vendredi 20 mai 2011

Un abri pour les requérants à Gland, question d’«équilibre géographique»

A l’image du district de Nyon, la cité de la Côte accueille peu de requérants en regard de sa population. Philippe Leuba veut aussi ménager les communes plus petites.

L’ouverture prochaine de l’abri PC à une cinquantaine de requérants suscite une levée de boucliers à Gland. Lundi soir, une réunion publique tournait à la foire d’empoigne, alors qu’une pétition contre l’installation de demandeurs d’asile avait fait le plein de signatures. Chez les opposants, la réquisition de cet abri situé sous une école primaire cristallise les peurs. Ils menacent désormais de lancer une initiative cantonale pour en interdire le principe (lire ci-dessous).
Pour les autorités, il n’est toutefois pas question de faire machine arrière. «Les structures hors-sol de l’EVAM sont aujourd’hui pleines et il n’y a pas d’autre choix que de recourir à des solutions de fortune telles que les abri PC, ce que nous avons fait à Nyon, à Lausanne et maintenant à Gland et au Mont-sur-Lausanne (où 72 requérants seront bientôt hébergés, ndlr)», explique Philippe Leuba, conseiller d’Etat responsable du dossier asile.

«Il manque 200 places»
«Nous étions déjà extrêmement serrés au début de l’année, mais à ce jour, il nous manque entre 150 et 200 places pour fonctionner normalement», ajoute Pierre Imhof, directeur de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Par rapport à 2010, les demandes d’asile ont augmenté de 20%, conséquence en particulier des événements en Tunisie, en Egypte et en Libye. «Au niveau des attributions, dans le canton, le dispositif était dimensionné pour 14 arrivées hebdomadaires. Toutes ces dernières semaines, on était plutôt entre 20 et 35», relate Pierre Imhof.
Le choix de Gland doit aussi contribuer à atténuer l’inégale répartition des places d’hébergement dans le canton. Selon les chiffres de l’EVAM, la ville, qui compte près de 12 000 habitants, accueille actuellement trois requérants, quand une ville de taille similaire comme Prilly en compte, elle, deux cents. Une disparité que l’on retrouve à l’échelle des districts: bien qu’étant le deuxième du canton en termes de population (86 000 habitants), celui de Nyon figure en queue de peloton au niveau du nombre de demandeurs d’asile hébergés.
A l’inverse, un district deux fois moins peuplé comme celui d’Aigle (39 000 âmes) accueille six fois plus de requérants. Il y a donc, pour Philippe Leuba, une recherche d’«équilibre géographique».
Mais la désignation de Gland et du Mont-sur-Lausanne répond aussi au souci d’épargner les communes plus petites. C’est que le souvenir de Vugelles-la-Mothe et d’une croix incendiée un soir d’hiver 2003, point d’orgue d’une véritable fronde villageoise, reste omniprésent. «Je ne veux pas commettre la même erreur que Pierre Chiffelle (alors conseiller d’Etat chargé de l’asile, ndlr) avait commise, en concentrant trop de requérants en regard de la population locale, déclare Philippe Leuba. A Vugelles-la-Mothe, il s’agissait de mettre cent requérants pour une population d’une centaine d’habitants, je considère que c’est _déraisonnable.»

Requérants encasernés?
En parallèle à ces démarches, le conseiller d’Etat a appuyé le projet de Berne visant à affecter des cantonnements militaires à l’accueil des nouveaux demandeurs d’asile. Philippe Leuba veut ainsi «que la Confédération conserve sous son autorité et n’attribue pas aux cantons les requérants d’asile qui viendraient pour des raisons économiques. Je pense notamment à ceux qui viennent des pays dont les tyrans sont tombés et dont les motifs politiques n’existent apparemment plus.»
Dans un premier temps, comme l’a annoncé la cheffe du Département fédéral de justice et police, Simonetta Sommaruga, mille places (pour l’ensemble de la Suisse) devraient être ouvertes sur des sites militaires dans les semaines à venir. Deux mille autres pourraient suivre. Reste à savoir où. Philippe Leuba dit n’en rien savoir encore. «Les cantons seront associés à la décision et à l’information liées au choix des places d’armes. Pour l’instant, je n’ai pas connaissance de places d’armes concernées dans le canton de Vaud», précise le magistrat.
«Je ne veux pas préjuger de la capacité de la Confédération, mais j’ai un peu des doutes sur la possibilité de trouver des sites, non pas du point de vue matériel mais du point de vue de l’acceptabilité: en Suisse, on n’est jamais très loin d’une localité», nuance Pierre Imhof.

