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vendredi 7 octobre 2011

«Les requérants pourraient ne plus avoir ni lit attribué ni armoire»

Pour que le foyer lausannois n’abrite plus de délinquants, l’Etat et l’EVAM songent à en faire un sleep-in.

Mardi à l’aube, la police lausannoise effectuait une descente dans le foyer de Vennes, à Lausanne, tenu par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Et la récolte a été remarquable: drogue, argent, quantité de téléphones portables et divers objets apparemment volés. Mais ce qui surprend, c’est la proportion de requérants d’asile déférés au procureur pour recel ou trafic de drogue. Sur 91 résidents, 44 sont fortement soupçonnés. Presque la moitié.

Comment est-ce possible? Et surtout, comment éviter que le foyer financé par des autorités publiques ne se transforme en lieu de recel et en base arrière pour des voleurs ou des trafiquants?

Le directeur de l’EVAM, Pierre Imhof, planche avec d’autres sur une piste: «On pourrait transformer le foyer de Vennes en une sorte de sleep-in, où les résidents n’auraient ni lit attribué ni armoire. Ils devraient aussi quitter les lieux la journée en emportant tous leurs biens. Mais nous devons étudier si de telles mesures ne se heurtent pas au droit constitutionnel. En outre, nous serions contraints de traiter tout le monde de cette façon, pas seulement les personnes soupçonnées.» Le chef du département en charge de l’Asile, Philippe Leuba, confirme: «Nous travaillons sur cette hypothèse depuis le début de l’été, mais elle pourrait se heurter à des dispositions de la Constitution suisse et vaudoise. Il va de soi que nous abandonnerons cette idée si nous arrivons à la conclusion qu’elle contrevient à ces textes.»

Un centre «à risques»

Pierre Imhof précise que le foyer de Vennes est un cas particulier: «Il constitue un centre à risques, car il n’abrite que des hommes seuls qui sont à l’aide d’urgence. C’est le seul de cette catégorie dans le canton de Vaud. Sur le point d’être expulsés, ces requérants ne touchent que de l’aide matérielle, mais pas d’argent. Ils n’ont d’autre perspective que d’être renvoyés. Ils n’ont pas le droit de travailler. Ils n’ont donc rien à perdre.» Le directeur note également que la proximité du cœur de Lausanne renforce la tentation de se livrer au trafic de drogue. Il relève que les familles de migrants à l’aide d’urgence ou les requérants qui gardent un espoir d’être régularisés ne se comportent pas de la même façon.

Philippe Leuba souligne aussi la singularité de Vennes: «80% des résidents viennent de pays avec lesquels la Suisse n’a pas d’accord de réadmission. Ils restent donc là des mois, voire des années. Voilà pourquoi je demande aux autorités suisses depuis mars 2010 de mettre sur pied une stratégie gouvernementale visant à faciliter le retour.»

Selon Pierre Imhof, le produit du vol et du trafic est surtout destiné à envoyer de l’argent dans les familles restées au pays. Preuve en est que les requérants restent dans ce foyer, où les conditions sont spartiates: ils dorment jusqu’à cinq dans la même chambre. «L’ennui, c’est qu’une centaine de délinquants jettent le discrédit sur les 900 personnes à l’aide d’urgence, et plus généralement sur les 4500 personnes assistées par l’EVAM.» Ce dernier a prévenu la police de cas de trafic à Vennes. Or, parallèlement, la police lausannoise soupçonnait d’autres résidents. D’où la décision d’une grosse intervention, qui a mobilisé 148 policiers. «C’est la politique que j’ai définie pour l’EVAM, explique Philippe Leuba. nous devons pratiquer la tolérance zéro. A la moindre suspicion de trafic, nous prévenons la police. Nous savons que la délinquance de quelques- uns nuit à la politique d’asile en favorisant les amalgames que font certains.» Et le conseiller d’Etat de poursuivre: «Une arrestation peut provoquer deux réactions: certains diront que cela démontre la délinquance, mais cela démontre surtout que l’Etat lutte fermement contre cette délinquance.»

Justin Favrod dans 24 Heures

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descente du siècle

Dans le monde politique, les réactions sont diverses. «C’est terrible, c’est le système qui pousse ces personnes au trafic de drogue. C’est la manière de traiter les NEM (non-entrée en matière) qui pose problème», estime Sandrine Bavaud, députée Verte. Même topo chez la présidente des socialistes, Cesla Amarelle: «Il faut des programmes d’occupation.» A Amnesty International, Denis Graf martèle: «En les mettant toute la journée dehors, on ne fait qu’accroître le problème. Il faut former les NEM pour qu’ils puissent vivre dans leur pays une fois renvoyés.»

Jacques-André Haury, président des Vert’libéraux, sourit jaune: «Ma première réflexion a été: «Tiens, tiens, comme par hasard, cela arrive juste avant les élections!» Mais je suis surtout attristé qu’une fois de plus, notre politique d’asile est salie par des affaires de délinquance.»

