droit constitutionnel. En outre, nous serions contraints de traiter tout le monde de cette façon, pas seulement les personnes soupçonnées.» Le chef du département en charge de l’Asile, Philippe Leuba, confirme: «Nous travaillons sur cette hypothèse depuis le début de l’été, mais elle pourrait se heurter à des dispositions de la Constitution suisse et vaudoise. Il va de soi que nous abandonnerons cette idée si nous arrivons à la conclusion qu’elle contrevient à ces textes.»
Un centre «à risques»
Pierre Imhof précise que le foyer de Vennes est un cas particulier: «Il constitue un centre à risques, car il n’abrite que des hommes seuls qui sont à l’aide d’urgence. C’est le seul de cette catégorie dans le canton de Vaud. Sur le point d’être expulsés, ces requérants ne touchent que de l’aide matérielle, mais pas d’argent. Ils n’ont d’autre perspective que d’être renvoyés. Ils n’ont pas le droit de travailler. Ils n’ont donc rien à perdre.» Le directeur note également que la proximité du cœur de Lausanne renforce la tentation de se livrer au trafic de drogue. Il relève que les familles de migrants à l’aide d’urgence ou les requérants qui gardent un espoir d’être régularisés ne se comportent pas de la même façon.
Philippe Leuba souligne aussi la singularité de Vennes: «80% des résidents viennent de pays avec lesquels la Suisse n’a pas d’accord de réadmission. Ils restent donc là des mois, voire des années. Voilà pourquoi je demande aux autorités suisses depuis mars 2010 de mettre sur pied une stratégie gouvernementale visant à faciliter le retour.»
Selon Pierre Imhof, le produit du vol et du trafic est surtout destiné à envoyer de l’argent dans les familles restées au pays. Preuve en est que les requérants restent dans ce foyer, où les conditions sont spartiates: ils dorment jusqu’à cinq dans la même chambre. «L’ennui, c’est qu’une centaine de délinquants jettent le discrédit sur les 900 personnes à l’aide d’urgence, et plus généralement sur les 4500 personnes assistées par l’EVAM.» Ce dernier a prévenu la police de cas de trafic à Vennes. Or, parallèlement, la police lausannoise soupçonnait d’autres résidents. D’où la décision d’une grosse intervention, qui a mobilisé 148 policiers. «C’est la politique que j’ai définie pour l’EVAM, explique Philippe Leuba. nous devons pratiquer la tolérance zéro. A la moindre suspicion de trafic, nous prévenons la police. Nous savons que la délinquance de quelques- uns nuit à la politique d’asile en favorisant les amalgames que font certains.» Et le conseiller d’Etat de poursuivre: «Une arrestation peut provoquer deux réactions: certains diront que cela démontre la délinquance, mais cela démontre surtout que l’Etat lutte fermement contre cette délinquance.»
Justin Favrod dans 24 Heures
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Dans le monde politique, les réactions sont diverses. «C’est terrible, c’est le système qui pousse ces personnes au trafic de drogue. C’est la manière de traiter les NEM (non-entrée en matière) qui pose problème», estime Sandrine Bavaud, députée Verte. Même topo chez la présidente des socialistes, Cesla Amarelle: «Il faut des programmes d’occupation.» A Amnesty International, Denis Graf martèle: «En les mettant toute la journée dehors, on ne fait qu’accroître le problème. Il faut former les NEM pour qu’ils puissent vivre dans leur pays une fois renvoyés.»
Jacques-André Haury, président des Vert’libéraux, sourit jaune: «Ma première réflexion a été: «Tiens, tiens, comme par hasard, cela arrive juste avant les élections!» Mais je suis surtout attristé qu’une fois de plus, notre politique d’asile est salie par des affaires de délinquance.»
Fabrice Moscheni, président de l’UDC Vaud, lui, approuve: «Cela fait partie d’une reprise en main qu’il faut saluer. La loi doit être respectée. Elle est faite pour protéger les plus faibles et il faut donner les moyens à la police.»
Pour Gérald Cretegny, syndic de Gland, «la police a fait son travail, et c’est tant mieux. Mais il ne faut pas extrapoler la situation de Vennes à tous les centres de l’EVAM. Cela dit, certains migrants jouent avec le feu.» Municipale de Police à Nyon, la PLR Elisabeth Ruey-Ray juge que «l’EVAM n’est pas laxiste, mais soumis à des règles. A Nyon, il collabore avec la police, mais, derrière tout ce trafic, il y a des gens bien organisés, et les requérants sont des cibles faciles.»
24 Heures