samedi 17 décembre 2005

Aster Abate. De l'Ethiopie à Renens



Parfois, les larmes lui montent aux yeux. Mais la jeune femme se reprend vite. Battante, elle redit sa détermination, comme chaque mardi devant le Grand Conseil, quand elle rejoint la manifestation des requérants éthiopiens et érythréens. «Pour­quoi est-ce que nos dossiers ne sont pas analysés? On est ici depuis si longtemps. On a étu­dié le français, on s’est adaptés à la culture, on a toujours tra­vaillé et fait n’importe quel boulot. C’est injuste!» Les actes d’Aster Abate reflètent ses pa­roles: elle parle français parfai­tement, a été femme de cham­bre, fille de buffet à Morges, puis aide de cuisine pendant plus de cinq ans à l’Hôpital Silvana, unité de réadaptation du CHUV à Epalinges. Tout ça avec une formation en manage­ment en Ethiopie. En septem­bre, la jeune femme a reçu une interdiction de travail. Depuis, elle met sa fierté en veilleuse à chaque visite à la Fareas: «C’est humiliant de retourner cher­cher de l’argent pour vivre. Je suis jeune, je peux bouger, je peux travailler!»
Texte de MARTINE CLERC
Lien vers la description du projet de 24heures

Lois sur l'asile et sur les étrangers: la guerre référendaire aura lieu

Dans Le Temps Valérie de Graffenried rédige également un compte rendu centré sur les référendums des milieux qui soutiennent le droit d'asile.

Extraits:
Le combat était perdu d'avance. Le vibrant plaidoyer du libéral vaudois Claude Ruey, appelant à refuser la loi sur l'asile aux côtés de la gauche, n'y a rien fait: le parlement a adopté, vendredi, en votation finale, la loi sur l'asile durcie en cours de procédure par Christoph Blocher, par 108 voix contre 69 et 12 abstentions au National...Claude Ruey a comparé le parlement à un oiseau en cage.

Un oiseau dont on réduit progressivement le volume de la volière tout en baissant la lumière et qu'on soumet peu à peu à une pollution toujours plus grande. «L'oiseau vit toujours, mais il ne chante plus et il ne s'aperçoit plus qu'il est prisonnier. J'ai un peu le sentiment que nous nous trouvons dans cette situation: l'oiseau ne s'est même plus rendu compte qu'aujourd'hui, lorsque l'on parle d'asile dans ce pays, immédiatement certains - et une grande partie - traduisent par abus». Une allusion sans doute au fait que l'écrasante majorité des radicaux et des démocrates-chrétiens a suivi la ligne dure de l'UDC, par conviction mais aussi pour des raisons stratégiques: pour ne pas laisser au parti blochérien le monopole du dossier «étrangers»...Dans le camp des conseillers nationaux bourgeois, seuls les démocrates-chrétiens Pierre Kohler (JU) et Luc Barthassat (GE), les libéraux Claude Ruey (VD) et Martine Brunschwig-Graf (GE), et le radical Yves Guisan (VD) ont voté aux côtés de la gauche contre la loi sur l'asile. Les mêmes ont voté contre la loi sur les étrangers, le libéral vaudois Serge Beck, qui a dit oui à la loi sur l'asile, en plus...

Dessin de Burki dans 24heures

«La Loi sur l'asile s'est transformée en une loi contre l'asile.

