mercredi 3 mai 2006

L'intégration oui, des mesures concrètes non !

Lire l'article de Christiane Imsand dans le Courrier et La liberté
Pour le Département fédéral de justice et police, la campagne concernant la votation du 24 septembre sur la révision des lois sur l'asile et sur les étrangers a démarré hier. Le directeur de l'Office fédéral des migrations (ODM), Eduard Gnesa, ne cache pas en effet que le rapport sur les problèmes d'intégration des étrangers qui a été présenté hier à la presse a notamment pour but de donner une image moins négative des travaux législatifs contestés par la gauche, les oeuvres d'entraide et les Eglises.
C'est ainsi qu'il présente comme une mesure d'intégration l'abaissement à 12 ans de la limite d'âge autorisant le regroupement familial. «L'expérience montre à quel point il est difficile d'intégrer des adolescents qui ne connaissent pas la langue et ne parviennent pas à trouver une place d'apprentissage», souligne le Haut-Valaisan. Il justifie de la même façon la décision de restreindre l'immigration à une main-d'oeuvre qualifiée.

Mandaté par Christoph Blocher, le rapport de l'ODM recense les difficultés auxquelles sont confrontés les étrangers en Suisse: problèmes scolaires, formation professionnelle inachevée de 15 à 20% des jeunes étrangers, taux de chômage trois fois supérieur à celui des Suisses, taux de pauvreté deux fois plus élevé, risque d'invalidité accru, connaissances linguistiques insuffisantes et taux de criminalité supérieur en raison de la proportion importante de jeunes hommes issus de classes sociales défavorisées.
De cet inventaire qui n'a rien d'une poésie à la Prévert, l'ODM tire la conclusion que l'accès à une activité lucrative est la condition sine qua non d'une intégration réussie. Cela suppose une offre de formation suffisante et une entrée précoce dans le système scolaire. «Le but de toute politique d'intégration est l'égalité des chances, note Eduard Gnesa. Il faut intervenir avant que nous ne connaissions les problèmes des banlieues françaises. Avec une population de 1,5 million d'étrangers, la situation peut rapidement devenir explosive».

Une fois le diagnostic posé, l'ODM n'a cependant guère de remèdes à proposer au malade, à l'exception des mesures législatives visant à restreindre l'immigration. Il avoue ne consacrer que 14 millions de francs par année à des mesures d'intégration. Cela lui permet notamment de subventionner des cours de langue destinés aux réfugiés et aux requérants admis à titre provisoire.
«Notre mandat n'était pas de proposer des solutions toutes faites, se défend Eduard Gnesa. Ce rapport sera soumis au Conseil fédéral. C'est à lui qu'il appartient de prendre des mesures». Il note par ailleurs que la plupart des mesures concrètes envisageables sont du ressort des autres départements, en particulier celui de l'Economie qui est responsable de la formation professionnelle. Joseph Deiss appréciera.

Pas question de revenir devant le peuple avec un projet de naturalisation facilitée des jeunes étrangers. Dans un second rapport consacré aux questions de nationalité, l'ODM estime cette mesure inappropriée après le rejet populaire, en 2004, de la procédure proposée pour les jeunes de la 2e et de la 3e générations. Par contre, il encourage les cantons à accorder des facilités aux jeunes qui ont fait au moins 5 ans de scolarité en Suisse et à harmoniser les durées de résidence requises pour leurs aînés. Il s'agit d'éviter qu'un déménagement ne contraigne la personne concernée à repousser de plusieurs années le dépôt de sa demande de naturalisation. «Ces pratiques sont anachroniques et ne tiennent pas compte de la mobilité de la population», affirme Roland Schärer, chef de la section nationalité à l'ODM.

