mercredi 24 septembre 2008

Expulsion d'une famille vaudoise



Diplômé, bien noté, payant ses impôts, Xavier reste un clandestin

MIGRANTS - En Suisse depuis 1997, un couple d'Equatoriens sans papiers et ses deux filles doivent quitter le territoire à la fin du mois. Fait marquant, le père a obtenu en toute légalité un CFC de sommelier et un titre menant à la patente. Une pétition a été remise hier au Grand Conseil.


MARTINE CLERC

Xavier Guanoluisa ne comprend pas. «Je suis déçu, avec tout ce que nous avons fait pour nous intégrer. Mais je vais continuer à me battre», explique-t-il dans un français impeccable. Accompagné de son épouse et de ses deux petites filles, il a déposé, hier au Grand Conseil, une pétition garnie de 1150 signatures «pour que la famille puisse poursuivre sa vie dans le canton de Vaud».

Xavier Guanoluisa est arrivé en Suisse il y a onze ans. Lui et son épouse ont, depuis, travaillé sans discontinuer, lui dans la restauration, elle comme femme de ménage ou maman de jour. Tous deux avec un casier judiciaire vierge. Aujourd'hui, ils doivent partir, le Tribunal administratif fédéral ayant confirmé, fin 2007, le refus de la Confédération de leur accorder un permis humanitaire. Leur délai de départ est fixé au 30 septembre.

Le Service vaudois de la population avait, lui, donné un préavis positif en 2005, au vu de la bonne intégration du couple. Celui-ci avait déposé une demande de permis. «Plusieurs centaines de sans-papiers du canton de Vaud ont reçu ces mêmes décisions, explique Christophe Tafelmacher, avocat et membre du Collectif de soutien aux sans-papiers. Mais le fait que ce monsieur ait obtenu des titres professionnels en Suisse est bien plus rare. » En effet, Xavier Guanoluisa, a décroché en 2006 son CFC de sommelier en cours d'emploi, accompagné du Prix spécial pour la meilleure note en pratique. Le printemps dernier, il a encore obtenu le certificat cantonal d'aptitudes et de diplôme pour licence d'établissement (ancienne patente), qui lui permettrait d'ouvrir un établissement public). Il a aussi passé son permis de conduire.

«Politique schizophrène»

Comment est-ce possible d'obtenir ces titres officiels sans permis de séjour? Au Service cantonal de la formation professionnelle, Alain Garnier explique: «Ce parcours n'a rien d'exceptionnel. Il est possible de passer un examen de fin d'apprentissage sans être en possession d'un titre de séjour. Cette personne suivait les cours professionnels comme auditeur. » Durant toutes ses années d'activité professionnelle, dans différents établissements publics vaudois, Xavier Guanoluisa s'est acquitté de ses cotisations sociales et a payé ses impôts, lorsque ses employeurs ne s'y opposaient pas. De 2004 à 2007, le temps de la procédure, l'Equatorien a bénéficié «d'attestations de tolérance» cantonales de trois mois renouvelables, lui permettant d'être employé légalement. Il a ainsi travaillé au Café-Restaurant du Raisin, à Lausanne. Antonio Cabido, son patron, est consterné: «Ce n'est pas normal de renvoyer quelqu'un qui a accompli toutes ces formations. Il fait un excellent travail. »

A Lausanne, le nombre d'Equatoriens travaillant sans statut légal est estimé à 500 personnes. Ils seraient de 10 000 à 15 000, toutes nationalités confondues, à vivre et à travailler clandestinement dans le canton. Roger Saugy, député socialiste fustige une politique schizophrène: «Soit on assume les lois et on expulse la centaine de milliers de sans-papiers qui font vivre l'économie suisse, soit on trouve une solution pour les intégrer quand ils sont restés ici si longtemps. »