Fabrice Moscheni, président de l’UDC Vaud, lui, approuve: «Cela fait partie d’une reprise en main qu’il faut saluer. La loi doit être respectée. Elle est faite pour protéger les plus faibles et il faut donner les moyens à la police.»

Pour Gérald Cretegny, syndic de Gland, «la police a fait son travail, et c’est tant mieux. Mais il ne faut pas extrapoler la situation de Vennes à tous les centres de l’EVAM. Cela dit, certains migrants jouent avec le feu.» Municipale de Police à Nyon, la PLR Elisabeth Ruey-Ray juge que «l’EVAM n’est pas laxiste, mais soumis à des règles. A Nyon, il collabore avec la police, mais, derrière tout ce trafic, il y a des gens bien organisés, et les requérants sont des cibles faciles.»

24 Heures

samedi 13 août 2011

La réponse tiède de l’ODM aux policiers

Dans sa lettre, le patron de l’Office fédéral des migrations admet des couacs au niveau de l’information. Mais il renvoie surtout la balle aux cantons, en rappelant que l’exécution des renvois est de leur ressort.

Sévèrement critiqué par la Fédération suisse des fonctionnaires de police (FSFP), qui l’accuse de ne pas écouter ses doléances et d’avoir menti à propos du déroulement d’un «vol spécial», l’Office fédéral des migrations (ODM) répond. Dans sa lettre envoyée le 10 août, son patron, Alard du Bois-Reymond, admet à demi-mot des couacs au niveau de l’information. Mais il renvoie surtout la responsabilité aux cantons.

Le 7 juillet, des images de 10vor10 montraient deux policiers frappant des requérants déboutés lors de l’embarquement d’un «vol spécial». Quelques heures plus tôt, l’ODM signalait que le vol à destination du Nigeria s’était déroulé sans incident. Un communiqué resté en travers de la gorge des policiers, qui disent craindre pour leur sécurité. Deux Nigérians n’avaient ce jour-là pas pu être renvoyés parce qu’ils s’étaient rebellés. Dans sa lettre, le patron de l’ODM explique que le vol et la remise des requérants aux autorités nigérianes se sont bien passés et qu’il avait été convenu que la police cantonale zurichoise informe à propos de l’embarquement, en cas de demandes. Mais, «avec le recul, il est clair qu’il aurait été mieux d’évoquer aussi les événements survenus lors de l’embarquement dans le communiqué», finit-il par admettre.

«Scandaleux»

Les policiers mentionnaient aussi un autre vol vers le Nigeria. Celui du 17 novembre 2009, «qui avait abouti à un fiasco sur le plan de l’organisation et de la sécurité». Se sentant menacés, ils revendiquent des «mesures coercitives appropriées à la situation», dont l’usage de menottes métalliques. «Il est scandaleux que certaines personnes se permettent de commettre des destructions dans l’avion et prennent la liberté de cracher au visage des forces de l’ordre, de les insulter et de les agresser physiquement, en vue d’échapper à une expulsion exécutoire vers leur pays d’origine», écrivaient-ils.

A la SonntagsZeitung, l’ODM précisait que les requérants expulsés seraient à nouveau attachés plus fermement. Mais dans sa missive, Alard du Bois-Reymond botte le problème en touche. Il rappelle que l’exécution des renvois incombe aux cantons . Et que c’est donc à eux que les policiers doivent en premier lieu adresser leurs doléances. Voilà qui annonce de nouvelles tensions. Contactée, la FSFP ne souhaite pas réagir. «Nous réglerons cela entre nous», nous répond-on.

Valérie de Graffenried dans le Temps

samedi 6 août 2011

Expulsions forcées: la révolte des policiers

Dans une lettre que s’est procurée «Le Temps», la Fédération suisse des fonctionnaires de police accuse l’Office fédéral de migrations de ne pas écouter ses doléances et de mentir. La FSFP affirme que les policiers ne sont pas assez en sécurité lors des vols spéciaux.

Les policiers se rebellent. Après les images choquantes de «10 vor 10», le 7 juillet dernier, montrant deux policiers frappant un requérant débouté sur le tarmac de l’aéroport de Zurich, ils montent aux barricades pour se défendre. Dans une lettre de trois pages que Le Temps s’est procurée, la Fédération suisse des fonctionnaires de police (23 000 membres) déplore les problèmes de sécurité que les policiers peuvent rencontrer lors des expulsions forcées. Et accuse l’Office fédéral des migrations (ODM) de mensonge.

