vendredi 21 mai 2010

Le voile intégral tente de s’intégrer …

burqa burki

Signé Bürki dans 24 Heures

Nora Illi, du punk au voile intégral

Ecumant les plateaux télé avec son niqab noir, cette Suissesse convertie à l’islam est devenue une icône en Suisse alémanique. Mais qui se cache derrière le voile? Un article de Nadine Haltiner dans 24 Heures.

Nora Illi

Etrange de faire le portrait d’une femme qu’on n’a jamais vue, mais que tout le monde reconnaît dans la rue. Avec son voile intégral noir, Nora Illi est devenue une icône. Il ne se passe pas un jour sans qu’un passant ne l’interpelle pour la féliciter d’assumer son niqab ou, au contraire, pour l’insulter.

Convertie à l’islam depuis sept ans, cette Bernoise de 26 ans est devenue le symbole du débat sur la burqa. Depuis dix jours, elle occupe de façon militante les plateaux télé et fait exploser l’audimat. Sur TeleZüri , elle a même battu des records d’audience, faisant de l’ombre à Mister Suisse. Une star, on vous dit. Alors, quand elle se retrouve face à vous, dans le bistrot bernois où elle a pour habitude de convier les journalistes, il n’est pas évident de se concentrer. D’abord parce qu’il y a constamment des regards posés sur elle. Ensuite parce que, à défaut de voir son visage, on se focalise, malgré soi, sur des détails. Nora Illi ne porte pas de mascara. A voir ses cils clairs, elle doit être blonde. Rousse? La pigmentation de ses mains le laisserait croire. Elle a des poignets fins et porte un pull vert sous son vaste tissu.

Le reste? On le devine, on le fantasme. Et on tente de guigner quand elle soulève son voile pour boire. Mais il n’y a rien à voir, si ce n’est son regard bleu qui prend un air mutin quand elle sourit. Et elle sourit souvent, à voir le pli qui se dessine au coin de ses yeux. «On dit que je suis un rideau parlant, s’amuse celle qui est déléguée à la question des femmes au sein du controversé Conseil islamique central. Mais, derrière, il y a une âme, une opinion. Je voudrais qu’on cesse de me prendre pour un objet. Ce voile intégral, je l’ai choisi.»

Cherche-t-elle à se faire de la publicité?

Le discours est rodé. Cette phrase, elle la répète à tous ceux qui osent évoquer une interdiction de la burqa. C’est que Nora Illi en est convaincue: la plupart des femmes ont choisi de porter leur voile intégral. «C’est donc un faux débat, d’autant qu’elles ne sont qu’une centaine en Suisse.» N’empêche qu’elle s’affiche quand même devant les caméras. Pas pour se vendre, assure-t-elle. «Je joue le jeu médiatique pour expliquer ma religion et mettre fin aux stéréotypes. Les gens qui osent m’aborder sont étonnés quand je parle suisse allemand!» Ils ignorent qu’avant de vouer sa vie à Allah, Nora Illi a grandi dans une banale famille bernoise. Enfant unique d’un psychothérapeute et d’une assistante sociale, elle est élevée sans religion particulière. Douée à l’école, elle rêve d’être journaliste. Rebelle, elle aime la musique punk.

C’est à 15 ans qu’elle découvre l’islam, lors d’un voyage à Dubaï avec son père. «L’appel de la prière m’a bouleversée, raconte cette polygraphe de métier. En rentrant, je me suis documentée et j’ai fréquenté la communauté musulmane.» A 18 ans, elle y rencontre celui qui se fait désormais appeler Qaasim Illi, secrétaire général du Conseil central islamique. A l’époque, ce Suisse, amateur de techno, cherche aussi sa voie. Ils se convertissent tous deux un an plus tard et se marient, avec la bénédiction de leurs parents.

«J’ai aussi une burqa»

«Au début, je ne portais que le foulard, poursuit Nora. Mais plus j’en apprenais sur l’islam, plus j’avais envie de me rapprocher d’Allah et de cacher mes charmes. Il y a six ans, j’ai opté pour le niqab.» Prochaine étape, la burqa? «Non, j’en ai une, mais je veux m’adapter à la société dans laquelle je vis.» Et un tissu de couleur? «C’est une question de mode, j’aime le noir.» Si elle avoue suivre les dernières tendances du niqab, elle s’érige contre les fashion victims qui se maquillent et s’habillent avec des vêtements de marque. «Moi, je n’ai pas ce problème. Je me sens libre sous mon niqab.»

Une liberté relative. Nora Illi ne sort presque plus et fait ses courses entourée d’amis «gardes du corps». «Depuis la votation sur les minarets, les réactions à mon égard sont devenues violentes.» Elle se consacre donc à ses quatre enfants, élevés dans la tradition musulmane. Ses filles devront-elles porter un niqab? «Non, conclut Nora. Elles choisiront elles-mêmes ce qu’elles désirent faire plus tard.»

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«Il m’arrive de montrer mon visage»

– Madame Illi, doit-on avoir peur de vous?

– Non! C’est vrai que je peux surprendre quand je monte les escaliers et qu’on ne me voit pas arriver. Mais je vous rassure, je suis comme tout le monde.

– Dans ce cas, vous respecteriez une interdiction de la burqa…

– En tant que Suissesse, je me sens bien ici et je respecte les lois et la Constitution fédérale. Mais, si on interdit le voile intégral, je ne pourrai plus sortir de chez moi, si ce n’est en me faisant conduire d’une porte à une autre. J’espère qu’on n’en arrivera pas là.