Un droit des étrangers aseptisé




Paru le Mercredi 24 Septembre 2008 dans le Courrier
MICHEL SCHWERI
Régions MIGRATIONS - Après un an de veille, l'Observatoire romand du droit d'asile et des étrangers tire un bilan catastrophique de l'application des nouvelles lois dans ces domaines.
Deux ans après le scrutin populaire ayant plébiscité les lois sur l'asile et sur les étrangers à deux tiers des votants, les défenseurs des migrants ne baissent pas les bras. L'Observatoire romand du droit d'asile et des étrangers (ODAE) marque à sa façon cet anniversaire en publiant aujourd'hui même son premier rapport annuel d'observation des pratiques des autorités dans ces deux domaines. Il y dénonce une cinquantaine de situations individuelles dramatiques et, généralisant le propos, livre un état des lieux global peu reluisant de la politique helvétique.
Fidèle à sa vocation d'«observatoire», la nouvelle structure des défenseurs des migrants recueille des informations et des témoignages de première main auprès de ses correspondants, secrétaires syndicaux, aumôniers et citoyens actifs, explique Aldo Brina, le permanent de l'ODAE. Il vérifie les cas, les recoupe et ne retient finalement que les dossiers absolument fiables. «Nos dénonciations sont solidement documentées», affirme Yves Brutsch, président de l'observatoire et conseiller juridique au Centre social protestant de Genève, «les autorités n'y ont jamais relevé d'erreur».
Fort de ce matériel, l'ODAE se sent «trompé» par les promesses des autorités formulées avant le vote. Selon le président de l'observatoire, de nombreuses interventions des autorités durant le débat référendaire promettaient une «application modérée» des dispositions les plus controversées.


Promesses non tenues

Dans le droit des étrangers, Thierry Horner, collaborant avec l'ODAE pour le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs, tire toutefois un bilan très négatif des «régularisations au compte-gouttes» des salariés sans-papiers. Moins d'un millier de personnes en ont bénéficié. Le durcissement des pratiques touche désormais les enfants et les adolescents, critique le secrétaire syndical. «Auparavant, les autorités admettaient qu'une enfance passée en Suisse débouchait sur un permis humanitaire, aujourd'hui, ce n'est plus le cas, mais ces jeunes étrangers ne peuvent souvent pas être renvoyés.» A ses yeux, seule une régularisation collective des sans-papiers est susceptible de débloquer ces situations.
Même chose sur le front de l'asile. Berne promettait une application «différenciée» de l'aide d'urgence en faveur des requérants d'asile les plus vulnérables, rappelle M.Brutsch. «Mais nous connaissons une femme avec quatre enfants qui doit se contenter de 900 francs par mois. De fait, les seules exceptions que nous connaissons ont été obtenues sur recours.» De même pour les requérants se présentant sans papier d'identité, complète Aldo Brina. «Sur six mois, nous avons étudié 121 cas soumis au Tribunal fédéral administratif. Pas une fois les juges n'ont admis l'absence de papiers, tous ces requérants ont été frappés de non-entrée en matière, même en provenance d'Ouganda où les cartes d'identité n'existent tout simplement pas...»

[France] Étrangers : silence on enferme !

http://www.gisti.org/spip.php?article1210

Action Collective

Étrangers : silence on enferme !

Le ministère de l’immigration vient de faire paraître un appel d’offre relatif à « l’information en vue de l’exercice » des droits des étrangers dans les centres de rétention administrative suite à la publication d’un décret en date du 22 août 2008.

Cet appel d’offre intervient dans un contexte très préoccupant, que traduisent notamment :

