vendredi 26 décembre 2008

Cantons cherchent hébergements désespérément

L'accueil des réfugiés en Suisse est au bord de l'implosion: les demandes d'asile s'accumulent à la Confédération, et les cantons recherchent désespérément de nouveaux lieux d'hébergements.


Des communes argoviennes disent «niet» aux requérants

Certaines communes du canton d'Argovie refusent d'accueillir des requérants d'asile, même si elles sont tenues de le faire. Le canton fait face à une situation particulièrement tendue. Il envisage d'exiger des communes le versement d'un paiement compensatoire.

«Nous avons en ce moment un problème de place», admet la chargée de l'information du canton, Iris Affolter. Les centres cantonaux sont suroccupés. Les communes qui refusent d'accueillir des requérants sont co-responsables du problème, estime le canton.

Celui-ci a envoyé début décembre un courrier aux communes pour les convaincre de participer à l'effort collectif. Il y fait appel à la solidarité intercommunale.

Mais il rend aussi les communes attentives au fait qu'elles pourraient être obligées de payer un montant compensatoire si elles refusent d'accueillir des requérants. Les autorités cantonales examineront en janvier quelles communes sont concernées par ces contributions.

La situation est difficile dans le canton d'Argovie, où le centre de requérants de Birr (AG) a été plusieurs fois la cible d'agressions. En mai dernier, un ressortissant suisse ivre a menacé des pensionnaires avec deux pistolets non chargés. En 2007, le même centre a reçu des coups de feu et subi une attaque au cocktail Molotov.
Le démantèlement des structures d'accueil n'est pas concluant.

Le nombre de demandes d'asile en cours a explosé en Suisse pour atteindre 11'000 fin novembre. Cela ne s'était plus produit depuis 2002, à la suite de la crise du Kosovo. L'Office fédéral des migrations (ODM) reconnaît que l'étude des dossiers stagne.

«L'augmentation du nombre de requérants depuis cet été dépasse nos capacités», a déclaré Jonas Montani de l'ODM. De plus en plus de personnes affluent en Suisse: les demandes d'asile se chiffreront à 15'000 cette année, soit le niveau le plus élevé depuis 2002.

Les mesures d'économie de Christoph Blocher

Mais le nombre croissant de requérants n'est pas la seule cause de la surcharge des autorités: les mesures d'économie prises par l'ancien conseiller fédéral Christoph Blocher y ont contribué.

M. Blocher avait réduit les capacités d'accueil à 12'000 demandes par année. Il avait également supprimé dès 2008 les contributions aux cantons pour des logements de réserve. Le Conseil fédéral dans son ensemble avait donné son aval.

En contrepartie, il avait promis que la Confédération aménagerait elle-même des hébergements supplémentaires si le nombre de requérants dépassait les 12'000. Mais dès l'été, alors que l'afflux grandissait, la Confédération n'a pu faire face et n'a pas mis à disposition les locaux de l'armée promis initialement.

Les cantons sous pression

La charge retombe sur les cantons, qui ont dû repartir en quête de nouveaux hébergements pour requérants d'asile. En novembre, les cantons ont obtenu 25 millions de francs par année de Berne pour les logement de réserve.

«Cet argent est bienvenu, mais ne résout pas tous nos problèmes», a déclaré Raimond Caduff, coordinateur de l'asile pour le canton de Lucerne. «Le marché du logement est à sec dans le canton, et les centres de requérant ne sont pas les bienvenus dans toutes les communes.»

Dans de nombreux cantons, trouver des places pour les requérants d'asile relève du parcours du combattant. Ils doivent souvent chercher des solutions de secours pour leur offrir un toit.

A Bâle, de nombreuses personnes sont d'abord hébergées dans des abris de protection civile, explique la coordinatrice cantonale pour l'asile, Renata Gäumann. Les conditions sont loin d'être idéales pour l'acclimatation des immigrants: locaux fermés, manque de place, encadrement insuffisant.

Les centres de transit, où les requérant se familiarisent avec la vie en Suisse, sont surchargés. «En principe, nous aimerions nous occuper de ces personnes pendant trois à six mois», explique M. Caduff. «Mais dans les conditions actuelles, nous n'avons même pas deux mois.»

Les nouveaux arrivants se poussent au portillon. Ceux qui sont là depuis un moment sont rapidement répartis dans des appartements, où l'accompagnement est moindre.

Centres d'accueil débordés

Le manque de personnel à l'ODM aggrave encore la situation. «Nos employés qui étudient les demandes sont surchargés», déclare Jonas Montani, de l'ODM. L'objectif de la Confédération est de prendre deux tiers des décisions de première instance directement dans les centre d'accueil aux frontières suisses.

Actuellement, ce taux est de dix à vingt pourcent, selon des estimations de représentants cantonaux. Conséquence: la durée de séjour des requérants augmente. Les cantons sont davantage sous pression pour trouver à les loger.

La Confédération promet une amélioration de la situation: elle va demander l'été prochain au parlement d'augmenter la dotation de vingt postes. Ce personnel supplémentaire devrait être affecté en priorité au traitement des demandes dans les centres d'accueil, explique M. Montani.