– Que voulez-vous vraiment? Défendre vos acquis ou en avoir davantage?

– J’aimerais garder mes droits actuels. La Suisse est un état religieusement neutre dans lequel chacun peut s’habiller comme il veut. J’aime être en niqab et je veux qu’on me respecte ainsi. Personne ne doit être forcé à porter un voile, mais chacun devrait avoir le droit de le faire.

– Mais comprendriez-vous qu’on vous demande de l’enlever, au travail, par exemple?

– Oui, au travail, je comprends, même si j’estime qu’on devrait pouvoir travailler dans des bureaux isolés. J’enlève d’ailleurs aussi mon voile lorsque je suis confrontée à un contrôle d’identité et que je dois montrer mon visage.

– Un bureau isolé, des dispenses de piscine et de gym et des écoles musulmanes. En fait, vous souhaitez créer une société parallèle.

– Surtout pas! Nous devons vivre tous ensemble. Mais dans le respect des religions. Nous souhaitons une école musulmane comme il en existe pour les catholiques et les juifs. Il s’agirait de donner des cours selon les plans d’études, tout en transmettant les valeurs islamiques aux élèves musulmans.

Nora, le voile et la démocratie

Commentaire de Judith Mayencourt, responsable de la rubrique Suisse de 24 Heures.

On la dit blonde, elle se dit heureuse. Intégralement voilée et fière de l’être. Nora Illi est la femme providentielle, celle que tout le monde cherchait pour incarner le débat sur la burqa. Pour vivre heureuse, Nora Illi a donc choisi de vivre cachée. La foi comme une tanière, le voile comme un étendard. Et une vie comme un combat. Dans toute la force de sa jeunesse, Nora Illi est une militante et ne s’en cache pas.

Mais son bonheur voilé ne change pas les données du problème. Loin d’être une obligation religieuse, le voile intégral est une arme politique. Il n’offre pas un abri aux femmes, il les contraint à disparaître. Loin des yeux, loin du monde. Le voile intégral est un objet de répression, c’est la traduction physique d’une violence institutionnelle qui prive les femmes du droit à être, à dire, à choisir, à se montrer.

Convaincues qu’elles doivent se retirer du monde des vivants, certaines femmes voilées en sont heureuses. Soit. Mais est-ce autre chose que de l’endoctrinement?

L’Occident défend une autre vision de société, où hommes et femmes existent à égalité. Sans garantie d’être heureux, mais simplement libres. Il n’y a pas d’autre choix raisonnable que de lutter contre le voile intégral. Et de nous en expliquer sans détour. Le voile intégral est une mutilation sociale. Il n’est pas dangereux, il ne menace pas la sécurité et l’ordre public. Non, le voile intégral est contraire à notre ordre social et nous ne l’acceptons pas.

Il faut le dire – le dire haut et fort – et le dire partout. Ici, bien sûr, mais aussi et surtout là-bas. C’est un long combat, un combat difficile, au nom de vraies valeurs. Et dans ce combat-là, il n’est pas permis d’avancer masqué. C’est au nom de l’égalité et de la justice qu’il faut dire non au voile intégral. Non aux femmes qui le portent. Mais surtout, non aux militants qui le défendent. Et non aux sociétés qui l’imposent.

Le vote antiminarets sera examiné à Strasbourg

Première victoire pour les opposants à l’initiative antiminarets: la Cour européenne des droits de l’homme juge recevable l’un des recours déposés après le scrutin.

antiminarets strasbourg

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) juge formellement recevable l’un des recours déposé après la votation du 29 novembre 2009. Elle va demander au Conseil fédéral de lui soumettre ses observations d’ici au 15 septembre. «Ce premier feu vert est une étape cruciale», s’est réjoui hier soir Ridha Ajmi, l’avocat des associations musulmanes à l’origine de la requête à Strasbourg introduite le 16 décembre dernier. Les quatre groupements en question sont l’Association culturelle des musulmans de Neuchâtel, la Ligue des musulmans de Suisse, la Fondation de la communauté musulmane de Genève, ainsi que l’Association des musulmans de Genève.

C’est à la suite d’un examen préliminaire que la chambre à laquelle l’affaire a été attribuée a pris sa décision. Le recours doit être annoncé au gouvernement suisse, qui devra «présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête», a précisé la CEDH.

L’émotion est retombée

Près de six mois après la votation sur l’initiative antiminarets, six recours au total ont été enregistrés auprès de la CEDH. L’émotion suscitée par le vote du peuple suisse semble se calmer. Depuis début avril, la Cour n’a reçu que deux courriers à ce propos. Interrogé à la fin janvier, un porte-parole avait affirmé qu’«une cinquantaine de lettres arrivaient chaque jour à Strasbourg».

La CEDH ne donne pas l’identité des auteurs des recours. Mais il ne semble pas que les Etats membres du Conseil de l’Europe aient décidé de s’engager dans la bataille juridique contre l’interdiction des minarets, comme ils en ont la possibilité. La Turquie s’était pourtant émue du résultat du scrutin du 29 novembre.

Il semble impossible de prévoir quand les diverses requêtes seront tranchées par la Cour. Cela pourrait prendre des années: les juges de Strasbourg croulent sous les dossiers en attente. La CEDH reçoit chaque mois 2000 requêtes de plus qu’elle n’en classe. A fin 2009, quelque 120 000 dossiers étaient pendants.

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