mercredi 9 février 2011

Le parlement s'enflamme et réclame l'interdiction de mendier avec un enfant

Pour le Conseil d’Etat, c’est aux communes de gérer le problème. Les députés exigent une loi cantonale.

Dès qu’on parle de mendicité, la classe politique s’enflamme. Cet axiome s’est vérifié hier au Grand Conseil. La socialiste Mireille Aubert a demandé par un postulat que le canton complète sa loi pénale en interdisant la mendicité en compagnie de mineurs. «Nous sommes contre l’interdiction de la mendicité, a précisé la députée rose, mais nous ne voulons pas de l’exploitation de mineurs.»

Contre toute attente, la députée a fini par emporter une majorité de 67 voix contre 55. Le chef du Département de l’intérieur, Philippe Leuba, et une partie de la droite ont en effet soutenu que cette demande était parfaitement inutile.

Selon leurs arguments, une telle disposition violerait l’autonomie communale. Plusieurs ont cité en exemple la Riviera qui a interdit la mendicité. Et dénoncé en passant l’attitude jugée laxiste de Lausanne sur ce dossier: «La Riviera a interdit la mendicité et c’est son droit. Lausanne l’autorise et c’est son droit aussi», a asséné l’UDC François Brélaz. «Envoyer un mineur mendier est déjà un délit pénal. C’est un délit urbain et c’est donc aux Municipalités d’agir», a complété son confrère de parti Félix Glutz.

Lois suffisantes?

«Les lois actuelles suffisent, a renchéri Philippe Leuba. C’est à la police de la commune de dénoncer des cas au Service de la protection de la jeunesse, qui agira pour le bien de l’enfant, et à la justice qui peut infliger jusqu’à 90 jours-amendes à celui qui pousse des mineurs à mendier. Or Lausanne n’a jamais dénoncé aucun cas.»

«Pas du tout vrai», a rétorqué le député et conseiller communal lausannois Vert Yves Ferrari. Ce dernier a longuement cité une lettre de ce service à la commune de Lausanne expliquant que pour les Roms mendiant avec de tout petits enfants, il ne lui était pas possible d’intervenir parce que les exigences légales ne sont pas remplies dans de tels cas.

Plusieurs députés ont relevé que l’on ne voit pratiquement plus d’enfants avec des mendiants depuis l’intervention de la police lausannoise en novembre 2009. Mireille Aubert a toutefois signalé avoir vu récemment deux adolescentes tendre la main sur une place de Lausanne.

«Etre sans pitié»

«L’UDC et les libéraux-radicaux veulent interdire la mendicité à Lausanne et refusent d’interdire la mendicité avec mineurs; je suis particulièrement surpris», a réagi le socialiste Grégoire Junod qui appelle à interdire la seule mendicité des enfants: «Là nous devons être sans pitié.»

La Verte Anne Décosterd a ajouté que le respect de la Convention des droits de l’enfant doit primer sur l’autonomie communale: «En outre, sans loi cantonale, on va juste favoriser le tourisme de la mendicité avec mineurs dans les différentes villes du canton.»

En 2008, les socialistes s’étaient battus comme des beaux diables, et avec succès, contre une loi cantonale sur la mendicité. Les temps changent .

Justin Favrod dans 24 Heures

Un clandestin dans le bus des footballeurs

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24 Heures

L'accord de Dublin a montré ses limites

La décision de Berne de suspendre ses renvois vers la Grèce révèle les difficultés du système.

Le système de Dublin est malade. Le cœur du problème se situe en Grèce, porte d’entrée pour les migrants d’Irak, d’Iran, d’Afghanistan ou de la Corne de l’Afrique. Quelque 12 500 réfugiés y affluent chaque mois, et Athènes n’arrive plus à suivre. Détentions inhumaines, procédures inéquitables et souvent inaccessibles, prise en charge déficiente… Plusieurs organisations ainsi que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) tirent la sonnette d’alarme depuis de longs mois. Et le 21 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Belgique pour avoir effectué des renvois vers la Grèce. Le règlement européen survivra-t-il à cette crise? En Suisse, différentes solutions sont évoquées.

Dans l’urgence, l’Office fédéral des migrations (ODM) a suspendu, dans une majorité de cas, ses renvois vers la Grèce. Les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, la Norvège, l’Allemagne, la Finlande et le Danemark ont fait de même. La décision suisse, annoncée le 26 janvier, est saluée par les défenseurs de l’asile qui s’inquiètent d’exceptions possibles. Mais elle suscite aussi des grincements de dents: «On torpille le système de Dublin», s’exclame Christa Markwalder (PLR/BE). Car l’objectif du règlement est d’éviter que deux pays étudient une même requête. Dans ces conditions, l’accord a-t-il encore un sens? En réalité, le mal est plus profond. Susin Park, cheffe du bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein, relève un autre problème: d’un pays à l’autre, les requérants n’ont pas les mêmes chances d’obtenir l’asile. Pour les Somaliens, le taux d’acceptation peut passer de 1 à 4% dans certains Etats à 90% dans d’autres.

Comment soigner le malade sur le long terme? Une réflexion sur l’uniformisation du droit est en cours. Selon Carlo Sommaruga (PS/GE), elle doit être dynamisée. Susin Park ajoute qu’il faudrait davantage penser aux liens naturels des migrants (par exemple une famille ou des amis établis en Europe) pour déterminer l’Etat responsable d’un requérant. «Si on voulait être efficace, il faudrait résilier ces accords», tranche Yvan Perrin (UDC/NE). Avant d’ajouter que, la marge de manœuvre étant faible, on peut aussi imaginer une redistribution des étrangers entre pays européens selon une clef de répartition liée au nombre d’habitants, «à l’instar de ce qui se fait entre cantons suisses». Doris Fiala (PLR/ZH) évoque aussi la possibilité de fournir des soutiens logistiques à Athènes. Et des aides financières sur des projets concrets, comme la construction d’un camp supplémentaire.

L’Office fédéral des migrations a annoncé sa volonté d’aider Athènes. «Nous réfléchissons à un partage de connaissances, précise sa sous-directrice, Eveline Gugger Bruckdorfer. Nous pourrions par exemple envoyer des experts pour soutenir l’établissement d’une procédure d’asile efficace.» Reste à savoir si cela suffira. Car à entendre Doris Fiala, il y a urgence: «Le risque est que certains Etats finissent par ouvrir leurs frontières et laissent les autres se débrouiller.»

Caroline Zuercher dans 24 Heures