mercredi 7 septembre 2011

Légère baisse des demandes d’asile

En août 2011, 1729 demandes d’asile ont été déposées en Suisse, soit une baisse de 0,7 % (13 demandes) par rapport au mois de juillet (1742 demandes). Les principaux pays de provenance sont l’Erythrée, la Tunisie et le Nigéria.

Au mois d’août, 242 ressortissants Erythréens ont déposé une demande d’asile, c’est-à-dire 73 de plus (+43,2 %) qu’au cours du mois précédent. Quant aux ressortissants tunisiens, ils étaient 214 (-15,4 %), et les Nigérians 152 (-15,6 %).

Autres pays de provenance significatifs en août 2011: l’Afghanistan (115 demandes), la Syrie (87 demandes), la Chine (77 demandes), la Somalie (67 demandes) ainsi que l’Algérie (55 demandes).

Au cours du mois sous revue, 286 personnes (311 en juillet) ont pu être remises à un autre Etat Dublin, dont 173 à l’Italie (197 en juillet).

Vous trouverez en annexe de plus amples informations sur l’évolution des demandes d’asile en août 2011.

Communiqué de l’ODM

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2011-08 baisse demandes asile

teletext

Contrôle de l'exécution des renvois : la FEPS a-t-elle pris la bonne décision?

La décision de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) de se charger du contrôle de l’exécution des renvois pour une période pilote de six mois a soulevé des vagues. Était-ce une bonne décision ? La FEPS aurait pu, sans aucun doute, se tenir à l’écart de cette délicate question de l’exécution des renvois, elle aurait pu continuer à se réclamer des droits humains et de la dignité humaine sans prendre elle-même de responsabilité. Échappant ainsi au danger de se salir les mains. Aurait-elle pour autant été crédible ?

walter schmid En 1985, les Églises avaient exprimé leur position dans une déclaration à propos de la politique sur les réfugiés : il s’agissait d’être du côté des réfugiés. Cette position était courageuse, les Églises proposaient ainsi une orientation non seulement à leurs membres, mais aussi à la société. Depuis lors, elles s’y sont tenues dans tous les débats concernant la politique d’asile, même lorsque, bien souvent, les fidèles ne les ont pas suivies à l’occasion des votations.

Le fait d’être aux côtés des réfugiés n’a jamais voulu dire, pour les Églises, que tout requérant d’asile devait se voir reconnaître la qualité de réfugié, ni qu’il fallait lui accorder le droit de rester en Suisse. Mais plutôt que celles et ceux qui se trouvent dans la misère et la détresse peuvent compter sur elles. Cette affirmation concerne particulièrement les personnes les plus vulnérables, celles que l’on renvoie et dont il faut préserver la dignité, même lorsqu’elles ne peuvent pas faire valoir leur droit à l’asile.

Voici maintenant une trentaine d’années que les services d’entraide des Églises se sont chargés des procédures d’asile. Leurs représentants participent aux enquêtes. S’ils ne peuvent pas influencer directement le résultat de la procédure officielle, leur présence, leurs questions, la transmission de leurs observations contribuent à créer un climat favorable dans ces enquêtes, à élucider la situation et à garantir le respect dans la relation avec les requérants. Des milliers de militants et militantes, pour une bonne part citoyens et citoyennes engagés dans les Églises, ont accompli dans le passé ce travail utile, se chargeant ainsi d’une responsabilité concrète.

Ne pas être des auxiliaires des organes officiels de l’État

N’est-il donc pas logique que les services d’entraide et les Églises soient impliqués de façon indépendante dans le suivi des renvois ? Cela ne fait pas d’eux des auxiliaires des organismes d’État. Ils n’agissent pas à la place des autorités qui doivent prendre la responsabilité de cette tâche extrêmement pénible. Mais ils contribuent au respect de la dignité  des personnes concernées par l’exécution de cette procédure, jusque dans  cette situation extrême.

Pour un suivi crédible, il est en tout cas indispensable de bien répartir les rôles, de définir les possibilités d’intervention et de garantir l’indépendance. C’est le cas ici. Les droits humains et la dignité humaine ne sont pas des concepts abstraits auxquels on pourrait ou non adhérer. Ce qui compte, c’est qu’ils soient mis en œuvre au quotidien. Là où s’exerce la contrainte d’État, ces notions se trouvent particulièrement menacées. En s’engageant, l’Église ne perd pas de sa crédibilité, elle en acquiert si, justement, elle ne cherche pas à se dérober devant cette difficile question des renvois. (RR)

Walter Schmid* dans ProtestInfo

 

 

*Le texte de Walter Schmid a été publié dans l'hebdomadaire réformé alémanique reformierte presse le 5 août. Il répondait à Pierre Bühler, professeur de théologie à l'Université de Zurich, qui avait publié un texte critique début juillet dans reformierte presse et ProtestInfo**. M. Schmid est directeur de la Hochschule Luzern Soziale Arbeit et membre du conseil de fondation d’EPER, l'oeuvre d'entraide protestante.