  • les quotas d’expulsion, qui induisent non seulement des interpellations tous azimuts, mais aussi des dérives scandaleuses de la part des services des préfectures et de la police ;
  • la généralisation des rafles d’étrangers ;
  • la mise en place de fichages de tous les étrangers (fichier Eloi) ou de leurs soutiens (fichier Edvige) ;
  • l’adoption de la directive de la honte dite « retour », le 18 juin 2008, par le Parlement Européen, qui systématise l’enfermement des migrants ;
  • la construction exponentielle des centres de rétention dans toute la France ;
  • l’externalisation des lieux de rétention hors des frontières de l’Union européenne ;
  • des conditions quotidiennes de rétention dénoncées tant par les retenus étrangers, les associations et les parlementaires que par des instances européennes ou internationales,
  • l’arrogance du gouvernement face aux critiques de sa politique d’immigration, qui détruit des familles, expulse des enfants, pousse au désespoir et va jusqu’à provoquer des morts ;
  • la remise en cause du travail de la Cimade, qui permet à des milliers d’étrangers de faire valoir leurs droits devant les juridictions françaises (tant sur leurs conditions d’interpellation, de rétention et de reconduite à la frontière) et de faire connaître ce qui se passe dans les lieux de rétention ;
  • les tentatives (notamment dans le cadre d’une réforme constitutionnelle) de mettre au pas les juges qui sanctionnent les pratiques illégales des préfectures et les violations des droits des étrangers retenus.

Aujourd’hui, le gouvernement veut rendre muettes et dociles les associations qui interviendraient dans les centres de rétention en :

  • divisant en « lots », pour mieux régner, les divers sites d’intervention des associations ;
  • écartant les regroupements d’associations de l’appel d’offres, ce qui rendra très difficile l’élaboration de bilans nationaux sur la situation dans les lieux de rétention ;
  • obligeant ces associations à distribuer la documentation fournie par l’administration ;
  • imposant à ces intervenants – sous la menace financière d’une rupture sans indemnité - un devoir de neutralité et de confidentialité, obligations incompatibles avec la défense effective des droits des étrangers placés en rétention.

En bref, le ministre de l’immigration veut des associations aux ordres, afin que les centres de rétention, loin de tout regard critique, redeviennent des espaces sans contrôle.

Jeudi 11 septembre 2008

Norvège: durcissement des règles d'asile

Le gouvernement norvégien adopte un train de mesures pour limiter le nombre de demandeurs d'asile en Norvège. Cette question délicate soulève la controverse au sein même de la coalition gouvernementale au pouvoir.

Les nouvelles mesures rendent la tâche plus difficile aux demandeurs du statut de réfugié qui arrivent en Norvège avec l'intention d'y rester. Dorénavant, les responsables de l'immigration feront leur évaluation au cas par cas, et les demandeurs qui viennent d'un pays instable ou ravagé par la guerre ne seront plus acceptés d'office sur la base de leur origine, comme c'était le cas jusqu'à maintenant.

La Norvège effectuera par ailleurs un meilleur suivi des réfugiés qu'elle accueille, à l'image des autres pays européens. La réunification familiale des réfugiés ne surviendra que si le réfugié accumule quatre années d'éducation et d'expérience au travail en Norvège. Le gouvernement a aussi l'intention de renvoyer davantage de demandeurs du statut de réfugié dans le premier pays où ils ont fait leur demande. Dans la plupart des cas, les demandeurs d'asile qui aboutissent en Norvège ont déjà vu leur candidature rejetée ailleurs.

Consternation chez les socialistes

La gauche socialiste (SV), qui fait partie de la coalition gouvernementale, est consternée de cette décision. « Il fut malheureusement impossible pour nous de se mettre d'accord avec le reste de la coalition sur deux points, affirme Kristin Halvorsen, chef de la gauche socialiste. Ces deux points sont le traitement réservé aux enfants et la manière dont nous entendons suivre les normes de l'ONU concernant les réfugiés. » Selon elle, le désaccord est "sérieux". Elle précise toutefois que les instances de son parti n'ont pas exigé que la gauche socialiste se retire du gouvernement pour manifester son désaccord.

Les travaillistes (AP) de Jens Stoltenberg (photo) estiment que les modifications sont nécessaires. Ils affirment que la Norvège a accueilli 6500 demandeurs d'asile l'an dernier, et que ce chiffre atteindra 15 000 cette année. Le pays de 4.5 millions d'habitants ne peut tout simplement pas absorber tous ces réfugiés, selon eux.