L'intégration des étrangers passe par l'accès au marché du travail

Lire l'article dans Le Temps - Suisse

Gare au syndrome du tiroir

LIre l'édito de Didier Estoppey dans le Courrier
Blocher a beau aimer crier à l'hypertrophie administrative: il adore les rapports. Les deux documents présentés hier par l'Office fédéral des migrations (ODM) ont été commandés à ses services par le conseiller fédéral dès son arrivée à la tête du Département fédéral de justice et police, début 2005. Et viennent s'ajouter à d'autres volumineuses recherches déjà menées sur d'autres aspects de la politique migratoire fédérale. Il est cependant à craindre, vu les premières conclusions qui en sont tirées, que ces deux nouveaux rapports suivent la même direction que leurs prédécesseurs: le tiroir. A l'image de cette autre enquête qui établissait l'an dernier la présence d'au moins 90000 travailleurs clandestins en Suisse. Sans qu'on n'entrevoie la moindre réflexion en vue de leur régularisation.
Dommage. Car le rapport sur l'intégration publié hier par l'ODM est riche en enseignements. Si ceux-ci ne sont pas fondamentalement nouveaux, leur addition, les corrélations à établir entre eux et les pistes esquissées représentent une somme sans précédent en Suisse sur les difficultés du pays à intégrer ses différentes communautés immigrées.
Les étrangers sont, plus que les Suisses, touchés par le chômage et la paupérisation? Les jeunes étrangers sont, plus que leurs contemporains à passeport à croix blanche, exclus de la formation professionnelle et du marché du travail? L'ODM se bornera à dresser l'état des lieux. Et à égrener quelques formules creuses.
Pour le reste: circulez, il n'y a rien à voir. Même s'il est fier d'avoir été désigné en début d'année par le Conseil fédéral pour coordonner la politique suisse d'intégration, le directeur de l'ODM, Eduard Gnesa, avoue benoîtement que son office dispose, en tout et pour tout, de 14millions par année pour venir stimuler les efforts en la matière. Et qu'aucune demande de crédit supplémentaire n'est en vue. A chaque département de réfléchir à ses possibilités, se justifie le haut fonctionnaire. Tout en renvoyant la balle aux cantons et à ce fédéralisme qui fait le génie helvétique.
C'est que l'ODM peine à coordonner ses propres services. Son rapport sur l'intégration se gausse d'une situation finalement satisfaisante, compte tenu du fait que la Suisse est un des pays comptant la plus forte proportion d'étrangers (21,8%). Bizarrement, on ne vient nulle part nous rappeler que ce taux s'explique largement par des procédures de naturalisation particulièrement restrictives en Suisse. Alors que, hasards du calendrier, l'ODM publiait hier aussi un rapport sur les naturalisations. Un rapport dressant, en substance, un constat d'impuissance après le double échec en votation, en 2004, des deux projets de naturalisation facilitée. Tout au plus l'ODM se risque-t-il à encourager les cantons et les communes appliquant encore de longs délais de résidence, en sus des douze ans exigés au plan fédéral, à les réduire.
Dire qu'Eduard Gnesa n'a rien à proposer pour faciliter l'intégration des étrangers serait toutefois mentir. Le chef d'office a eu le cynisme de saisir hier cette nouvelle occasion d'encourager le peuple suisse à accepter en votation, le 24 septembre, les lois sur l'asile et les étrangers.
On voit qui commande à l'ODM. La criminalisation et la répression sont d'ailleurs les seules mesures, ou presque, d'ores et déjà prises au plan fédéral pour répondre aux défis posés par les difficultés d'intégration. Des statistiques policières intercantonales complètes rendront bientôt possibles des comparaisons permettant une meilleure vue de la criminalité étrangère. Et de pondre de nouveaux rapports qui feront sûrement très plaisir à Christoph Blocher.