**Lire ou relire le texte de Pierre Bühler, intitulé : La FEPS et les renvois forcés de l’ODM : Une décision problématique concernant un dilemme difficile

L’asile dans les ambassades, l’exception suisse menacée

Depuis 2006, 23 409 personnes ont déposé une demande d’asile à l’étranger. Le nombre augmente chaque année. Eveline Widmer-Schlumpf a proposé de supprimer cette particularité suisse. Explications.

Intrigues, coups bas et dénonciations. L’affaire des 7000 à 10 000 demandes d’asile d’Irakiens déposées dans les ambassades de Suisse, de Syrie et d’Egypte entre 2006 et 2008 qui, pendant des années, n’ont pas été traitées, agite la Berne fédérale. Christoph Blocher, alors ministre de Justice et Police, savait. Eveline Widmer-Schlumpf, qui lui a succédé, probablement aussi. Et il est difficile d’imaginer que Micheline Calmy-Rey n’était pas au courant, l’ambassadeur Jacques de Wattewille, alors à Damas, ayant lui-même demandé à l’Office fédéral des migrations (ODM) de ne pas traiter les demandes.

L’ancien juge au Tribunal fédéral Michel Féraud est chargé d’éclaircir si des fautes ont été commises et, si oui, par qui. En attendant, l’affaire a permis de mettre en exergue une «exception suisse», menacée de disparaître. Et qui s’applique non sans difficultés et zones d’ombre (lire ci-dessous).

La Suisse est actuellement l’unique pays qui autorise le dépôt de demandes d’asile dans les ambassades. Comment fonctionne le système? Concrètement, une personne qui dépose une demande dans une mission suisse à l’étranger a droit à une brève audition. Le personnel rédige ensuite un rapport et l’envoie à l’ODM, avec les documents et preuves nécessaires. Et c’est l’office qui décide si le requérant doit obtenir une autorisation d’entrée en Suisse, pour poursuivre la procédure. Exceptionnellement, s’il est impossible de mener une audition, des demandes écrites sont acceptées, précise Michael Glauser, porte-parole de l’ODM.

Entre le 1er janvier 2006 et le 1er septembre 2011, pas moins de 23 409 personnes ont déposé une demande d’asile dans une ambassade suisse. Dont 7204 Sri Lankais, 5323 Colombiens, 2739 Erythréens et 706 Turcs. De même que 5266 Irakiens. L’ODM précise qu’environ 5000 de ces 5266 dossiers sont des demandes déposées entre 2006 et 2008 qui ont été traitées dès mars 2010.

Au total, 1295 de ces 23 409 requérants ont obtenu le droit de venir en Suisse pour suivre une procédure d’asile. Parmi eux, 607 ont été déjà reconnus comme réfugiés, 133 bénéficient d’une admission provisoire et 20 ont «quitté la Suisse ou disparu», précise l’ODM. Les Irakiens ne sont que 43 à avoir reçu une autorisation d’entrée.

Au fil des ans, le nombre des demandes déposées dans les ambassades n’a cessé de grimper. Il est passé de 579 en 2000 à 2594 en 2008, 3741 en 2009, 3921 en 2010 et déjà 4247 en 2011. Avec un pic à 6218 en 2006, dû aux demandes irakiennes. C’est précisément cette évolution qui a poussé Eveline Widmer-Schlumpf à réagir. Elle a ordonné en 2008 une révision de la loi sur l’asile qui propose plusieurs mesures, dont la suppression de cette exception. Son but: éviter des «frais considérables» et que la Suisse devienne trop attractive. Le dossier est actuellement entre les mains du parlement.

La proposition n’a à l’époque suscité que peu d’enthousiasme lors de la procédure de consultation. Pour la gauche, la mesure risque de pousser des requérants à se rendre illégalement en Suisse, en mettant leur vie en danger. L’UDC la qualifiait de «superflue», car elle «ne combat pas les vrais abus». Si le PDC s’était montré favorable, le PLR était lui aussi sceptique. La récente «affaire irakienne» pourrait contribuer à changer certaines opinions. Car elle démontre notamment qu’en cas de situations particulières, où les demandes sont nombreuses, les ambassades suisses n’ont tout simplement pas les moyens suffisants pour traiter correctement les demandes.

