mercredi 2 février 2011

Dans le quotidien des demandeurs d'asile

Dans les centres d'accueil européens, les demandeurs d'asile vivent dans la précarité, la promiscuité et l'incertitude du lendemain. Chacun s'organise à sa manière en attendant d'être autorisé à rester ou pas, le plus souvent… Reportage en Allemagne.
Les nuits se suivent et se ressemblent dans les centres pour demandeurs d’asile en Europe. Ici en Allemagne, dans les chambres, les pensionnaires dorment sur des lits en fer à étage. L’administration les rassemble généralement par groupes de six ou huit en fonction de leurs nationalités, couleur de peau, régions d'origine ou religions. Certaines chambres regroupent exclusivement des Gambiens, des Nigérians, des Somaliens, des Afghans, des Irakiens… Elles se transforment dès lors assez souvent en ‘villages’, où presque tous les occupants parlent le même dialecte ou la même langue.

Le partage est ici une règle d’or. Il n'est pas rare que les occupants d’un même couloir se prêtent un accessoire de cuisine. Quant aux mégots de cigarette et aux briquets, ils passent d’une main à l’autre. Mais tout n'est pas gratuit, loin de là… Fauchés, les demandeurs vendent tout ce qu'ils possèdent pour s'acheter des cigarettes ou avoir de quoi cuisiner. Certains vont de chambre en chambre proposer des vêtements à 1 euro, des portables de grandes marques à 20 euros ou des montres à des prix parfois symboliques.

Les candidats à l'asile reçoivent 40 euros par mois de l’administration pour renouveler leurs accessoires de toilette et téléphoner à leurs familles. Ils en font généralement un tout autre usage… Les 72 heures qui suivent les jours de ‘paie’, la bière achetée en ville coule à flot dans les chambres et des bagarres éclatent quelquefois, nécessitant l’intervention de la police. ‘Ici, c'est un No man's land. Chacun pense qu'il peut faire ce qu'il veut !’, estime un Somalien. Un Gambien ajoute : ‘Avant mon départ, on m'avait dit que j'aurais ici une chambre pour moi tout seul et environ 400 euros le mois. J'avais prévu d'envoyer la moitié de cet argent au pays. Mes 40 euros ne me permettent même pas de fumer à volonté…’

La promiscuité est parfois pesante. Les bruits incessants dans les couloirs perturbent le sommeil et la tranquillité. Malgré l'interdiction, des demandeurs y jouent au ballon, font de la musique, dansent et rient jusque tard dans la nuit. ‘C'est notre seul moyen de rester connecté au pays et d'éviter le stress. Que pourrions-nous bien faire d'autre ici en attendant que notre situation soit examinée par les autorités ?’, justifie un jeune Algérien.

En mal de nouvelles du pays, les demandeurs fréquentent régulièrement les cybercafés de la ville. Il n’est pas rare d'entendre certains, qui, seuls dans leurs lits, se lamentent sur la réalité de la vie en Europe. ‘Si j'avais su, je n'aurais jamais quitté mon pays !, crie un Nigérian. J'ai dû emprunter de l'argent pour le voyage, croyant trouver ici du travail à tous les coins de rue. Et me voilà coincé, sans papiers’. Certains demandeurs ont marché dans le désert, traversé la Méditerranée dans des pirogues artisanales et transité par de nombreux pays avant d'entrer en Europe.

Le récit qu'ils doivent faire aux autorités pour justifier leur présence et obtenir le statut de réfugié et un titre de séjour en embarrasse plus d’un. ‘Nous devons, à chaque fois, apporter des preuves et nous n'en avons pas’, s’inquiète un Somalien. Un point sur lequel s’appuient souvent les autorités pour rejeter la plupart des demandes. ‘Des gens arrivent, se présentent comme originaire de tel ou tel pays, mais n'ont aucune pièce pour justifier cette nationalité. Ils vous racontent des histoires abracadabrantes et rocambolesques sur les motifs de leur départ sans être en mesure d'en apporter la moindre preuve’, explique, sous anonymat, un fonctionnaire d'un centre d’accueil allemand pour demandeurs d’asile.