Intégration des étrangers à améliorer en Suisse

Lire la dépêche de l'ATS
L'Office fédéral des migrations (ODM) préconise de renforcer les mesures pour mieux intégrer les étrangers. Les efforts doivent surtout porter sur la formation professionnelle et le marché du travail, selon deux rapports demandés par le ministre Christoph Blocher.
Le directeur de l'ODM est décidément remarquable dans son rôle de la voix de son maître, face au constat des difficultés d'intégration des étrangers, il ne propose aucune mesure. Mais en profite pour appeler à accepter les durcissements proposés par les lois Blocher. Sûr qu'en refusant l'aide sociale à des requérants déboutés on va beaucoup favoriser leur intégration...
Lire aussi l'édito de Didier Estoppey

Les requérants d’asile à l’assaut des bus, poubelle à la main et sourire aux lèvres


PASSAGE ÉCLAIR Dans son gilet blanc, le requérant mandaté pour l’opération Bus: Net dispose de quelques dizaines de secondes pour ramasser les déchets et vider les poubelles sous le regard des passagers. S’il s’éternise, il part avec le bus. / PHOTOS CHRIS BLASER

Ci-dessous l'article de Laurent Antonoff dans 24heures
L’opération Bus: Net est lancée conjointement par les TL et par la Fareas. Si les usagers font bon accueil aux nettoyeurs, elle sera reconduite, voire élargie. Bilan dans deux moi


On se croirait presque dans un stand de Formule 1. Les trolleybus arrivent à l'arrêt de Saint-François à un rythme plus que soutenu. Des articulés. Des avec remorques. Des oranges. Des blancs. Des verts. Poubelle en plastique bleue à la main, casquette vissée sur la tête et gilet blanc sur les épaules, l'équipe de requérants-nettoyeurs est fin prête. Le bus stoppe. Les hommes - et une femme - s'engouffrent dans les bus. Leur mission: nettoyer les véhicules en un temps record, entre 15 et 20 secondes, sous peine de devoir faire un bout de chemin avec les usagers, jusqu'au prochain arrêt. L'opération «Bus: Net» (24 heures du 28 avril), lancée conjointement par les Transports publics de la région lausannoise (TL) et la Fareas, a commencé ce mardi à Lausanne. Trois deux un: poutzez!

Sur les bancs en bois, le long de l'église Saint-François, les usagers attendent aussi les bus. On commente peu l'opération en cours. On est pressé. On a chaud. Un couple d'Africains lève les yeux au ciel, en apprenant que d'autres Africains touchent 300 francs par mois pour cette occupation. Une femme âgée trouve l'idée «sympathique». Parmi eux, des personnes se montrent plus intéressées. Normal. Elles sont responsables aux TL et à la Fareas. On parle image. «Il faut considérer cette opération comme un programme anti-désœuvrement. L'image ainsi donnée des requérants est meilleure que s'ils ne faisaient rien de leur journée. Cela fait partie de leur intégration dans la société», avance François Chevalier, responsable des programmes d'occupation et de l'entité «emploi» de la Fareas. Du côté des TL, après quelques heures de Bus: Net, on dispose déjà d'un retour des usagers. «Que du positif.» François Longchamp, responsable de projets: «C'est un petit plus que nous offrons à nos clients. Une touche de convivialité et de sourire. C'est friendly.»

C'est à la Fareas que revient l'initiative de l'opération Bus: Net. L'équipe est composée de neuf requérants d'asile, tous volontaires. Ils montent par équipes de deux dans les bus et ramassent cannettes, bouteilles vides et journaux gratuits. On ne parle pas de «nettoyage» mais de «surqualité.» Nuance. Pesée du mardi matin: 25 kg de détritus collectés, tout de même. Le travail de 20 heures par semaine, rémunéré 300 francs, a fâché tout rouge le syndicat SUD, accusant les organisateurs de pratiquer du dumping salarial (24 heures d'hier). «Il y a un malentendu. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un travail. Un contrat de partenariat a été établi avec chaque requérant.» L'opération devrait durer huit semaines. Un bilan sera alors dressé. Sur cette base, Bus: Net sera reconduit, voire élargi. Ou arrêté.