N’y aurait-il pas aussi des pressions de la part de pays européens pour que la Suisse renonce à cette pratique depuis qu’elle est entrée dans l’espace Schengen? «Pas à notre connaissance», répond Michael Glauser. Il ajoute surtout qu’une ambassade suisse ne délivre pas de visa Schengen à un requérant d’asile, «mais un visa national de type D, qui autorise uniquement une entrée sur territoire suisse». Par ailleurs, même sans possibilité de déposer une demande d’asile dans une ambassade, une personne «gravement menacée» pourra toujours obtenir un visa pour la Suisse. C’est du moins ce que promet le Conseil fédéral. Le parlement devra trancher.

Valérie de Graffenried dans le Temps

Le précédent des Erythréens à Khartoum

L’ambassade a obtenu de l’ODM de ne plus faire passer des auditions et de privilégier des demandes écrites. Jusqu’à l’intervention du TAF.

L’affaire des demandes d’asile irakiennes en déshérence en rappelle furieusement une autre. Plusieurs Erythréens réfugiés au Soudan ont eu, depuis 2004, des problèmes similaires en venant déposer une demande d’asile à l’ambassade de Suisse à Khartoum. Selon certaines informations, l’ambassade a, après un accord passé avec l’Office fédéral des migrations (ODM), pris des mesures pour éviter de procéder à des auditions. Des Erythréens auraient ainsi, dans une certaine confusion, été renvoyés à plusieurs reprises par du personnel de la mission. Walter Donzé (PEV/LU) s’en est offusqué. Il a relevé ces inquiétudes dans une interpellation déposée en septembre 2009 au parlement. Le conseiller national s’inquiétait en particulier du sort des femmes et des enfants «qui ont pris à leur tour le chemin de l’exil face à des menaces d’emprisonnement parce que leur conjoint ou leur mari a fui l’Erythrée», et qui «attendent pendant des mois leur audition dans la ville de Khartoum hostile aux femmes».

Malgré la hausse de réfugiés

Dans sa réponse, le Conseil fédéral ne nie pas que des difficultés se sont présentées. Il commence par rappeler un arrêt de principe (ATAF 2007/30) du Tribunal administratif fédéral. Cet arrêt «précise que l’on peut renoncer à procéder à une audition pour des raisons d’organisation ou de capacités dans la représentation suisse ou à cause d’obstacles de fait dans le pays concerné». Mais dans un tel cas, la procédure se déroule par écrit en garantissant l’exercice du droit d’être entendu. Plus loin, le Conseil fédéral confirme que «suite à un échange épistolaire avec l’ambassade suisse à Khartoum en décembre 2008, l’ODM a conclu qu’en raison de la pénurie du personnel régnant sur place, il n’était en principe plus possible d’y effectuer des auditions et que la disposition d’exception évoquée par le TAF était par conséquent applicable». En gros, le feu vert a été donné pour dire aux requérants de déposer une demande écrite.

Sauf que voilà: le Tribunal administratif fédéral s’en est mêlé, le 7 juillet 2009. Et il a estimé, dans le cas d’espèce, que, «contrairement à l’appréciation de l’ODM et malgré la hausse du nombre de réfugiés sur place», la représentation suisse au Soudan était en mesure de questionner oralement les requérants. Retour à la case départ.

Un interprète engagé

Par une lettre datée du 17 juillet 2009, soit dix jours plus tard, l’ODM a informé l’ambassade à Khartoum de cet arrêt et l’a «invitée» à procéder aux auditions. «Malgré les difficultés de recrutement, l’ambassade est parvenue, le 20 août déjà, à trouver, instruire et engager un interprète. Depuis lors, l’ambassade à Khartoum procède régulièrement à des auditions sur mandat de l’ODM», lit-on dans la réponse. Le Conseil fédéral ajoute que les informations de Walter Donzé selon lesquelles l’ODM ou l’ambassade de Suisse éviteraient des auditions ou renonceraient sciemment à récolter des preuves, comme des analyses d’ADN, apparaissent du coup infondées. Reste que l’ambassade, débordée, a bien tiré la sonnette d’alarme. Et l’ODM a bien donné l’ordre, dans un premier temps, de renoncer aux auditions.

Des difficultés ont aussi surgi à l’ambassade de Suisse au Sri Lanka. La NZZ am Sonntag mentionne, elle, d’autres «irrégularités». Mais dans le sens inverse. L’ODM a, selon le journal dominical, demandé ces derniers mois à l’ambassade de Suisse à Tunis d’accorder des visas à près de 100 requérants, la plupart Erythréens, en se montrant, semble-t-il, moins regardant que d’habitude.

Valérie de Graffenried dans le Temps