La lettre est datée du 22 juillet 2011. Elle est adressée à l’ODM et envoyée en copie à Micheline Calmy-Rey, Simonetta Sommaruga et à différentes institutions policières. Le ton est vif. La FSFP rappelle être déjà intervenue, par missive, à propos du vol spécial du 17 novembre 2009 vers le Nigeria, «lequel avait abouti à un fiasco sur le plan de l’organisation et de la sécurité». «Seul le hasard a voulu que personne n’y soit sérieusement blessé», révèle la lettre, en parlant de policiers «qui ont dû mettre en jeu leur intégrité physique dans le cadre des instructions reçues». Elle n’évoque à aucun moment le sort des requérants et encore moins la mort, en mars 2010, d’un Nigérian sur le tarmac de Kloten. Suite à ce drame, l’ODM a suspendu provisoirement les vols spéciaux. Pour réfléchir aux moyens d’éviter de nouveaux incidents graves.

«Apparemment les leçons des erreurs commises n’ont pas su être tirées. Avec la reprise des rapatriements à destination du Nigeria le 7 juillet 2011, les problèmes, les chaos, les détériorations et la violence ont été à nouveau de la partie», déplore la FSFP. «Cette situation est inacceptable (le mot est en gras dans la lettre, ndlr). Il est intolérable d’exploiter la volonté inépuisable de nos membres d’intervenir pour la sécurité de notre pays et le maintien de l’ordre – ainsi que de mettre en danger les personnes et les biens – simplement parce que l’on n’ose pas prendre les décisions qui s’imposent», poursuit la lettre. «Nous considérons qu’il est scandaleux que certaines personnes, devant quitter notre pays, se permettent de commettre des destructions dans l’avion et prennent la liberté de cracher au visage des forces de l’ordre, de les insulter et de les agresser physiquement, en vue d’échapper à une expulsion exécutoire vers leur pays d’origine.»

La FSFP ne s’arrête pas là. Elle juge «encore pire» le fait que l’ODM ait annoncé que le vol du 7 juillet s’était déroulé de façon positive et sans le moindre incident. «Cela ne correspond pas à la vérité et vous le savez. Nous nous demandons qui peut se permettre de tirer un tel bilan et de débiter un tel mensonge aux médias et – en fin de compte – à la population. Nous sommes profondément déçus de voir, d’une part, que les mesures de sécurité que nous jugeons absolument indispensables n’ont pas été prises, et d’autre part que les comptes rendus sont apparemment intentionnellement erronés.»

En clair, la FSFP accuse l’ODM d’être responsable du dérapage intervenu lors du dernier vol vers le Nigeria. Mais n’exprime pas de regrets quant aux brutalités policières filmées – un agent a frappé un requérant avec son poing, l’autre avec sa matraque. En raison d’exigences posées par le Nigeria après des mois de palabres, les personnes à expulser étaient moins ligotées que d’habitude donc plus aptes à se débattre.

«Nous sommes convaincus que la décision de prendre des mesures coercitives appropriées à la situation doit exclusivement incomber à la police compétente – bien entendu toujours dans le cadre légal. Comme d’autres pays le pratiquent déjà, le recours à des médicaments pourrait également représenter une possibilité», conclut la FSFP. Contacté, son vice-président, Jean-Marc Widmer, précise: «Lors du vol de novembre 2009, les requérants avaient réussi, cinq minutes avant l’atterrissage à Lagos, à se libérer des liens en plastique, et sont devenus violents. Nous voulons notamment que des menottes métalliques soient utilisées et que les requérants soient remis menottés aux autorités locales.»

L’ODM doit faire face à des critiques grandissantes à propos des vols spéciaux. Si les policiers veulent neutraliser davantage les personnes renvoyées de force, des ONG dénoncent régulièrement le «caractère inhumain» de ces expulsions. Les requérants sont généralement ligotés, ficelés, avec un casque de boxeur sur la tête et sont affublés de langes. Des médecins sont aussi montés au créneau. Le cardiologue Michel Romanens, président de l’association VEMS (Ethique et Médecine), estime que les médecins doivent refuser de cautionner ces vols (LT du 25.03.2011). Notamment parce que les soins, en cas de problèmes, ne peuvent pas être administrés rapidement à quelqu’un d’entravé.

Comment réagit l’ODM à ces nouvelles critiques? Le porte-parole Michael Glauser, visiblement étonné que Le Temps en ait eu vent, se contente de dire que l’ODM fournira une réponse écrite à la FSFP «dans les jours qui viennent». Et ne juge pas utile d’en parler publiquement. Le recours à des médicaments évoqué par les policiers? Il renvoie à la loi sur l’usage de la contrainte qui dit clairement que les médicaments ne peuvent pas être utilisés «en lieu et place de moyens accessoires» et qu’ils ne peuvent être «prescrits, remis ou administrés que selon des indications médicales et par des personnes autorisées à le faire en vertu de la législation sur les médicaments».

L’ODM a-t-il tiré des leçons de l’incident du 7 juillet? Juge-t-il que le dérapage est dû au fait que les requérants étaient moins attachés? La réaction de Michael Glauser tombe, froidement: «La réponse à cette question ne relève pas de la compétence de l’ODM mais du Ministère public du canton de Zurich.»

Valérie de Graffenried dans le Temps