Après quelques semaines en centre d'accueil, les demandeurs sont généralement affectés dans un camp où ils guettent la décision finale. En attendant le droit de séjourner ou non, certains courent après les Européennes, espérant un hypothétique mariage ou devenir parent d'un enfant, ce qui, croient-ils, leur donnera plus de chances de rester. Une ultime tentative, le plus souvent vaine…

Oumarou Doukali, Syfia, pour WalFadjri

Le village belge va accueillir 400 demandeurs d'asile

«Le tourisme est notre ressource première. C’est l’activité économique principale. Professionnels et villageois craignent évidemment qu’en terme d’image, Herbeumont paie le prix fort», explique la bourgmestre.

«Nous allons donc dresser un état des lieux des réservations (hôtels, gîtes, campings) à cette même date en 2010 et comparer avec 2011. Nous ferons également un bilan à la fin de la saison. S’il s’avère que nous avons pâti de l’installation du centre, évidemment, nous demanderons des aides compensatoires. Ce n’est pas gagné : rien n’est prévu dans la loi. Mais s’il le faut, nous nous battrons » a déjà prévenu Catherine Mathelin.

La sécurité
Il n’y a qu’une policière municipale «de proximité» à Herbeumont. Ce sont donc les policiers et forces de l’ordre des villes voisines (Bouillon, Florenville, Bertrix…) qui seront amenées à intervenir en cas de problème. «Moi qui avais l’habitude de ne pas fermer à clef, je sais ce qui me reste à faire», soupire une commerçante. «Ce ne sont pas délinquants» plaide l’élue. "Certes. Mais que vont-ils faire de leurs journées ? N’y aura-t-il pas des problèmes entre familles de nationalités différentes ? Et s’il y a des frictions avec des gens d’ici ?" s’inquiète la patronne d’un café. Un de ses clients enchaîne : «S’ils s’énervent dès qu’on les regarde de travers comme c’est déjà arrivé ailleurs !» Un autre client évoque lui le risque de voir certains «travailler au noir pour des salaires de misère». Un dernier évoque la proximité de la France (on est ici à 20 km de Sedan) : «Je suis certain que certains n’auront qu’une envie : c’est de passer la frontière et de filer vers le tunnel sous la Manche.» Dans ce café, la même phrase revient sans cesse : «On n’est pas racistes. Mais 400 dans un village de 500 habitants, c’est de la folie.»

L’emploi
C’est le personnel du centre Eurovillage qui assurera la restauration et l’entretien (9 employés).Par ailleurs, la Croix-Rouge va embaucher une vingtaine de personnes (notamment des travailleurs sociaux à même d’accompagner les demandeurs d’asile dans leurs démarches, et les encadrer au quotidien – cours de langue, informatique, etc.

Qui ?
Ces 400 demandeurs d’asile représentent environ 40 nationalités (Europe de l’est, Balkans, Afrique).  Il y a de personnes seules et des familles. Les enfants seront scolarisés sur place (dans le centre même) et les plus de 12 ans accueillis dans des collèges à Bertrix et Florenville.
On recense 20.000 demandeurs d’asile en Belgique.

Comment ?
Ce centre d’accueil est prévu pour fonctionner un an. «Mais j’ai des doutes : le délai d’instruction des demandes d’asile est en Belgique de 12 à 15 mois en moyenne», nuance la bourgmestre. En pratique, la question des «sans papiers» et des «demandeurs d’asile» est gérée par le gouvernement fédéral (un dossier réparti entre plusieurs ministères). La gestion des centres est déléguée à la Croix-Rouge.

Eurovillage
Composé d’un bâtiment principal abritant des chambres de type hôtelier et des services communs, ainsi que de plusieurs dizaines de bungalows (en fait, des petits chalets recouverts d’ardoise), Eurovillage a été construit il y a une bonne vingtaine d’années sur les hauteurs du village (à 1,5 km du centre). Il est géré par une société privée (à capitaux flamands). Sa capacité théorique est de 270 places. Ces derniers jours, des lits ont été ajoutés dans les bungalows pour atteindre les 400 places. «Pour les dirigeants d’Eurovillage, c’est tout bénéfice. L’Etat paie rubis sur l’ongle, et le taux de remplissage sera de 100 % !» commente un hôtelier situé dans le cœur du village. Mais cette formule est au final moins coûteuse pour le gouvernement (par rapport à des hôtels «classiques»).

L'Union Champagne/Ardenne/Picardie