Comme de bien entendu, c'est en première page du Courrier que l'on trouve l'éditorial de Didier Estoppey.
«La Loi sur l'asile s'est transformée en une loi contre l'asile.» La formule est d'Amnesty International. Elle résume à merveille le sens d'une nouvelle loi à laquelle les Chambres fédérales ont donné hier, comme prévu, et à une nette majorité, leur approbation finale. Tout comme à celle sur les étrangers, qui procède de la même logique inhumaine: Amnesty l'a parfaitement compris en annonçant hier qu'elle s'associerait aussi au référendum contre cette loi, contrairement à la coalition d'ONG engagées dans le seul référendum contre la Loi sur l'asile.
Mais si la bataille démarre en ordre légèrement dispersé au plan national, il n'en va pas de même sur le terrain. Les comités référendaires qui se sont constitués dans différents cantons combattront les deux lois à l'unisson. Car là où partis, syndicats ou associations sont en contact direct avec les personnes concernées par ces lois iniques, on a compris le lien. Une même logique unit le racisme d'une loi présentant tout requérant comme un abuseur en puissance à une autre prétendant bannir du sol helvétique tout travailleur non européen.
Il est donc temps d'organiser la riposte. Ce week-end se tiennent à Berne les premiers états généraux de l'asile et de la migration en Suisse. L'occasion de commencer à compter et fédérer les forces vives susceptibles de faire barrage à la xénophobie qui menace d'inonder notre pays. Et à organiser les communautés de migrants qui devront continuer à sortir de l'ombre dans laquelle on entend les confiner. Pour montrer que celles et ceux auxquels s'attaquent ces lois ont un visage et des souffrances. Le durcissement de nos politiques sociales est largement alimenté par la méconnaissance de la pauvreté et de ces conséquences, écrivions-nous mercredi dans ce journal. Il en va de même concernant l'indifférence dans laquelle s'écrivent les violations des droits des migrants. Qui servent de laboratoire, faut-il le rappeler, à l'exclusion de franges de plus en plus larges de la population.
Mais c'est aussi politiquement qu'il faudra élargir le cercle pour donner à ces référendums une chance de triompher. Le combat ne doit pas rester confiné aux milieux proches de la gauche. Le centre-droite, qui prétend offrir une alternative à l'UDC et vient de faire à Berne la démonstration du contraire, a encore une petite chance de se démarquer. Le PDC genevois vient d'envoyer un premier signal en soutenant le double référendum. On se pince par contre en entendant la libérale Martine Brunschwig Graf fustiger les deux lois tout en dédaignant un référendum voué selon elle à l'échec (lire notre édition du 13 décembre).
Il n'est pas l'heure de sombrer dans le fatalisme. Les arguments ne manquent pas pour montrer le caractère absurde autant qu'inhumain de ces deux lois. Celle sur l'asile est ainsi nettement plus dure, sur de nombreux points, que l'initiative de l'UDC rejetée de justesse par le peuple en 2003. Il est temps, pour la droite prétendument libérale, de se ressaisir. Et de faire entendre sa voix parmi toutes celles qui sont convaincues qu'on ne construit pas de prospérité sur l'exclusion.

Solution d’une ministre bernoise pour une impasse toute vaudoise



Grégoire Nappey dans 24heures revient sur une rencontre entre Dora Andres et les radicaux vaudois dans laquelle une nouvelle issue pour les "523" a été évoquée.

Si le canton de Vaud faisait son mea culpa dans l’affaire des requérants d’asile déboutés, et s’il obtenait le soutien d’une majorité des cantons, il pourrait demander à la Confédération de régulariser les personnes encore en Suisse. Une piste intéressante mais au succès incertain.

Conseillère d'Etat chargée du dossier de l'asile dans le canton de Berne, la radicale Dora Andres a une piste pour sortir de la crise des «523» requérants d'asile déboutés. Selon elle, si le blocage persiste, le gouvernement doit faire profil bas et, fort de l'appui éventuel des autres cantons, obtenir que la Confédération accorde des permis aux intéressés. Jean-Claude Mermoud va étudier la proposition.

Sur le papier, l'idée paraît intéressante. Surtout, cela faisait longtemps que l'on n'avait pas entendu parler d'une proposition de compromis dans l'affaire qui continue à déchirer le canton de Vaud: le sort des «523» - ils sont en fait moins de 250 encore aujourd'hui - requérants d'asile déboutés.

Lundi dernier, invitée par le Parti radical vaudois, la conseillère d'Etat bernoise Dora Andres est venue à Lausanne dire ce qu'elle pensait de la nouvelle loi fédérale sur l'asile (lire aussi en page 4). Interpellée sur le débat qui divise le canton de Vaud dans le domaine, elle y est allée de sa proposition de solution.

Ministre de Justice et police, Dora Andres a une réputation de fermeté en matière d'asile. En été 2004, elle avait fait parler d'elle en parquant des requérants dans un bunker au col du Jaun. Pourtant, la magistrate sait aussi se montrer plus libérale, notamment en soutenant que les personnes qui se trouvent sur sol suisse depuis longtemps ne doivent pas être renvoyées.