Arnaud Crevoisier dans le Courrier


Vaud accueille plus de 4500 requérants
Au 30 avril, on dénombrait au total 4593 demandeurs d’asile dans le canton de Vaud. La carte ci-dessus tient compte uniquement des requérants logés dans les communes de plus de deux mille habitants et qui constituent l’immense majorité des cas (4391, soit 95,6%). Ils sont comptabilisés indifféremment de leur statut (admission provisoire, non-entrée en matière...) et de leurs conditions d'hébergement (structure collective ou appartement géré par l’EVAM, ou, plus rare, habitat autonome). AC

Les Tessinois devraient voter sur l'interdiction du voile intégral

Plus de 11 600 signatures contre le port de la burqa et du niqab. Mais le texte déposé hier à Bellinzone évite d’évoquer ces termes.

Entourés d’une femme couverte d’un voile intégral et d’un homme au visage caché par un passe-montagne «pour donner un signal fort», les initiants affichaient hier un large sourire. Plus de 11 600 signatures, alors que 10 000 sont nécessaires: le pari est réussi. Les promoteurs de l’initiative contre le port de la burqa ont déposé les paraphes en matinée à Bellinzone, avec six jours d’avance sur l’échéance impartie par la loi. Ils estiment d’ores et déjà que leur initiative populaire a abouti et qu’elle conduira les citoyens tessinois aux urnes. Une première en Suisse.
Le texte défendu par le comité évite toute référence directe à la burqa ou au niqab. Il se contente d’évoquer une simple interdiction de se couvrir le visage dans les lieux publics. Une interdiction qui concernerait, le cas échéant, aussi bien des hooligans ou des manifestants dont les traits seraient volontairement dissimulés, entre autres exemples.
Mais les promoteurs de l’initiative ne s’en cachent pas, leur but est de contrer la montée de l’islam «à titre préventif». C’est aussi ce qu’ils rétorquent à leurs détracteurs, qui les accusent de se focaliser sur «un problème inexistant au Tessin», puisqu’il est rarissime de voir des femmes voilées dans les espaces publics au sud des Alpes.

«Un signal fort»

Les neufs membres du comité d’initiative, encouragés par le pas franchi par la France le mois dernier, ne voient pas les choses sous le même angle. Pour eux, il s’agit de donner un «signal fort», notamment aux autres cantons, dont ils espèrent qu’ils suivront l’exemple tessinois. Les promoteurs soulignent en passant que s’ils avaient disposé des ressources nécessaires, ils auraient lancé «une initiative populaire fédérale». Le groupe réunit à la fois des personnalités de gauche, de l’UDC, de la Lega et même l’ancienne «dame de fer» du Tessin, la libérale luganaise Marina Masoni, ex-ministre des Finances et de l’économie, qui marque ainsi son retour en politique après son éviction du gouvernement en 2007.
Le Parlement tessinois dispose de deux ans pour valider, rejeter ou opposer un contre-projet à l’initiative, puisque celle-ci entraînerait une modification de la Constitution cantonale. En cas d’approbation du texte par les citoyens tessinois, ce sera au tour des Chambres fédérales de se prononcer sur la compatibilité de la loi tessinoise avec la Constitution fédérale.

Nicole della Pietra dans le Courrier et la Liberté