«Ce qui est sûr, c'est qu'il faut trouver une solution: la situation vaudoise ne peut plus durer», lâche-t-elle en préambule. Constatant la divergence persistante entre majorité du Conseil d'Etat et majorité du Grand Conseil, estimant par ailleurs que les intéressés devraient être renvoyés selon la législation, elle maintient que Vaud peut être considéré comme un «cas particulier». «A condition que les autorités reconnaissent qu'elles n'ont pas bien su gérer le dossier après la guerre au Kosovo en 1999-2000. A condition aussi que, par le canal de la Conférence des directeurs et directrices des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), Vaud obtiennee l'appui d'une majorité de cantons.»

Dora Andres estime qu'il sera alors possible d'obtenir une légalisation de ces requérants - que l'Etat devra bien entendu prendre à sa charge - auprès du Conseil fédéral. En résumé: compter sur le poids de la CCDJP à Berne pour convaincre Christoph Blocher de faire une exception.

Comme Dora Andres, le conseiller d'Etat Jean-Claude Mermoud est membre du comité de la CCDJP, qui siégera en janvier: la proposition pourra y être débattue. En attendant, le ministre vaudois estime que «l'idée mérite d'être étudiée»; il a déjà appelé son homologue pour en parler.

Le magistrat UDC a toujours dit que le dossier avait été mal géré par le passé. «Et cela perturberait peut-être un peu moins Christoph Blocher si les cantons reconnaissaient le cas particulier vaudois. Cela dit, n'oublions pas qu'il y a d'autres catégories que les «523» dont la situation doit être réglée.»

En clair, certainement pas une issue miracle, mais suffisamment intéressante tout de même pour être étudiée.

La session d'hiver des Chambres s'achève avec deux référendums

Lire les commentaires de François Nussbaum dans La Liberté et Le courrier

Extraits:

Sur l'asile, les choses étaient déjà claires (voir notre édition d'hier). Sur les étrangers, le vice-président des verts, Ueli Leuenberger (GE) a donné le ton avant le vote final. Cette «lex Blocher», dit-il, ferme quasiment l'accès de notre pays aux non-Européens, limite le regroupement familial et l'établissement pour 700 000 étrangers qui vivent et travaillent ici.
En outre, la révision de la loi «jette la suspicion sur les couples binationaux, permet d'enfermer jusqu'à deux ans des gens qui n'ont commis aucun délit, refuse de prendre en compte la présence des sans-papiers». Ce dernier point relève d'une «grande hypocrisie», selon lui. Sans solution de régularisation, «on crée beaucoup plus de problèmes qu'on en résout»
.

Asile et étrangers: difficile double référendum en vue!

Dans son éditorial Raymond Gremaud, revient sur l'effet boomerang des référendums des roses-verts.
Le Parlement a-t-il mal travaillé? Acceptée par 106 voix contre 66 au National et par 33 voix contre 8 au Conseil des Etats, la loi sur les étrangers est promise au référendum. Même chose pour la loi sur l'asile, acceptée en votation finale par 108 voix contre 69 au National et par 33 voix contre 12 au Conseil des Etats. En dépit de ces résultats sans ambiguïté, les Verts ont annoncé prendre en charge le référendum contre la loi sur les étrangers, et les socialistes celui contre la loi sur l'asile. On s'étonne car ces référendums reviennent à soutenir les requérants d'asile et les étrangers comme la corde soutient le pendu. Même les auteurs annoncés des référendums ne se font guère d'illusions. Le peuple soutiendra certainement la version de la nette majorité du Parlement fédéral. Roses et Verts ne visent qu'à mieux crier sur la place publique leur sentiment que la Suisse humanitaire fout le camp. Même un libéral comme Claude Ruey (VD) a le sentiment que les élus se sont laissé anesthésier par la caricature qui fait croire à l'envahissement barbare et à une criminalité générale. Et il rejoint le camp référendaire rose-vert pour mieux se distancer de cette politique des tours de vis qui finit par mordre les frontières des droits de l'homme. Louable réaction! Il est toujours bon de remettre l'humain au centre des préoccupations. N'empêche, en realpolitik, ces référendums ne font qu'offrir gratuitement une tribune et un plébiscite programmé à l'UDC. À juger les derniers scrutins concernant les étrangers, tout donne à croire que l'échec de ces référendums augmentera la crédibilité de l'UDC, laquelle pourra se prévaloir de la vox populi pour en remettre une couche. Elle s'annonce longue, la colonne des perdants. Les étrangers et les requérants verront leur sort se durcir encore. Socialistes et Verts encaisseront l'échec avec honneur, car au nom des droits de l'homme. Quant aux radicaux et au PDC, ils n'auront joué que le rôle peu glorieux de suiveur. Pour eux, guère de dividendes politiques ! Sans compter que tout cela camoufle une faille de la politique de Christoph Blocher. Ce dernier n'a pas développé la politique des accords de réadmission entamée par Ruth Metzler. Elle offre pourtant la seule chance de débloquer les dossiers des 30 à 40 % de requérants au bénéfice d'une admission provisoire car impossibles à renvoyer, vu le blocage des pays d'origine.

Asile: le peuple avait dit non, le Parlement dit oui


Dans son article parut dans 24heures, Vincent Bourquin rappelle opportunément que dans bien des domaines la lois sur l'asile est plus dure que l'initiative "contre les abus" qui avait été refusée par la peuple. La raison ? Les partis du centre PRD et PDC qui ont tournés leur chemise de peur d'une nouvelle déroute lors des élections de 2007.
Extraits:
Les Chambres ont adopté hier la révision de la loi sur l'asile. Par 108 voix contre 69 au Conseil national et par 33 oui et 12 non au Conseil des Etats. Les principales mesures sont: la non-entrée en matière pour les requérants sans papiers d'identité, la suppression de l'assistance pour toutes les personnes déboutées et la prolongation à deux ans de la détention en vue du refoulement. Un référendum sera lancé.

«C'est une victoire de l'UDC, de l'ASIN et de Blocher», jubile Hans Fehr. Directeur de l'Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), conseiller national UDC et fidèle lieutenant de Christoph Blocher, il se félicite du durcissement de la loi sur l'asile adoptée hier par les Chambres. Et pour lui, pas de doute, le moteur de ce changement est l'initiative de son parti «Contre les abus en matière d'asile». Votée en novembre 2002, elle avait été refusée de justesse. Mais pas mise au placard pour autant. Hans Fehr dit en effet à propos de la révision de la loi: «Elle va dans la même direction que notre initiative, c'est un grand pas en avant.»

«La loi va plus loin que l'initiative»

Bref rappel: le texte des démocrates du centre avait pour principal objectif d'empêcher les demandeurs d'asile ayant transité par un autre pays de présenter une requête en Suisse. L'UDC proposait également d'interdire aux requérants en instance d'expulsion de travailler, de réduire l'aide sociale au minimum vital et de la centraliser dans les mains de la Confédération.

«Cette initiative était mal formulée, le but de la révision était de trouver une formulation plus compatible avec la Constitution. Les parlementaires ont repris les idées centrales de l'UDC: toute personne qui arrive d'un Etat tiers ou qui n'a pas de papiers ne peut pas déposer une demande d'asile», souligne l'avocat lausannois Christophe Tafelmacher, membre de SOS-Asile Vaud.

Une analyse partagée en grande partie par Yann Golay, porte-parole de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR). Toutefois il souligne que la nouvelle loi va moins loin sur l'Etat tiers: «L'initiative réclamait une non-entrée en matière pour toutes les personnes qui avaient passé par un autre Etat, même si cet Etat n'acceptait pas de les reprendre. Mais cette question a été plus ou moins réglée par les Accords de Dublin.» Par contre, la décision de couper toute aide sociale aux requérants déboutés est clairement le prolongement de l'initiative: «Cette nouvelle loi est un fourre-tout d'aggravations qui va encore plus loin que l'initiative», dénonce le porte-parole de l'OSAR.

Durcissement à droite

Mais que s'est-il passé depuis 2002? A l'époque, les radicaux
et les démocrates-chrétiens s'étaient opposés à cette initiative. «Le centre droite, anesthésié, s'est couché devant l'UDC. Après les résultats des élections fédérales de 2003, certaines personnes pensent que c'est en singeant l'UDC que l'on perdra moins de voix», déplore le libéral Claude Ruey, l'un des rares politiciens de droite à s'être clairement opposé à la révision de la loi sur l'asile. Sur ce revirement, l'analyse d'Hans Fehr est similaire: «Le PDC et le parti radical ont peur des prochaines élections de 2007.» Et l'asile sera incontestablement un thème de campagne. Un référendum va en effet être lancé et le vote devrait avoir lieu cette année-là. Mais Hans Fehr ne se fait aucun souci: le peuple approuvera cette loi.